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La crise me donne raison, mais était-ce bien nécessaire

Voilà des mois que j’écris pour justifier que l’économie soit administrée et ne soit pas laissée entre les mains d’avides ou d’apprentis qui ne poursuivent que l’enrichissement personnel: ce qui ne peut que conduire le monde à la déroute. Eh bien, voilà qui est fait ! Car il fallait être bien niais pour imaginer que des prêts consentis à des emprunteurs à peine solvables et dont les revenus n’étaient pas garantis, puissent être de bons produits. Il fallait être bien niais pour ne pas penser que le moindre accident comme une longue maladie ou une, même brève, période de chômage ne mettrait pas le désordre dans ce bel ordonnancement. Cela fait penser à Sarko qui dit que tous les français veulent être propriétaires. D’ailleurs, il ne le dit plus…

Naturellement cela aurait pu se faire avec un bon fonds de garantie d’emprunt ou un sérieux management de la chose. Car il est vrai qu’il n’est pas scandaleux de vouloir être propriétaire. Qu’on administre tout cela… pour tout dire.

Et voici de de sérieux analystes ne se privent pas de dire aujourd’hui le contraire de ce qu’ils disaient hier. Mais pour le coup, ils ont raison.

Il y a quand même quelques conséquences qui méritent d’être soulignées:

– Les banques qui ne s’effondrent pas sont celles qui sont aussi banques de dépôt. Voyez cela ! C’est vous, monsieur, c’est vous madame qui, avec vos économies placées les avez sauvées. Lors de ma prochaine visite à mon agence de la Société Générale, j’entends que le directeur se prosterne à mes pieds.

– Qu’on pourrait laisser leurs maisons aux pauvres malheureux. Tant qu’à les vendre pour 3 cents autant les leur laisser et négocier un plan plus réaliste pour les jours meilleurs. Car l’Etat Américain, ce gros salopard, vole au secours des riches mais pas au secours des faibles. Ce qui ne m’étonne pas, mais révèle un manque total de moralité.

Je voudrais aussi ajouter qu’après 1929, il y eût 1930, et 31 et 33 et 36 et 39… Que la montée du nazisme n’est pas sans rapport avec les désordres économiques mondiaux. Et que, si l’on peut espérer que le risque nazi est jugulé en Europe, il y a, dans d’autres régions, de gros malades terroristes qui sont fort inquiétants.

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Notes d’économie politique 30 – 22 septembre 2008

Spanair, crash et réduction des coûts

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Tout le monde pointe le doigt, lit-on dans la presse, sur les réductions des coûts auxquelles se livre la compagnie Spanair depuis le début de cette année. On suppose que cette réduction pourrait se trouver à l’origine du grave accident survenu avant-hier, la compagnie ayant été tentée de rogner un peu sur la sécurité.
Que cette hypothèse soit au non vérifiée, on trouve là encore une illustration de l’inadaptation de l’économie de marché dans le secteur des activités humaines demandant un grand investissement sur la sécurité. Car si l’on suppose que la compagnie a rogné sur la sécurité, c’est qu’on sait bien que cela existe. Et qu’on se retrouve, une fois encore, devant une alternative dangereuse entre la sécurité des passagers et le profit. Et ce qui est plus scandaleux encore, c’est que l’économie capitaliste accepte qu’un tel dilemme puisse exister. Ce qui veut dire, en d’autres termes, que les puissances publiques n’investissent pas assez dans le contrôle.
Cette alternative a toujours existé que ce soit dans les usines où les travailleurs ont été exposés  à l’amiante ou dans les chemins de fer britanniques ou dans le naufrage du Titanic.
En matière de transport des personnes, on avait opté pour la nationalisation pour maintenir une sécurité maximale. Cela a, par exemple, parfaitement réussi pour la SNCF et pour Air France tant que cette compagnie était « nationale ». Et s’il est vrai que les prix de cette dernière furent longtemps exotiques, il n’en reste pas moins qu’une offre de transport à très bas prix n’est pas de nature différente que l’utilisation excessive des pesticides dans la culture des tomates.
Privatisations, dérèglementation, dérégulation, tous ces dogmes qui animent désormais notre économie et dont la Commission Européenne a fait son dogme, sont générateurs de risques mortels. Le seul bon sens et le seul principe de précaution devrait conduire, au contraire, en période de dénationalisation à renforcer l’administration et le contrôle de l’économie.

Notes d’économie politique 29 – 22 août 2008

Economie : des gouvernants veules et passifs !

Je suis extrêmement frappé par le discours tenus par les gouvernants devant la situation de l’économie mondiale. Ils sont là, inertes et passifs, comme si le rôle que leur a confié les électeurs n’était pas, justement, d’agir sur les évènements.
Plus généralement, je suis frappé par ce discours qui semble considérer les variations de la situation de l’économie comme des évènements qui échapperaient à tout contrôle comme s’ils étaient le produit de circonstances sur lesquelles on ne peut avoir aucune prise. L’économie française « entre en récession », nous dit-on, comme si elle venait d’attraper la syphilis. On ne dit rien des circonstances qui ont précédé et occasionné cette contamination. Comme une malédiction lancée par on ne sait quel dieu malfaisant et contre laquelle on ne peut que tendre le dos.
Or, il est patent que les signes annonciateurs de ces désordres économiques sont nombreux et manifestes depuis un certain nombre de mois. On a assisté à une spéculation financière effrénée. D’abord, on a transformé les entreprises industrielles en jouets qu’on se vendait les uns les autres, sans aucun souci autre que la plus value immédiate. On les a essorées avec vigueur pour en extirper la moindre goutte de dividende sans s’occuper de l’avenir ni des conditions de vie des travailleurs qui ont, somme toute, les producteurs de jus.
On a continué en jouant avec des « instruments financiers » et la « titrisation » de la dette avec des méthodes de fonctionnement à côté desquelles le jeu de la roulette est un aimable passe temps pour les Petites Filles Modèles de Madame la Comtesse de Ségur.
Et puis à force de jouer au con, tout leur a pété à la gueule. Et naturellement, on ne poursuit pas les immondes crétins qui ont inventé ces jeux stupides et conduit nombres de responsables de banques en érection financière sous Viagra à débander lamentablement et en faisant porter, au final, le poids de leur intempérance sur les peuples du monde.
Et pour corser le tout on a spéculé sur le pétrole, le lait, la farine, la faim dans le monde.
Et nos gouvernants impavides contemplent cet immense gâchis au nom d’une religion dogmatique du libéralisme archi-con dont la Commission Européenne s’est fait grand synode.
On montre, une fois encore que le libéralisme et l’économie de marché ne sont pas des recettes susceptibles d’apporter le moindre bien être aux habitants de la terre.

Notres d’économie politique 28 – 19 août 2008

Un partage des richesses naturelles est devenu impératif

Je me souviens. Cela avait d’abord été présenté comme un problème démographique: comment nourrir les habitants de la terre quand nous serons 5 milliards ? C’est fait. Nous sommes 6 milliards et nous risquons d’être bientôt 7 puis 8. Cette question démographique a parfaitement été bien comprise par les dirigeants chinois qui ont pris le risque d’avoir une population vieillissante plutôt que d’être incapable de la nourrir. Il y aura des conséquences, dont, notamment, le maintien à la production de personnes âgées. Mais c’est probablement le moindre mal.

Mais la Chine avait-elle le choix ? Probablement pas. Car, pour le coup, les chinois resteront membre à part entière du groupe des consommateurs légitimes mondiaux.

famine-feeding-child.1213055470.jpgD’autres nations n’ont pas encore fait ce choix. Elle devront impérativement le faire sinon une partie importante de leur population est vouée à l’extrême pauvreté et à la famine. Comme ce fut le cas dans l’histoire, il y aura alors d’épouvantables jacqueries quand ces hordes de malheureux totalement démunis voudront s’emparer des richesses des autres. Les dirigeants du sous-continent indien qui ont certainement conscience de ce problème, doivent prendre d’urgence des mesures efficaces. Quant aux nations non structurées du continent africain, elles sont dans une très mauvaise posture faute d’un système politique ayant d’autres objectifs que l’enrichissement personnel d’un dictateur et d’une oligarchie.

Face à cet effort démographique, il est indispensable de procéder à une meilleure répartition des richesses de la planète. On ne veut pas prôner ici un hypothétique et probablement irréaliste « grand soir ». Mais l’équilibre démographique n’est supportable que si les conditions politiques d’accès aux biens sont créées. Cela vise, notamment, les énormes richesses qui constituent une véritable confiscation du bien public. Ces énormes et scandaleuses richesses sont actuellement la propriété de personnes, de groupes, de sociétés ou d’institutions.

Cette inégalité terrifiante a été, quoique difficilement, supportée par les populations des pays occidentaux, tant qu’elle ne mettait pas en cause un modèle de développement dans lequel chacun recevait, ne serait-ce qu’un peu, une part de la manne. Mais il n’en est plus ainsi. Tous les citoyens de ces pays vont être frappés par ce phénomène récessif. Cela devrait renforcer la reconstitution des forces politiques révolutionnaires qui seront une menace pour la grande foire d’empoigne libérale.

On en connaît quelques symptômes dans les manifestations européennes contre les prix du pétrole et de ses dérivés: pêcheurs, agriculteurs, routiers, mais aussi et c’est nouveau, de simples consommateurs. Les gouvernements vont être contraints de prendre des mesures fiscales dirigistes. La TIPP est un impôt qui vit probablement ses derniers moments. Mais comme il devra être remplacé, on ne pourra le faire qu’en puisant là où l’on pourra puiser. C’est à dire dans les tas d’or. Et quand il n’y a plus de sanctuaires pour les tas d’or, puisque tous les pays, il faut l’espérer, finiront bien par faire de même, l’objectif sera atteint.

A coté de régulations nationales, une péréquation internationale de même type, par le biais d’organismes internationaux tels que le FMI ou la Banque Mondiale, devra avoir lieu.

Ceci n’est, naturellement que le scénario « soft » et raisonnable. Il faut espérer qu’il emportera l’adhésion. Naturellement il y en a d’autres. Bien moins plaisants. Il ne reste qu’à croiser les doigts en espérant que l’habitude de l’incurie et de l’impéritie dons les gouvernements sont coutumiers ne l’emportera pas. Une thèse économique soutient que la crise actuelle trouve son origine dans l’intervention américaine en Irak. Si cette thèse est vérifiée, elle fournit un parfait exemple des ravages que peuvent produire une bande de crétins entourant un débile profond lorsqu’on leur laisse le pouvoir de nuire.

Notes d’économie politique 27 – 10 juin 2008

Le téléchargement est-il vraiment malhonnête ?

Je crois me souvenir qu’une nouvelle loi ayant pour objectif de dissuader du téléchargement « illégal », est en préparation. A ce propos, il me vient certaines observations.

cd.1212623702.jpgLa position de l’industrie du disque peut sembler, en première analyse, justifiée. On peut considérer que le fait de télécharger de la musique au lieu de l’acheter est une spoliation. Si l’on examine les choses avec cet écran brutal et superficiel, on peut, il est vrai, le reconnaître. Mais il y a diverses considérations.

Il faut bien prendre en compte l’évolution des moeurs. Ce sont ceux-là même qui se plaignent, qui ont « désacralisé » la musique. On remarque d’ailleurs que là où sa valeur culturelle est la plus forte, dans le cas de la musique dite classique, le téléchargement est plus rare. La musique classique repose sur des valeurs éprouvées et légitimées par le temps. J’imagine mal ne pas posséder physiquement un CD quand il s’agit de musique médiévale enregistrée par des artistes courageux et inspirés. On pourra télécharger une pièce ou deux « pour voir » si l’on aime. Au final, le client déterminé fera l’acquisition. Éventuellement, le téléchargement viendra en appoint pour le mélomane qui n’a pas les moyens de s’offrir des objets dont il faut bien dire aussi qu’ils sont fort chers.

A contrario, pour la variété contemporaine, le téléchargement est plus fréquent. Mais on ne peut nier aussi que ce sont les majors qui en ont fait des produits « jetables ». L’immoralité va même plus loin, puisque les jeunes interprètes sont aussi jetables parce qu’on ne se souciera point d’un échec durables qui aurait succédé à une réussite éphémère. Une présentation correspond bien à cet état de choses, le CD 2 titres qui est vendu proportionnellement encore plus cher à une clientèle dont les moyens sont encore plus faibles. Et ceci ne date pas d’hier. Le 45 tours a correspondu à cette démarche.

Les plaignants sont des gens qui ont entassé des montagnes de profits et qui se trouvent mis à mal par une évolution de la technologie que certains d’entre eux soutiennent en même temps d’une autre main, car elle apporte par d’autres chemins, des revenus considérables. Le cas de Sony en est un exemple, qui vend en même temps des CD et des baladeurs MP3. Ce n’est pas nouveau. Sony a « inventé » le « Walkman » et l’on ne me fera pas croire que toutes les cassettes qui tournaient dans les Walkmans étaient authentiques. C’étaient déjà des disque copiés ici ou là.

Le phénomène de la copie est aussi vieux que l’humanité. Ce fut même une istitution dans les monastères médiévaux. On se souvient aussi d’une redevance qu’un député imbécile voulut appliquer aux magnétoscopes. Il y eut, en leur temps, des crises d’urticaire économique et politique qui, au final n’on rien apporté. On a inventé quelques taxes qui ont ou non survécu. Et c’est tout. A propos de taxe, on rappellera ici que les supports sont déjà taxés, y compris les CD que les entreprises utilisent pour leurs données, donc sans rapport avec la musique. Tout achat de DVD enregistrable fait l’objet d’un impôt de un euro. On ne peut qu’être stupéfait par le lobbying et la réactivité stupide de ces grands groupes qui sont prêts à piétiner sans honte leurs valeurs économiques libérales et de libre concurrence dès lors qu’il s’agit de leurs gros sous.

On objecte aussi que, contrairement au support magnétique, la copie numérique se fait sans perte de qualité. Ce qui est vrai, mais cette perte n’a jamais été un obstacle dur. Les copies de cassettes à la limite du sonore infect ont tourné dans des Walkmans sans que cela semble gêner trop fort les auditeurs. Car, ce désir n’est pas technique. Certains mélomanes sont totalement réticents à ce qui n’est pas Hi-Fi. Les jeunes s’en fichent pour un usage qui ne dépassera pas quelques semaines.

Je voudrais, à ce propos, faire état de mon expérience personnelle.

vinyle.1212623755.jpgLe disque entra chez nous quand j’avais peut-être 10 ans, sous la forme d’une platine surmontant un poste de radio. Histoire d’avoir quelque chose à écouter, mes parents firent l’acquisition d’un ou deux 78 tours avec des titres immortels de paso-doble. Il arrivait donc qu’on dansât fort longtemps sur le même morceau. Puis entra à la maison, un double 33 tours reproduisant un concert d’Yves Montand au théâtre de l’Empire. Les premiers microsillons que je vis de ma vie ! Pendant de longs mois, on en restât pratiquement là, tant les disques étaient chers. Ensuite c’est moi qui, à l’occasion de cours de musique, fit entrer Une nuit sur le Mont Chauve en 45 tours, qu’il fallait retourner au milieu de l’oeuvre. Un peu plus tard, la Symphonie Fantastique. Je me souviens que ma grand-mère que j’avais emmené me l’offrir chez un disquaire réputé à Paris, m’avait demandé au moins dix fois avant de passer en caisse si c’était bien cela que je désirais. Puis on en resta là pour longtemps au point que je suis capable, aujourd’hui encore, de chanter de mémoire toute la Symphonie de Berlioz. En ce temps-là, la musique était sacrée. Et ce ne sont pas les auditeurs qui l’ont désacralisée.

Que les temps ont changé !

La chasse au « pirate » va être ouverte. On va en attraper quelques uns qu’on va condamner à l’échafaud pour l’exemple. Et puis ce sera fini parce qu’il y a 65536 ports d’entrée sur mon ordinateur et qu’on ne pourra empêcher d’habiles informaticiens de tripoter les paquets d’octets qui se baladent sur Internet pour leur donner une honnête apparence. Tant pis pour ceux qui ont joui d’une position économiquement très confortable, mais, il faut bien le dire, assez injustifiée. Tant pis pour les actionnaires de Sony ou EMI. Je ne vais pas pleurer. Tant pis pour les artistes belges qui veulent s’enfuir au Liechtenstein pour ne pas payer leurs impôts en France.

Seuls les artistes peu connus et sincères qui travaillent à fond seront peut-être pénalisés. Mais, de toute façon, il y a longtemps que les « majors » n’en veulent pas.

Je ne peux aussi m’empêcher de penser à quelque chose. Il ya vingt ans, sous la pression technologique, je fis l’acquisition d’un lecteur de CD. Simplement parce qu’il était évident que c’en était fini du disque vinyle. Les platines commençaient à se faire rares, les têtes diamant aussi. Quant à l’industrie du disque, elle s’était tournée de façon résolue vers le numérique.

A partir de ce jour-là, j’ai non seulement acheté de nouveaux titre en CD, mais j’ai peu à peu refait ma discothèque en achetant des titres au format CD que j’avais déjà au format 33 tours. J’ai donc payé deux fois les droits. L’industrie du disque n’a pas versé une larme sur mon sort. Au contraire, elle s’est bien frottée les mains.

Chacun son tour…

Notes d’économie politique 26 – 5  juin 2008

L’économie libérale : dogme et illusion des vertus de la concurrence

Aujourd’hui la concurrence est présentée comme un moyen d’assurer le dynamisme économique et les meilleurs prix. Ce dogme est partagé par de nombreux pays, dont la France, et les instances de la Communauté Européenne qui se montrent très sourcilleuse sur cette question. Mais est-on assuré, pour le moins, que la méthode permette d’atteindre les objectifs poursuivis ?
On commencera, tout d’abord, que l’économie de marché et la concurrencent furent bien avant les nationalisations. Le développement industriel au XIXème siècle fut assuré par des entreprises privées dont le capital était familial ou composé par des participations d’actionnaires. Ainsi furent des secteurs qu’on nationalisera par la suite, tels les charbonnages ou les chemins de fer, par exemple.
Après le Front Populaire et la Seconde Guerre Mondiale, en France, un certain nombre de secteurs se retrouvèrent nationalisés pour plusieurs raisons.
La première était l’aspect stratégique, au sens militaire du terme : ainsi, en était-il de la production d’énergie, des transports, du service postal, des télécommunications. On en comprend aisément le sens : il aurait été tout à fait pernicieux qu’en cas de conflit, des secteurs aussi déterminants pour la conduite des opérations puissent être entre des mains mercantiles et même<étrangères.
Un autre aspect concerne la recherche et le développement. Il est, en effet, très facile d’obtenir d’entreprises nationales qu’elles mettent en œuvre des programmes de recherche même si l’intérêt économique n’apparaît pas immédiatement. Le TGV aurait-il été inventé si la SNCF n’avait pas été entreprise publique ? Et quid de la filière nucléaire française, réputée par sa qualité et sa sécurité, si EDF avait été privée ? France Telecom aurait-elle déroulé tant de kilomètres de fibre optique et développé le réseau RNIS ? On n’aurait certainement pas construit Concorde si l’état n’avait pas été autant impliqué dans l’industrie aéronautique. Car même si le programme Concorde a été abandonné en raison du coût des carburants, on ne peur faire l’impasse sur les technologies dérivées.
Par nature, dans un état raisonnable et non corrompu, l’industrie nationalisée vise autant l’intérêt général que les profits évidemment nécessaires.
Un troisième aspect concerne l’aspect social. Tout le monde a lu Germinal et se représente donc très bien l’impact terrible sur les ouvriers de la fermeture des puits d’extraction charbonnière non rentables. Dans un environnement libéral, la situation des ouvriers débauchés est laissée à la charité publique où à la conscience, rare, des maîtres des entreprises. Face à Germinal, on peut se souvenir de ce que fut la liquidation progressive de Charbonnages de France. Certes, ceci ne fût sans conflit. Même sans dur conflit. Mais, au demeurant, la puissance publique eut à cœur d’atténuer autant que faire se pouvait l’impact social de la fermeture des puits.
Naturellement, sur la base de l’industrie métallurgique française, on peut gloser sur les nombreuses aides de l’état qui n’ont pas empêché la fin prévisible. Mais on pourrait aussi se poser la question du maintien de certaines industries, même si elles ne sont pas tout à fait rentables, en mettant dans la balance des coûts sociaux tels que le chômage ou les pré-retraites et toutes les conséquences telles que la précarité sociale, l’alcoolisme, la délinquance, la drogue, etc..
Privatisation et concurrence sont devenus des dogmes.
On va même jusqu’à des positions délirantes. Quel intérêt peut-on trouver à faciliter la création de fournisseurs virtuels de communications téléphoniques ? Voilà des sociétés qui ne possèdent rien, par un mètre de paire de cuivre ou de fibre optique ! On pourrait au moins leur imposer de s’impliquer dans les investissements ! Car si les vendeurs de minutes se bousculent, rares sont ceux qui s’impliquent auprès de France Télécom ou de Cégétel ou de la SNCF pour tirer de la fibre. Et quand ils le font (voir l’exemple de Free) c’est dans des secteurs à rentabilité rapide. Tout ceci au détriment de l’aménagement du territoire.
Car avant d’être privatisées, EDF, la SNCF, La Poste, France Télécom, ont contribué à cet aménagement en apportant leur service dans les endroits les plus reculés. Qu’en sera-t-il bientôt des agriculteurs du Massif Central ?
La notion de Service Public est indissoluble de celle d’Aménagement du Territoire. En privatisant, on laisse les situations peu ou non rentables à la charge de la collectivité. C’est ainsi que certains Conseils Généraux en sont à poser de la fibre optique pour distribuer Internet dans un maximum de communes. Est-ce vraiment la mission des Conseils Généraux ?
Enfin, il y a l’illusion de la concurrence censée faire baisser les prix. Et là, il y a plein de contradictions. Ainsi, France Télécom doit faires des bénéfices pour distribuer du dividende. Si la concurrence conduit à baisser au plus bas les prix de vente, alors le dividende baisse ou devient nul. Pour le coup, c’est le cours de l’action qui baisse aussi et la valeur de l’entreprise passe en dessous de sa valeur réelle permettant l’achat massif par des spéculateurs. La concurrence ne peut donc jouer pleinement. Et comment y parvenir : l’entente.
Il est remarquable que, dans le secteur des télécommunications, les trois opérateurs ont été condamnés pour entente illicite. Ils ont payé l’amende ou procédé d’appels en appels. Au final, le consommateur est loin d’être gagnant. Il n’est pas rare que des infractions de ce genre soient relevées, dans la grande distribution, par exemple, où « l’alignement » des prix fait sourire. On relèvera aussi l’exemple de l’optique (secteur mutualiste à part) où les différences de prix s’appuient, pour l’essentiel, sur des différences de qualité ou des artifices tels qu’il est impossible de s’y retrouver (comme dans les forfaits de téléphone et bientôt d’électricité).
Privatisation et concurrence sont des dogmes. Des centaines de contre-exemples peuvent être avancés tant dans la question des ententes que dans celle des coûts non intégrés et laissés à la charge de la collectivité. Il serait bon que les citoyens en prennent conscience et exercent des pressions corrélées sur les élus.

Notes d’économie politique 25 – 1er juin 2008

Le choc pétrolier ou l’incurie des gouvernants du monde

Bien des questions se posent à propos de la phénoménale augmentation du coût du pétrole.
mblanche.1212272776.jpgLa première concerne l’impuissance des gouvernements. Et c’est tout de même fort ! Comment la comprendre. Passe encore s’il s’agissait de pays producteurs. Mais ce n’est même pas le cas. Les USA subissent. Toute la Communauté Européenne subit. L’Inde subit. Même la Chine subit ! Les pays producteurs affirment que, pour une bonne part, cette inflation est d’origine spéculative. Si cela est exact, cela veut dire que l’ordre économique mondial est, actuellement, entre les mains de quelques dizaines de spéculateurs et que les gouvernements des états libéraux sont dans l’incapacité totale d’agir.
La deuxième question concerne la réalité de la production.
On nous dit, comme si l’on s’en apercevait subitement, que la demande des états émergents croît de façon importante.
Ceci était-il prévisible ? Evidemment oui. Quelles dispositions ont-elles été prises pour tenir compte de ce facteur ? Apparemment aucune.
On nous dit, et là depuis quand même un certain temps, que les réserves pétrolières diminuent de façon sensible.
downingst.1212272927.jpgQuelles dispositions ont été prises par nos gouvernants ? Très peu. La plupart des programmes de recherche ont été initiés par des chercheurs indépendants ou des groupes industriels de façon dispersée. En fait, on attend que la production d’énergie de substitution devienne rentable pour déployer les programmes de recherche. Mais ceci aurait dû être fait avant afin d’éviter la douloureuse période transitoire. De plus, cette question n’a été pratiquement traitée qu’en termes économiques. Le fait que l’économie humaine ait consommé en 150 ans le pétrole que l’évolution géologique a mis des millénaires à constituer n’est évoqué que de façon anecdotique.
On peut regretter et déplorer l’attitude des personnes individuelles et des entreprises industrielles ou commerciales sur cette question. Mais qui, au demeurant, a la charge d’organiser et de déployer une politique adaptée sinon les gouvernements qui sont, normalement, là pour ça?

elysee.1212272805.jpgDepuis longtemps, les gouvernements ont fait des produits pétroliers, notamment du carburant automobile une source de revenus grâce à des taxes élevées (notamment dans la plupart des pays d’Europe et particulièrement en France). Ceci se concevait, dès lors qu’il s’agissait d’un produit bon marché et sans que ceci père de façon exagérée sur l’économie et le budget des ménages. Aujourd’hui, pour nombre de citoyens qui doivent utiliser leur automobile pour aller à leur travail ou s’approvisionner, le carburant est devenu un produit de première nécessité. Il en va de même pour un certain nombre de professions.
L’intelligence consisterait à prendre acte du changement de statut de ce produit et d’adapter en conséquence le système de taxation quitte à redéployer ces taxes vers des produits moins indispensables. Ou sur des produits d’importation qui concurrencent l’économie locale. On constate qu’il n’en est rien. Cette hypothèse est rejetée d’un revers de main par ceux qui nous gouvernent tant les soi-disant bénéfices fiscaux qui en découlent sont séduisants.
C’est ignorer l’impact secondaire, notamment sur le revenu des ménages et la consommation. Dans des pays, comme la France, où le développement est fortement appuyé sur la consommation intérieure, cette attitude est dangereuse.
Dans cette affaire, on constate donc que, pour l’essentiel, les régimes libéraux tenants de l’économie de marché n’ont rien prévu et se laissent aller à la politique du chien crevé au fil de l’eau. Cette absence de volonté, cette impuissance, remet le monde entier entre les mains des dangereuses puissances de l’argent.

Notes d’économie politique 24 – 1er juin 2008

La finance folle ne doit pas nous gouverner

C’est sous ce titre que Jacques Delors, Lionel Jospin et plusieurs autres anciens premier ministres ou ministres de l’économie ou des finances de divers pays européens, publient, dans Le Monde du 22 mai, un appel à la constitution d’un « comité de crise européen pour apporter des réponses solides à la crise actuelle des marchés ».

Suivent diverses analyses de la situation actuelle et de ce qui en a été la cause, notamment l’attitude des marchés sur la question des prêts hypothécaires qui se sont révélés douteux. Ils montrent que « l’industrie financière est incapable d’auto-régulation », ce qui, il faut bien le dire, n’est pas un fait nouveau. La seule recherche qui motive cette « industrie » étant celle du profit, si possible à court terme, sans aucune considération envers l’intérêt général, on ne voit pas comment elle s’auto-régulerait.

L’histoire est pleine d’évènements spéculatifs depuis le système de Law à la crise de 29, en passant par les emprunts russes , le tunnel sous la Manche et autres montages hasardeux où tout le monde a embobiné tout le monde, faute d’analyse sérieuse et de systèmes de freinage. Les spéculateurs sont comme les joueurs du casino. Ils sont totalement irrationnels.

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Les auteurs rappellent, de surcroît, que les « subprimes » ont été très bien notés par les meilleures agences de notation mondiales. Voilà qui démontre bien l’incompétence de ces organismes, composés eux-mêmes de spéculateurs ou d’anciens spéculateurs ruinés et aigris. Et l’on sait bien que la science économique et financière est bien loin d’être une science exacte qui ne s’est pas encore totalement libérée de l’impressionisme de certains gourous.

Continuant dans leur logique, les auteurs souhaitent donc que les « instruments financiers » fassent l’objet, au moins en Europe, d’une réglementation. Et continuant encore dans leur analyse et l’étendant à l’économie de marché et au capitalisme, ils vont jusqu’à écrire que « les marchés libres ne peuvent faire fi de la morale sociale ». Ils ajoutent: « le capitalisme décent (…) requiert une intervention publique efficace ».

Voici bien contradictions et naïveté. Sont-ils autant ignorant de l’histoire économique et politique du monde au point d’ignorer que chaque fois que ce principe n’a pas été suivi, il s’en est ensuivi des crises et des désastres? Demander l’intervention publique, c’est l’économie administrée. Bienvenue au club. Dommage, messieurs que vous ne l’ayez fait et verrouillé quand vous étiez au pouvoir.

Et qu’attendent nos gouvernants actuels ?


Notes d’économie politique 23 – 25 mai 2008

Le prix du pétrole et des denrées alimentaires ou le dérèglement absolu de l’économie de marché

Chacun, qu’il soit spécialiste ou non, y va de son couplet sur les motifs et la légitimité apparente de l’évolution du cours du baril de pétrole. Mais l’objectivité consiste à reconnaître que ce qui se passe actuellement est totalement exagéré. Car s’il est vrai que la demande mondiale tend à s’accentuer, elle ne l’est pas, proportionnellement, en rapport avec l’augmentation des prix. C’est une loi dont la légitimité n’est apparemment justifiable que dans le cadre de l’économoie sauvage qui est qu’un produit devient de plus en plus cher parce qu’il devient de plus en plus rare ou parce qu’il est de plus en plus demandé.

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L’absurdité de cette loi apparaît encore plus facilement si on l’applique aux denrées alimentaires. On explique l’aumentation du prix du riz par la hausse de la demande. Mais cette variation du prix n’est pas directement liée aux coûts de production. Elle est purement spéculative. Ceux qui détiennent du riz savent qu’ils peuvent vendre plus cher car il y a des acquéreurs à tel prix. Voici donc qu’au fur et à mesure qu’une partie de plus en plus importante de la population mondiale se trouve en état de consommer davantage, les prix montent ce qui a pour effet de restreindre le nombre des bénéficiaires. Plus il y avait de pauvres, moins le riz etait cher ! Ceux qui s’extraient à grand peine de la pauvreté doivent, en plus de l’effort que ceci leur demande, produire un effort supplémentaire pour pouvoir acquérir ce qui leur est nécessaire.

Une part des bénéfices de ceux qui vendent du riz peut être considéré comme enrichissement sans cause puisque leur richesse croît sans qu’il aient eu à produire un effort supplémentaire. Et ceci n’a aucune retombée sur les clients. C’est du vol.

On dit que le premier choc pétrolier fut à la fois le produit d’un rapport entre le niveau de production limité par les pays producteurs et la nécessité pour les compagnies pétrolières de faire face à l’augmentation des coûts de la prospection de plus en plus compliquée. Si tel etait le cas, l’augmentation eût été presque légitime. Demander aux consommateurs de financer la recherche qui permettra de maintenir un certain niveau de production, au moins pendant un certain temps, n’est pas scandaleux, si tel est vraiment le cas.

Si la recherche, la production et la commercialisation du pétrole étaient administrée par une autorité compétente, on pourrait volontiers imaginer que le prix du brut serve aussi à financer des recherches vers l’exploitation de gisements plus onéreux ou à la recherche et au développement d’énergies alternatives. Mais il n’en est rien. Les pays producteurs engrangent des recettes plus élevées, suivis en cela par les compagnies pétrolières et les états dont les taxes augmentent. Au final, le consommateur paiera au moins deux fois: une fois au titre de cette évolution spéculative et une deuxième fois pour financer la recherche des énergies nouvelles.

C’est ainsi que l’économie de marché atteint son dérèglement maximum. Elle ne fonctionne pas au bénéfice des peuples de la terre. Une part de la richesse disponible dans les gisements de pétrôle dont au demeurant l’ensemble des êtres qui peuple la planète peuvent s’estimer propriétaires est confisquée par quelques uns que le hasard ou l’opportunisme a placés au bon endroit.

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L’économie planifiée, on le pressent alors, fonctionnerait tout autrement et produirait de tout autres effets. Dans ce cadre, la production d’hydrocarbures serait gérée pour permettre, au meilleur coût, la satisfaction des besoins essentiels des citoyens. Et comme il en serait besoin, depuis bien des années, on aurait développé l’action vers les énergies renouvelables, y compris vers celles qui sont peu productives de gaz carbonique et peu génératrice d’effet de serre. Pour le coup, l’humanité se serait trouvée mieux préparée à passer le cap de l’inévitable conversion vers d’autres sources énergétiques.

Or, aujourd’hui, il n’en est rien. Tout se fera dans l’urgence et probablement pas sans coût humain simplement parce qu’un petit nombre se sera attribué la richesse d’un bien planétaire sans contribuer, en contrepartie, au progrès de l’humanité. Nous sommes en présence du plus grand racket jamais commis dans notre histoire.

Notes d’économie politique 22 – 23 mai 2008

Les « instruments financiers »: la loterie, la roulette (russe)

bourse.1210807154.jpgJe sorts d’un échange avec une personne qui s’y connaît un peu et qui m’expliquait ce qu’étaient les « instruments financiers » et autres gri-gris de la Bourse. Dans mon esprit rustique, j’imaginais encore que la Bourse était un lieu destiné à lever des capitaux pour des projets industriels ou commerciaux. A dire vrai, soyons honnêtes: depuis l’affaire de Jérôme Kerviel, et même auparavant, j’imaginais bien qu’il y avait autre chose. Enfin, je savais bien qu’on pouvait acheter des actions pour les revendre plus cher, même qu’on pouvait vendre aujourd’hui des actions qu’on ne possédait pas en espérant les acheter moins cher que le prix de vente avant le jour de la livraison, ce qui représente déjà une belle forme de perversité.

Mais je restais dans l’idée des actions et des obligations. Je savais bien qu’on pouvait spéculer en pariant sur le développement économique de la société dont ont était actionnaire. Bon. Mais il y avait un risque que je qualifierait presque de légitime.

Mais voici qu’on m’explique un… Un quoi donc ? Ce n’est même pas un titre. Qu’est-ce ? Cela se nomme un « swap ». Ce mot, en anglais veut dire « troquer ». A vrai dire « un swap de taux d’intérêt est un échange de conditions de taux d’intérêt portant sur des montants de capitaux identiques« . J’ai regardé dans divers endroit. La définition est toujours la même. Bon. Mais, concrètement, on échange quoi ? Et là, tout mon bon sens ordinaire d’un type qui a quand même un bon Q.I. a disjoncté. Surtout qu’on m’explique, de surcroît, que ces variations de taux d’intérêts ne reposeraient pas sur des données réelles, mais sur des « avis » ou des « recommandations » de certains « spécialistes » ou « experts ». Là toute ma bonne volonté et toute mon envie de comprendre m’ont subitement quittés quand je me suis demandé à quoi cela pouvait bien servir ? Et mon interlocuteur de conclure son exposé auquel j’étais loin de tout comprendre (voir le mal que j’ai à en faire compte-rendu) en me disant qu’au bout du compte c’est une vraie loterie.

Quand je m’efforce de lire les Prolégomènes à toute métaphysique future qui aura le droit se présenter comme science, je pressens que cette étude m’apportera des éléments de compréhension de l’humanité. Quand j’approfondis la structure moléculaire de l’ADN et de l’ARN et la manière dont l’un et l’autre son liés dans la fabrication des protéines, je pressens aussi que je vais avancer dans la connaissance. Mais un échange de conditions de taux d’intérêt portant sur des montants de capitaux identiques ? J’ai bien peur que cela ne serve à rien d’autre qu’à dépouiller quelqu’un.

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Cette dérive, capitaliste et libérale probablement, inutile et pernicieuse certainement, ne doit son existence qu’à la tolérance des pouvoirs publics et du législateur qui y trouve son compte ou, plus probablement, n’y comprend rien comme moi. Pendant ce temps, certaines personnes ou certaines banques gagnent beaucoup d’argent pendant que d’autres en perdent autant sans qu’à aucun moment, cela ait contribué d’une quelconque façon, à l’amélioration des conditions de vie de la grande masse des citoyens du Monde.

Il est donc indispensable et salubre de mettre fin par la loi à ces pratiques inutiles et stériles.

Notes d’économie politique 21 – 15 mai 2008