Voici venu le temps de la dictature.
Qu’est-ce qu’une dictature ? Un régime politique instauré par un dictateur.
Qu’est-ce qu’un dictateur ? Un chef d’état qui gouverne arbitrairement et sans contrôle démocratique.
En sommes nous arrivé là ? Cela y ressemble fort. Nous avons un Président qui décide beaucoup, euphémisme pour dire qu’il décide de tout. de tout. Y a-t-il un seul ministre pour le contredire ? Jamais. Y a-t-il un seul député de sa majorité pour le contredire ? Jamais. Y a-t-il un seul sénateur de sa majorité pour le contredire ? Jamais. Il y a seulement députés et sénateur de l’opposition qu’on laisse causer à leur guise, dans le vide. La majorité est ailleurs et elle est servile sauf Monsieur Dupont-Aignan qu’on laisse aussi causer dans le vide. Et même s’il arrive que , par extraordinaire, un vote ne convient pas au gouvernement, donc à celui qui le dirige, on vote de nouveau et dans le bon sens, cette fois. A la marge, on jette parfois quelques cacahuètes aux élus de la majorité, pour qu’ils aient l’impression d’exister.
Le pouvoir exécutif se trouve donc entièrement entre les mains du Président de la République. Le pouvoir législatif, par sa soumission, s’y trouve également.
Reste le pouvoir judiciaire. Il y a toujours eu des juges serviles et des juges qui ne l’étaient pas. Qu’à cela tienne ! On réforme à tout va, dans le sens qu’on imagine : celui qui rendra les juges encore plus dépendants du pouvoir. Fini les juges d’instruction teigneux qui envoyaient des hommes politiques en correctionnelle. Vivent les parquets bien obéissants.
Objection, encore : il y a des institutions de contrôle, comme la Cour des Comptes. Certes, mais a-t-on jamais vu des fautes relevées par la Cour des comptes qui ont donné lieu à des sanctions ? A-t-on jamais vu la Commission Nationale Informatique et Liberté s’opposer fermement à des agissements du pouvoir.
Resterait alors le pouvoir des exécutifs des collectivités territoriales (communes, départements, régions) qui ne sont pas toutes du même bord que le parti au pouvoir. On pourra parler de cette opposition. Pour peu de temps. Le Président a décidé de s’attaquer à la Taxe Professionnelle qui constitue l’une des meilleures sources de revenus de ces collectivités. Au motif que cette taxe est mal fichue, ce qui est vrai, on la supprime alors qu’on aurait pu, sagement, étudier les façons de faire afin qu’elle soit mieux répartie. Entre temps, l’État promet de compenser jusqu’au dernier centime. Le gouvernement prend les gens pour des idiots. L’État a-t-il jamais compensé une perte de revenu de cette sorte ? Bien sûr que non. Dans un an, ces collectivités seront à genoux.
On peut aussi évoquer le pouvoir économique dont on sait bien qu’il existe dans le monde présent et dont on sait aussi qu’il peut contrer le pouvoir politique. Il y a deux sortes de pouvoirs économiques : celui qui produit pour créer de la valeur et enrichir les actionnaires; celui qui produit pour créer et maintenir l’emploi. On voit bien de quel côté penchent les dirigeants actuels qui se sont davantage empressés de renflouer les banques que de chercher des solutions au chômage. Et puis, il n’y a qu’à regarder vers quels amis penche le Président : tous ceux qui l’ont accompagné lors de la désormais célèbre « Nuit du Fouquet’s », au soir de son élection à la Présidence. Il n’y a qu’à regarder qui sont ces amis qui prêtent des bateaux et bien d’autres choses encore.
Venons-en aux services publics. Les services publics ont souvent été, par le passé, des foyers de résistance. Les salariés sont plus protégés que d’autres, ils peuvent donc s’engager plus facilement dans des luttes syndicales. Les actions des membres de ces services publics peuvent occasionner d’importants désordres par des grèves de l’énergie, des transports, des télécommunications, pour s’opposer au pouvoir politique. L’histoire de France est scandée par des grandes grèves qui ont fait reculer le pouvoir. La plus récente est celle de 1995 contre le « plan Juppé ». Dans la conjoncture présente, faute de pouvoir les maîtriser les agents publics, il faut donc s’en débarrasser. Par chance, l’idéologie dominante en Europe est hostile aux services publics. Et s’il est vrai que ces derniers ne sont pas toujours des exemples de productivité, on peut imaginer qu’il y aurait d’autre solution que de les vendre. Les vendre, c’est mettre le personnel dans une situation d’instabilité professionnelle qui aura pour effet de faire considérablement baisser le potentiel de réaction, voire de révoltes. C’est ainsi que le Président, continuant l’œuvre de démolition de son prédécesseur, a vendu Gaz de France, après avoir promis qu’il ne le ferait jamais. Ensuite on confie ces entreprises à des dirigeants bien serviles parce qu’on les couvre d’or, pendant que les salaires stagnent et que le chômage augmentent.
Il existe un autre rocher bien résistant : l’Éducation nationale. Il y a là une majorité de fonctionnaires qui se sont montrés souvent difficiles à manipuler. Ces agents de l’état ont, pour la plupart une haute opinion de leur travail pour la défense de la liberté et de l’égalité. Le potentiel de nuisance de cette corporation est très élevé. La manœuvre devient alors toute simple. On ne renouvelle pas les postes. On ne remplace pas ceux qui partent à la retraite. Pendant que les enseignants se battent pour le maintien de leurs effectifs, ils ne voient pas, ou trop tard, s’avancer les réformes. Et comme on laisse l’enseignement public aux prises seul avec tous les problèmes de société, on déroule le tapis rouge sous les pas de l’enseignement privé qui ne s’est jamais montré très critique avec le pouvoir de droite. pPrallèlement, sous couvert d’autonomie, on entame le processus de privatisation des Universités et on saccage le processus de formation des maîtres.
Dans le même mouvement, on restructure l’hôpital public, lieu d’accueil de toutes les souffrances et de toutes les détresses de la société, pour rentabiliser les soins et en transférer une bonne part qui rapporte plus vers les cliniques privées. On institue ainsi une médecine à deux vitesses qui éliminera les plus pauvres en faisant baisser leur espérance de vie. Ce n’est pas de l’eugénisme, mais d’une certaine façon ça y ressemble…
Enfin, il y a la police. Jusqu’en 1981, la police, en France, a eu tous les droits. Protégée par le pouvoir politique, elle pouvait se permettre d’arrêter et de mettre en examen à sa guise, notamment au cours de contrôle « au faciès ». Lorsque la gauche est venue au pouvoir, il est devenu clair que la police ne pouvait plus tout se permettre. Lorsque le 6 décembre 1986, un étudiant étranger du nom de Malik Oussekine meurt sous les coups des « voltigeurs », la France entière est dans la rue. Ceci ne serait évidemment plus possible sous un régime autoritaire. Cela n’est probablement plus possible aujourd’hui lors que l’on ne compte plus les arrestations arbitraires et les gardes à vue injustifiées.
Ainsi sont réunis tous les éléments de l’organisation d’une dictature : un exécutif fort, dominé par un seul homme, sans aucun contre-pouvoir législatif ou judiciaire ; une alliance de ce pouvoir avec un pouvoir économique dominant qui ne vise que l’enrichissement d’une minorité ; un affaiblissement du pouvoir syndical ; le transfert des services publics susceptibles de résistance vers le privé ; une police aux ordres et livrée à elle-même au quotidien.