L’élève, le fusil et le Saint Esprit

L’élève, le fusil et le Saint Esprit

Chroniques des abonnés du Monde 22 novembre 2009

saintesprit.1258913012.gifVoilà qui ferait bien une fable… Mais ce n’en est pas une.
Il a 13 ans et demi. C’est encore un enfant. Il a, dit-on, une passion un peu trop grande pour les jeux vidéo. Sans doute est-il un peu en dehors de monde réel.
L’enfant a pris un fusil de chasse et des cartouches pour aller tuer ses professeurs. On dit pourtant que c’était un élève calme. Qui avait de bons résultats. Un bon élève, quoi !
Oui, mais les résultats étaient en train de fléchir. Pourquoi ? Sait-on bien les raisons qui font que les résultats d’un élève fléchissent ?
Mais c’était ennuyeux qu’ils fléchissent parce que les professeurs le lui faisaient savoir.
Le Saint Esprit n’aime pas que les élèves fléchissent. Le Saint Esprit aime bien avoir 99 % de réussite au brevet et au baccalauréat.
D’ailleurs quand les élèves fléchissent trop, le Saint Esprit leur montre la voie de la sortie. Comme cela, il n’y a pas d’influence sur le pourcentage de réussite.
On dit que l’élève a bien mal vécu. Peut-être a-t-il vécu cela comme injuste ? Peut-être a-t-il pris peur de voir s’ouvrir la grande porte vers le dehors ? Et que lui a-t-on dit ? Il y a des mots qui blessent. Il y a des mots qui affolent. Il y a des mots qui font peur. On ne sait pas pourquoi.
Alors il a pris le fusil de chasse et 25 cartouches.
Pour aller tuer ses professeurs.
Mais ses parents s’en sont aperçus et ont averti la police.
L’élève a vu la police et il s’est enfui.
Alors, il n’a tué personne. Il n’a menacé personne.
On dit qu’il pourrait être condamné à 20 ans de prison !
Voilà un enfant qui est maintenant entre les mains de la justice.
Et voilà une famille qui doit être bien malheureuse.
Et si l’on profitait de cette chance qu’il n’y ait pas eu de victimes pour réfléchir.
Le Saint Esprit comprendra-t-il que sa pression est trop forte et qu’il y a des élèves qui ne peuvent la supporter. Et quel intérêt d’avoir 99% de reçus au bac. Quelle ridicule comparaison avec les lycées de la ville qui ont 96% ou 97% et qui ouvrent si peu leurs portes dans le sens de la sortie. Pour quelques pour-cent ?
N’est-il pas temps que cesse cette perpétuelle compétition qui divise les hommes au lieu de les unir ?

Bakounine