Archive dans 20 février 2010

Des chercheurs refusent des primes de milliers d’euros

Ci-dessous le contenu intégral de la lettre  que François Bonhomme, Directeur de recherche au CNRS, a dressé à la direction du C.N.R.S. et dont il est question ce jour dans Rue 89 sous le titre : Ces chercheurs qui refusent des primes de milliers d’euros

« Monsieur le Directeur Général,

J’accuse bonne réception de votre lettre de la semaine passée par laquelle vous m’annonciez que j’allais être bénéficiaire d’une prime d’excellence de 15000 euros au titre de la médaille d’argent du CNRS que j’ai reçue en 1996.

Vous me voyez flatté d’avoir été considéré digne de cette gratification, mais je suis dans l’obligation morale de la refuser pour mettre mes actes en conformité avec mes convictions. Je ne suis pas du tout partisan, en effet, de la politique de différenciation salariale qui est en train de se mettre en place dans la recherche publique française. En effet, la culture dite « de l’excellence » qui conduit à gérer les équipes de recherche d’une manière pyramidale avec une mise systématique en concurrence soutenue des individus pour l’accès aux ressources, y compris pour ce qui concerne des avantages salariaux directs me semble plus porteuse d’abus, de déconvenues et d’effets pervers que d’être une simple mise en musique d’un concept vertueux de rémunération au mérite (un peu à la manière du « parce que je le vaux bien » de l’Oréal…). Je ne suis pas complètement naïf, et je ne me berce pas de l’illusion d’un monde égalitaire où, tout le monde étant beau et gentil, chacun concourrait à la réussite collective en étant content de son sort à la place qu’il occupe. Non, dans la recherche scientifique, comme dans tout autre domaine professionnel, les acteurs sont essentiellement à la recherche de l’optimisation de leur statut personnel, que ce soit en termes de reconnaissance individuelle, de liberté d’action ou de niveau de vie. Mais ils apprécient aussi de ne pas se sentir en concurrence trop directe avec leurs collègues, et la différenciation des salaires qui se fait par le biais de promotions sur dossier ou sur concours, si elle est parfois jugée trop lente, n’est en général pas contestée sur le fond car principalement décidée par les pairs. Ceci permet aux acteurs de la recherche publique française, qui sont en général venus à ce métier par passion, de se sentir à l’aise dans ce système relativement protégé qui ne ressemble pas à celui de la recherche industrielle et qu’ils ont précisément choisi pour cela. Je reste donc convaincu que le système de primes qui est en train de se mettre en place ne va pas dans le bon sens, et qu’il vaudrait mieux que le CNRS utilise cette fraction de sa masse salariale à améliorer les promotions et les recrutements, y compris dans le cadre technique, plutôt que de nous acheminer par petites touches insidieuses vers un système de compétition systématique de tout le monde avec tout le monde dans lequel des « capitaines de recherche » négocieront leur salaire à l’embauche tout en ayant à leur service une armée de contractuels taillables et corvéables à merci. Ce système existe bien entendu déjà ailleurs, ce qui fonde au passage la motivation de nombre d’entre nous d’avoir choisi de rester dans le cadre français… En conséquence, je vous demande de bien vouloir donner les instructions pour que je ne sois pas bénéficiaire de cette prime étalée sur quatre ans. Je vous demande en outre de reverser les sommes correspondantes à la Fondation de France, fondation qui me semble poursuivre des objectifs plus acceptables que ceux qui sous-tendent les actuelles réformes du système français de R&D. Merci également de bien vouloir partager le contenu de cette lettre avec ceux des membres de la direction du CNRS ou du ministère qui partagent avec vous la responsabilité de la mise en place de cette prime.

Veuillez agréer, Monsieur le Directeur Général, l’expression de mon sincère dévouement à la cause de la réalisation des objectifs et des missions de la recherche publique de notre pays,

Montpellier, le 23 Décembre 2009

François Bonhomme, Directeur de recherche au CNRS »

 

L’ouragan de la connerie souffle sur l’Université

Il va falloir se détendre. Il va falloir mettre à la cape, car voici l’ouragan de la connerie qui souffle sur l’Université. Nous avons manifesté, nous avons écrit de beaux articles et de belles lettres, parce que nous savons bien écrire. Mais tout ceci n’a servi à rien et ne servira à rien. Comment lutter avec des gens qui nous gouvernent et qui sont insensibles à ce qui nous anime et nous motive : la science et la raison. Ces gens-là, ne savent pas ce qu’est la science. Ils gouvernent à coup de vérités toutes faites et jamais vérifiées. Ils pérorent dans leurs thèses préconçues jamais mises à l’épreuve de l’expérience avant de les jeter sur le monde et d’en faire des lois stupides. Ils ne lisent pas. Ils ne savent rien et ne doutent guère. Pour ce qui concerne notre institution universitaire, ils se complaisent dans un modèle anglo-saxon dont ils ne connaissent que l’apparence et qu’ils n’ont pas plus étudié que le Lai de Lanval. Nous n’avons rien de commun avec ces gens-là.

Sans doute, l’histoire trouvera-t-elle que nous sommes en train de parcourir les pires moments de la République. L’humanisme dont les gouvernants étaient empreints, même s’ils étaient de droite (je pense à de Gaulle ou à Pompidou, pour ceux que j’ai connu), l’humanisme ne vaut plus rien. Les chercheurs, les enseignants, comme tous les autres, sont priés de faire la course au pouvoir, à la domination, à l’argent, aux honneurs de pacotille, pour trouver place au moment de la Nuit du Fouquets. Et il y a beaucoup de gens, dans toutes les classes sociales pour trouver que c’est bien. TF1 fait bien son travail.

C’est le temps de la domination par les incultes, les fats, les plumitifs, les ânes, les serviles, les traîtres, les valets, les jaunes, les cons. La Prime d’Excellence Scientifique sera décernée au plus adroit à pisser de la copie, même s’il a le cerveau d’une poule. Et je crains fort qu’ils seront nombreux à faire dossier pour concourir. Le poulailler des candidats à la prime attendant que le coq les sodomise.

L’Excellence c’est Piaget, c’est Freud, c’est le prix Nobel. Ce ne sont pas ces créatures sans génie que je vois et dont j’ai très envie de ne pas taire le nom. Les Excellents seront bientôt la caste scholastique médiévale des ignorants de la Sorbonne aristotélicienne. Tous se taisent aujourd’hui. Pas un mot plus haut que l’autre pour ne pas déplaire. Sait-on jamais. S’il arrivait aux oreilles du Prince.

Il va falloir se détendre. Il va falloir mettre à la cape si l’on choisit de ne pas ramper. Peut-être qu’après l’ouragan, il y aura un coin de ciel bleu.

Violence scolaire : Les États Généraux ou le Gri-Gri du ministre

Voilà 40 ans que je pratique la psychologie. Et quand j’essaie de comprendre ce qui se passe dans la société pour qu’il y ait tant d’incidents en milieu scolaire, je ne sais pas. J’ai bien quelques idées, bien sûr. Mais de là à fournir des explications solides, cohérentes et structurées qui pourraient, de plus, donner quelques indications sur les conduites à tenir et les moyens à mettre en oeuvre, il y a loin. Le ministre va organiser des États Généraux. Il va faire défiler de grands spécialistes qui vont, à tour de rôle, brasser trois idées et beaucoup d’air. Mais de là à trouver explications précises et directions de conduite, il y aura loin.

Alors quoi ?

Il faudrait, pour commencer, que ces questions fassent l’objet de recherches nombreuses et solides. Les universitaires sociologues, psychologues et en sciences de l’éducation doivent être bien capables de le faire (peut-être faudrait-il aussi des juristes, des économistes, …). La difficulté est que ces études doivent passer par de nombreuses observations, de nombreux entretiens, c’est à dire tout autre chose que des analyses sommaires déjà pondues au fil du temps et qui font que chacun croit avoir quelque chose d’intéressant à dire. Ces phénomènes sont trop graves pour qu’on se contente d’analyses et d’interprétations superficielles. D’ailleurs, il y en déjà eu beaucoup qui n’ont rien donné. Il est évident que ce type d’étude va amplement déborder du cadre des établissements d’enseignement vers ce qui les entoure. Et ce sera compliqué, et ce sera coûteux, et ce sera pluridisciplinaire. Et, pire encore, si cela se fait, ce sera long, très long, avant qu’on puisse commencer à vraiment comprendre et proposer autrement qu’en surface.

Mais, pire encore, on risque de ne pas trouver de bons chercheurs pour faire de telles recherches. Pourquoi ? Simplement parce qu’elles ne seront pas « glorieuses », ne donneront pas lieu à publication dans les périodiques internationaux à comité de lecture. Et ceux qui les conduiront n’ont aucune chance de toucher la « Prime d’Excellence Scientifique » qu’on nous fait miroiter. Et là, au lieu de confier ces travaux à d’éminents chercheurs et universitaires, on devra se contenter, comme d’habitude, de confier cela à des organismes dont les membres n’ont ni la formation scientifique ni les compétences requises.

Voilà comment les Etats Généraux se reproduisent…

 

Marie-Luce Penchard décorée de l’Ordre de Guémené


Bienvenue dans l’Ordre de Guémené !

marie-luce-penchard_350.1266425099.jpgMarie-Luce Penchard est décorée de l’Ordre de Guémené, Chevalier, pour avoir déclaré:

« Nous en sommes à une enveloppe de plus de 500 millions d’euros aujourd’hui pour l’Outre-mer, et ça me ferait mal de voir cette manne financière quitter la Guadeloupe au bénéfice de la Guyane, au bénéfice de la Réunion, au bénéfice de la Martinique ».

Toutes nos félicitations.

Tout savoir sur L’Ordre de Guémené

Il n’y a pas plus d’andouilles à Guémené qu’ailleurs. Mais il y a plein d’andouilles qui ne sont pas à Guémené.
Visitez Guémené

Un prix Nobel américain à l’Université Denis Diderot. Quid de la recherche française ?

La recherche française ne vaut rien, disait l’autre. Les chercheurs ne veulent pas être évalués, ajoutait-il. Il faut mettre une bonne dose de compétition, il faut que les meilleurs soient récompensés.

Vincent Berger, Président de l’Université Paris-Diderot, dans un point de vue du 15 février 2010 sur le site du Monde.fr , commente la venue dans cette université d’un prix Nobel américain, George Smoot. Pauvre chercheur américain ! Voici qu’il aura à Paris le plus bas salaire qu’il ait jamais eu ! Il doit être malade!

Alors, comment expliquer ? Alors, Vincent Berger pointe clairement les désastreux effets de bord de la compétition qui n’est pas forcément motivée par les meilleures recherches, mais par les plus gros salaires. Au passage, il remarque que, dans un tel environnement, aucun partage de connaissance n’est possible, évidemment, sans compter les fraudes avec de fausses expériences et de faux résultats. Le Président de Paris-Diderot se plait aussi à remarquer que l’une des caractéristiques de la recherche française est, fréquemment, d’être menée par des équipes dont les membres collaborent ensemble pour atteindre le but. Et voici comment le laboratoire « Astroparticule et Cosmologie » (APC) de Paris-Diderot a pu attirer un Prix Nobel.

La compétition universelle portée par le modèle américano-libéral-capitaliste vient de montrer comment elle était capable de dévaster en quelques mois toutes les économies au prix de centaines de milliers de désespoirs humains. Elle tuera aussi la recherche, soyons en certains.

C’est assez de compétition qui divise les hommes au lieu de les unir !

Voici venu le temps des gardes à vue

Nous le savons tous. La France souffre d’une pénurie de gardes à vue et c’est la raison pour laquelle ceux qui nous gouvernent, avec tant de discernement, s’emploient à en faire augmenter le nombre. Toutefois, il ne suffit pas de demander. Il faut faire. C’est pourquoi je veux indiquer à Messieurs Fouché et de la Reynie quelques pistes à faire suivre par leurs sbires.

Je pense qu’on devrait tout d’abord mettre en garde à vue tous les policiers qui n’en totalisent pas assez. Au fond, on pourrait imaginer un système dans lequel les femmes mettraient les hommes en garde à vue et réciproquement, ce qui donnerait un peu de sel aux fouilles au corps. Mais cette disposition a ses limites, car elle ne permet pas d’atteindre un nombre suffisant, sauf si tout un chacun de la police se trouvait en garde à vue un jour sur trois.
Il va falloir donc étendre les populations concernées. On a récemment pratiqué la chose avec des adolescentes de 14 ans. Il faut donc aller plus bas. Par exemple, il faut appliquer la méthode à tous ces enfants délinquants qui tirent la langue à leurs parents. Pire encore, quand ils la tirent à des inconnus, pire encore si c’est hypocrite. Je suggèrerais qu’on l’étende à tous ces comportements asociaux tels que se tirer les crottes du nez et ronger ses ongles. On trouvera aussi un grand avantage à s’occuper des garçons de maternelle qui regardent sous les robes des filles. Les cochons ! Il y a aussi tous ceux qui font pipi au lit, qui n’aiment pas la soupe ou qui prennent le chien pour un cheval de rodéo. On appréciera aussi le côté thérapeutique de la chose : rien ne vaut une bonne garde à vue quand on trépigne en se roulant par terre en hurlant et en lançant des coups de pied dans tous les sens.
Voilà donc quelques pistes et je compte sur l’inventivité des fonctionnaires concernés pour étendre les applications.
Je voudrais aussi parler de la réussite des gardes à vue, car beaucoup sont infructueuses. Il n’y a pas d’aveu et c’est là tout le drame, car il est évident que la lampe de bureau dans la gueule ne produit plus d’effets depuis qu’on s’y prépare en regardant la télé.
Je suggère donc de revenir à de bonnes pratiques éprouvées.
D’abord, il y a le local. Au lieu de ces confortables cellules où le coupable vit des moments d’exception, on pourrait proposer des cages du style de celle que Louis XI réserva au Cardinal de La Ballue. Dans celles-ci, l’intéressé ne pouvait ni se lever, ni marcher. De plus, la cage était tenue suspendue pour permettre l’évacuation des déjections du grand malfaisant.

Il y a aussi le cul de basse fosse. C’est une pièce souvent ronde, noire et humide, dans laquelle on n’entre que par un orifice prévu dans le plafond, à quelques 4 ou 5 mètres de hauteur. On ne peut en sortir qu’à l’aide d’une corde. Les hôtes de ces chambres princières sont souvent très heureux car ils ont force compagnie de rats et d’insectes, ce qui leur évite l’ennui. En y mettant plusieurs personnes on pourrait financer la chose par la téléréalité.
Enfin, il y a les ravissants instruments : le brodequin qu’on serre autour d’un ou deux pieds. Il y a la poire d’angoisse qui grossit dans la bouche du sujet au fur et à mesure qu’on visse. Il y a aussi toutes ces joyeusetés qu’on fait avec des entonnoirs et des liquides qu’on fait couler dans la gorge du prisonnier ravi. Il y a aussi toutes sortes de pinces : pinces à doigt, pince à examiner sous le prépuce, pince à arracher les yeux ou les oreilles, pinces spéciales pour provoquer en divers endroits l’orgasme féminin.

Je m’arrête ici, car mes collègues psychanalystes ne vont pas manquer d’interpréter ce que j’écris. Et ceci ne risque pas d’être en ma faveur. Je les connais. Comme quoi, si l’on n’y prend garde, il n’y a pas loin de l’homme au bourreau

 

Chroniques des abonnés du monde

Crise : mettre les banques sous tutelle

Il n’est pas nécessaire de refaire la démonstration. La « crise » mondiale non encore terminée tient à l’irresponsabilité des banques qui ont joué et pris des risques immodérés, sinon délirants avec, pour l’essentiel, de l’argent qui ne leur appartenait pas. Nombre d’entre elles se sont trouvées alors dans l’impossibilité d’honorer leurs créances, voire de restituer leurs avoirs aux déposants.
Afin d’éviter cet immense désordre et cette immense spoliation, les états sont venus au secours de ces banques en leur prêtant pour assurer les fins de mois.
On aurait pu penser alors que ces mêmes banques auraient compris la leçon par une gestion plus raisonnable des biens qu’elles avaient entre les mains. Point du tout. On a vite vu qu’elles ne se précipitaient pour financer le commerce, l’artisanat, les services et l’industrie. Elles ont préféré reprendre la partie de poker menteur. Les habitudes sont revenues avec le cortège des primes et salaires que l’on connaît.
Elles ont vite oublié qu’elles devaient leur survie à des millions de travailleurs qui ont perdu leur emploi dans la manoeuvre. Mais c’est bien connu : la banque irresponsable n’a que faire du travailleur sauf pour lui fourrer du crédit revolving à un taux presque usuraire. Ce qui conduit aussi à utiliser l’argent du contribuable pour soutenir les ménages surendettés.
Et voici que maintenant, ces mêmes banques, après avoir été bien heureuses de l’aide que les états leur ont fournie, se prennent à faire la fine bouche pour renvoyer l’ascenseur et financer ces mêmes états en difficultés.
En quelques mois, la preuve a été faite que les banques étaient irresponsables. Au final, on se demande si elles servent à autre chose qu’à s’emparer de l’argent public. Lorsqu’un vieillard n’est plus en mesure de gérer ses biens de façon responsable, on le met sous tutelle. Lorsqu’un déficient mental n’est plus en mesure de gérer ses biens de façon responsable, on le met sous tutelle.
On ne saurait dire si la maladie des banques est la sénescence ou la déficience. Il est cependant urgent de les mettre sous la tutelle des citoyens.
Il est urgent de nationaliser le système bancaire mondial.
Comment faire ? Les états emprunteront aux banques de quoi les acheter. Puis il suffira de demander aux banques devenues nationalisées de rembourser les banques devenues nationalisées qui avaient prêté l’argent.
C’est digne d’un « subprime » ou d’un produit dérivé, non ?

Notes d’économie politique 45 – 11 février 2010