Voici venu le temps des gardes à vue

Voici venu le temps des gardes à vue

Nous le savons tous. La France souffre d’une pénurie de gardes à vue et c’est la raison pour laquelle ceux qui nous gouvernent, avec tant de discernement, s’emploient à en faire augmenter le nombre. Toutefois, il ne suffit pas de demander. Il faut faire. C’est pourquoi je veux indiquer à Messieurs Fouché et de la Reynie quelques pistes à faire suivre par leurs sbires.

Je pense qu’on devrait tout d’abord mettre en garde à vue tous les policiers qui n’en totalisent pas assez. Au fond, on pourrait imaginer un système dans lequel les femmes mettraient les hommes en garde à vue et réciproquement, ce qui donnerait un peu de sel aux fouilles au corps. Mais cette disposition a ses limites, car elle ne permet pas d’atteindre un nombre suffisant, sauf si tout un chacun de la police se trouvait en garde à vue un jour sur trois.
Il va falloir donc étendre les populations concernées. On a récemment pratiqué la chose avec des adolescentes de 14 ans. Il faut donc aller plus bas. Par exemple, il faut appliquer la méthode à tous ces enfants délinquants qui tirent la langue à leurs parents. Pire encore, quand ils la tirent à des inconnus, pire encore si c’est hypocrite. Je suggèrerais qu’on l’étende à tous ces comportements asociaux tels que se tirer les crottes du nez et ronger ses ongles. On trouvera aussi un grand avantage à s’occuper des garçons de maternelle qui regardent sous les robes des filles. Les cochons ! Il y a aussi tous ceux qui font pipi au lit, qui n’aiment pas la soupe ou qui prennent le chien pour un cheval de rodéo. On appréciera aussi le côté thérapeutique de la chose : rien ne vaut une bonne garde à vue quand on trépigne en se roulant par terre en hurlant et en lançant des coups de pied dans tous les sens.
Voilà donc quelques pistes et je compte sur l’inventivité des fonctionnaires concernés pour étendre les applications.
Je voudrais aussi parler de la réussite des gardes à vue, car beaucoup sont infructueuses. Il n’y a pas d’aveu et c’est là tout le drame, car il est évident que la lampe de bureau dans la gueule ne produit plus d’effets depuis qu’on s’y prépare en regardant la télé.
Je suggère donc de revenir à de bonnes pratiques éprouvées.
D’abord, il y a le local. Au lieu de ces confortables cellules où le coupable vit des moments d’exception, on pourrait proposer des cages du style de celle que Louis XI réserva au Cardinal de La Ballue. Dans celles-ci, l’intéressé ne pouvait ni se lever, ni marcher. De plus, la cage était tenue suspendue pour permettre l’évacuation des déjections du grand malfaisant.

Il y a aussi le cul de basse fosse. C’est une pièce souvent ronde, noire et humide, dans laquelle on n’entre que par un orifice prévu dans le plafond, à quelques 4 ou 5 mètres de hauteur. On ne peut en sortir qu’à l’aide d’une corde. Les hôtes de ces chambres princières sont souvent très heureux car ils ont force compagnie de rats et d’insectes, ce qui leur évite l’ennui. En y mettant plusieurs personnes on pourrait financer la chose par la téléréalité.
Enfin, il y a les ravissants instruments : le brodequin qu’on serre autour d’un ou deux pieds. Il y a la poire d’angoisse qui grossit dans la bouche du sujet au fur et à mesure qu’on visse. Il y a aussi toutes ces joyeusetés qu’on fait avec des entonnoirs et des liquides qu’on fait couler dans la gorge du prisonnier ravi. Il y a aussi toutes sortes de pinces : pinces à doigt, pince à examiner sous le prépuce, pince à arracher les yeux ou les oreilles, pinces spéciales pour provoquer en divers endroits l’orgasme féminin.

Je m’arrête ici, car mes collègues psychanalystes ne vont pas manquer d’interpréter ce que j’écris. Et ceci ne risque pas d’être en ma faveur. Je les connais. Comme quoi, si l’on n’y prend garde, il n’y a pas loin de l’homme au bourreau

 

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