Archive dans 16 février 2009

Université: Tout a été dit. On ne peut avoir raison contre tout le monde !

Voilà. Sur les questions relatives à la loi LRU, il est probable que tout a été dit, ou presque. Les universitaires sont des hommes et des femmes de science: ils ont maintenant décortiqué cette loi qu’on avait fait voter en catimini au mois d’août 2007. Le catimini est une mauvaise chose. Il n’est pas rare qu’il vous pète à la gueule.

Presque toutes les universités sont engagées dans des actions.

Tous les conseils, CNESER, CPU, etc… ont donné des avis négatifs.

Il y a même des gens de l’UMP pour trouver que cette loi est mauvaise.

Même le peuple qui n’est pas très informé de ces questions et qui prend volontiers les universitaires pour des fainéants commence à se dire que, pour que ça dure et aussi fort, c’est qu’il doit y avoir quelque chose de louche.

Une coordination étudiante vient de lancer un appel, fort, à la grève.

Nos gouvernants sont face à leurs cachotteries, leurs ignorances et leurs injures. En persistant, ce sont eux les fauteurs de troubles.

On ne peut avoir raison contre tout le monde.

L’intelligence universitaire: Sottie a neuf personnaiges

Ce texte de Philippe Maupeu, Chercheur Médiéviste à Toulouse Le Mirail circule ces temps-ci sur Internet. On le déguste et on se le repasse… Voilà bien qu’il représente tout ce que d’autres haïssent : la culture (car il n’est pas donné à tout le monde de savoir pasticher la langue du XVIème siècle), la finesse, l’humour, l’intelligence.

Sottie(1) a neuf personnaiges
c’est assavoir de Bone Reforme, Male Reforme, Le Metre du Monde, les Gens, Educacion Nationale, l’Estudiant, l’Enseignant-chercheur, Pasquet Fiscal, la Crise.

Education Nationale est assise par terre, la tête dans les mains, pauvrement vêtue ; Université est à ses côtés.
Les Gens est couché, il ronfle sur son oreiller. Entrent Estudiant et Enseignant Chercheur.

L’Enseignant-Chercheur:
Les Gens, les Gens : resveillez-vous !
Ne songiez plus, houspillez vous !
Educacïon(2) Nationale
Se meurt, veez comme elle est pasle !

L’Estudiant:
Les Gens, les Gens, resveillez-vous !
Levez les yeulx, entendez nous !
Prouffit et Rentabilité
Ont volé Université !

L’Enseignant-Chercheur et l’Estudiant, crient plus fort, d’une seule voix :
Savoir, Liberté, Connoissance,
Literature, Histoire et Science,
N’ont plus aujourd’uy de quoy vivre :
On leur retire tous leurs livres(3) !

Les Gens se retourne dans son lit :
Quant cesserez vous ce tapaige ?
Or me prenez vous en otaige ! ?

L’Estudiant, L’Enseignant Chercheur:
Les Gens, sommeil n’est plus de mise !
La Crise ? Elle a bon dos la Crise !
(La Crise montre son bon dos)
Male Reforme est plein de Vices :
Educacion est au supplice !

Le Mètre du Monde entre avec ses rébânes. Il est tout petit. Il est suivi par ses serviteurs – on en reconnaît quelques-uns.

Les serviteurs, dans un jargon incompréhensible :
Gloria Rex, Metrus Mundi,
Gubernator, fax Populi,
Asinus Rex coronatus,
Christian Clavieri amicus,
Mutator Praefectorum
Et Dominus reformarum !

Le Mètre, à l’Estudiant et à l’Enseignant-chercheur:
Je vos ay oïs, bande de cons.

Les serviteurs : à l’Estudiant et à l’Enseignant-chercheur :
Il vos a oïs ! Comme il est bon !

Le Mètre, il présente Male Reforme : elle boîte, elle louche, vestue de guenilles ; dans sa main une bourse, petite et aux cordons bien serrés.
Moi j’dys : y’ a besoin de Reforme :
Regardez-la, elle est en forme.
(il montre Male Reforme, qui esquisse un pas de danse et tombe)
Moi j’dys, les bouquins c’est tres bien,
Mais pour les Gens y en a pas b’soin.
Pour bosser au supermarché,
Faut surtout aprandre a compter.

Les serviteurs :
Gloria Rex ommipotens,
Omnipresens, omnisciens !
D’Université Pourfendeur,
D’Educacion le fossoyeur !

Le Mètre :
Moi j’dys, celle Reforme est bonne :
C’est Educacion qui desconne !
J’ay pas d’argent a vous donner,
Pasquet Fiscal a tout piqué.
(Il montre Pasquet Fiscal, énorme, qui dort dans un coin)

L’Estudiant, l’Enseignant Chercheur :
Alez vos ant, Male Reforme,
Alons querir Bone Reforme !
Respect, Debat, Concertacion(4),
Democracie, Proposicion,
Videz hors celle sotte fole
Qui assotit tout nostre escole !

Respect, Debat, Concertacion, Democracie et Proposicion bottent le cul de Male Reforme qui s’enfuit. Entre Bone Reforme, de grace refulgente, montée sur un char tiré par deux ministres.

Le Metre du Monde, abandonné de ses serviteurs :
Moy j’dys faut toujours escouter :
Vous sçavez, j’ay beaucoup changé.

Estudiant :
Vos l’avez dict bien d’autres foys :
Vous nous faictes manger de l’oye !
Educacion est bien malade,
Pou de bien lui font vos salades.

Université, couronne le Metre d’un bonnet d’âne :
‘Un roy sans lettres, c’est ung faict,
Est comme un asne couronné’.
Vos le sçaurïez se vos estiez
Aléz a Université !

Bone Reforme, entourée de l’Estudiant, l’Enseignant-Chercheur, Debat, Concertacion, Proposicion, Democracie, Respect ; les Gens les a rejoints :
Male Reforme a faict son temps
Alons a son enterrement,
Puis mectons nostre entencïon
A relever Educacion.

Explicit.

1 Pièce allégorique, jouée surtout au 15ème et au début du 16ème siècles, mettant en scène, sous formes de
personnifications, les problèmes politiques du temps.
2 Notez la diérése, procédé poétique qui consiste à faire deux fois plus avec deux fois moins.
3 Variante : ‘vivres’.
4 Notez l’absence de diérèse.

Université: les fainéants et les mauvais chercheurs, au travail!

Par Pierre Jourde, écrivain et universitaire
(http://bibliobs.nouvelobs.com/blog/pierre-jourde/20090210/10490/universite-les-faineants-et-les-mauvais-chercheurs-au-travail)

Une poignée de mandarins nantis qui ne fichent rien de leurs journées et refusent d’être évalués sur leur travail, manifeste contre la réforme Pécresse pour défendre des privilèges corporatistes et une conception rétrograde de l’université. Au travail, fainéants!

L’ignorance et les préjugés sont tels que c’est à peu près l’image que certains journalistes donnent du mouvement des chercheurs, des universitaires et des étudiants qui se développe dans toute la France. Au Monde, Catherine Rollot se contente de faire du décalque de la communication ministérielle, en toute méconnaissance de cause. Le lundi 9 février, Sylvie Pierre-Brossolette, sur l’antenne de France Info, défendait l’idée brillante selon laquelle, comme un chercheur ne produit plus grand-chose d’intéressant après quarante ans («c’est génétique»!), on pourrait lui coller beaucoup plus d’heures d’enseignement, histoire qu’il se rende utile.

Il aurait fallu mettre Pasteur un peu plus souvent devant les étudiants, ça lui aurait évité de nous casser les pieds, à 63 ans, avec sa découverte du virus de la rage. Planck, les quantas à 41 ans, un peu juste, mon garçon! Darwin a publié L’Evolution des espèces à 50 ans, et Foucault La Volonté de savoir au même âge. Ce sont des livres génétiquement nuls. Aujourd’hui, on enverrait leurs auteurs alphabétiser les étudiants de première année, avec de grosses potées d’heures de cours, pour cause de rythme de publication insuffisant. Au charbon, papy Einstein! Et puis comme ça, on économise sur les heures supplémentaires, il n’y a pas de petits profits.

Mais que Sylvie Pierre-Brossolette se rassure: le déluge de réformes et de tâches administratives est tel que son vœu est déjà presque réalisé. On fait tout ce qu’il faut pour étouffer la recherche. Les chercheurs et les enseignants-chercheurs passent plus de temps dans la paperasse que dans la recherche et l’enseignement. Ils rédigent les projets de recherche qu’ils auraient le temps de réaliser s’ils n’étaient pas si occupés à rédiger leurs projets de recherche. La réforme Pécresse ne fera qu’accroître cela.

Les journalistes sont-ils suffisamment évalués au regard de leurs compétences et de leur sérieux? Est-ce que c’est génétique, de dire des bêtises sur les antennes du service public?

On enrage de cette ignorance persistante que l’on entretient sciemment, dans le public, sur ce que sont réellement la vie et le travail d’un universitaire. Rien de plus facile que de dénoncer les intellectuels comme des privilégiés et de les livrer à la vindicte des braves travailleurs, indignés qu’on puisse n’enseigner que 7 heures par semaine. Finissons-en avec ce ramassis de légendes populistes. Un pays qui méprise et maltraite à ce point ses intellectuels est mal parti.

La réforme Pécresse est fondée là-dessus: il y a des universitaires qui ne travaillent pas assez, il faut trouver le moyen de les rendre plus performants, par exemple en augmentant leurs heures d’enseignement s’ils ne publient pas assez. Il est temps de mettre les choses au point, l’entassement de stupidités finit par ne plus être tolérable.
a) l’universitaire ne travaille pas assez

En fait, un universitaire moyen travaille beaucoup trop. Il exerce trois métiers, enseignant, administrateur et chercheur. Autant dire qu’il n’est pas aux 35 heures, ni aux 40, ni aux 50. Donnons une idée rapide de la variété de ses tâches: cours. Préparation des cours. Examens. Correction des copies (par centaines). Direction de mémoires ou de thèses. Lectures de ces mémoires (en sciences humaines, une thèse, c’est entre 300 et 1000 pages). Rapports. Soutenances. Jurys d’examens. Réception et suivi des étudiants. Elaboration des maquettes d’enseignement. Cooptation et évaluation des collègues (dossiers, rapports, réunions). Direction d’année, de département, d’UFR le cas échéant. Réunions de toutes ces instances. Conseils d’UFR, conseils scientifiques, réunions de CEVU, rapports et réunions du CNU et du CNRS, animations et réunions de centres et de laboratoires de recherche, et d’une quantité de conseils, d’instituts et de machins divers.

Et puis, la recherche. Pendant les loisirs, s’il en reste. Là, c’est virtuellement infini: lectures innombrables, rédaction d’articles, de livres, de comptes rendus, direction de revues, de collections, conférences, colloques en France et à l’étranger. Quelle bande de fainéants, en effet. Certains cherchent un peu moins que les autres, et on s’étonne? Contrôlons mieux ces tire-au-flanc, c’est une excellente idée. Il y a une autre hypothèse: et si, pour changer, on fichait la paix aux chercheurs, est-ce qu’ils ne chercheraient pas plus? Depuis des lustres, la cadence infernale des réformes multiplie leurs tâches. Après quoi, on les accuse de ne pas chercher assez. C’est plutôt le fait qu’ils continuent à le faire, malgré les ministres successifs et leurs bonnes idées, malgré les humiliations et les obstacles en tous genres, qui devrait nous paraître étonnant.

Nicolas Sarkozy, dans son discours du 22 janvier, parle de recherche «médiocre» en France. Elle est tellement médiocre que les publications scientifiques françaises sont classées au 5e rang mondial, alors que la France se situe au 18e rang pour le financement de la recherche. Dans ces conditions, les chercheurs français sont des héros. Les voilà évalués, merci. Accessoirement, condamnons le président de la république à vingt ans de travaux forcés dans des campus pisseux, des locaux répugnants et sous-équipés, des facs, comme la Sorbonne, sans bureaux pour les professeurs, même pas équipées de toilettes dignes de ce nom.
b) l’universitaire n’est pas évalué

Pour mieux comprendre à quel point un universitaire n’est pas évalué, prenons le cas exemplaire (quoique fictif) de Mme B. Elle représente le parcours courant d’un professeur des universités aujourd’hui. L’auteur de cet article sait de quoi il parle. Elle est née en 1960. Elle habite Montpellier. Après plusieurs années d’études, mettons d’histoire, elle passe l’agrégation. Travail énorme, pour un très faible pourcentage d’admis. Elle s’y reprend à deux fois, elle est enfin reçue, elle a 25 ans. Elle est nommée dans un collège «sensible» du Havre. Comme elle est mariée à J, informaticien à Montpellier, elle fait le chemin toutes les semaines. Elle prépare sa thèse. Gros travail, elle s’y consacre la nuit et les week-ends. J. trouve enfin un poste au Havre, ils déménagent.

A 32 ans, elle soutient sa thèse. Il lui faut la mention maximale pour espérer entrer à l’université. Elle l’obtient. Elle doit ensuite se faire qualifier par le Conseil National des Universités. Une fois cette évaluation effectuée, elle présente son dossier dans les universités où un poste est disponible dans sa spécialité. Soit il n’y en a pas (les facs ne recrutent presque plus), soit il y a quarante candidats par poste. Quatre années de suite, rien. Elle doit se faire requalifier. Enfin, à 37 ans, sur son dossier et ses publications, elle est élue maître de conférences à l’université de Clermont-Ferrand, contre 34 candidats. C’est une évaluation, et terrible, 33 restent sur le carreau, avec leur agrégation et leur thèse sur les bras. Elle est heureuse, même si elle gagne un peu moins qu’avant. Environ 2000 Euros. Elle reprend le train toutes les semaines, ce qui est peu pratique pour l’éducation de ses enfants, et engloutit une partie de son salaire. Son mari trouve enfin un poste à Clermont, ils peuvent s’y installer et acheter un appartement. Mme B développe ses recherches sur l’histoire de la paysannerie française au XIXe siècle. Elle publie, donne des conférences, tout en assumant diverses responsabilités administratives qui l’occupent beaucoup.

Enfin, elle se décide, pour devenir professeur, à soutenir une habilitation à diriger des recherches, c’est-à-dire une deuxième thèse, plus une présentation générale de ses travaux de recherche. Elle y consacre ses loisirs, pendant des années. Heureusement, elle obtient six mois de congé pour recherches (sur évaluation, là encore). A 44 ans (génétiquement has been, donc) elle soutient son habilitation. Elle est à nouveau évaluée, et qualifiée, par le CNU. Elle se remet à chercher des postes, de professeur cette fois. N’en trouve pas. Est finalement élue (évaluation sur dossier), à 47 ans, à l’université de Créteil. A ce stade de sa carrière, elle gagne 3500 euros par mois.

Accaparée par les cours d’agrégation, l’élaboration des plans quadriennaux et la direction de thèses, et, il faut le dire, un peu épuisée, elle publie moins d’articles. Elle écrit, tout doucement, un gros ouvrage qu’il lui faudra des années pour achever. Mais ça n’est pas de la recherche visible. Pour obtenir une promotion, elle devra se soumettre à une nouvelle évaluation, qui risque d’être négative, surtout si le président de son université, à qui la réforme donne tous pouvoirs sur elle, veut favoriser d’autres chercheurs, pour des raisons de politique interne. Sa carrière va stagner.

Dans la réforme Pécresse, elle n’est plus une bonne chercheuse, il faut encore augmenter sa dose de cours, alors que son mari et ses enfants la voient à peine. (Par comparaison, un professeur italien donne deux fois moins d’heures de cours). Ou alors, il faudrait qu’elle publie à tour de bras des articles vides. Dans les repas de famille, son beau-frère, cadre commercial, qui gagne deux fois plus qu’elle avec dix fois moins d’études, se moque de ses sept heures d’enseignement hebdomadaires. Les profs, quels fainéants.

Personnellement, j’aurais une suggestion à l’adresse de Mme Pécresse, de M. Sarkozy et accessoirement des journalistes qui parlent si légèrement de la recherche. Et si on fichait la paix à Mme B? Elle a énormément travaillé, et elle travaille encore. Elle forme des instituteurs, des professeurs, des journalistes, des fonctionnaires. Son travail de recherche permet de mieux comprendre l’évolution de la société française. Elle assure une certaine continuité intellectuelle et culturelle dans ce pays. Elle a été sans cesse évaluée. Elle gagne un salaire qui n’a aucun rapport avec ses hautes qualifications. Elle travaille dans des lieux sordides. Quand elle va faire une conférence, on met six mois à lui rembourser 100 euros de train. Et elle doit en outre subir les insultes du président de la république et le mépris d’une certaine presse. En bien, ça suffit. Voilà pourquoi les enseignants-chercheurs manifestent aujourd’hui.

Université : Pourquoi Valérie Pécresse (et d’autres) ne comprennent rien

Valérie Pécresse sort d’H.E.C. On y apprend plein de choses « enrichissantes ». Mais ce n’est pas un grand institut de recherche.
Elle a donc développé, dans sa ligne, une conception « commerciale » : la recherche est destinée à obtenir des brevets. Et à faire des affaires.

L’université s’est développée depuis des siècles autour d’un statut d’indépendance scientifique : les « franchises » universitaires qui garantissaient la liberté de penser, d’imaginer et de critiquer. Ce que les régimes totalitaires n’aiment guère. Ces régimes-là veulent qu’on pense dans le sens qu’ils indiquent. C’est bien sûr. Il fut un temps béni où la police n’entrait pas à la Sorbonne. La France a bien changé !
Mais les universitaires ne s’intéressent guère à la pensée « guidée ». Les universitaires recherchent la connaissance. La vraie. Pas celle des gourous. Celle qui est vérifiable ! Qu’elle soit agréable ou non à entendre. Qu’elle soit utile aujourd’hui, ou seulement demain. Ou dans cent ou mille ans. Car la connaissance n’est jamais inutile. C’est elle qui depuis les origines de l’humanité a fait le progrès.
Le progrès est « scientifique » (du verbe « savoir »).
Le progrès, c’est aussi, paradoxalement mieux connaître le passé de l’humanité.
Le progrès, ce n’est pas que seulement mettre des hommes sur la lune.
Le progrès, ce n’est pas que guérir certaines maladies.
Il y a d’ailleurs des progrès qui n’en sont pas, ceux qui font produire avec de bons brevets de bonnes armes de destruction massives.
Le progrès c’est tout ce qu’on découvre aujourd’hui et qu’on ne savait pas hier.
Les universitaires sont des hommes et des femmes de progrès, très souvent désintéressés qui ont le goût ou la passion d’un petit coin de connaissance. Ils savent bien que cela servira un jour. Mais ils ne savent pas quand. Ils savent aussi qu’il est aussi important de savoir ce qu’on ne sait pas ou qu’on ne sait pas encore. Ils n’ont pas honte de leurs ignorances. Ils ne les cachent pas. Ils les cultivent pour les vaincre.

Il y a aussi une autre chose qui énerve certains potentats : le principe de collégialité. Depuis des siècles, les universitaires se gouvernent entre eux. C’est vrai, cela peut sembler bizarre. Mais qui évaluera la recherche des astronomes, des physiciens, des médecins, des psychologues, des historiens, des exégètes de la Princesse de Clèves, sinon les autres astronomes, physiciens, médecins, psychologues, historiens, exégètes ? Ce n’est pas Madame Pécresse qui n’y connaît rien.
Évidemment, le principe de collégialité a ses défauts. Mais le moyen de faire autrement ? Les jeunes chercheurs sont aidés et évalués par des chercheurs plus anciens. Alors il y a des écoles de pensée, qu’on critique, à juste titre. C’est vrai qu’elle est parfois pesante, la pensée dominante. Mais il arrive toujours que d’autres esprits viennent lui tailler des croupières et orienter les recherches vers d’autres voies (« et pourtant, elle tourne »).
On finit bien par leur donner la parole, parce qu’on n’est pas si dogmatique qu’on croit. Et parfois ils surprennent. Au début. Au début seulement. Et c’est ainsi qu’apparaissent les grands précurseurs.
Mais est-ce en étant ministre ou Président qu’on devient un grand précurseur ?

Aujourd’hui, on voudrait qu’un certain mode d’organisation politique, économique et social pilote la recherche. Un modèle mondial qui vient de s’effondrer misérablement entraînant dans son sillage des millions d’hommes et de femmes dans la pauvreté… Parce qu’il était aux mains d’une poignée d’ignorants, dont un grand nombre sortis des grandes écoles commerciales du monde entier.

Madame Pécresse et Monsieur Sarkozy s’énervent inutilement, parce que les universitaires, enseignants et chercheurs, ne trouvent pas ou ne courent pas forcément après les brevets qu’on peut convertir en euros à court terme. Ils n’ont rien en commun. Les universitaires regardent plus loin.
Ils regardent l’avenir de la science, l’avenir du monde et l’avenir de l’humanité.
Et en plus, ils ont l’audace d’enseigner cela.
On comprend que les régimes autoritaires ne les aiment pas.

Capitalisme, libéralisme : ils n’ont rien compris

caissevide.1206056235.jpgVoilà que le capitalisme sauvage et le libéralisme dément ont conduit l’économie mondiale vers un trou sans fond. Voilà que ce qui valait 5000 euros en Bourse, il y a quelques mois, n’en vaut plus que 3000 aujourd’hui. Voilà que des millions d’épargants ont perdu leur épargne et ne savent plus comment financer leur retraite. Voilà qu’on lâche près de 100000 travailleurs par jour sur le carreau du chômage. banques.1233444963.jpgEt croit-on qu’il se passe vraiment quelque chose ? Les même continuent de spéculer à la baisse ou à la hausse ou à la n’importe quoi pour essayer de « se refaire », comme l’on dit.  Les mêmes dirigent là où ils dirigeaient avant et se font verser d’énormes rémunérations. On remarque que ces rémunérations étaient prétendument justifiés par la création de richesse et d’emplois. A-t-on entendu dire que la même bande qui s’entre échange les sièges dans les conseils d’administration, en se versant au passage d’incroyables pots de vin,… non, jetons de présence, s’est est retirée pour laisser la place à d’autres ? A-t-on ouvert les comptes anonymes de Suisse, des îles Caïman ou des autres « paradis » fiscaux ? Non ! Tout recommence. Ou plutôt tout continue comme avant, avec les mêmes règles, à de rares ajustements près, à la marge. Tout continue comme avant sauf pour ces pauvres cons de travailleurs auxquels on dit de « se retrousser les manches ». Putain, ils ont passé leur vie à se retrousser les manches pour ne récolter que des bribes de la richesse produite. et les voici à « l’assurance chômage ». Et il ne faut pas croire que ce sont ceux qui les ont exploités qui payent cette assurance-là. Ils se la sont payés eux-mêmes. Ou bien elle est financée par d’autres prolétaires qu’on fait cotiser de plus en plus sur leur salaire en cure d’amaigrissement. Tout continue. C’est la crise. La crise est un incident de parcours de la vie capitaliste et libérale qui se traduit par un léger appauvrissement des plus riches (et encore, pas forcément) et un fort appauvrissement des plus pauvres. Et que dire des endettés, des endettés à plus que raz la gueule auxquels on a fait croire en un avenir radieux: « mais oui, votre bien immobilier prendra une plus-value de 10% par an ! ». Et pendant de temps-là, les PDG pédègent tranquillement assis sur leurs coussins d’or des stock-options vendues au bon moment grâce à d’habiles tuyaux pas du tout percés. Même le Madoff, grand voyou qui ne se différencie d’Al Capone que par l’absence d’armes à feux, coule des jours tranquilles ailleurs que là où il devrait être. Encore qu’en matière d’armes à feu, on pourrait compter toutes celles que ceux qui se sont ruinés par sa faute, sont en train de se braquer sur la tempe.

A part des petits frémissements, tout continue comme avant. Oui, il est vrai que quelques chefs d’état parlent de réformer le capitalisme ! Les niais. Pensent-ils vraiment réformer le grand banditisme. Car tout cela est banditisme, d’une amoralité absolue et totale: tu bosse, je te pique ton blé, je fais le con avec et tu rebosse.

moutons.1230074438.jpgOn aurait pu penser que les états, qui ont pour rôle la protection du citoyen, seraient entrés en force dans le capital des banques et autres sociétés foireuses qui tendent la main sans le moindre amour propre. Point du tout. Les états aident ceux qui ont merdé et ruiné le monde à recommencer.

On aurait pu penser à un tas de choses pour moraliser et mettre en ordre tout cela. Les états comme les banquiers en sont toujours au capitalisme et au libéralisme: ils n’ont rien compris.

Comment disait-il, l’autre: « Travailleurs de tous les pays… » ?

 

Notes d’économie politique  41 – 1er février 2009