Archive dans 31 janvier 2009

Le 2 février l’université et les laboratoires s’arrêtent !

Le mot d’ordre qui a été lancé le jeudi 22 janvier lors de la coordination nationale des universités est historique. C’est la première fois que se réunissent dans un même mouvement unitaire et avec une détermination commune des enseignants-chercheurs, des chercheurs et des membres du personnel de l’enseignement supérieur très différents par leurs affiliations syndicales, politiques ou disciplinaires mais tous convaincus que la bataille qui s’ouvre les concerne tous et peut être décisive. Nous n’avons pas voulu cette épreuve de force. Elle nous est imposée par le gouvernement : par la loi LRU, que nous avons toujours dénoncée sans ambiguïté et qui, sous couvert d’autonomie, renforce les féodalités locales et paupérise les universités ; par sa conception du pilotage autoritaire et centralisé de la recherche et par le démantèlement des grands organismes de recherche ; par une obsession de la concurrence sauvage de tous contre tous (individus, formations, laboratoires, universités) au nom d’une politique de spécialistes du marketing au petit pied, qui étend indéfiniment la précarisation des chercheurs, des doctorants et post-doctorants et de tous les personnels de l’enseignement supérieur ; par ses pratiques de « concertation » marquée, selon la feuille de route de leur mentor présidentiel, par la conviction qu’il est bon d’écouter tout le monde mais qu’il ne faut pas en tenir compte ; par son obstination à vouloir agir contre la majorité de la communauté universitaire, quelles que soient les envolées lyriques d’une ministre qui connaît bien mal le monde de l’université et celui de la recherche ; par son discours affiché sur les résultats de la recherche et sur son prétendu déclin, au prix de travestissements grossiers de la réalité.

Nous n’avons pas voulu cet affrontement mais nous ne le refuserons pas. Nous demandons que le gouvernement retire son projet de « réforme » du statut des enseignants-chercheurs et sa « réforme » de la formation et du recrutement des enseignants mais aussi qu’il revienne partout sur ses décisions de suppressions de postes statutaires, qu’il renonce à son projet de modification de statut des doctorants, qu’il dise comment il entend lutter contre la précarisation croissante dans le monde de l’enseignement et de la recherche. Nous savons bien que de vraies réformes sont nécessaires sur certains des points évoqués mais si l’on veut qu’elles soient efficaces et légitimes, elles ne sauraient être mises en place contre l’avis de la plupart des acteurs concernés. Une discussion peut s’ouvrir sur n’importe lequel de ces sujets mais elle ne doit comporter aucun préalable et s’inscrire dans le cadre de négociations et non dans celui d’une concertation ministérielle n’engageant à rien.

L’éloge incessant de la concurrence et de la « culture du résultat » tente de mettre à bas la collégialité et dédaigne les logiques propres à la production comme à la transmission des connaissances, hors desquelles il n’est pas d’Université. Nous ne sommes pas face à une « réforme » de plus mais face à une volonté de mettre à bas l’université et les organismes de recherche au moyen d’une attaque violente. Face à cette agitation dangereuse et à ce mépris affiché qui prétendent définir une politique, nous répondrons avec la sérénité et la détermination de ceux qui veulent que l’Université puisse demeurer une fois que Monsieur Sarkozy sera parti.

Plus que jamais, tous ensemble

 

Sauvons l’université !

 

P.S. : Lundi 2 février, organisez dans ou devant votre établissement, non sans en avoir auparavant informé la presse, un “freezing” matérialisant, affiches à l’appui, l’arrêt de l’université.

Notre métier d’enseignant

Vu sous cet angle…
Il faut reconnaître que seule une révolution pourrait changer les choses !!

Actuellement, le temps de travail d’un enseignant de Collège ou de Lycée est de 18 heures par semaine (20 heures pour l’EPS).
C’est, pour les professeurs certifiés, le seul élément fixe et clair relatif au temps de travail qui leur est demandé. Il a été fixé par un décret datant de 1950. 18 heures par semaine ! Quel salarié ne voudrait pas travailler aussi peu pour d’aussi bons salaires ? Comment le législateur a-t-il pu créer en 1950 un statut aussi avantageux ? En fait, ce temps a été conçu en prévoyant qu’un enseignant travaille 1,5 heures chez lui pour une heure devant élève afin de préparer ses cours, évaluer les élèves et actualiser ses connaissances dans sa  discipline. Cela fait 18 fois 2,5 heures (1 devant les élèves et 1,5 à la maison), soit 45 heures hebdomadaires.

En effet, le temps de travail légal de l’époque s’il était légalement de 40 heures par semaine, était en réalité d’environ 42h par semaine, sur 50 semaines.

Certes je l’avoue, je fais partie de ces privilégiés. Car comment peut-on parler de temps de travail sans parler des vacances ? Eh bien justement, le législateur a tout prévu et cela de deux façons:
D’abord, 45 heures dues quand les autres devaient 42, ça c’est pour les petites vacances (Toussaint, Noël, Pâques).
Donc notre temps de travail était annualisé.
Mais, et les 2 mois d’été alors ? Là, c’est un tout petit peu plus compliqué. Certains enseignants ne le savent même pas d’ailleurs. Cela se situe au niveau de la grille des salaires. Notre grille a été, elle aussi, fixée en 1950 au même niveau que les autres cadres de la fonction publique recrutés avec un concours au niveau Bac +3. Mais à cette grille, il nous a été retiré 2 mois de salaires, puis le résultat a été divisé par 12 (pour recevoir un salaire chaque mois). Par exemple si un inspecteur des impôts est payé 2000 Euros par mois il recevra 24000 Euros par an, alors que pour la même qualification, un enseignant recevra aussi 2000 Euros par mois mais sur 10 mois, soit 20000 Euros par an.
Cette somme est ensuite divisée par 12 et donne 1667 Euros par mois. Et oui, chers lecteurs, les enseignants ne sont pas payés pendant les grandes vacances.

Oui bon d’accord, peut-être que nous ne sommes pas si privilégiés que cela concernant le temps de travail. Mais côté salaires, quand même, nous ne sommes pas à plaindre ! Soit, comparons : Nous sommes nettement en dessous de la moyenne des cadres du privé comme du public.

Mais, à mes yeux, l’exemple le plus frappant de la dégradation de la valeur que la nation accorde à ceux qui éduquent ses enfants est le suivant :
Le salaire de départ d’un enseignant en 1970 était 2 fois supérieur au SMIC.
Aujourd’hui, il n’est plus que 1,2 fois plus élevé.
Autrement dit, si comme le PS  l’a écrit le SMIC augmentera de 25% au cours des 5 ans à venir (et l’UMP l’a augmenté au même rythme annuel dès cette année), un enseignant débutant gagnera moins que le SMIC. Faudra-t-il en arriver là pour que la société se rende compte de la dégradation de notre situation ?

Je n’évoquerais pas les conditions de travail, l’évolution des élèves, les réunions multiples. Alors oui, le décret de 1950 est vieux ! Il est vraiment temps de le toiletter comme le disent nos gouvernements !
Mais dans quel sens ? En travaillant plus pour gagner autant ?

Laurent TARILLON,
Enseignant de sciences économiques et sociales,
Grenoble

 

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Evaluer la recherche : 2- L’évaluation par les pairs ou par la « bibliométrie » ?

Désormais des évaluations supplémentaires sont demandées à une instance ad hoc : l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur. Mais concernent-elles vraiment la recherche ? Sont-elles  centrées sur la qualité de la découverte  ? Doivent-elles nécessairement et exclusivement conduire à des brevets sources de profits ?
Rien n’est moins sûr…Difficile de prédire sans aucun recul quelles seront les trouvailles les plus fructueuses.
Ces évaluations s’intéressent  essentiellement au classement de la France dans les  différents « Hit Parades » des universités (classement de Shangaï, par exemple). Elles sont fondées sur des critères « bibliométriques ». Il s’agit du nombre de publications et du nombre de citations de ces publications dans des revues à haut « impact factor », qui concernent quasi uniquement des revues anglophones considérées dans les bases de données internationales (ISI Web of Knowledge, Harzing Publish or Perish, PubMed..).
Ce qui compte, ce sont les articles comptabilisés. Le NOMBRE d’articles ! Ainsi, pour la carrière d’un enseignant-chercheur vaut-il mieux 100 petits articles en langue anglaise, à partir de travaux qui confirment ou développent des résultats déjà connus et/ou sur des problématiques rapides, qu’une petite dizaine bien étoffées sur des thèmes chronophages, innovants ou risqués.
Et les évaluateurs ne peuvent pas lire en détail. C’est plus rapide de compter. Et, bien qu’experts, ils n’ont souvent qu’une très idée très relative de la particularité de la thématique de chacun. Et puis… eux aussi doivent aller vite : ils doivent publier ! Sans compter qu’ils peuvent être juges et partie dans la compétition pour des financements.

 

Les « bibliométriciens » comptent alors que ces méthodes ont fait l’objet de plusieurs dizaines d’articles pour les dénoncer, même dans des revues internationales comme  « Nature » ou « Current Biology » réputées pour leur sérieux.
Veut-on être classé dans la compétition ? Toutes les dérives sont permises, sont encouragées. Personne n’est dupe, sauf les jeunes qui apprennent… très vite le mode d’emploi. On divisera un bon article complet pour en faire une série, comme à la télévision. On publiera les mêmes résultats sous des emballages différents de façon à convenir à différents types de revues (version courte, version allongée, version fondamentale, version pour les applications, version pour les médecins, version pour les biologistes…). Dans la publication on citera autant que possible les articles déjà parus dans cette revue, cela augmentera l’impact factor de la revue, et du même coup celui de l’auteur ! On n’oubliera pas de citer les évaluateurs potentiels et les collègues et amis, qui vous citerons en retour, voire même leur demander d’être co-auteurs. S’ils renvoient l’ascenseur, on doublera la mise (le nombre de publications).
Souvent moyennement intéressantes ou redondantes, nombre de publications sont comptabilisées mais jamais lues ! A quoi bon ? Certaines sont stériles (car les résultats ne sont pas reproductibles), voire même trafiquées et font perdre un temps considérable.
Des passionnés font de la recherche longue et innovante. Certains, ayant trouvé quelque chose de nouveau, préfèrent publier dans des revues dites de rang C (non comptabilisées), pendant que d’autres cachent certaines hypothèses ou procédures de peur qu’on les leur vole. De telles pratiques sont avérées ou soupçonnées au point que de nombreuses revues scientifiques internationales et agences de financement aient ajouté dans leur formulaire une rubrique « conflit d’intérêt » : les auteurs peuvent y faire figurer une liste d’experts à qui le manuscrit ou le projet ne doit pas être confié.
Qu’en est-il alors de l’avancement des connaissances et de la réflexion dans la méfiance, la compétition pour les publications et les financements, la prévalence des écoles de pensée dominante ?

 

La résistance sera difficile, les nouveaux codes de mauvaise conduite sont déjà très bien installés.
Enfin, quelques mots encore pour les enseignants-chercheurs, qui refusent d’être évalués. Il faut savoir qu’ils sont déjà évalués par leurs pairs dans des commissions élues démocratiquement à chaque étape de leur carrière : promotions, habilitations à diriger, demande de délégation auprès d’organismes de recherches, acceptation dans un Master ou une école doctorale,  demande de financement de leurs projets de recherches. Et à chaque fois qu’ils soumettent un article dans une revue scientifique, ou une communication dans un congrès scientifique national ou international, sans oublier par 100 voire jusqu’à 1000 étudiants (200 ou 2000 yeux et oreilles) différents chaque semaine. Il faudrait vraiment être très fort pour tromper tout ce monde-là !

 

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Evaluer la recherche : 1- L’évaluation par les pairs ou par l’agence ?

Faut-il évaluer la recherche ?
Le contexte actuel voudrait qu’elle le soit, et même qu’elle le soit de façon rigoureuse. Il est incontestable que, dans la mesure où celle-ci procède des fonds public que les chercheurs doivent rendre compte.
Oui, certainement. Mais…
Et voici que se posent d’immenses problèmes.
On traitera rapidement des recherches plus ou moins appliquées ou utilitaires dont l’intérêt industriel ou social va de soi. Personne ne pourra contester qu’une meilleure connaissance de la psychologie de l’enfant permettra d’améliorer les méthodes éducatives et pédagogiques. Il en sera de même pour la recherche pétrolière et, à l’opposé, tout ce qui touche à la protection de l’environnement. Personne ne mettra en cause la recherche médicale.
Oui, certainement. Mais…
Qu’en est-il de la recherche fondamentale ? Celle qui, apparemment ne sert à rien. Et qui, peut-être ne sert vraiment à rien. Et qui, peut-être, a contrario, ouvrira des perspectives gigantesques. L’histoire des sciences est pleine d’exemple de chercheurs originaux ou décalés qui ont eu toutes les peines du monde à convaincre.
Qui aurait pu évaluer les recherches des époux Curie ? Les recherches de Pasteur ? Les travaux de Freud ? Lesquels découlaient, il faut s’en souvenir, des expériences d’un original nommé Charcot qui travaillait sur l’hypnose. Qui aurait pu évaluer Charcot ? Toutes les disciplines ont leur chien galeux qui s’est un jour révélé apporteur d’hypothèses géniales.
Car les hommes sont ce qu’ils sont. Il y a des écoles de pensée. Il y a des pensées qui dérangent. Il y a des dérangements qu’on ne peut accepter. On peut même prévoir que l’hypothèse géniale a moins de chance de naître et/ou d’être reconnue dans l’univers scientifique dominant, forcément réductionniste, que dans le décalage par essence un peu saltimbanque.
Et puis il arrive que l’hypothèse « géniale » se révèle fausse. Mais on ne le saura que parce qu’on aura pris la peine de tenter de la vérifier. Perdu ! Il y a des fois où cela ne marche pas et on ne publie pas. Et sera-t-on déshonoré pour avoir imaginé une hypothèse non vérifiée ? Car c’est ainsi que fonctionne le travail scientifique.
Et puis il y a les autres recherches qui ne servent à rien. Quid des pièces de monnaie enlisées dans le limon du Nil ? Les astronomes qui cherchent des trous noirs peuvent intéresser l’humanité puisqu’ils essaient de nous expliquer l’origine de l’univers. Mais les pièces de monnaie du Nil ? Qui cela intéresse-t-il vraiment, à part quelques frénétiques passionnés. Et tous ces historiens, déchiffreurs de grimoires ? A part s’en inspirer pour un jeu télévisé ! Et pourtant, ces pièces de monnaie, ces grimoires médiévaux, sont autant de composants de notre civilisation, qui oublie assez souvent d’être civilisée.
Qui va évaluer les astronomes ? Des astronomes plus savants. Qui va évaluer les archéologues ? Des archéologues plus savants. Et plus on monte, moins il y a de chances de trouver un « plus savant ». Et qui va évaluer le plus savant de tous ? L’agence gouvernementale ?

L’histoire des sciences nous a appris qu’au final, elle ne se régulait pas si mal. La recherche est une histoire humaine, organisée par des humains, avec tout l’enthousiasme et toutes les faiblesses dont les humains peuvent être capables. Laissons donc les scientifiques chercher en paix, débattre, se disputer. Croire qu’ils sont indifférents à l’intérêt public et à l’argent public est une lourde erreur. On peut leur demander certains efforts. C’est évident. Mais il n’y a pas de quoi bouleverser et casser leurs structures de travail.

Le temps évalue les recherches. C’est le meilleur juge. Et ne faisons pas d’histoires pour quelques exemples qu’on peut très bien régler par des méthodes douces. Comme dans toute entreprise, il y a des moyens (primes, promotions, notoriété) pour valoriser ceux qui travaillent plus que d’autres.

Les recherches fondamentales, ne sont pas des actions boursières. Elles n’ont pas vocation à produire plus-values et dividendes.

 

 

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L’université qu’on nous promet: asservissement, inégalité et rivalité

Par Lomadono (http://psycho-descartes.over-blog.com/):
L’université que nous promet le gouvernement prône de nouvelles valeurs : Asservissement, inégalité et rivalité.
Voilà une excellente synthèse qui reflète merveilleusement le point de vue largement dominant des différents acteurs du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Cette réforme de nos institutions (au sens plus large car l’enseignement supérieur et la recherche ne sont pas, loin s’en faut, les seuls concernés) m’inspire 3 sentiments : asservissement, inégalité et rivalité.
Asservissement de notre pensée, asservissement à une rentabilité chiffrable en euros, asservissement à une économie de marché, comme si le savoir pouvait être réduit à une marchandise. Asservissement de notre pensée qui engendrera tout sauf la Découverte et l’évolution de nos connaissances.
Inégalité à tous les niveaux : entre les universités, entre les différentes composantes des universités et entre les personnels de ces différentes composantes (quel qu’en soit le corps), entre les doctorants. Inégalité en conséquence entre les étudiants en terme d’encadrement, de formation, de suivi, de droit d’entrée, de reconnaissance de diplôme, d’avenir…
Rivalité à tous les niveaux de l’université. Rivalité à cause de la modulation des services (en viendra-t-on à se dénoncer les uns les autres pour obtenir les faveurs de la présidence ?), rivalité à cause d’une répartition arbitraire des budgets, rivalité dans la recherche qui divisera nos forces, rivalité pour obtenir une prime, rivalité à terme pour avoir un stylo pour continuer à écrire un peu…
Sans doute trouverez-vous ma vision pessimiste mais je crains qu’elle ne soit le reflet de la réalité qui s’annonce. Certes notre monde actuel n’est pas un parfait modèle de liberté, d’égalité et de fraternité, mais ces 3 valeurs ne sont que davantage mises à mal dans l’idéologie que cherche à nous imposer le gouvernement. Personnellement je ne veux pas de cet avenir pour mes enfants, et vous ?

Révocation d’Eric Besson

 

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– Pour avoir dit un truc con: « je suis dans l’avion, on me propose d’aller dans le cokpit ». Il a oublié l’existence des pilotes automatarkosistes.

– Et surtout:pour avoir retourné sa veste.

– Et surtout, surtout pour se préparer à expulser sans contrainte.

Il faut être bien sale pour avoir si peu d’amour propre.

 

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Enseignement supérieur et recherche: se défendre et proposer

Médiapart, 20 janvier 2009

 

Les principaux syndicats de la recherche et de l’enseignement supérieur appellent à une nouvelle journée de mobilisation mardi 20 janvier. Constatant que les enseignants et les chercheurs ont conduit leur propre réflexion que le gouvernement refuse d’entendre, Bertrand Monthubert, secrétaire national du PS chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, propose que son parti relaie ces idées au niveau des parlements européen et français, et dans les collectivités territoriales qu’il dirige.

 

Depuis plusieurs semaines, le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche se rebelle : IUT en grève, front très large hostile à la réforme de l’accès au métier des enseignants, motions en nombre contre le projet de décret transformant le statut des enseignants-chercheurs, protestations de présidents d’universités contre la dotation budgétaire prévue par l’Etat, lettre ouverte de la conférence des présidents d’universités à Nicolas Sarkozy, prises de positions des instances scientifiques d’organismes, moratoire des expertises.

 

Comment interpréter une telle levée de boucliers, alors que Nicolas Sarkozy et Valérie Pécresse ne cessent de se féliciter des milliards qui inonderaient ce secteur ? Après 18 mois de pouvoir, on peut mesurer le grand écart entre les discours et les réalités : Sarkozy et Pécresse sont face à l’épreuve des faits.

 

Ainsi, bien que le président se soit engagé à augmenter le financement de l’enseignement supérieur et de la recherche de 1,8 milliards par an (hors « plan campus »), c’est le secteur qui supporte les plus fortes annulations de crédits en 2008 (450 millions) ! Les budgets 2008 et 2009 stagnent en euros constants, exception faite des sommes pré-affectées pour combler le retard en matière de retraites. Plus de mille emplois seront perdus en 2009 : pour la première fois sans doute dans notre histoire, des suppressions toucheront aussi les universités, dans les plus prestigieuses comme dans les plus pauvres ; pendant ce temps la précarité explose pour tous les métiers des universités et de la recherche. Quant au très contesté « plan-campus », même les parlementaires UMP doutent que les sommes réellement débloquées soient celles qui ont été promises. Le seul financement en très forte croissance est le crédit-impôt recherche des entreprises, sans qu’on ait la moindre étude fiable montrant l’efficacité de ce dispositif pour la recherche privée. Il faudrait plutôt aiguiller correctement les aides de l’Etat pour qu’elles profitent pleinement à tous les stades du développement des PMI-PME.

 

La « réforme » Libertés et responsabilités des universités (LRU), passée dans l’urgence à l’été 2007, loin de répondre aux problèmes existants, en crée de nouveaux, ce qui avait conduit le Parti Socialiste à voter contre cette loi. Le contexte budgétaire aggrave cette situation. A la réception des dotations pour 2009, et des prévisions pour 2010 et 2011, et en raison des transferts de charges de l’état vers les universités induites par la mise en place de la loi LRU, la réalité telle que les universités la vivent est toute différente : de nombreuses universités vont voir leur budget baisser en 2009. Alors faut-il s’étonner de la crise des IUT ? Alors qu’auparavant les IUT (qui font partie des universités) bénéficiaient d’un budget qui leur était directement attribué, prenant en compte leurs spécificités, dorénavant c’est leur université de rattachement qui en dispose et peut donc décider des crédits alloués aux IUT… et éventuellement les raboter pour améliorer à la marge le financement d’autres filières encore plus sous-financées.

 

Le passage en force systématique du ministère a conduit à des protestations très larges contre le projet de réforme de la formation des enseignants, contre la reconnaissance des diplômes profanes des instituts catholiques comme diplômes nationaux et contre le projet d’un nouveau statut des enseignants-chercheurs. Ce dernier, sous couvert de « modulation », prévoit d’augmenter fortement le service d’enseignement des universitaires qui seraient moins bien évalués en tant que chercheurs. Personne n’est dupe : la décision finale, qui est l’apanage du Président d’Université, serait prise à n’en pas douter en fonction des tâches d’enseignement à assurer et non de la qualité de la recherche. Et ce, alors que la qualité des processus d’évaluation se dégrade. Non content de considérer l’enseignement comme une sanction, le gouvernement traite la recherche universitaire comme une variable d’ajustement. Résultat : dans ce contexte de suppressions de postes, on s’achemine vers une baisse du potentiel de recherche dans les universités et un accroissement des conflits internes, alors que le travail collectif, en équipes pédagogiques et de recherche, est la base de l’activité.

 

La « réforme » des organismes de recherche se fait sans la moindre concertation, alors que les instances scientifiques et les organisations représentatives ont fait nombre de propositions. Ils sont progressivement privés des moyens structuraux et financiers pour mettre en œuvre une politique scientifique dans la durée. Les UMR (Unités mixtes de recherche) entre organismes et universités sont mises en cause, et dans leur nombre, et dans leurs possibilités d’action. Le vieux projet de la droite de casser le CNRS est en marche. Cela converge vers une prise en main directe du pouvoir politique sur les orientations de recherche, laquelle est explicitement revendiquée par Nicolas Sarkozy, en contradiction avec les pratiques des grands pays de recherche.

 

Pour le Parti Socialiste, cette situation est insupportable à la fois du fait du profond mépris du gouvernement à l’égard de tous ceux qui ont à cœur de faire fonctionner les laboratoires, les universités et les organismes, et aussi en raison de la gravité de ses conséquences pour l’avenir du pays. Nous demandons instamment au gouvernement de rétablir la sérénité en acceptant de suspendre les réformes en cours, qui ne peuvent être mises en place dans un tel état de défiance. Nous exigeons la transparence sur les comptes, et que les sommes promises soient effectivement versées aux universités, en crédits leur permettant de fonctionner et non pas en placements hypothétiques. Nous réclamons le rétablissement des postes supprimés dans les universités et les organismes de recherche, et une réorientation du budget 2009 permettant les créations d’emplois nécessaires à la mise en oeuvre des missions de ces secteur d’avenir.

 

Nous voulons proposer un avenir à nos universités, nos laboratoires publics et privés et ceux qui en font partie. Cet avenir, il doit être construit collectivement, notamment au travers des batailles qui se mènent aujourd’hui. C’est pourquoi le Parti Socialiste a décidé d’initier une convention sur l’enseignement supérieur et la recherche. Nous souhaitons organiser ce processus largement ouvert en lien avec les autres partis de gauche, et en interaction avec toutes les associations et syndicats qui depuis longtemps font des propositions.

 

Tout d’abord, un audit de la situation réelle et concrète sera réalisé. Que sont devenues réellement les sommes promises ? Quelles sont les conséquences des réformes : pôles de compétitivité, plan campus, plan licence, emplois et précarité ? Ensuite, il s’agira de définir un programme d’action, au niveau européen, national et local. Le niveau européen, d’abord, car les élections européennes doivent permettre de redéfinir la politique conduite en matière de recherche. Il faut que le parlement se saisisse de ce dossier dont il a été trop souvent écarté.

 

Ensuite le niveau national, dans la perspective d’une alternance politique indispensable. Il ne faut pas que l’absence d’une perspective d’alternative soit un frein pour les luttes actuelles. Le niveau local enfin, car la gauche, majoritaire dans les conseils régionaux et généraux, peut y mettre en œuvre une politique ambitieuse, sans toutefois se substituer à un Etat défaillant.

 

Quels seraient les objectifs de cette convention ? D’abord, redonner au savoir la place qui doit être la sienne dans une société moderne, ce qui suppose la liberté d’initiative scientifique des chercheurs et des institutions d’enseignement supérieur et de recherche, dans le cadre des institutions nationales et locales, mais aussi élever le niveau de formation, en garantissant le cadre national des diplômes, et faciliter l’accès à ceux-ci pour les étudiants en difficulté sociale. Simultanément, redéfinir l’action de l’Etat en faveur de la recherche privée, prendre en compte la diversité des attentes de la société (santé, environnement, villes, etc.) et mettre en place un débat permanent entre scientifiques et citoyens. Ensuite, favoriser la coopération entre les établissements de recherche et d’enseignement supérieur, entre leurs personnels, et réduire la bureaucratie dont ils souffrent de plus en plus. Enfin, offrir les statuts qui permettent à la fois qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes, et qu’ils attirent la jeune génération, ce qui passe par la réduction drastique de la précarité.

 

Depuis les états généraux de la recherche de 2004, les tentatives de lancer une nouvelle étape de réflexion ont échoué. Et pour cause : le gouvernement s’est moqué de ceux qui avaient conduit ce travail, en prenant le contre-pied de leurs propositions. Dès lors, à quoi bon s’user à nouveau s’il n’y a pas de débouché politique ? C’est ce que le parti socialiste veut offrir aujourd’hui : un débouché à la réflexion collective, qui se traduira par une action au niveau des parlements européen et français, et des collectivités territoriales qu’il dirige avec ses partenaires. Et un programme ambitieux pour la recherche et les universités, dans la perspective des prochaines élections qui devront conduire au pouvoir une équipe tournée vers notre avenir collectif.

La nudité au cinéma

Voici un sujet dont je veux traiter depuis très longtemps, alors que des tas d’évènementss viennent s’entremettre pour m’empêcher de m’exprimer sur cette question de société fondamentale: la nudité au cinéma. L’idée m’en est venue alors que, contemplant un certain nombre de films, il m’est apparu qu’il y avait toujours, ou presque toujours, au moins une scène avec femme nue. Même les américains s’y sont mis. Autrefois pudibond comme pape, c’était tout juste si l’on pouvait entrevoir une bretelle de soutien-gorge. Et voici qu’il y a peu, j’eus le privilège de contempler une femme nue, en entier… de dos.

 

venuscallipyge.1232240130.jpgOr, cette question est de la plus grande importance. Je m’étonne même que notre omniprésident, comme dit le journal volatile, n’ait pas proposé une réforme aussi importante que celle de la publicité sur la télévision publique, quelque chose comme « plus de foufoune avant 22 heures ». Comprenons nous bien: quand je dis « plus de », cela veut dire « davantage », puisqu’on sait qu’après une certaine heure, les chaînes de télévision sont déchaînées à un point tel qu’il devient difficile d’échapper à ces visions… particulières.

 

Tout d’abord, je dois préciser que je ne suis absolument pas hostile à la nudité au cinéma. Au contraire, je suis assez charmé par la beauté de ces corps féminins ainsi exposés aux délices de la contemplation et de l’imagination. Mais, il y a une chose qui ne va pas: hostile comme on sait que je le suis à toute forme de discrimination, je constate qu’il n’y a pas égalité des sexes sur ce sujet.

 

Quoique… Quoiqu’il faille une analyse plus approfondie.

 

La première question est celle de la nécessité artistique. Le réalisateur pourrait-il transmettre son message sans nudité ? Pendant des décennies, on a montré des couples au moment où ils s’allongeaient sur le lit, puis la caméra se tournait vers la fenêtre et… et l’on ne savait rien. Peut-être qu’une fois couché, les membres du couple découvraient leurs imperfections anatomique les rendant incapable de toute copulation. Ou peut-être que le sommier, de mauvaise qualité, s’effondrait sous le poids. Maintenant, aucune tricherie n’est possible. On voit bien que les partenaires sont dévêtus et se chevauchent la plupart du temps. Quoiqu’il reste encore une certaine incertitude: les organes sont-ils bien introduits là où ils devraient l’être et sans qu’on sache vraiment quel orifice est censé être utilisé. Le bénéfice, dans le sens du réalisme supposé, n’est donc pas total.

A propos de réalisme, je me souviens d’une séquence où l’on voyait un couple se partageant  une salle de bains, le matin, avant de partir au travail. Réalisme absolu avec seins et pénis qui pendent. Parfait, mais pour l’érotisme, tintin ! Ceci me ramène justement vers mon propos initial de la détermination de la quantification de la nudité. On va convenir qu’il n’y a pas nudité lorsqu’il n’y a pas un peu de transgression des usages. Ainsi, monter le pied, n’est pas nuditaire. Il en va de même évidemment pour la main, la tête, le dos, etc., etc.  On décidera donc qu’il devrait y avoir exposition nuditive lorsqu’on montrera certaines parties qu’il est usuel de cacher. Nous commencerons donc par le haut, les seins féminins, ceux des hommes pouvant être montrés à tout va sans qu’on y fasse la moindre observation. Il n’est guère de film où l’on ne voit pas une ou plusieurs paires de seins, de façon plus ou moins détaillée avec ou sans mamelon, ce qui peut tout changer. Lors, l’objection vient de suite: l’exposition de mamelles est maintenant affaire commune sur toutes les plages. Peut-on alors parler vraiment de nudité quand on filme des seins? Ou la chose serait-elle saisonnière, comme les « seins en hiver » ? Ou encore, filmer des poitrines féminines dans une chambre à coucher, serait considérée comme exhibition, mais ne le serait point si l’on filmait sur une plage, en été. Cette situation conduit à rejeter la question des seins. Montrer des seins n’est guère plus que de de montrer des genoux avec des jupes courtes ou longues, en hiver ou en été. Il n’ y a donc point de nudité quand on montre des seins. On passera vite sur les fesses. Car sur ce plan, il n’y a guère de différence. Car s’il y a bien des morceaux d’hommes que le cinéma nous montre volontiers, ce sont les fesses. On pourra donc considérer qu’il y a nudité, mais que celle-ci n’est pas traitée différemment pour les hommes et les femmes. femmenueetcochon.1232240896.JPGReste la question du devant. Les devants d’homme ne sont pas très fréquents. Ils sont d’ailleurs exposés en situation basse, ce qui enlève une partie de l’attrait de la chose. Et quant aux femmes, la question du devant est bien décevante. On n’observe rien, sauf une touffe plus ou moins fournie. Mais rien d’autre. Cette touffe sert de dernier vêtement et cache ainsi l’objet de tous les désirs, cet endroit qui, comme le dit Brassens « porte le même nom qu’une foule de gens ». Pourtant cette question du devant est fondamentale. Montrer un devant d’homme, c’est montrer un grand morceau de la bête. Montrer un devant de femme, c’est montrer… rien. Nous voici donc arrivés au terme de notre démonstration qui infirme notre hypothèse initiale. Sachant que montrer des seins de femmes au cinéma n’apporte rien de plus que ce qu’on peut communément observer à la plage, sachant que montrer des fesses ne constitue pas une discrimination car les fesses d’hommes sont traitées comme les fesses de femme, sachant enfin que montrer des devants de femme c’est ne rien montrer, on doit donc considérer que les quelques devants d’hommes qu’il nous arrivent de voir procèdent singulièrement davantage de l’exposition nuditive. La discrimination ne va donc pas dans le sens supposé. Ce sont les hommes qui sont l’objet d’un acharnement voyeuriste, car il sont malheureusement dans l’impossibilité de dissimuler leur organe derrière leur pilosité, hormis, peut-être, certains cas très rares de microscopie pénienne et testiculaire. Il faut donc prendre des mesures pour que soient protégés ces malheureux hommes objets des tendances odieuses de notre société. Où alors, il faut pourvoir à l’égalité de l’exhibition. Ce que réalisent les films diffusés très tard le soir. En raison de leur caractère démocratique et égalitaire, il devient donc nécessaire d’ordonner qu’ils soient projetés dès 20 heures.

Université et LRU : comment se faire mettre

Ce qu’il y a de remarquable, chez les universitaires, c’est qu’ils sont intelligents. Qu’ils sont intelligents et rationnels. Alors, ils votent de belles motions, intelligentes et rationnelles, ils écrivent de belles lettres, intelligentes et rationnelles.
Mais ils ne voient pas, ou font semblant de ne pas voir, que les puissants qui nous gouvernent n’ont rien à faire avec l’intelligent et le rationnel. Les puissants ont des idées, souvent toutes faites, souvent dogmatiques, souvent courtes, qu’ils sont allés pêcher on ne sait où, sinon à l’écoute de brillants conseillers qui les manipulent bien. Le mode de fonctionnement du puissant est animé par un petit nombre de principes. La popularité d’abord. Il faut bien être réélu pour entretenir son goût du pouvoir et son train de vie. Et quelques principes, bien profondément calés au fond de leur réflexion superficielle. Et c’est ainsi qu’on fait des « crises », et c’est ainsi qu’ont fait des guerres.
Ce qui se passe aujourd’hui à l’Université n’est pas une petite péripétie. C’est le choc violent entre deux cultures, humaniste et sociale, d’un côté, capitaliste et libérale de l’autre. Et l’on veut appliquer aux humanistes, les règles du libéralisme qui vient, une fois encore, à l’échelon mondial, de démonter son effet particulièrement nocif.
Demain, après l’Université, ils vont tuer l’Hôpital Public. C’est prévu. Ils ont d’ailleurs commencé en stigmatisant quelques malheureux accidents, et ils vont continuer en distribuant le gras aux cliniques privées et le maigre à l’hôpital, comme c’est déjà le cas pour l’enseignement privé et l’enseignement public. Les exemples anglo-saxons nous montrent déjà ce que va devenir le « meilleur système de santé au monde ! ».
Avant nous, les Présidents des diverses cours de justice ont déjà écrit de belles et cartésiennes lettres pour défendre un système, certes imparfait, mais bien moins stupide que celui qui se met en place. Et l’on assiste, impavides, au déferlement d’organisations insensées, de lois répréssives et même intrinsèquement criminogènes, presque sans broncher. Voilà la Justice complètement déglinguée, sans qu’on risque de découvrir le moindre bénéfice pour la société.

Des Présidents écrivent ! Quelle belle nouvelle ! Et la presse s’empresse… De tout simplifier.
Une fois éteint l’enthousiasme populaire lié à deux ou trois motions et lettres rationnellement écrites, il sera toujours temps d’en revenir peu à peu aux bonnes petites réformes scélérates.
Contre ces gens-là, il n’y a que deux moyens: les chasser ou leur faire peur.

 

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