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Créer de la valeur…

Lu sur le Net:

« Créer de la valeur pour les actionnaires: L’actionnaire est au coeur de la stratégie de *** avec un objectif : la valorisation de l’épargne des actionnaires par une croissance soutenue et régulière des résultats et des dividendes dans la durée. »

Voilà donc bien. Ceci veut dire que votre action à 100 € va, non seulement, vous rapporter un dividende (en rétribution de votre prêt), mais qu’en plus elle va se mettre à valoir, 110 €, 120 €, etc..

Est-ce naturel ? Quand je place, donc je prête, de l’argent à la Caisse d’Epargne, celui-ci me rapporte 2%, en rétribution de mon prêt. Mais au bout du compte, mes 100€ vaudront toujours 100€. Quand j’achète une maison 100000€ et si je la revends 120000€, ma maison « prend de la valeur » en fonction de l’inflation ou de la demande, mais tout au long du temps de possession de ma maison, elle ne me rapporte pas de dividendes. Elle m’aura coûté pour son entretien, les impôts, etc. J’aurai travaillé à l’agrandir ou à l’améliorer. Ce qui fait que lorsque je la revendrai, il n’est pas certain que je reçoive autant que ce qu’elle m’aura finalement coûté surtout si j’intègre mon temps passé.

Mais voici qu’avec des actions, on peut créer de la valeur ! Quelle aubaine. C’est comme les Noces de Cana. Il y a reproduction des euros.

Comment cela se peut-il ?

Tout simplement parce que les ouvriers, les employés et les cadres de l’entreprise dont j’ai acheté des actions ont été spoliés. C’est simple: une entreprise ce n’est pas comme une maison de campagne. Elle ne plait pas à un acquéreur parce qu’elle a un bel aspect ou parce qu’elle est bien situé ou bien aménagée. Elle plait parce qu’elle rapporte de l’argent. Je comprendrais bien que mon action me rapporte un intérêt autant pour me prémunir des effets négatifs de l’inflation que pour rémunérer le risque pris. Tout cela est bien normal.

L’indice CAC 40 a doublé en 3 ans ! C’est quand même vraiment, vraiment beaucoup, non ?

Alors qui crée la valeur ?

Bien évidemment les salariés de l’entreprise qui mettent à son service leurs bras, leur temps et leur intelligence. Mais, me direz-vous, ils sont rémunérés pour cela. Certes. Mais quand je « crée de la valeur » par mon travail et que je suis rémunéré pour le faire, voici que les actionnaires sont rémunérés autant, voire davantage.

En fait, ils me volent une partie de mon travail.

En travaillant, je crée une plus value qui va dans la poche des actionnaires.

Et quand le dividende est élevé, le cours de l’action monte… évidemment !

Et la boucle est bouclée.

Cette situation ne serait même presque pas scandaleuse si, lorsque les affaires vont mal, les actionnaires puisaient dans leurs bénéfice de quoi faire face à la situation. Mais ce n’est pas le cas. Ils se sont enfuis, avec leur magot sous le bras et il serait ridicule d’espérer qu’ils remettent la main à la poche. Au contraire: c’est le temps des « plans sociaux ».

On va même plus loin: les patrons sont désormais jugés à l’aune de cette création de valeur. Peu importe l’avenir à moyenne échéance. A fortiori à longue échéance. Ils ne sont pas là pour préserver voire améliorer l’outil industriel. Ils sont rémunérés fort grassement pour créer du dividende et de la plus-value. Les actionnaires ne gardent pas leurs actions. Combien ai-je lu ? Six mois?

Dans ces conditions, aucune stratégie industrielle, aucune stratégie sociale n’est possible. L’entreprise est une vache à lait.

Tiens ! Mais qui avait mis au clair la thèse de la plus value, cette part impayée du travail de l’ouvrier ?

Un certain Karl Marx

Notes d’économie politique 1 – 1er décembre 2006