Le prix du pétrole et des denrées alimentaires ou le dérèglement absolu de l’économie de marché

Le prix du pétrole et des denrées alimentaires ou le dérèglement absolu de l’économie de marché

Chacun, qu’il soit spécialiste ou non, y va de son couplet sur les motifs et la légitimité apparente de l’évolution du cours du baril de pétrole. Mais l’objectivité consiste à reconnaître que ce qui se passe actuellement est totalement exagéré. Car s’il est vrai que la demande mondiale tend à s’accentuer, elle ne l’est pas, proportionnellement, en rapport avec l’augmentation des prix. C’est une loi dont la légitimité n’est apparemment justifiable que dans le cadre de l’économoie sauvage qui est qu’un produit devient de plus en plus cher parce qu’il devient de plus en plus rare ou parce qu’il est de plus en plus demandé.

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L’absurdité de cette loi apparaît encore plus facilement si on l’applique aux denrées alimentaires. On explique l’aumentation du prix du riz par la hausse de la demande. Mais cette variation du prix n’est pas directement liée aux coûts de production. Elle est purement spéculative. Ceux qui détiennent du riz savent qu’ils peuvent vendre plus cher car il y a des acquéreurs à tel prix. Voici donc qu’au fur et à mesure qu’une partie de plus en plus importante de la population mondiale se trouve en état de consommer davantage, les prix montent ce qui a pour effet de restreindre le nombre des bénéficiaires. Plus il y avait de pauvres, moins le riz etait cher ! Ceux qui s’extraient à grand peine de la pauvreté doivent, en plus de l’effort que ceci leur demande, produire un effort supplémentaire pour pouvoir acquérir ce qui leur est nécessaire.

Une part des bénéfices de ceux qui vendent du riz peut être considéré comme enrichissement sans cause puisque leur richesse croît sans qu’il aient eu à produire un effort supplémentaire. Et ceci n’a aucune retombée sur les clients. C’est du vol.

On dit que le premier choc pétrolier fut à la fois le produit d’un rapport entre le niveau de production limité par les pays producteurs et la nécessité pour les compagnies pétrolières de faire face à l’augmentation des coûts de la prospection de plus en plus compliquée. Si tel etait le cas, l’augmentation eût été presque légitime. Demander aux consommateurs de financer la recherche qui permettra de maintenir un certain niveau de production, au moins pendant un certain temps, n’est pas scandaleux, si tel est vraiment le cas.

Si la recherche, la production et la commercialisation du pétrole étaient administrée par une autorité compétente, on pourrait volontiers imaginer que le prix du brut serve aussi à financer des recherches vers l’exploitation de gisements plus onéreux ou à la recherche et au développement d’énergies alternatives. Mais il n’en est rien. Les pays producteurs engrangent des recettes plus élevées, suivis en cela par les compagnies pétrolières et les états dont les taxes augmentent. Au final, le consommateur paiera au moins deux fois: une fois au titre de cette évolution spéculative et une deuxième fois pour financer la recherche des énergies nouvelles.

C’est ainsi que l’économie de marché atteint son dérèglement maximum. Elle ne fonctionne pas au bénéfice des peuples de la terre. Une part de la richesse disponible dans les gisements de pétrôle dont au demeurant l’ensemble des êtres qui peuple la planète peuvent s’estimer propriétaires est confisquée par quelques uns que le hasard ou l’opportunisme a placés au bon endroit.

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L’économie planifiée, on le pressent alors, fonctionnerait tout autrement et produirait de tout autres effets. Dans ce cadre, la production d’hydrocarbures serait gérée pour permettre, au meilleur coût, la satisfaction des besoins essentiels des citoyens. Et comme il en serait besoin, depuis bien des années, on aurait développé l’action vers les énergies renouvelables, y compris vers celles qui sont peu productives de gaz carbonique et peu génératrice d’effet de serre. Pour le coup, l’humanité se serait trouvée mieux préparée à passer le cap de l’inévitable conversion vers d’autres sources énergétiques.

Or, aujourd’hui, il n’en est rien. Tout se fera dans l’urgence et probablement pas sans coût humain simplement parce qu’un petit nombre se sera attribué la richesse d’un bien planétaire sans contribuer, en contrepartie, au progrès de l’humanité. Nous sommes en présence du plus grand racket jamais commis dans notre histoire.

Notes d’économie politique 22 – 23 mai 2008

Bakounine