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Mai 1968 : 17 – Juin

[Mai 1968: commencer au début]

Comme chacun sait, juin n’est pas mai. Juin 1968 ne ressembla en rien au mois de mai. La manifestation du 30 mai avait rompu le charme.

Le lundi 3 juin, on sentait bien que l’athmosphère avait changé. Il y avait déjà des signes avant-coureurs de reprise. Il y avait bien toujours des négociations, des consultation de la base par les syndicats, mais il devenait évident, ce que je pressentais depuis déjà quelques jours, qu’une fois les améliorations des salaires obtenues, les ouvriers reprendraient le travail.

Fine la synergie ouvriers-étudiants. De toute façon, nous l’avions plutôt rêvée que vraiment vécue. La politique traditionnelle allait reprendre ses droits. A leur tour, les syndicats allaient rependre leurs habitudes. Naturellement, la « base » allait rechigner un peu. Il y avait des travailleurs qui avaient bien compris ce que le mouvement étudiant avait tenté de faire. Il en restera quelque chose dans les courants ou les mouvements autogestionnaires ou d’extrême gauche. Mais au final, l’ordre politico-syndical allait rependre ses droits.

La mort de Gilles Tautin va revéiller un peu la tendance protestatoire. Pour un moment seulement. Au fond, nous aurions bien voulu en imputer la cause aux forces de police. C’est vrai qu’il s’était noyé en fuyant et en se jetant dans la Seine pour échapper à ses poursuivants. Ce n’était quand même pas la même chose que s’il était mort entre leurs mains. Il ne serait pas le martyr. Maurice Grimaud, le Préfêt de Police qui s’est, pendant toutes ces semaines, dépensé sans compter pour qu’il n’y ait pas de mort, a rendu un grand service au régime gaulliste. Je ne crois pas qu’il en ait été remercié à la hauteur de son travail.

L’Université échappera à la reprise. Les examens ne sont pas organisés. Nous pouvons donc continuer à faire travailler nos méninges. Certes, au bout d’un moment, la Sorbonne sera évacuée, comme l’Odéon, mais il restera toujours de salles au Centre Censier où se tiendront toujours des commissions. Cela se passe bien. Certains enseignants y participent. J’en suis un peu, même si je dois me partager avec l’Institut Pédagogique National où le travail reprend très, très mollement. Toutes des A.G. ou toutes ces réunions sont très productives. Elles ont lieu dans un plutôt bon climat. Il en restera quelque chose.

A cette époque, j’avais été étonné que l’administration ne se lance pas dans une organisation des examens, en juillet par exemple. Mais à la réflexion, c’était une opération risquée. Elle pouvait démobiliser les étudiants en les amenant à réviser. Mais dans la mesure où nombre de cours n’avaient pas eu lieu, on risquait aussi un mouvement de protestation. En laissant les choses aller jusqu’en juillet, le ministère faisait le pari que les vacances d’été viendraient démobiliser tout le monde. Et il eût raison.

Autant mes souvenirs de mai sont forts et enthousiastes, autant ceux de juin sont tristes et un peu désespérés. C’est comme le début de la fonte des neiges avant que le Printemps ne vienne ensoleiller la montagne: il fait nuageux, la neige devient soupe grise en s’amalgamant à la terre pour, au final, produire de la boue. Ce mois de juin ne fut pas joli. L’enthousiasme fondait.

Et puis, il a ces souvenirs d’épuration. Je pense là, notamment, à l’O.R.T.F.. Des journalistes de talent, connus et réputés (comme Roger Couderc ou Claude Darget, par exemple), sont virés comme des malpropres devant des syndicats quasi impassibles et un peuple de France devenu collabo. Je n’ai jamais pardonné aux syndicats de nous avoir ainsi lâchés pour quelques centaines de francs d’augmentation de salaires qui seraient rapidement repris par l’inflation. Je n’ai jamais pardonné aux partis de gauche de nous avoir abandonnés pour se lancer dans une campagne pour des élections qu’ils allaient obligatoirement perdre. Je ne sais pas si le slogan « élections, piège à cons » date de cette époque, mais il s’applique bien.

Le mois de juin passa. On se parla beaucoup moins dans la rue. Puis pas du tout. Et puis vinrent les congés payés. La France redevenait normale. Pendant ce temps, à Prague, les chars soviétiques allaient entrer dans la ville.

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Mai 1968 : 16 – Le 30 mai ou l’horreur absolue

[Mai 1968: commencer au début]

Dans les derniers jours de mai, il se passe des choses du côté du pouvoir. D’abord, de Gaulle disparaît. On est enchanté. Il s’est enfui ! Hélas non. Il est juste allé s’assurer que l’armée marcherait sur le peuple s’il en était besoin. Mais cela, nous ne l’avons su que plus tard. Heureusement pour tout le monde.

Et voilà qu’il cause, à la radio, je crois. Etait-ce le 29 ou le 30 ? Je ne sais plus. Toujours est-il qu’il a des mots très durs pour les évènements. Mais surtout, il fait un appel au peuple pour aider au retour à la normalité, à l’ordre quoi. Le peuple a dû aimer.

Le soir du 30 mai a lieu cette manifestation sur les Champs Elysées dont on a dit qu’elle avait compté un million de personnes. Etait-ce plus ou moins que celle du 13 mai. Peu importe. Voici que mes illusions s’effondrent.

Mes illusions s’effondrent, parce que je croyais, naïvement, que le mouvement était populaire. En réalité, ma perception était faussée simplement parce que je fréquentais le Quartier Latin et le monde universitaire. Je savais aussi que les services étaient en grève, que les usines symboles comme Renault Billancourt étaient arrêtées. En fait, la radio (je n’avais pas accès à la télévision) racontait que ce quej’avais plaisir à entendre. J’ignorais que tout un peuple était hostile et faisait le gros dos. J’ai appris par la suite que mes parents étaient de ceux-là. Mon père dormait selon un tour de rôle à la Gare d’Austerlitz pour monter une espèce de garde comme si on allait s’emparer d’une gare ! Et il est vrai aussi que je n’avais aucun contact avec tous ces employés et tous ces commerçants silencieux qui attendaient sans doute, certains avec la peur au ventre du « bolchevisme » que de Gaulle remette tout cela en ordre.

manif-30-mai.1207431420.jpgLe 30 mai, il y réussit. A mon grand désespoir. Car ce jour-là je compris que c’était perdu. A vrai dire, je n’avais d’ailleurs pas la moindre idée de ce qui était perdu. J’attendais simplement que de Gaulle s’en aille et tous ses compagnons historiques ou de circonstance avec lui et que d’autres viennent au pouvoir. Je ne pensais pas du tout à un coup d’état ou quelque chose de ce genre. De Gaulle partirait. Il y aurait des élections et la gauche gagnerait. De Gaulle a été plus malin. Il dissoudra l’Assemblée Nationale et se fera élire fin juin une chambre à sa dévotion. Je me souviens de mon grand-père, vieux socialiste, éprouvé par l’énormité de cette majorité disant « Mon Dieu, qu’est-ce que vous avez fait ». D’une certaine façon, il avait raison, car cette chambre introuvable fut largement élue grâce à la peur de toutes ces catégories sociales que les évènements avaient terrifiés.

Le 31 mai, on fit les comptes de la manifestation de la veille. Le mois de mai était fini.

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Sur la question de l’envoi de soldats français en Afghanistan et le refus d’un vote par l’Assemblée Nationale

afgha.1207179410.jpgLa manière pour le moins triviale avec laquelle il a été répondu aux questions des députés de l’opposition, comme de certains députés de la majorité, d’ailleurs, mérite quelques commentaires.

Ce n’est pas un fait nouveau sous la cinquième république. La représentation nationale a presque tout le temps été éloignée des questions militaires, notamment de celles qui auraient pu dépendre, à tort, d’un « domaine réservé » du Président de la République. Cette habitude date de loin puisqu’elle fut initiée par le général de Gaulle lui-même pour qui toute la politique internationale dépendait de sa sphère privative. Cet état de fait n’est pas démocratique. Même aux U.S.A., pays dans lequel le pouvoir présidentiel est fort sur les questions internationales, le chef de l’exécutif doit rendre compte. Depuis le début de l’intervention en Irak, Geores W. Bush a dû, à plusieurs reprises, s’adresser au Congrès américain pour pouvoir disposer des fonds nécessaires. Il a donc fallu donner quelques explications, au moins assez pour permettre un débat public.

En France, voici que Nicolas Sarkozy semble vouloir décider seul de l’envoi d’un contingent supplémentaire d’un millier de militaires en Afghanistan, mission périlleuse et dangereuse où la vie des intéressée sera exposée comme elle l’est déjà pour ceux qui se trouvent là-bas. Déjà, dans l’affaire de la Bosnie, la question s’était fortement posée. Et si la légitimité de l’intervention n’était guère contestée, la nature de la mission a maintes fois été source de questions dans la mesure où les instructions des forces de l’O.N.U. ne permettaient pas d’empêcher certains massacres ou débuts de génocide.

A la lumière de cette expérience, il est donc tout à fait légitime que la représentation nationale souhaite examiner, de façon approfondie, la légitimité de l’envoi d’un nouveau contingent en Asie. C’est donc lui faire injure que de refuser un tel débat avec vote. Même si l’on peut dire que certaines habitudes du passé n’étaient pas aussi exigeantes, c’est tant mieux que les choses changent.

Naturellement, immédiatement la majorité a pris la mouche et, au lieu de prendre acte de la légitimité de la demande et de mettre en place une méthode de réponse à la question, s’est répandu dans des considérations périphériques. Sarkozy qui se présentait comme un homme de rupture, aurait dû accepter aussitôt sans attendre le dépôt d’une motion de censure quitte à mettre en place, si nécessaire, quelques réunions à huis clos si la sécurité l’imposait. Mais il semble, sur ce sujet aussi, que la « rupture » n’aut été qu’une formule de propagande électorale.

Lire l’analyse parue sur Rue89, le 9 février .

« Tout pouvoir sans contrôle rend fou« .

Arche de Zoé: le scandale de la grâce

enfantaffame.1206979009.jpgQuand je lis les réactions sur lemonde.fr à propos de la grâce des protagonistes de l’affaire de l’Arche de Zoé, je suis réconforté. Presque tous les commentaires sont défavorables à cette mesure. Car voilà des gens qui ont quand même contrevenu à des lois aussi bien françaises que tchadiennes. En seul droit français, ils ont procédé à des enlèvements ! Sans compter ce qu’ils doivent à toutes les familles auxquelles on avait fait miroiter des adoptions. L’excuse de naïveté a quand même ses limites.

J’ajouterai même que le fait de vouloir s’affranchir de toutes les règles qu’observent, par ailleurs, avec une légitime prudence, les O.N.G. implantées localement, témoigne quand même d’un certains mépris y compris envers les peuples africains. Sans compter ce qu’aura coûté leur délirante expédition, tant en euros, qu’en dollars, qu’en réputation des organisations qui travaillent sur place. Il se sont comportés vis à vis de l’Afrique rien moins que comme de vils et stupides colonisateurs.

On espère que le Président de la république Française n’ajoutera pas sa grâce à celle du Président Tchadien. De toute façon, ces personnages sont, en France, sous le coup d’une inculpation d’enlèvement ou d’exfiltration de mineurs dont on peut légitimement espérer qu’ils en rendront compte.

On craint, par ailleurs, que dans son enthousiasme libérateur, Nicolas Sarkozy n’ait commis quelques bévues diplomatiques dont les conséquences sont perceptibles, mais non point toutes révélées. Ces énergumènes se sont crûs beaucoup plus forts que les lois. Sarkozy, en se disant à l’époque prêt à aller les chercher lui même, s’est aussi imaginé plus fort. Tout cela n’est vraiment pas malin !

Crise: faire payer les salariés… toujours

peyrelevade.1206873271.jpgJ’entends à l’instant les propos de Jean Peyrelevade sur France Info. Hormis le fait que ce digne « spécialiste » a coûté une fortune au contribuable français dans l’affaire du Crédit Lyonnais, voici qu’on l’interroge sur les « solutions pour sortir de la crise ». Et voici que cet homme ne trouve rien de mieux à imaginer que d’éteindre les déficits de l’assurance maladie et de l’assurance vieillesse par une augmentation des cotisations sociales. Pas un instant ne l’effleure l’idée qu’on pourrait taxer bien d’autre profits, notamment les profits boursiers ou les profits nés de la vente des stock-options. La seule chose qu’il imagine, c’est de prélever, une fois de plus sur les salaires.

C’est comme la « journée de solidarité », feu lundi de Pentecôte travaillé. Personne n’a imaginé faire porter la charge sur les bénéfices industriels et commerciaux.

Mai 1968 : 15 – les politiques et Charlety

[Mai 1968: commencer au début]

Les négociations de Grenelle prennent fin. Dans beaucoup d’entreprises comme Renault ou Citroën, ces accords seront rejetés par les ouvriers. Mais c’est quand même habile de la part de Georges Pompidou d’offrir des augmentations substantielles des rémunérations, ce qui ne sera pas sans effet sur la mobilisation.

Viendra le meeting du 27 mai, organisé au Stade Charléty, par l’U.N.E.F., je crois. Il y aura une grande foule et nombre de manifestants devront rester à l’extérieur. Mais surtout, il y aura des intervenants célèbres, notamment Michel Rocard et surtout Pierre Mendès-France. C’est à ce moment que je ressens, enfin, une confluence entre les points de vue et les déclarations des hommes politiques, d’une part, et le mouvement étudiant, d’autre part.

Nous nourrissons une grande réserve vis à vis des politiques. Jusqu’alors nous nous en sommes tenus très à l’écart, y compris de ceux de gauche, qui semblent surtout préoccupés de prendre le bon train. Sur ce point, Mitterrand a fait des déclarations choquantes, comme pour dire, si je me souviens bien, qu’il est prêt à hériter du pouvoir. Mais, pour nous, le pouvoir est dans la rue. Ou, du moins, nous le croyons. En fait, je crois bien que les politiques, même ceux de gauche, ne comprennent pas vraiment ce qui se passe. Les hommes politiques ont une vision bien rigide et, somme toute légaliste, des évènements. Or, ce qui se passe n’est pas légaliste du tout. C’est bien le contraire avec des mouvements populaires qui échappent aux structures politiques et syndicales traditionnelles. Le Parti Communiste est très choqué et très hostile, même si… Il fait la fine bouche devant les dégâts des manifestations. Mais, en réalité, il craint plus que tout ces mouvements non structurés, incontrôlés et, à son plus grand effroi, incontrôlables. C’est pourquoi la position des étudiants communistes sera très difficile entre les consignes qu’ils reçoivent de leur hiérarchie et la sympathie qu’ils éprouvent spontanément pour le côté libertaire du mouvement. C’est tout le paradoxe d’un parti qui a cessé depuis bien longtemps d’être révolutionnaire.

Quant aux socialistes, il sont sur le grill. Pas révolutionnaires pour deux sous et déjà bien empêtrés comme ils le seront toujours par des luttes intestines d’influence, ce qui est encore la S.F.I.O (Section Française de l’Internationaloe Ouvrière – il y a vraiment de quoi sourire) espère, espère. Ils attendent, comme le chat attend sa proie, tout en se fendant de déclarations plus chaleureuses pour les mouvements sociaux des travailleurs que pour ceux des étudiants. Le pouvoir gaulliste est tellement bien ancré qu’ils n’espèrent pas vraiment grand chose. Mais on ne sait jamais. Un 13 mai à fait venir de Gaulle. Ce serait inespéré qu’un autre 13 mai, 10 ans plus tard, le chasse.

Quant au M.R.P. alors, n’en parlons pas ! Ils n’ont jamais eu d’amour propre. Prêts à tout pour une élection ou un ministère. Les pires. Ils sont fangeux. Au moins, les gaullistes se présentent clairement. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a point d’opportunistes parmi eux. L’avenir prouvera que la majorité d’entre eux ne valent pas plus chers que les autres. Mais tant que de Gaulle est là, ils sont tenus en laisse. Et ceux là ne cherchent pas à tendre le petit doigt au mouvement. C’est le désordre qu’il convient de faire cesser au plus vite, voire par une répression sévère, voire sanglante.

Nous sommes donc très isolés. Et faisant l’objet de tentatives de manipulation, on s’en doute bien, d’où l’extrême sensibilité des groupuscules à ce qui pourrait y ressembler, même à peine. Situation paradoxale, parce qu’il nous aurait fallu compter sur ces mêmes politiques pour avoir des chances d’accéder au pouvoir. La plupart d’entre nous était bien incapable de le prendre par les armes. Parce que nous étions dans une position de contestation par l’argumentaire, mais aussi parce que la plupart d’entre nous étions bien incapables de nous servir d’un fusil, conséquence de notre anti-militarisme forcené issu des évènements d’Algérie. Et cette position s’est maintenue. Lorsque que j’ai effectué mon service militaire en 1970, dans un groupe de sursitaires, nous étions très peu nombreux à vouloir nous initier au maniement des armes « au cas où ».

Il faut ajouter, cependant que, pour un assez grand nombre, l’expérience de mai 1968 n’a pas été aussi marquante qu’on le croît souvent et les « héritiers » ne sont pas si nombreux. Nous sommes restés dans cette position ambivalente vis à vis des acteurs et des structures politiques. Peu y ont fait carrière . Ils se sont distingués qui dans l’enseignement, qui dans le journalisme ou l’architecture, ou bien d’autres secteurs, voire même le secteur productif. Seul Daniel Cohn-Bendit fait exception, mais on n’ a pas le sentiment que sa carrière ait été animée par une une frénétique recherche du pouvoir.

Pour moi, le vote a toujours été une confiscation du pouvoir du peuple. En 1969, j’y suis allé, mais l’offre était vraiment peu excitante. Puis j’ai voté P.S.U.. Puis quand le P.S.U. s’est dilué, je n’ai plus voté du tout, jusqu’à ce que des arguments finissent par me convaincre que je ne pouvais pas être critique sans aller au moins voter. Avec le succès qu’on imagine. Quant à l’appartenance à des groupes politiques ou syndicaux, je l’ai fuie comme on le ferait d’une secte, faisant mienne deux citations. La première est de Brassens: « Quand on est plus de quatre, on est une bande de cons ». L’autre est d’Henri Tachan: « Dans mon parti y’a que moi et c’est déjà le merdier ». Pour être sincère, j’ai été syndiqué pendant un an de ma vie, à l’issue de quoi, ayant constaté que tout cela n’avait d’autre but que la promotion personnelle, j’ai déchiré ma carte en petits morceaux que j’ai jetés dans la cuvette des W.C., sa place légitime.

C’est ainsi que, dans le cours naissant de cette ambivalence politique, le meeting de Charléty du 27 mai 1968 m’est apparu comme quelque chose de créatif. Probablement parce que l’initiative en revenait au mouvement étudiant. Aussi parce que, depuis la grande manifestation « unitaire » du 13 mai, rien n’était venu significativement rapprocher les étudiants des travailleurs. Et cela manquait fortement. Dans toutes les assemblées ou les commissions auxquelles je participais, aussi bien avec les étudiants à la Faculté qu’avec les salariés de l’I.P.N., il était évident que ce que nous tentions de construire ne pouvait que s’insérer dans une dimension sociale plus large dans laquelle toutes les formes d’organisation étaient fortement autogestionnaires.

Mendès-France et Rocard étaient venus apporter cela. La caution de Mendès était très importante. Je n’ai jamais vraiment su si la réputation de cet homme était méritée ou usurpée, tant je me méfie des hommes qui nous gouvernent, mais il apportait probablement ce qu’il y avait de moins compromis dans le monde politique. Je ne me souviens naturellement pas de ce qu’il a pu dire, je n’en garde que l’ambiance. On dit aussi qu’il y avait une offre de service, mais je ne m’en souviens point.

Charléty fut un grand moment. Un grand moment de ferveur populaire. Ce n’était pas comme dans une manifestation où chacun, en fin de compte, ne participe qu’à un petit morceau de l’acte collectif. Dans le stade, des dizaines de milliers de personnes savaient qu’elles avaient beaucoup à partager, simplement parce qu’elle étaient ensemble. C’était comme la cour de la Sorbonne un jour de meeting effervescent, sauf que c’était beaucoup plus grand.

Dans une allocution, deux ou trois jours auparavant, de Gaulle avait annoncé un référendum et déclaré que si la réponse était négative, il partirait. Nous avions nos chances.

[Suite ]

Monsieur Sarkozy avait promis…

Monsieur Sarkozy,

Pendant la campagne présidentielle, vous nous avez annoncé bien des choses heureuses. Ce n’est pas comme l’autre, la Ségolène, qui ne voulait s’engager sur rien, toujours à se méfier des contingences économiques. Vous, au contraire, vous nous avez bien fait comprendre que tout ce baratin sur l’économie auquel je ne comprends rien n’était là que pour justifier que ma vie soit ennuyeuse. Vous nous avez bien dit que l’on pourrait se passer de la Banque de Monsieur Trichet (quel nom prédestiné !) et autres Cassandres qui promettaient mille tourments.

Et voilà que votre Premier Ministre vient dire qu’il faudra renoncer à la baisse des impôts.

Je ne veux pas avoir l’air rancunière, mais votre prédécesseur nous avait déjà fait le coup. Mais vous aviez parlé de la « rupture ». La rupture ça veut dire pas comme avant. Sur ce plan, j’ai déjà été baisée par Chirac et je commence à ne pas trouver très drôle ce type de sodomie, parce que ce genre de baise c’est toujours des coups par derrière. Surtout que vous aviez dit aussi qu’ensemble tout deviendrait possible, qu’en d’autres termes, ce serait plutôt moi qui baiserait. Mais j’ai beau chercher, je ne trouve personne à baiser et mon éréthysme sexuel commence à battre l’aile.

Vous me dites que, de toute façon, je ne paye pas d’impôt sur le revenu. C’est vrai. Mais mes parents qui sont retraités, avec une retraite pas si élevée que cela, en payent. J’ai bien le droit de m’intéresser à mes parents ! Surtout qu’eux ne me laissent pas tomber quand je suis dans la merde. Même mon ex, qui n’a pas un trop mauvais fond se laisserait bien aller à me donner un petit billet, mais lui, comme célibataire, il en prend plein le… Vous voyez par où que je veux dire.

Je dirai même que le nombre de ceux qui me sont passés dessus a plutôt augmenté : voyez, vous avez commencé par donner un paquet fiscal à des gens qui ne sont pas moi et qui m’on regardé en me faisant la nique. Je ne dirai rien des heures supplémentaires. Car pour l’instant, à mon corps défendant (contre me faire baiser), les heures supplémentaires de caissière chez Auchan, y’en a point. Même que c’est 25 heures par semaine. Et pas plus. Quand on ouvrira le dimanche, je pourrai peut-être, comme cela, mes deux enfants seront débarrassés de leur mère. Autant les mettre à l’orphelinat.

Puis après, je me suis fait mettre de quelques centimes sur chaque boîte de médicament. Cinquante centimes par ci, cinquante centimes par là. Et comme, dans le même temps, je me faisais aussi baiser par la grande distribution, c’est devenue une vraie partouze dans laquelle je faisais la pute sans toucher un euro. On m’en retirait même. C’est la nouvelle loi du genre: plus je te baise et moins tu gagnes. Même plus moyen de faire la péripatéticienne.

On me dit aussi que je vais devoir cotiser 41 ans pour toucher ma retraite à taux plein. C’est bien cela. Avec mon emloi pas plein, je n’ose imaginer ce qui va me rester. Surtout qu’à cet âge, je serai trop vielle et trop moche pour faire la pute, la vraie, même à tarif senior, pour arrondir mes fins de mois.

Peut-être que si vous étiez gentil, Monsieur Sarkozy, vous pourriez juste me donner votre montre. Vu son prix, je pourrai la revendre et avoir un peu d’air pendant un bon moment. Je dois bien pouvoir avoir un camion de patates pour ce prix. Et puis, si vous et vos ministres preniez un peu moins les avions très chers, peut-être pourriez-vous dépanner des centaines de gens comme moi. Je n’ose vous suggérer de demander à vos copains, vous savez les Bouygues, les Lagardère, tous ceux qui étaient avec vous au Fouquet’s le soir du 6 mai, de se contenter d’un peu moins de fric, cela ferait peut-être exemple que d’autres suivraient. La vraie solidarité. Celle des gros riches envers les petits pauvres. Et pas des pauvres entre eux.

C’est vous qui l’avez dit, Monsieur Sarkozy: « Ensemble tout devient possible ». Ensemble c’est donc bien avec tout le monde y compris tous vos copains du kake 40 et aussi Johnny comme le Clavier et le Reno. Votre petite femme qui n’a pas l’air désargentée non plus pourrait aussi faire un don.

Tant qu’à faire, vous pourriez faire une loi. Une loi qui interdirait de s’enrichir en baisant les travailleurs. Oh, je comprends qu’il faut bien donner un bon salaire à ceux qui donnent beaucoup d’eux-mêmes pour faire marcher les entreprises. Mais il y a des limites. Même si on s’arrêtait à 20 fois le SMIC, on trouverait encore de quoi. Vous allez me dire qu’ils vont tous se barrer à l’étranger. Est-ce vraiment grave ? On confisquera tout ce qu’ils ne pourront pas emporter. En même temps on pourra piquer les résidences des tyrans africains et on pourra même secourir d’autres peuples.

Vous ne pouvez pas imaginer, Monsieur Sarkozy, ce qui m’arrive. Je vous aimais bien pourtant. Mais quand je réfléchis, et plus je réfléchis, même s’il y a des choses dans ma réflexion qui ne sont pas tout à fait claire, j’ai l’impression de devenir une autre personne. J’ai raconté cela à mon ex, qui est plus cultivé que moi. Et savez-vous ce qu’il m’a dit ? Il m’a dit, je répète parce que je ne suis pas sûre d’avoir tout compris, il m’a donc dit que mes analyses étaient superficielles, mais qu’en continuant un peu, je deviendrai marxiste… ou gauchiste. Je ne sais pas ce qui est mieux ou pire. Qu’en pensez-vous ?

Trombinoscope des hommes dangereux (catégorie adversaire des libertés): Hu Jintao

hu_jintao.1206648786.jpg« Depuis décembre 2005, trois des journaux les plus libres ont connu des purges au sein de leur direction tandis qu’une dizaine de journalistes et cyberdissidents ont été arrêtés par la police politique. Le Président, également chef du Parti communiste et de l’armée, a personnellement exigé l’arrestation de Zhao Yan, collaborateur du New York Times, et Ching Cheong, journaliste d’investigation hongkongais. L’Association « Reporters sans frontières » signale qu’en 2004 Hu Jintao avait déclaré publiquement son admiration pour le modèle cubain de contrôle de la presse : propagande, Internet filtré et journalistes étrangers surveillés. »

(Extrait de Wikipedia ). No comment

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Mai 1968: 14 – Le 24 mai

[Mai 1968: commencer au début]

Le soir du 24 mai, j’y serai. En fait, comme je l’ai indiqué, mes obligations familiales de nouveau père m’invitaient à rentrer chez moi le soir, ce que faisais évidemment à contrecoeur. Le 24 mai, ma femme se trouva assez reposée pour pouvoir sortir le soir, ce qu’elle avait envie de faire depuis bien longtemps. Vite fait, on s’organise. On confie le petit aux grands parents. On retraverse Paris pour aller ranger la voiture hors de portée des probables incidents, en fait, aux pieds de notre appartement près de la statue de Jeanne d’Arc du Boulevard St Marcel.

Il n’y a pas loin pour se rendre à pied au quartier latin. A mon grand étonnement, il n’y a pas autant de monde que ce que j’avais imaginé. L’ambiance est calme mais tendue. Cela ne ressemble à rien des manifestations de la journée. A rien, non plus, de ce que j’avais ressenti dans la nuit du 10 mai, mais là, j’étais tombé en pleine action. Nous savons cependant qu’il doit y avoir une manifestation. de toute façon, il y en a une tous les soirs, plus ou moins violente.

La rue Soufflot et la Place du Panthéon sont presque désertes. Je revois bien cette image des murs plongés dans une relative obscurité avec quelques très petits groupes de piétons qui semblent raser les murs. Là se trouve aussi le Commissariat de Police du 5ème arrondissement, réputé pour ses matraquages. Quelques têtes peu amènes dépassent du nid. Devant, il y a un certain nombre de cars de police.De nos jours, les cars de CRS sont blancs. A l’époque, ils étaient peint d’un bleu marine presque noir. Cela crée une impression forte et dissuasive.

Nous descendons le Boulevard St Michel. Il y a un peu plus de monde, mais pas beaucoup. Même dans la cour de la Sorbonne, parfois si animée dans la journée, c’est loin d’être l’affluence. Comme il est tard, il n’y a pas de débat enfiévré dans le Grand Amphithéâtre. En sortant rue des Ecoles, j’entends un bruit presque régulier et sec. Je découvre tout de suite qu’on est en train de dépaver la sue St Jacques. Et le bruit de tous ces pavés qui tombent de dizaines de mains sur le talus déjà dressé fait comme une succession très rapide de coups de pistolets. Ceux qui sont à l’ouvrage sont moins nombreux que ceux qui regardent.

Depuis quelques jours, il y a un peu moins de monde aux manifestations de la nuit. Il y en avait plus au début du mois, mais elles avaient lieu plutôt en fin d’après-midi. A cette époque, le partage entre les manifestants violents et les autres présentait une zone d’incertitude. Nombreux sont ceux qui même n’étant pas prédisposés s’étaient laissés aller à lancer quelque chose sur les forces de l’ordre pris par l’ambiance. D’autant que les jets de grenades lacrymogènes incitaient à la riposte.

Depuis, il s’est passé quelque chose. J’ai le sentiment que les journées que nous vivions, d’une certaine manière enthousiasmés par l’étonnante chaleur des rapports sociaux et l’inventivité des débats dans les assemblées générales et les commissions, consommaient une part de notre énergie revendicatrice. Nous étions en train de poser les pierres d’une reconstruction si phénoménalement solidaire et ouverte de notre société que nous n’avions pas besoin d’aller nous battre contre qui que ce soit.

D’un autre côté, nous déplorions les excès des « casseurs » en sachant bien qu’elles nuisaient à la réputation de notre mouvement. Et puis, nous avions appris que les casseurs étaient souvent des agents spéciaux des forces policières qui ont pour mission d’entraîner au désordre et au pillage. A cela s’ajoutait la brutalité des arrestations et des internements à Beaujon, ce qui faisait réfléchir. Sans compter, bien entendu, que la majorité d’entre nous était partisane de manifestations pacifiques.

Nous avons monté la rue St Jacques, de nouveau vers la rue Soufflot et le Panthéon. Arrivé en haut, nous avons entendu les premières explosions des grenades lacrymogènes vers le bas de la voie. Puis les CRS sont sortis du commissariat du cinquième pour prendre la barricade à revers. Ils étaient nombreux. Ils étaient tout noirs et menaçants. J’ai pensé tout de suite aux milices nazies.

Etait-ce manque de courage ? De toute façon, il n’était vraiment pas indispensable de rester pour se faire taper sur la tête. Nous avons pressé le pas pour quitter le quartier.

Nous avons appris par la suite que la soirée avait été bien sauvage. Dans tout Paris et si je m’en souviens bien, il y a eu des tentatives d’incendies, ici ou là, dont à la Bourse. Il y aurait eu un mort, sur une barricade. Il y a deux versions: tir de grenade ou coup de couteau.

 

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[Suite]

Carla dévêtue: désespérant !!!

Il y a quelques semaines, le 19 décembre pour être précis, j’ai publié un article sur ce blog même, intitulé « Carla Bruni nue ». Pour l’essentiel, je faisais essentiellement référence à cette nouveauté française, sachant que jusqu’à présent, « Claude nue », « Anne Aymone nue », « Danielle nue », « Bernadette nue » étaient des requêtes qui ne donnaient aucun résultat sur Google. Et cela vient de changer. A tout hasard, j’avais donné ce titre, pour créer un bruit, du « buzz », comme on dit. Soucieux, quand même d’un peu de dignité, j’avais juste donné l’adresse d’un site qui montrait diverses photos de Madame Bruni, lors des activités de sa profession de mannequin, dont certaines peu vêtues.

J’imaginais qu’on en sourirait un moment, comme d’une bonne plaisanterie de bistrot. C’était une curiosité. C’était aussi une manière de dire que, compte tenu des antécédents de la dame, il n’était peut-être pas indispensable qu’on expose trop la liaison avec son compagnon d’alors. Nous savons bien comment les prédécesseurs de Nicolas Sarkozy ont trouvé des arrangements avec cet ordre qu’on peut bien qualifier d’hypocrite et de bourgeois. Et même, si je pense sincèrement qu’on doit laisser tout un chacun bien libre de ses actes, je pense aussi qu’il n’est pas indispensable d’en faire forcément publicité.

Disons que je n’avais rien à dire de la bonne fortune de Monsieur Sarkozy, sauf l’exhibition d’une passion subite, après des va et vient publics à propos de sa conjointe légitime. Disons que tout cela aurait bien mérité de rester dans la sphère privée.

A la provocation de l’exhibition, je répondais donc par un article provoquant.

Curieusement, la chose passa inaperçue. Ma foi, tant mieux. Sauf que, vers le début du mois de février, je constatai une augmentation forte des consultations de cette page. Je retirai donc le lien et apposait ce commentaire, le 14 février:

« P.S.: Il y a sur ce blog plein d’autres choses intéressantes à lire ! »

Depuis les connexions à cette page étaient redevenues calmes, une centaine par jour, sauf qu’aujourd’hui, j’en suis à 624 connexions dont 556 sur cette page même. Ce qui au passage me désespère, car peu de lecteurs ont pris la peine de s’intéresser à la chronique sur mai 1968, que je suis en train de publier, chapitre par chapitre en d’autres points !

Me voici très attristé ! Oh, je suis bien persuadé qu’on ne changera pas la nature humaine. Mais je me sens troublé d’avoir manipulé de façon tout à fait involontaire, ce que je voyais comme une blague de potache et qui prend maintenant une ampleur… que je n’avais pas prévu. Je ne m’en sens pas coupable. Il y a bien d’autres sites où l’on est bien moins réservé. Il n’ y a lire le Daily Mail de ce soir !

Je me demande simplement si Nicolas Sarkozy qui se trouve être aussi le Président de la République Française a bien mesuré, dans sa relation amoureuse adolescente et publique, l’impact mondial de ces circonstances. Il va traîner tout cela pendant tout son quinquennat. Il ne pourra se rendre nulle part dans le monde sans être chassé par des dizaines de paparazzi qui ne s’intéresseront qu’à cela. Et je me prends à imaginer le pire. Que cette passion bien soudainement enflammées ne s’éteigne aussi vite, car on dit que Madame est un peu coutumière du fait.

Qu’adviendra-t-il ?