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Chercher et enseigner à l’Université

Au moment où la Ministre est en train de peaufiner un projet de décret destiné à punir les enseignants de l’Université qui se trouveraient être de « piètres chercheurs », il n’est peut-être pas inutile de faire connaître au public, ce qu’est un travail de recherche.
Quand on présente, à la télévision, des images censées illustrer l’activité de recherche, on montre volontiers des personnes en blouse blanche devant des paillasses et des tubes à essais. Mais, dans la réalité, l’activité prend des formes très diverses  et recouvre différentes phases préparatoires, qui prennent souvent bien plus de temps que la « paillasse » proprement dite. Si les biologistes cherchent dans des « laboratoires »,  il faut aussi se demander où sont les archéologues , les paléontologues,  les mathématiciens, les psychologues, les astronomes, etc. ?

 

Car la recherche se fait d’abord avec la pensée. Chercher, c’est formuler des questions, nous disons des hypothèses, c’est mettre en œuvre des moyens de vérifier ou d’infirmer ces hypothèses et apprendre de ce travail suffisamment pour continuer, en reformulant d’autres questions dont on essaiera de faire la preuve, etc.. Tout ce qui se passe avant le moindre geste spécialisé dans le cerveau du chercheur, ou, de plus en plus souvent, dans les cerveaux des membres de l’équipe de recherche, fait partie de ce travail et peut être long. Car une hypothèse, et la réunion de tous les éléments nécessaires à son examen, ne s’improvisent pas.
Une hypothèse est le fruit d’observations, d’expériences et de connaissances étendues. Il serait naturellement vain et ridicule de réinventer ce qu’on sait déjà. Le chercheur est censé connaître TOUT ce qui a déjà été fait ou dit sur le sujet qui l’intéresse. Et s’il est vrai que les moyens informatiques permettent aujourd’hui de trouver plus facilement les ouvrages et les articles nécessaires à sa réflexion, la prolifération de ces derniers, due à une pression aggravée sur les chercheurs pour qu’ils publient beaucoup, fait contrepoids. Se documenter sur un sujet peut prendre des semaines, des mois ! Et comme les publications paraissent sans cesse, ce travail de documentation, ou « veille scientifique »,  n’est jamais véritablement terminé.
Parallèlement, il faut mettre en place la méthode, le protocole comme on dit souvent, qui pourra permettre d’avancer, en général, par petits pas, pour  valider ou invalider l’hypothèse de départ. Et il faut savoir qu’il est alors fréquent de s’apercevoir que cette hypothèse a besoin d’être remaniée, et que le protocole devra être modifié, lui aussi, au vu d’aléas qui ne sont pas tous prévisibles, et ce d’autant plus que la problématique est nouvelle…Car il est impossible de reproduire en laboratoire les conditions du terrain, impossible de mettre en place sur le terrain tous les éléments souhaités, et plus généralement, difficile ou impossible de prévoir ou d’effectuer tous les contrôles nécessaires…. La recherche est faite de compromis entre les vœux  sophistiqués et rigoureux du chercheur et une réalité incontournable. C’est là qu’il doit être capable d’inférer les conséquences sur ses résultats de l’ensemble des éléments qu’il n’a pu maîtriser et c’est pourquoi le chercheur s’exprime toujours en termes de probabilités.
Il ne faut pas croire non plus, que les astronomes passent leurs nuits à promener leurs télescopes, au hasard. Une observation céleste aura fait l’objet d’une longue préparation pour déterminer la probabilité d’une découverte. Il ne faut pas croire que les historiens se jettent sur les grimoires de la Bibliothèque Nationale sans une préparation soigneuse. Il ne faut pas croire que les archéologues se mettent à faire des trous dans le sol au hasard. Il ne faut pas croire que les psychologues interrogent les passants dans la rue en leur posant des questions jetées sur le papier une heure avant. Et que dire des expériences de physique nucléaire, de modélisation informatique, de biologie médicale, etc. !
Faire de la recherche demande du temps. Du temps pour réfléchir et préparer les bonnes questions, du temps pour réfléchir et préparer les bon dispositifs d’investigation, et du temps, parfois beaucoup de temps pour comprendre les résultats qui n’ont pas l’habitude d’être forcément ceux qu’on attend. Et, ne pas vérifier une hypothèse pose au moins autant de questions que sa vérification.
Voilà rapidement dressé le tableau schématique de l’activité de recherche proprement dite. Mais un chercheur doit aussi communiquer avec la communauté scientifique. Il doit présenter ses recherches dans des congrès, publier des articles, voire des livres. Il lui faut donc écrire. Et l’on imagine volontiers qu’écrire un article, avec toutes les règles très strictes et très codifiées inhérentes à la science, n’est pas chose facile. On ne s’assied pas devant son traitement de texte en se disant « tiens, je vais pondre un article ce matin ». Il faut décrire avec la plus grande minutie ce qui a été fait. Il existe une règle : une recherche doit pouvoir être reproduite et par conséquent les résultats retrouvés à partir des seules informations présentées dans l’article. Il faut aussi discuter, commenter, mettre en perspective les résultats et référencer tous les travaux déjà publiés dans le domaine.
Mais voici qu’on demande maintenant au chercheur d’effectuer des tâches qui n’ont plus rien à voir avec la recherche proprement dite. Aujourd’hui, il lui faut écrire des contrats de recherche ! On se met même à juger de sa créativité en fonction du nombre de contrats obtenus ! Il lui faut donc aussi être un bon vendeur ! Savoir tourner son texte pour faire miroiter les « merveilleuses » retombées économiques de son travail !
De qui se moque-t-on ? Edison aurait-il prédit ….. ? Pasteur aurait-il prédit ….. ?
Qui est le partenaire privilégié du chercheur ? Le service de communication de son institut, formé à la publicité et à la vente ? Ou d’autres passionnés comme lui, prêt à s’investir pour comprendre un phénomène ? Doit-il rechercher la rentabilité à court terme  ou les découvertes à long terme ?

 

Et il y a aussi une chose qu’on oublie trop souvent. Un chercheur ne commence pas à chercher en entrant dans son bureau à 9 heures et ne cesse pas à 18 heures. Un chercheur ne peut même pas véritablement se mettre en grève, car il faudrait qu’il s’arrête de penser ! Un chercheur cherche en des lieux inattendus, en des circonstances qu’on pourrait croire improbables. Un chercheur peut réfléchir à ses travaux dans son lit, dans son bain, sur un télésiège, dans le métro et dans mille autres lieux et circonstances pour peu qu’il ait le loisir de permettre à sa pensée… de penser. Un enseignant de l’Université est censé avoir une telle activité à mi-temps. Les décrets prévus par notre ministre précisent même le nombre d’heures exactement ! On voit bien que ce partage est tout à fait théorique. Selon les moments, selon l’expérience en cours, il en sera ceci ou cela.

 

Mais, non content de produire des textes de haut niveau, il est aussi encouragé, souvent par lui-même qui en ressent le besoin, à écrire des manuels ou des ouvrages introductifs pour les étudiants. Ces ouvrages sont complexes, car il faut toujours négocier entre le côté pédagogique et le côté scientifique, sans tomber dans la simplification ou la schématisation trop fortes. Et qu’on ne fasse pas « le coup » des droits d’auteurs. Vu la taille des tirages, ils sont souvent symboliques !
Si l’on ajoute à cela, la durée des cours et leur préparation (car on n’a pas toujours la possibilité, surtout en premier cycle, de produire des enseignements autour de ses propres thèmes de recherche), les tâches annexes d’examen, de corrections (à une époque où la demande de contrôle continu est très forte), de jurys, de direction de mémoires ou de thèses, d’innovation pédagogique (qui est malheureusement souvent le parent pauvre, faute de temps), de tutorat (pour les étudiants mais également les chargés de cours), de participation aux Conseils de gestion ou d’administration et les activités d’organisation pédagogique, et ceci pour un salaire correspondant à celui d’un cadre petit ou moyen dans le secteur privé, on commence à se faire une idée plus précise de l’ampleur de la tâche.
Que peut-il arriver, alors,  si un chercheur, accaparé par ces tâches multiples, n’a plus de contact renouvelé et soutenu avec la littérature ?  Le risque essentiel, c’est qu’il  perde sa créativité et qu’il ne puisse plus formuler d’hypothèses innovantes, car celles-ci proviennent directement de la confrontation des savoirs et des idées. Pourquoi pensez-vous que les jeunes apparaissent plus créatifs que les « vieux »,  est-ce parce qu’ils sont plus intelligents, plus réfléchis ? Non, la vérité se trouve plutôt dans le fait qu’ils n’ont plus le temps ! Temps de lire, temps de s’interroger, temps de confronter, temps d’exercer leur pensée critique ! Le propre d’un chercheur est de se poser encore des questions là où d’autres se contenteront de réponses bien établies.
Faut-il vraiment ajouter qu’un chercheur ne peut qu’être très consciencieux. la qualité d’une recherche, et le fait que ses résultats « tiendront » ou non avec le temps, est directement proportionnel à la rigueur avec laquelle elle a été menée. Le quotidien du chercheur est fait de minutie et de contrôle, ce qui s’envisage mal lorsqu’il s’agit de grappiller par ci par là des minutes entre des dizaines d’autres activités.

 

Enfin, dans un autre registre, on ajoutera que, dans certains secteurs, il est souhaitable d’avoir une pratique professionnelle. Imagine-t-on des enseignants en médecine qui ne pratiquent pas, des psychologues qui n’ont pas de clients ? Il est même souhaitable que, d’une certaine façon, les enseignants de l’Université aient une certaine expérience du monde du travail auquel ils préparent les étudiants. On leur reproche assez, et parfois à tort, de n’en point avoir.

 

Alors, de grâce, laissons-les en paix en n’oubliant pas qu’aucune loi n’empêchera leur cerveau de travailler le dimanche.

 

Jean Pierre Dufoyer
Carolyn Granier-Deferre
Maîtres de Conférence
Université Paris Descartes

Eric Woerth veut empêcher les pauvres de manifester à Chantilly

Communiqué de Thierry AURY, secrétaire départemental du Parti communiste français
« M.Woerth veut interdire le rassemblement du 20 décembre ! Soyons nombreux à Chantilly ce jour là ! »

Sur une idée des conseillers généraux communistes, plusieurs partis de gauche ont lancé un appel  » à tous ceux qui souffrent de la politique du gouvernement « ,  » à toutes les forces de progrès, aux syndicats, aux associations de locataires, de parents d’élèves, de personnes handicapées, de solidarité aux migrants, aux collectifs citoyens de défense des services publics, aux élus de toutes senssibilités à se rassembler pour porter colère et résistance contre toutes les mesures de régression  » sous le mot d’ordre  » ça suffit ! « , Samedi 20 décembre, à 10h, devant la Mairie de Chantilly où siège le Ministre du Budget, M.Woerth, maire de la ville.

J’ai eu la surprise de recevoir ce lundi 15 décembre, par fax, un courrier de M.Woerth ( dont la copie est envoyée au Préfet – ce n’est pas anodin vu le contenu du courrier – ) m’indiquant qu’ il « condamne vivement cet appel « , qu’il est « stupéfait et choqué d’un tel rassemblement à quelques jours de Noël qui politise de façon abusive une période de joie et de fêtes familiales  » et qui « revient à pénaliser les l’ensemble des habitants et de ses commerçants à un moment où la crise économique de frappe durement le monde et notre pays. » (sic).

Pire, le Ministre sarkozyste et patron de l’UMP de l’Oise nous « demande fermement de ne pas donner suite à cette initiative qui dans la période que nous traversons et aussi proche des festivités de fin d’année, me parait inacceptable » !

Venant de la part d’un Ministre éminent du gouvernement, la copie de cette lettre adressée au Préfet indique clairement la volonté de voir interdire cette manifestation : c’est un fait extrêmement grave qui porte atteinte à l’un des droits fondamentaux de la République.

Cela s’inscrit dans une dérive grave portée par le sarkozysme d’atteintes aux libertés et d’intimidation, de répression vis à vis de tous ceux qui relèvent la tête et veulent résister à la politique du gouvernement.

Cette arrogance et ce mépris du peuple ( oser dire dans le contexte de crise que c’est notre rassemblement qui va empêcher le peuple de festoyer, il fallait le faire !) doivent être un encouragement encore plus grand à venir très nombreux Samedi 20 décembre, à 10h, sous le balcon de M.Woerth pour crier haut et fort : « régressions, destructions, provocations, ça suffit ! « .

C’est M.Woerth comme Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique qui organise le « bouclier fiscal » pour les plus riches, l’étranglement financier des collectivités locales, la suppression de dizaines de milliers de postes dans le secteur public, le renflouement des banques sans contrepartie : avec lui, c’est « Noël tous les jours » pour les riches, pour les actionnaires, pour les grandes sociétés capitalistes !

Alors que M.Woerth ne nous fait aucun cadeau, alors que toute la politique du gouvernement a contribué à l’ampleur de la crise, alors que des millions de famille se serrent toujours plus la ceinture et sont inquiètes pour l’avenir, nous voulons l’empêcher de passer un Noël tranquille !
Venez et faites venir nombreux à ce rassemblement avec vos pancartes, vos couleurs et toutes vos idées
pour exprimer vos colères, vos résistances et vos espoirs !

Enseignement supérieur et conséquences de la loi LRU : la privatisation rampante est en route

Sans doute les universitaires n’avaient-ils pas pris toute la mesure de la loi LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités). On ne peut pas leur en tenir rigueur, d’abord parce qu’elle avait été votée en quasi catimini, mais aussi parce que toute son expression dépendait des décrets d’application. Sans compter que personne, en aucune circonstance, ne leur avait demandé leur avis.

Aujourd’hui ces décrets sont publiés ou en passe de l’être. Et les conséquences en sont complexes et subtiles, au point qu’on pourrait se faire éblouir.

L’autonomie, un grand mot séducteur, revient à dire en fait que les universités deviennent des entreprises qui vont gérer leurs budgets et toute leur production sans avoir à en référer vraiment à quiconque. En même temps, on repasse le mistigri des transferts de charges, notamment immobilières, à un moment ou la carence de l’état a produit ce qu’on peut constater.

L’état se débarrasse de la chose universitaire. Les universités ont un Président, élu par un Conseil d’Administration, comme dans beaucoup d’entreprises. Et ce Président aura énormément de pouvoir. Naturellement, il sera sous surveillance de son C.A.. Mais la composition des C.A., elle même, ouvre la porte à d’autres que des universitaires. Donc rien n’est certain, sauf qu’il aura beaucoup de pouvoirs.

Ces pouvoirs seront très vastes; ils concerneront toute l’infrastructure, tout le personnel, tout l’enseignement. On peut imaginer une université ne remplaçant pas les enseignants partant à la retraite et augmentant sensiblement les salaires des enseignants, quitte à compléter par une augmentation des droits universitaires. On peut imaginer une politique de sélection sur toutes sortes de critères. On peut imaginer des diplômes cessant d’êtrenationaux. Oh, pas tout de suite, bien sûr, mais c’est juridiquement faisable, quitte à faire sauter discrètement un ou deux petits verrous dans quelques années.

Cette loi vient compléter le dispositif L (licence) M (Master) D (Doctorat), assez largement répandu en Europe, et qui s’inspire un peu (mais pas complètement) du modèle américain. Elle est à mettre en relation avec la forte demande de la tutelle pour la création de Licences Professionnelles. En même temps, on supprime les IUFM, on appauvrit, voire on supprime les IUT.

En ajoutant à cela la possibilité que certains universitaires soient moins ou pas du tout chercheurs, on voit donc se mettre en place, brique par brique, un dispositif qui tend à marquer la séparation entre la licence et le reste. On imagine alors volontiers qu’on pourrait, à moindre coût (puisque les enseignants pourraient effectuer jusqu’à deux fois plus d’heures pour le même salaire), recevoir un grand nombre d’étudiants en premier cycle. On crée ainsi le super-lycée. Un peu comme les colleges américains, à la mode européenne. Il y a longtemps que nos gouvernants en rêvent !

Mais, de plus, en raison d’une politique inévitable d’évaluation, puisque les universités seront concurrentes, en raison de l’abandon probable de la notion de diplôme national, on s’achemine vers une hiérarchie des universités, des mauvaises aux meilleures. Les « meilleures » bénéficieront facilement de l’argent complémentaire ou totalitaire du secteur privé pour former les cadres dont l’industrie et le commerce ont besoin. Les mauvaises seront les universités régionales…

La privatisation rampante est en route.

L’Université et moi : 7-Mai 1968

En quittant l’école de la rue St Benoît ce 3 mai 1968, je ne savais pas que je venais de faire mes dernières minutes de TP, pour cette année universitaire-là. Et que la prochaine n’allait pas reprendre avant 8 mois.

Je me suis alors trouvé avec trois rôles.

Le premier était celui de l’enseignant, un peu étonné quand même, comme mes collègues, de la tournure que prenaient les évènements. Je me rendais volontiers au Laboratoire de Psychologie Génétique dont je dépendais pour analyser les évènements avec les enseignants statutaires. J’étais, naturellement, un peu en retrait, compte tenu de ma position d’enseignant vacataire. Mais je me suis toujours efforcé d’être là. Par intérêt, par curiosité.

Le deuxième était celui de vacataire à 1/2 temps à l’Institut National de Recherche Pédagogique. J’y travaillais au service Statistique. Je m’y rendais donc, au moins au début du mois de mai, aux jours et heures prévus. Comme tout un chacun, ma productivité n’était pas excellente, compte tenu des circonstances  environnantes. Mias j’étais à mon poste.

Le troisième était celui de l’étudiant. Et là j’étais fort intéressé. Un peu inquiet pour certains excès, mais très solidaires des revendications concernant l’enseignement supérieur, puis concernant l’ensemble de la vie sociale dès que celles-ci émergèrent.

Dès que les amphithéâtres furent ouverts après la réouverture de la Sorbonne, avec d’autres enseignants nous étions souvent dans les assemblées. Pas trop dans le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, mais dans les plus petits amphis, notamment à Censier, où les ordres du jour annoncés concernaient la vie universitaire et l’enseignement de la psychologie.

Puis les choses devinrent ce que l’on sait. A partir, grosso modo, de la mi-mai, les questions dominantes ne concernèrent pas l’Université.

Puis tout au long du mois de juillet, chacun partit en vacances.

Au retour, à partit d’octobre, l’Université se remit à revivre avec ses propres questions. La première, terre à terre, était celle des examens qui n’avaient pas eu lieu. La deuxième était celle de la réforme des enseignements. Car les universitaires étaient bien convaincus des problèmes et disposés à revoir beaucoup de choses. Surtout qu’on s’attendait à une évolution positive des moyens. Il y eut donc beaucoup de séances de discussion, certaines entre enseignants, mais le plus souvent en présence et avec les étudiants. Ce ne fut pas trop difficile en psychologie car rares étaient les excessifs.

J’y étais. Rien ne me forçait à y être puisque mon contrat ne portait que sur l’année 1967-68. J’y étais à la fois parce toutes ces discussions m’intéressaient et qu’accessoirement, j’avais bien envie de conserver mon travail pour l’année universitaire à venir. Les choses allèrent même très loin parce que je fus même chargé de l’organisation matérielle (horaires, salles) de la deuxième année de psychologie, celle où j’intervenais. Et je fus même chargé d’organiser les inscriptions pédagogiques qui eurent lieu, je crois, en décembre. Je dois ces responsabilités, peut-être, à mon côté pragmatique. Quand une proposition tait adoptée, j’avais l’habitude, sans qu’on ne me demandât rien, de l’opérationnaliser. Et quand on revenait le lendemain en séance, j’avais des solutions concrètes et applicables à proposer. Je crois que c’était bien vu parce qu’on avançait.

Je participai aux examens qui furent, on doit bien le reconnaître, ce qu’ils furent. Je me fis même sermoner par un statutaire parce que mes notes étaient trop sévères. je fis le nécessaire, un peu à contre coeur. Je participai aussi à la grande délibération dans une immense salle où il y avait plein d’enseignants et d’étudiants. Il y eut naturellement beaucoup de reçus.

Lorsqu’il fut annoncé que des postes d’assistants seraient créés en Psychologie, je fis, naturellement, un peu de lobbying. Ma candidature fut soutenue par plusieurs statutaires, dont le directeur du Laboratoire, Pierre Oléron. Et je fus élu (en décembre, je crois avec effet rétroactif au 1er novembre). Je pense sincèrement n’avoir pas démérité pour obtenir ce poste. Pendant toute la période troublée, j’étais là, je m’étais impliqué avec beaucoup de sincérité sans vraiment rien espérer de plus que ce que j’avais déjà.

Ce fut quand même une grande chance. A 24 ans et 2 mois, j’entrai dans l’Enseignement  Supérieur. C’était beaucoup plus que ce que j’aurais pu espérer.

Au début de chaque année universitaire, je raconte cette histoire à mes étudiants. Surtout pour leur dire que leur avenir professionnel peut dépendre fortement de l’implication qu’on met dans une tâche. A un moment, on devient presque indispensable. Et s’il y a une opportunité, on est bien placé pour en bénéficier. Lorsque, quelques années auparavant, j’avais travaillé un mois d’été au Service des Périodiques de l’Education Nationale, je m’étais vu proposer, pour des raisons analogues de « rester ».

© Jean Pierre Dufoyer, décembre 2008

Saccage de l’université et des universitaires : une enseignante écrit

Passé-passons-dépassée

Je passe sur mon passé d’hier : enseignant-chercheur dans une université prestigieuse, et comme ma fonction l’indique, partageant mon temps entre enseignement et recherche.

Je passe sur mon présent : partageant mon temps entre enseignement, administration de l’enseignement et administration de la recherche, recherche de financements (bac plus 8 certes, mais pas de comptabilité ni de finances, on apprend à tout âge, passons…), et recherche pour ce qui reste = quelques bouts d’heures par ci par là, idéal pour entamer une réflexion approfondie ! Chapeau pourtant, malgré ça la recherche française, même universitaire, se défend bien au niveau mondial. Passons, encore, c’est de toute façon le passé.

Je ne passe pas sur mon futur annoncé, je suis dépassée : si j’ai de la chance, si mon président d’université apprécie ce que je fais, ou mes grimaces, j’enseignerais moins et aurais plus de temps pour faire de la recherche… super, mais sinon ? Si un autre a fait une plus belle grimace (préparez les miroirs dans tous les labos, moi je cacherai le mien, il faut toujours se méfier de ses collègues !!!) ou si mon président change et qu’il préfère d’autres grimaces ? Bravo à lui/elle (mince, j’aurais du lui casser son miroir l’autre fois) et dommage pour moi, c’est moi qui ferais les heures d’enseignement dont il/elle sera déchargé/e… plus le temps de m’entraîner aux grimaces…aïe äie aïe, l’an prochain, j’aurais encore plus d’heures d’enseignement à assurer pour récompenser les gagnants au concours de grimaces et moi qui aimais enseigner, ça devient ma punition…

J’arrête, si jamais mon président décidait vraiment de m’accorder une décharge sur la base du nombre de grimaces que je suis capable de faire, il faut que je m’entraîne !

Universités : actions contre le décret scélérat

Attention : les universités sont en ébullition. Un projet de décret destiné à modifier sérieusement les conditions de travail des enseignants chercheurs (cf. Ref.1 , Ref.2 et Ref.3 ) est en passe d’être signé. Mais voici que partout en France des comités d’action, des conseils de gestion et des conseils d’université prennent position contre ce décret. On peut donc s’attendre à des mouvements sociaux dans ce secteur dans les jours et semaines à venir. Universitaires de toute la France, unissez vous !

Ah ! Les bons flics !

Je me souviens d’une grande et noble police. Une bonne police qui accomplissait bien les missions qui lui étaient confiées avec tout le zèle qu’elle pouvait y mettre.
Cette police affectionnait les grands imperméables noirs. Elle aimait fort circuler dans des Citroëns Traction noires aussi. C’était le bon temps où l’on avait pas besoin de vouvoyer un sale juif. Comme les arabes de maintenant quoi. Cette police n’avait peur de rien. Elle ne méprisait pas l’idée de pénétrer chez un citoyen une fois la nuit tombée. Et en cassant la porte, c’était encore bien mieux. Comme on fait chez les nègres.
Ce que cette police adorait le plus, c’était de se payer un journaliste. Ah, les journalistes à qui on reprochait des trucs, même petits. Parce qu’il faut se méfier des journalistes. Surtout jeunes. Et ils ont une tendance à révéler des trucs quand ils feraient mieux de fermer leur gueule.
Le plus sympa, c’est de procéder à une arrestation au matin. Quand il y a les mômes, par exemple pour effrayer. On tape à la porte, on crie. Le type est terrorisé. même s’il n’a rien fait. Naturellement on l’attrape vivement et on lui met les menottes. C’est bon, les menottes. Dans le dos. Comme ça, s’il fait le con, le mec, s’il tombe en avant, il s’écrabouille la face.
Et le fin du fin, avec un journaliste, c’est de le foutre à poil. Et de regarder avec mépris sa petite bite froide qui pend mollement. Et aussi son trou du cul. Bien regarder son trou du cul, en le faisant se pencher en avant et écarter ses fesses avec ses mains. Ça c’est le fin du fin: regarder un trou du cul de journaliste avec ses couilles en arrière plan.
C’est bien dommage, cette police n’existe plus.

Lamentable Chérèque

chereque.1228167533.jpgCe matin, j’entends François Chéreque à la radio. Il n’a pas perdu son accent lamentable et dépressif. D’ailleurs, il donne vraiment dans le dépressif. C’est la « crise ». Alors il se lamente. Il se lamente sur le sort des travailleurs réduits au chômage technique. Il se lamente sur le fait que le RSA ne sera mis en oeuvre qu’au 1er juillet. Il se lamente en disant « qu’il faudrait bien » que les revenus des salariés, et patati, et que les patrons, et patata…
Lamentabilus cherecus morfondus!
Pas une seule fois, je ne l’ai entendu mettre en cause le système politique, économique et social qui domine le monde en général et la France en particulier. Pas une seule fois,je ne l’ai entendu, ne serait-ce qu’évoquer une possible réaction populaire. Baisse la tête, O peuple, devant la crise que tu n’as pas provoquée et dont seuls sont responsables ces gros et gras bien plus riches que toi.
Chérèque ne remet rien en cause. Il plie.Il s’insère dans le système.Il tend la main comme un mendiant. Il regarde impavide les millions et les milliards venir au secours des banques qui raflent l’aubaine sans contrepartie.
Chérèque, tu es lamentable.

L’Université et moi : 6-Mes débuts vacataires

Me voici donc entré avec ravissement dans le monde merveilleux de l’Université. Un prodige que je n’aurais jamais osé imaginer. La porte était entrouverte. Il me fallait entrer et me maintenir. Tout n’était pas joué d’avance.

Je fis donc au mieux ce que j’avais à faire. Je complétai mon travail par quelques vacations de recherche qui consistaient à dépouiller des questionnaires. Et, chaque mercredi et chaque vendredi après-midi, j’étais Moniteur de Travaux Pratiques sous la houlette d’Alain Danset qui était alors Assistant au Laboratoire de Psychologie Génétique dirigé par le Pr Pierre Oléron, en compagnie de ma camarade d’études Annick Guérin. Le laboratoire était niché dans les hauts de la Sorbonne. On entrait par la porte du 41, rue St Jacques. Il y avait là l’escalier A et un ascenseur. Si on « avait la clé », on montait par l’ascenseur. Sinon, on se tapait les quatre étages, quatre étages de Sorbonne, pour dire vrai, ce qui est bien autre chose qu’un immeuble d’habitation, même ancien.

Le travail de moniteur était très agréable. On installait les postes de travail dans un grand couloir. Chaque poste comprenait une table pliante (qu’on dépliait) et quatre chaises pliantes (qu’on dépliait). On déposait le matériel. C’était Alain Danset qui allait chercher les étudiants à la porte de l’école élémentaire. C’est lui aussi qui allait chercher les enfants dans les classes. Les moniteurs surveillaient le travail des étudiants, répondaient aux questions et intervenaient si nécessaire, travail intéressant qui demandait parfois un peu de tact avec les personnes d’âge qui croyaient tout savoir. Je n’en avais sans doute pas assez. Mon collègue Jacques Lautrey qui a fait une très belle carrière à l’Université, m’a dit se souvenir de moi, à cette époque. Il paraît que je « n’étais pas commode ».

Par chance, une opportunité se présenta à la rentrée de Novembre 1967. Une réforme avait aspiré les assistants et les maîtres assistants vers des travaux dirigés. Il fallait des enseignants pour assurer les travaux pratiques. Je devins donc « Chargé de Cours Complémentaire ». Du coup, je me trouvais en première ligne. Heureusement, Alain n’était pas loin. L’entraînement d’avoir fait quelques cours l’année précédente me fut bien utile. Je crois que tout se passa aussi bien que possible.

Je me pris à espérer, tout en m’accusant intimement de n’être pas assez instruit en Psychologie,  Je me pris à espérer un poste d’Assistant. Je vis, naturellement, arriver d’autres chargés de cours. Arriva notamment Josette Shun qui devait devenir Josette Marquer. Comme elle avait été introduite par la femme de Pierre Oléron, elle obtint un poste plus vite que moi. Ce que je sais de l’implication de Josette depuis, me laisse penser que c’était mérité. J’aurais juste préféré qu’elle fut nommée un peu après moi. C’est tout.

Cette année universitaire fut très agréable. J’avais cet emploi de Chargé de Cours. J’avais aussi dégotté un mi-temps au Service de Recherche de l’INRDP (Institut National sz Recherche er de Documentation Pédagogique), rue d’Ulm à Paris. En même temps, j’étais censé commencer une thèse. Mes semaines étaient bien occupées.

Le vendredi 3 mai 1968 vint bouleverser la donne. Au petit matin, mon fils Bertrand naissait. A 13H30, j’étais rue St Benoît pour ces Travaux Pratiques. Quand j’en ressortis après 16H30, le Quartier Latin était en effervescence.

© Jean Pierre Dufoyer, novembre 2008