Enseignement supérieur et conséquences de la loi LRU : la privatisation rampante est en route

Enseignement supérieur et conséquences de la loi LRU : la privatisation rampante est en route

Sans doute les universitaires n’avaient-ils pas pris toute la mesure de la loi LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités). On ne peut pas leur en tenir rigueur, d’abord parce qu’elle avait été votée en quasi catimini, mais aussi parce que toute son expression dépendait des décrets d’application. Sans compter que personne, en aucune circonstance, ne leur avait demandé leur avis.

Aujourd’hui ces décrets sont publiés ou en passe de l’être. Et les conséquences en sont complexes et subtiles, au point qu’on pourrait se faire éblouir.

L’autonomie, un grand mot séducteur, revient à dire en fait que les universités deviennent des entreprises qui vont gérer leurs budgets et toute leur production sans avoir à en référer vraiment à quiconque. En même temps, on repasse le mistigri des transferts de charges, notamment immobilières, à un moment ou la carence de l’état a produit ce qu’on peut constater.

L’état se débarrasse de la chose universitaire. Les universités ont un Président, élu par un Conseil d’Administration, comme dans beaucoup d’entreprises. Et ce Président aura énormément de pouvoir. Naturellement, il sera sous surveillance de son C.A.. Mais la composition des C.A., elle même, ouvre la porte à d’autres que des universitaires. Donc rien n’est certain, sauf qu’il aura beaucoup de pouvoirs.

Ces pouvoirs seront très vastes; ils concerneront toute l’infrastructure, tout le personnel, tout l’enseignement. On peut imaginer une université ne remplaçant pas les enseignants partant à la retraite et augmentant sensiblement les salaires des enseignants, quitte à compléter par une augmentation des droits universitaires. On peut imaginer une politique de sélection sur toutes sortes de critères. On peut imaginer des diplômes cessant d’êtrenationaux. Oh, pas tout de suite, bien sûr, mais c’est juridiquement faisable, quitte à faire sauter discrètement un ou deux petits verrous dans quelques années.

Cette loi vient compléter le dispositif L (licence) M (Master) D (Doctorat), assez largement répandu en Europe, et qui s’inspire un peu (mais pas complètement) du modèle américain. Elle est à mettre en relation avec la forte demande de la tutelle pour la création de Licences Professionnelles. En même temps, on supprime les IUFM, on appauvrit, voire on supprime les IUT.

En ajoutant à cela la possibilité que certains universitaires soient moins ou pas du tout chercheurs, on voit donc se mettre en place, brique par brique, un dispositif qui tend à marquer la séparation entre la licence et le reste. On imagine alors volontiers qu’on pourrait, à moindre coût (puisque les enseignants pourraient effectuer jusqu’à deux fois plus d’heures pour le même salaire), recevoir un grand nombre d’étudiants en premier cycle. On crée ainsi le super-lycée. Un peu comme les colleges américains, à la mode européenne. Il y a longtemps que nos gouvernants en rêvent !

Mais, de plus, en raison d’une politique inévitable d’évaluation, puisque les universités seront concurrentes, en raison de l’abandon probable de la notion de diplôme national, on s’achemine vers une hiérarchie des universités, des mauvaises aux meilleures. Les « meilleures » bénéficieront facilement de l’argent complémentaire ou totalitaire du secteur privé pour former les cadres dont l’industrie et le commerce ont besoin. Les mauvaises seront les universités régionales…

La privatisation rampante est en route.

Bakounine