Catégorie dans 02-Notes d’économie politique

Le gaz de schiste américain se mord la queue

On est heureux d’apprendre que le cours du gaz à tellement baissé (aux USA, s’entend, n’est-ce pas Mestrallet, vieux rapace) que son extraction n’est plus rentable. On constate que la dissociation des coûts de production et des cours, avec spéculation incorporée, joyeuseté du capitalisme, trouve ici une des ses nombreuses limites ! Il semblait qu’il y ait trop de gaz. Ou trop, du moins, pour le maintenir à un prix de vente pour être rentable ! Rentable !

Notes d’économie politique n°81
1068 – 01/02/2013

La libre concurrence ou le péché mortel du libéralisme

Le refus de l’Europe de taxer les briquets fabriqués en Chine procède d’un esprit de système : le dogme de la libre concurrence.
Tout un chacun aurait tendance à y croire. Il est vrai que, s’il y a plusieurs fournisseurs pour une prestation donnée, on pensera volontiers la concurrence sera un facteur de baisse des prix. On sait bien que si une entreprise est seule à fournir un service indispensable, elle pourra faire le prix qu’elle veut.
Les habitués des appels d’offre savent cependant que la simple comparaison n’est pas suffisante. Il faut s’assurer que la qualité de la prestation sera la même quel qu’en soit le prix est la même. Comme il n’est pas toujours facile d’en avoir la certitude, on va se retourner vers une notion de rapport qualité/prix, ce qui n’est pas forcément simple.
La concurrence repose, au départ, sur l’idée que certaines entreprises tenteront de faire des bénéfices exagérés. Si c’était exactement le cas, les choses seraient simples. Mais évidemment, bien d’autres éléments entrent en ligne de compte dans la formation des et notamment le coût de la main d’œuvre. Et c’est bien là que réside, par les temps qui courent, la supériorité chinoise.
En matière de téléviseurs, de chaîne hifi, d’informatique, la quasi-totalité de ce qui est distribué dans le monde est fabriqué en Chine. Tout simplement parce que les salaires y sont moins élevés et qu’après bien des erreurs, la qualité des produits chinois est satisfaisante.
La libre concurrence libérale a conduit à ce fait : la Chine dispose de l’exclusivité dans la fabrication de ces produits. Elle peut donc pratiquer les prix qu’elle veut. Naturellement, elle risque de se trouver un jour devant un concurrent. Mais, comme la terre n’est pas infinie, il arrivera un moment où il n’y aura plus de concurrent.
Prenons un autre exemple, celui de l’industrie automobile. On constate que, des dernières années, des fusions se sont produites, ou des accords tellement serrés qu’ils reviennent au même. L’un des premiers exemples fut l’accord entre Renault et Nissan. Depuis, bien d’autres se sont produits. Seul en France, Peugeot se trouve isolé et va mal. On est en droit de penser que ce processus de fusion-acquisition ne s’arrêtera pas là, jusqu’au jour où il n’y aura plus que deux constructeurs, et encore un peu de concurrence. Puis il n’y en aura plus qu’un, et là, il fera les prix qu’il voudra.
Prenons enfin, le cas de Mittal qui se trouve être le plus énorme groupe de sidérurgie dans le monde et qui ne se prive pas de phagocyter toute la concurrence, comme ce fut le cas pour Arcelor. Il arrive même que ce désir de possession n’a d’autre objectif que d’arrêter les usines qui pourraient faire de l’ombre ou dont les coûts d’exploitation sont trop élevés. Quand on possède la quasi-totalité de la sidérurgie mondiale, Florange c’est une minuscule crotte de chien.
C’est tellement vrai que les Etats Unis, pays libéral s’il en est, a dû adopter des lois anti trust !
Au passage, on aura vendu et acheté, les filiales, les sous-traitants : malheur aux sous traitants qui n’ont plus qu’un client ! Au passage, aussi, on ne se sera pas privé d’une bonne dose de plans sociaux produisant le chômage, la misère et la désolation dans des pans entiers du territoire.

Notes d’économie politique n°80
1026 – 28/11/2012

Je persiste et signe : il est urgent de quitter l’euro

Les états européens se repassent l’euro comme un bâton merdeux. Mais on ne voit pas poindre la solution. Malgré toute l’austérité imaginable, la dette grecque augmente toujours simplement par la baisse des recettes fiscales provoquée par la baisse d’activité, le chômage et la baisse de la consommation. Tous les gouvernants s’acharnent à maintenir la monnaie unique et la pseudo solidarité entre les membres de la zone, mais on ne voit pas l’ombre du début d’une inversion du processus. Après l’Italie, l’Espagne et le Portugal, d’aucun prédisent l’entrée de la France dans le jeu à condition d’admettre que cette entrée n’ait pas déjà eu lieu. Les taux d’emprunt modérés sont le miroir aux alouettes qui cache les montants pharamineux qu’il faut emprunter pour le service de la dette elle-même.

Nos gouvernants viennent de découvrir le problème de la compétitivité et des coûts salariaux. Il est certain qu’une baisse des coûts de production améliorerait les exportations, avec cette limite qu’il y a aussi des pays avec lesquels il est impossible d’être compétitif. Accroître cette compétitivité, c’est aussi ramener certaines productions sur le sol national. Les avis divergent sur le taux de la différence entre la production chinoise et ce que serait la production française. Mais même si les chinois ou d’autres sont payés trois sous, il n’en reste pas moins que s’ajoutent des coûts de transport, de distribution, etc., qui font au passage l’objet de marges. Ce n’est donc pas tant que ça.

Contrairement à ce que croient les dirigeants français et leurs nouveaux copains du MEDEF, il est peu probable qu’il soit possible d’agir sérieusement sur les coûts salariaux. Le risque de conflit social est important, malgré la menace de la répression par le chômage. Et, risque plus grand encore qui atteint les pays du Sud de l’Europe, on devrait faire face à des baisses considérables de la consommation et des ressources fiscales au moment où l’on devrait secourir des chômeurs de plus en plus nombreux. Et le serpent se mordrait la queue de plus en plus fortement.

Si l’on peut imaginer qu’on puisse, à la marge, gratter un point de TVA –encore qu’une baisse de la consommation de 1% ne soit pas sans risques, on ne pourra guère aller beaucoup plus loin sans risque majeur.

Il existe une manière, sournoise mais supportable, d’améliorer la compétitivité. Il suffit simplement de dévaluer. Dévaluer n’aura qu’un effet modéré sur le prix des produits français, agricoles notamment. Le coût de l’énergie fossile augmentera, le coût de l’énergie nucléaire, non, et surtout certaines énergies nouvelles risquent de devenir compétitives. Le coût des produits importés augmentera (le beurre sera compétitif devant l’huile de palme), et fera baisser les prix de nos produits à l’exportation. Essentiel, les salaires ne baisseront pas, en valeur nominale, c’est là que c’est sournois, et l’on augmentera la possibilité de redémarrage donc de création d’emplois. On entrera, évidemment, dans une phase de revendications pour une augmentation du pouvoir d’achat, mais ceci laisse un peu de temps.

Quand on parcourt les contributions sur ce sujet, il est intéressant de constater que nombre d’économistes, et non des moindres, avancent ce point de vue. On explique aussi que la sortie de la Suède de ses difficultés serait en grande partie fondée sur une dévaluation significative.

Mais la Suède, n’appartenant pas à la zone euro, elle a pu faire ce qu’elle a voulu.

Il apparaît donc que l’euro est un obstacle majeur à la sortie de la situation économique actuelle dite « crise ». On pourrait dévaluer l’euro. Mais l’Allemagne ne l’acceptera jamais.

Il faut donc, nécessairement et de façon urgente, quitter l’euro.

Notes d’économie politique 79
1018 – 15/11/2012

La France est entrée dans le cycle infernal à la grecque… et ce n’est ni du yaourt, ni des champignons !

Ayrault se prend le chou… et fatigue

L’exemple grec est devant nous. L’exemple espagnol suit comme l’exemple portugais.
Dans ces pays, on compte diminuer la dette en diminuant la dépense. Raisonnement simple de bon père de famille qui devient simpliste voire crétin quand il s’agit d’un état. Le dépense publique est génératrice de divers effets qui ont un impact économique.
– Quand on ne remplace pas 10000 retraités, ce sont 10000 chômeurs qu’on crée. La bonne solution consisterait en recruter des personnes qui, par leur formation, par l’environnement de travail, seraient en mesure de générer significativement plus de richesse. Malgré les assurances, les derniers reniement du couple Hollande-Eyrault font craindre.
– Quand l’état diminue les dépenses publiques, c’est autant d’activité économique qui diminue, c’est autant d’entreprises qui fourniront moins de matériel, de services, de prestations. C’est autant de pertes ou de manque à gagner avec leur cortège de mesures sur l’emploi.
– Quand on augmente la TVA ou tel ou tel prélèvement, on diminue le pouvoir d’achat. Si l’on est assez subtil pour n’augmenter cette TVA que sur les produits d’importation et la diminuer sur les produits nationaux, on aura limité les effets. Mais il est clair que les entreprises qui commercialisent des produits importés en prendront plein la figure.
– Si l’on baisse les salaires, les pensions, les allocations, etc., on diminue le pouvoir d’achat, donc la consommation intérieure. Les entreprises nationales verront leur chiffre d’affaire baisser, c’est mécanique. Il s’ensuivra dépôts de bilans, chômage, etc., et baisse encore du pouvoir d’achat. Le serpent ou le chien ou l’animal qu’on voudra se mordra la queue. Au final, la production baissera, les recettes fiscales aussi et l’on devra emprunter de nouveau pour payer la dette. Scenario le plus désespérant, la politique dite « de rigueur » fait augmenter, de facto, la dette.
Les gouvernants français ont sous les yeux les exemples européens : pas fameux. Alors pourquoi persévérer dans la même ligne. Certains économistes avisés pensent, d’ailleurs, que toute l’Europe sera contaminée. Ils ont aussi l’exemple américain : les USA, malgré les chipotages entre les Républicains et les Démocrates, font de la dette. Et beaucoup. Et y a-t-il un seul gouvernant, économiste ou autre qui croie sincèrement que les USA rembourseront leur dette ? Ils ne le feront jamais, car ce ne sera jamais possible. Les USA sortiront par le bas, c’est-à-dire la dévaluation probablement déjà masquée par des procédures discrètes.
Ce que devait alors faire le gouvernement français ?
Déjà, nettoyer un peu les niches fiscales, ne conservant que celles qui sont propice à l’emploi (emplois familiaux, par exemple).
Ensuite, nettoyer de même les mille et quelques dispositifs d’aides.
Ensuite, mettre en place un programme de travaux non délocalisables par la main d’œuvre : on voit d’emblée :
– Transports en commun et particulièrement en infrastructure,
– Logement sociaux y compris pour la classe moyenne et logements très sociaux pour les familles qui s’éparpillent dans des centres d’hébergement dont le fonctionnement est très onéreux et dans les chambres d’hôtel
– Recherche publique et recherche privée si elle accepte que l’usage des fonds soit contrôlé par l’État,
– Immense programme d’étude, de recherche et développement dans la production et le stockage des énergies nouvelles,
– Faire accueillir de façon positive par les banques, les demandes des PME, car il entre normalement dans la vocation des banques de prendre des risques,
– Enfin, favoriser les projets émergents d’entreprises coopératives, car on sait bien que la productivité dans ces entreprises est prodigieusement élevée.
– Par contrat, ou tout autre dispositif, veiller à ce que pas un centime ne tombe dans l’escarcelle des dividendes ou des profits, notamment dans le cas des sociétés financières qui n’ont d’autre projet que d’augmenter leur profitabilité sans projet industriel véritable.
Voilà quelques exemples de ce qu’il aurait fallu faire. En lieu et place, on nous a exhibé un programme de bidouillage de la TVA, assorti d’un « crédit d’impôt », tout cela bien compliqué et disponible à tous l’effets d’aubaine propres à augmenter les gains des établissements (on n’ose pas dire « entreprises ») financier.
Comme programme de gauche…

Notes d’économie politique 78 – 9 novembre 2012
PS: On en a un peu assez de répéter toujours les mêmes choses !

1014- 09/11/2012

Décidément Hollande and Co n’ont rien compris

Tous les économistes qui ont trois grains de bon sens s’évertuent à le répéter : l’austérité ne résout rien. Elle ne résout rien, simplement parce qu’elle détruit le pouvoir d’achat en ajoutant à cette destruction un coût social pharamineux qui se chiffrera en dizaines de milliers de chômeurs. L’exemple grec et l’exemple espagnol sont là : tous les jours, il faut sacrifier quelque chose pendant que tous les jours l’abîme abyssal se creuse imperturbablement.
Le peuple qui, soit dit en passant, n’est responsable de rien dans cette affaire, voit sa situation empirer chaque jour. Et, pendant ce temps là, le serpent continue à se mordre la queue : austérité, pauvreté, récession, austérité, pauvreté… mort.
Pendant ce temps, le capital réduit la voilure tout en préservant ses intérêts. Les banques, notamment, qui détiennent le crédit manipulent (libor…) et spéculent sans vergogne. Et, depuis qu’elles sont privatisées, elles font bien ce qu’elles veulent avec un argent qui ne leur appartient pas. La BCE prête aux banques à des taux faibles qui s’empressent de prêter aux états à des taux bien plus élevés.
De tous temps, ces crises ont trouvé leur sortie dans des politiques de relance par la mise en chantiers de grands travaux d’intérêt collectif et la dévaluation. En France, on pourrait imaginer une politique importante de construction de logements, de construction de transports collectifs et de recherche d’énergies peu polluantes. Pour faire tout cela, il faudrait évidemment de l’argent. Autrefois on fabriquait de la monnaie, c’est-à-dire dévaluation. Mais comme le temps des parités fixes est passé et comme la BCE fait bien ce qu’elle veut, on ne dévalue pas.
La dévaluation présente quelques inconvénients, mais aussi de sérieux avantages. Elle augmente le prix des produits importés, mais elle facilite les exportations. Elle oriente la consommation vers les produits nationaux. Elle ranime la production nationale. Elle est moins injuste, car si l’ensemble de la population s’appauvrit, elle n’en précipite pas certains vers le chômage et d’autres non.
On pourrait dévaluer l’euro, comme les USA dévaluent tranquillement et silencieusement le dollar : il fut un temps où un euro un dollar ; maintenant un euro vaut 1,25-1,30 dollar.
De toute façon, les états ne contrôlent plus rien puisque au nom du sacro-saint libéralisme tout a été privatisé : les banques, évidemment, la production et la distribution d’énergie, les télécommunication, les services publics et tutti quanti. Et, il n’est point besoin d’être grand clerc pour discerner que ces établissements préfèrent l’intérêt particulier de ces entreprises et de leurs actionnaires qui récompensent sans vergogne la direction. La seule possibilité qui reste entre les mains des états est de lever l’impôt. Alors, Monsieur Hollande, parjurant ce qu’il a annoncé lors de sa campagne, ne s’en prive pas. Monsieur Hollande n’est pas gêné. Il peut voir son impôt personnel augmenter de 10 ou 20% sans que cela le précipite dans la misère. Mais il n’est pas seul dans ce pays.
Et le système continue avec la complicité de la majorité de la classe politique, dans une soumission absolue au libéralisme forcené sur lequel l’Europe a été conduite. Il n’y a plus rien à attendre de ce gouvernement-là dont on a du mal à discerner en quoi et comment il se différencie du précédent.
Le pays s’engage dans une politique d’austérité conduisant nécessairement à l’enlisement.

Notes d’économe politique 77 – 10 septembre 2012

Crise : l’erreur et l’échec des politiques d’austérité

Nous disposons de trois exemples majeurs : la Grèce, l’Italie, l’Espagne. Dans chacun de ces pays des politiques d’austérité ont été mises en œuvre. Dans chacun de ces pays, l’application est différente. En Grèce, dont le mode de gouvernance ressemble fort à un pandémonium, il semble bien que tout ce qui a pu être fait relève de coups d’épée dans l’eau. La formule espagnole est aussi très incertaine : un gouvernement de droite qui ne s’embarrasse pas de dégâts collatéraux. Sauf que ces dégâts alimentent la spirale infernale. Enfin, on pouvait espérer mieux de l’Italie, entre les mains d’un chef de gouvernement sage et expérimenté.
Dans tous les cas, la sanction des marchés est sévère. Les pays empruntent à des taux élevés ce qui ne promet guère.
La première leçon est que ces politiques de « redressement » ne peuvent pas être menées dans l’environnement de ces marchés, simplement parce que l’intérêt de ces derniers est divergent. Il est donc indispensable de trouver une autre source de financement. Ce ne peut être que la BCE quoiqu’en pensent certains.
La deuxième leçon est que, quoiqu’on fasse, la politique d’austérité est un cercle vicieux. Elle consiste, pour l’essentiel et par des méthodes diverses, à retirer du pouvoir d’achat. Cette baisse du pouvoir d’achat entraîne une baisse de la consommation qui entraîne une baisse de l’activité économiques, des dépôts de bilan, du chômage, donc de la baisse du pouvoir d’achat et ainsi de suite. Sans compter les troubles sociaux pouvant occasionner l’instabilité gouvernementale.
Un certains nombre de dispositions doivent être prises, et que, pour l’heure, on ne voit pas venir :
1- Il est primordial de faire barrière, autant que ce peut, aux importations qui concurrencent la production locale. On peut le faire de deux façons : la mauvaise en subventionnant l’industrie nationale ; la bonne en établissant des limitations ou des taxes douanières de préférence négociées avec les pays exportateurs.
2 – En favorisant une politique de travaux d’intérêt général non délocalisables (transports collectifs, production d’énergie, etc.).
3 – En injectant de la monnaie, par exemple sous la forme de prêts aux entreprises de main d’œuvre quitte à ce que la BCE le fasse à découvert, au moins en attendant le remboursement des prêts.
4 – En muselant le parasitisme bancaire et boursier, en interdisant notamment toutes les activités créant profit au détriment des intérêts nationaux et en orientant l’activité bancaire et boursière vers l’investissement productif.
Naturellement, tout ceci posera problème dans la zone euro, l’euro allemand valant plus que l’euro grec. Si l’on était capable de parvenir, dans un délai très court, pas plus que quelques mois, à la mise en place d’une politique budgétaire commune à la zone monétaire, on pourrait effacer cette disparité. On oublie souvent, d’ailleurs, que cette disparité repose sur des fondements non seulement économiques, mais aussi culturels. On a cru, ou fait semblant de croire, que les pays du Nord de l’Europe fonctionnent comme les pays du Sud.
Donc il est bien évident que cette régulation ne se fera pas.
La solution est donc, soit de fractionner la zone euro, sur les bases économiques et culturelles, soit de faire de l’euro une monnaie supranationale comme le fut l’ECU. De toute façon, il est à craindre que cela ne sera pas. Il faudrait un courage et une audace que les gouvernants n’ont pas. Faute de cette thérapie de choc, on ira, de mois en mois, vers des solutions bancales et bâtardes qui ne feront que retarder, voire interdire, la sortie de crise, ce dont seront naturellement victimes les classes modestes.

Notes d’économe politique 76 – 26 juillet 2012

Rue89: Emploi : « Hollande ne rompt pas avec les vieilles recettes inefficaces »

Les gouvernements se succèdent mais gardent la même idée pour faire baisser le chômage. L’économiste Philippe Askenazy propose des mesures plus radicales.
Alors que l’emploi reste la priorité des Français, la stratégie de François Hollande exposée pendant la campagne fait débat : le Président-élu entend actionner le même levier que Nicolas Sarkozy, peser sur le « coût du travail ». Autrement dit, jouer sur les cotisations sociales des entreprises.
La solution est appliquée depuis plus de vingt ans en France, sans résultats, fait remarquer Philippe Askenazy. Critique libérale ? Pas vraiment. Le chercheur fait partie des Economistes atterrés, qui « ne se résignent pas à la domination de l’orthodoxie néolibérale », et pensent que « d’autres politiques économiques sont possibles ».
Directeur de recherche au CNRS et docteur à l’EHESS, Philippe Askenazy envisage d’autres solutions pour l’emploi en France.

Rue89 : Quelles sont les spécificités du marché du travail français ?
Philippe Askenazy : L’état du marché du travail français a beaucoup évolué très récemment. Nous avions auparavant un schéma qui était relativement banal : une situation de chômage enkystée, avec des difficultés pour les jeunes et les seniors. Or, depuis trois ans, des évolutions qui avaient été lentes dans les années 2000 se sont accélérées :
le taux d’activité des seniors a fortement augmenté. Même quand on regarde la situation des moins qualifiés, ceux qui ont des diplômes en deçà du bac : en trois ans, le taux d’emploi des 55 à 59 ans peu qualifiés a gagné dix points, en pleine crise. Il est aujourd’hui supérieur à celui de l’Allemagne ;
les contrats courts se sont multipliés de façon exponentielle. L’année dernière, neuf millions de CDD de moins d’une semaine ont été signés. Il s’agit principalement de jeunes, embauchés pour un inventaire, un sondage, les soldes, etc. Il ne s’agit pas d’un volant de précaires, mais d’hyperprécaires.

Qu’est-ce qui a permis aux seniors d’être maintenant moins en difficulté sur le marché du travail ?
L’une des difficultés des seniors résidait dans leur manque de qualification. En cause : notre démocratisation scolaire tardive. Or, aujourd’hui, on arrive à des vagues de seniors qui ont des qualifications comparables à celles des autres pays. Du coup, leur taux d’emploi converge avec les moyennes européennes.
L’autre phénomène qui joue, c’est la réforme des retraites. Elle commence à avoir un effet de bâton : les seniors ne démissionnent plus de leur entreprise. Cela vient aussi de la crise.
De leur côté, les employeurs ne savent pas quelle stratégie adopter. D’ailleurs, si vous regardez les entreprises du CAC 40, elles ont pour la plupart changé de DRH ces dernières années.
Elles attendent de savoir à quoi va ressembler l’économie en sortie de crise. Elles attendent également que soient définis des choix sur la transition écologique.
Selon les politiques qui vont être mises en œuvre en Europe, les entreprises vont avoir besoin de parier sur certaines activités plutôt que sur d’autres d’ici deux ou trois ans.
Donc, sur les métiers du cœur de leur activité, les entreprises ne licencient pas les seniors, se disant justement que, dans deux ou trois ans, ils partiront à la retraite. Dans le même temps, elles n’embauchent pas de jeunes, sauf sur des contrats hyper courts.

Peut-on distinguer alors des « insiders », qui durent en entreprise, et des « outsiders », qui n’y entrent jamais définitivement ?
Il existe une dichotomie, certes. Mais nous ne sommes pas dans une situation où il serait trop lourd pour les employeurs de recruter parce que le CDI serait trop rigide. Nous avons été trop loin dans ce type de diagnostic, qui ne regarde que le droit du travail : les types de contrats, le coût du travail, etc. Ce n’est pas une grille de lecture suffisante.
Par exemple, si les employeurs gardent les seniors, ce n’est pas parce que ceux-ci sont protégés par le droit du travail. Ce n’est pas non plus parce qu’un contrat senior a été créé en 2006 pour eux, un CDD de dix-huit mois, renouvelable une fois : le nombre de contrats seniors signés ne dépasse pas une centaine par an. Si les employeurs gardent leurs seniors, c’est parce qu’ils sont en attente [de savoir comment va évoluer la situation, ndlr].
Créer plus de contrats précaires, diminuer le coût du travail, flexibiliser le marché du travail, abolir le smic… On ne devrait plus avoir de chômage depuis vingt ans qu’on applique les mêmes recettes.
Croire que la politique de l’emploi crée de l’emploi, c’est une erreur. Elle joue simplement sur le type d’emplois qui sont offerts aux personnes.
Regardez la Belgique. Le FMI lui a donné les mêmes préconisations qu’à toute l’Europe continentale. Il fallait s’attaquer au salaire minimum. Mais également, pour le pays, désindexer les salaires. Or, la Belgique n’a pas eu de gouvernement pendant trois ans. Donc peu de politiques dites structurelles.
Résultat : le pays a eu, en pleine crise économique, une des meilleures croissance sur ces dernières années au sein de l’Europe. Et elle a atteint son plus faible niveau de chômage des vingt dernières années.

Si vous récusez le principe d’une politique de l’emploi, quels sont les leviers que les responsables politiques doivent actionner ?
Il y a des problématiques de volume d’emplois, qui, elles, renvoient aux politiques industrielles et macroéconomiques, mais également aux politiques de formation, d’éducation, etc :
l’offre d’emploi est créée par les politiques d’éducation, d’immigration, de formation tout au long de la vie, etc. ;
la demande, elle, est créée par la stratégie des entreprises, principalement déterminée par la politique industrielle globale, la politique macroéconomique européenne, qui pèsent bien plus que les contrats de travail.
Les bonnes politiques doivent être tournées vers la création d’activité, les capacités d’innovation, la formation tout au long de la vie. Aujourd’hui, il y a aussi la question de la politique européenne d’austérité. Les priorités sont là.

Où trouver les financements ?
Les politiques centrées autour du coût du travail menées depuis vingt ans coûtent des fortunes. Ce qu’a proposé Hollande ne remet pas en cause cette logique. Or, c’est malheureusement trop inefficace.
L’ensemble de cette politique de l’emploi coûte aux alentours de 35 milliards d’euros tous les ans. J’évalue son efficacité, en termes de création d’emplois, en fonction de toutes les estimations que l’on peut avoir, à la création de 500 000 emplois en France grand maximum. Cela coûte 70 000 euros à l’Etat par tête, pour des emplois souvent peu qualifiés, dont une part à temps partiel.
Tandis que, dans le même temps, on a supprimé des postes de fonctionnaires, au prétexte de faire de réduire la dépense publique. Alors qu’un emploi, s’il était créé directement par l’Etat, lui coûterait 20 000 à 40 000 euros.
Soyons a minima rationnels. Il y a des besoins considérables en matière de sécurité, de santé, d’éducation, de justice. Nous avons besoin d’agents publics dans un pays où la population croîtra de près de deux millions sur le quinquennat.
De manière générale, les politiques de création directes d’emplois doivent être réhabilitées. Et une vraie politique industrielle. Là aussi, on a toute une série de dispositifs fiscaux pour les entreprises. Ils vont principalement aux grandes entreprises, qui ne sont absolument pas génératrices d’activité en France. Elles n’y génèrent que des profits.
Je ne dis pas qu’il faut creuser nos déficits publics. Je dis qu’il y a de l’ordre de 20 milliards de politique de l’emploi à pertes. Et 30 milliards de politique fiscale sur les entreprises qui ne font que gonfler leurs profits. Avec 50 milliards, on peut faire beaucoup de choses.

Quelle politique d’éducation mener, par exemple ?
Il faut casser une politique suicidaire européenne. Regardons les Etats-Unis, où la politique d’austérité est peu présente. Pour limiter le chômage des jeunes, une vraie politique de poursuite des études a été mise en place.
Ce n’est pas le cas en Europe. Ici, on dit aux jeunes qu’ils auront de toute façon des difficultés, donc autant aller directement sur le marché du travail. En France, le taux de poursuite des études après le bac est aujourd’hui de 70%, contre 85% en 1993. En Europe, on ne met plus d’argent dans les universités. Nous bradons notre futur.
Il faut investir dans la poursuite des études. Les engagements relayés par Vincent Peillon suggèrent qu’il y a là conscience de cet enjeu chez le Président élu.

Et quelle politique industrielle ?
Le renouvellement de notre tissu productif est insuffisant. Et nos entreprises n’arrivent pas à trouver de financements. Nos banques sont parmi les plus puissantes en Europe, mais elles sont extrêmement frileuses. Elles ne soutiennent pas les PME.
Que fait l’Etat ? Oséo, entreprise publique qui se définit comme la banque des PME, ne fait que des cofinancements : elle ne finance une entreprise que si celle-ci a reçu un financement privé, bancaire. Comme ce financement privé est déficient, le financement public l’est aussi. Mieux vaudrait partir du constat que l’apport privé est déficient et avoir une politique industrielle de financement des PME à la hauteur. Là-aussi, ce diagnostic semble posé par Alain Rousset [responsable du pôle industriel au sein de l’équipe Hollande, ndlr].

Plus largement, quelles sont les activités qu’il faudrait encourager ?
Nous allons aborder une transition écologique, et il va falloir faire des choix. Ce qui est sûr, c’est que les besoins de santé vont augmenter en Europe. Non pas tant en lien avec le vieillissement de la population, mais avec les prochaines vagues de progrès technologiques. Et la France est bien placée dans le domaine.
Il existe déjà une forme de mobilité pour ça. Le retraité britannique qui vient s’installer en France le fait aussi pour bénéficier de notre système de santé. C’est refacturé en Grande-Bretagne – système de compensation européen –, donc c’est de l’argent qui entre en France. Et il n’y a pas de raison de valoriser plus la production automobile que la pose de prothèses de hanches. Qu’une personne puisse marcher convenablement à pied ou rouler en automobile, je ne vois pas pourquoi d’un côté, ce serait un coût, et de l’autre, de la production.
Le segment éducatif supérieur pourrait être l’autre pilier de notre développement. La mondialisation est aussi une évidence sur ce plan-là. Nous pourrions avoir une vraie politique d’accueil de la jeunesse mondiale en France.

Elsa Fayner. Rue89. 11 mai 2012
Reproduit sans autorisation conformément aux usages implicites du web
Notes d’économe politique 75 – 12 mai 2012

Pas de ministre écologiste. Ils n’ont pas de programme !

Cécile Duflot a beau faire la danse des canards devant François Hollande, ce n’est pas ce qui lui donnera un programme politique. Car, voyez-vous, les écologistes n’ont pas de programme. A part le démantèlement des centrales nucléaires et leur replacement par des dynamos de vélo, leurs perspectives sont inexistantes. Ils ont inventé le terme d’ « écologie politique » pour cacher la vacuité de leur projet. Et pourquoi ne pas parler de « politique écologique » ?
Et surtout, ont-ils un projet de société ? A-t-on entendu Eva Joly proposer un schéma complet de réponses à la « crise » ? Quelle position vis-à-vis de la politique européenne ? Comment auraient-ils pu d’ailleurs, tout composés qu’ils sont, à la fois de proches du centre, de renégats comme Daniel Cohn-Bendit et d’authentiques altermondialistes.
Ici git, d’ailleurs l’impossibilité de l’unité de ces groupuscules « verts », dans cette absence de projet global et construit comme celui, par exemple, du Front de Gauche. Sur l’échiquier politique, on a l’habitude de placer les écologistes entre le Parti Socialiste et le Front de Gauche et les communistes. Mais il n’existe pas de place structurée entre la Social-démocratie et le Marxisme. Les électeurs l’on bien vu qui ont donné un nombre de voix ridicule à la pauvre Eva Joly qui ne méritait pas un tel outrage.
Tout ceci est conforme à l’apparente contradiction entre leurs résultats aux élections locales et à l’élection présidentielle. Aux élections locales, il ne s’agit pas d’un choix de société. Il s’agit de labourer localement. Le point de vue écologiste est alors intéressant quand il s’agit, pour une bonne part, d’aménagement du territoire.
Les élections présidentielles ont mis en évidence qu’il n’existait, en France, comme partout ailleurs, que quatre choix de société. Une droite dure, égoïste et parfois fasciste, une droite libérale, la social-démocratie et la gauche authentique (qu’on nommait « socialiste », il y a un siècle et demi). Le reste a été balayé.
Voilà pourquoi nous n’avons pas besoin de ministres écologistes au sein du gouvernement puisque ce « parti » n’est rien, ne représente rien, et est, en tout cas, infiniment inférieur aux vraies forces de gauche : une simple répartition proportionnelle voudrait que ces derniers représentent 20% du gouvernement.

Notes d’économie politique 74 – 9 mai 2012

Résoudre la question de la dette

En réponse à Jean Luc Mélenchon, Jérôme Cahusac sur France 2, ce 6 mai 2012, faisait observer qu’aux USA, en Grande Bretagne, la question de leur dette était résolue par les banques centrales qui la « monétisaient ». En clair, il s’agissait simplement de fabriquer de la monnaie pour la payer. En plus clair encore, en dévaluant sans le dire, mais tous les spécialistes le sachant. C’est ainsi que le dollar ou la livre ont perdu de leur valeur devant l’euro.
Mais il faisait observer aussi, de façon très judicieuse, que dans la zone euro, il était difficile de demander à la BCE de faire de même, car cela reviendrait à favoriser les pays les plus endettés (Grèce, Espagne, etc) et donc à faire payer ces excessives dettes aux pays les moins endetté (Allemagne, France, etc.).
Alors, comment résoudre ce problème ?
Comme toujours, les meilleures solutions sont les plus simples.
Il suffit que les pays les moins endettés empruntent à tour de bras pour que tous les pays de la zone euro se trouvent endettés de façon comparable. Ces liquidités, a priori inutiles pour certains, fourniront un levier d’investissement et de croissance dont mêmes les pays les plus endettés bénéficieront par ricochet. Ceci fait, il suffira de demander à la BCE de fabriquer de la monnaie pour rembourser la dette, toutes les dettes de tous les pays, comme le font américains et anglais.
Du coup, évidemment, la parité de l’euro baissera.
Mais on disposera de beaucoup d’euros pour produire moins cher, ce qui facilitera les exportations. Par contre, les importations seront plus coûteuses. Il suffira donc de resserrer ces importations aux produits indispensables, énergétiques notamment. Et comme les importations de biens de consommation (chinois, par exemple) coûteront plus cher, la production locale redeviendra compétitive. On fabriquera donc des ordinateurs, des téléviseurs, des machines-outils en Europe pour des montants comparables (sans compter le bonus qualité), ce qui privilégiera la production locale.
Evidemment, comme les salaires ne seront pas augmentés, le pouvoir d’achat baissera, mais pas pour les produits de première nécessité qui sont fabriqués localement. Mais, globalement, il baissera. On pourra, alors, atténuer cette baisse en taxant (et en redistribuant) plus fortement les profits improductifs ou excessifs, en taxant les transactions financières spéculatives, en conduisant une politique de nationalisation, productrice de revenus, financée en partie par les emprunts dont il était question ci-dessus.
Le chômage diminuera, mais, dans un premier temps, les salaires augmenteront peu.
Il faudra donc observer les effets de la baisse du pouvoir d’achat sur les plus pauvres. On compensera ces effets par une politique sociale intelligente. Par une politique de santé identique pour tous. On financera de façon conséquente le secteur de l’habitat HLM (avec pour conséquence, la baisse des loyers « libres », notamment des petits logements, et la relance du bâtiment, activité non délocalisable) ; mesure phare, quand on connait la part du coût du logement dans un budget familial ! On financera recherche et développement de solutions pour faire baisser la dépendance et le coût de l’énergie. On investira dans les transports collectifs, les crèches, etc, etc.
On conduira une réorganisation du travail en aidant à la création d’entreprises coopératives, autogestionnaires ou mutualistes pour diminuer ou supprimer les charges indues (salaires excessifs, dividendes) avec un avantage complémentaire sur les coûts de production, donc les prix de vente, le pouvoir d’achat et les rémunérations.
On entrera alors dans une véritable économie altermondialiste et administrée qui devra faire litière des prolégomènes dictatoriaux, soviétiques ou autres, et ne viser que l’intérêt général. C’est en ce sens que certains révolutionnaires de 1789 déclaraient que la république devait être vertueuse, d’où l’importance d’une justice indépendante pour poursuivre et condamner la corruption, la concussion et la prévarication.
Une véritable politique socialiste, quoi !

Notes d’économie politique 73 – 6 mai 2012

Mélenchon: un vrai programme de gauche !

L’essentiel de la différence entre les programmes de Jean Luc Mélenchon et de François Hollande tient en peu de mots : l’acceptation ou la non acceptation de l’économie de marché.
L’économie de marché suppose que la production est animée par la recherche du profit. C’est le marché, donc la concurrence, qui fixe les prix. Naturellement, les producteurs qui se présentent avec des prix trop élevés sont éliminés : c’est le dépôt de bilan, entraînant des dégâts collatéraux, notamment des licenciements. En économie de marché, les actionnaires reçoivent une partie du profit, sous forme de dividendes. Les actionnaires ont donc tendance à bien rémunérer la direction quand elle gère l’entreprise de façon à délivrer un bon dividende. Les directeurs ou les présidents font donc partie des bénéficiaires. Les salariés sont une variable d’ajustement. On n’est pas forcé d’augmenter les salaires, a fortiori si on licencie. Le licenciement fait partie de la stratégie pour faire craindre la perte de l’emploi des salariés qui restent : ceux-ci sont peu revendicatifs et l’on peut même augmenter la productivité avec le même effectif. Les ouvriers sont étonnés qu’on licencie dans des entreprises qui font des bénéfices. Pourtant, on voit que c’est tout simple : pression augmentée, revendications muselées, syndicats ligotés, maintien, voire augmentation de la profitabilité.
Cette stratégie est terroriste. C’est la raison pour laquelle on peut constater des départs ou des suicides, de la part de salariés pour lesquels la pression est trop forte.
En acceptant les règles de l’économie de marché, les socialistes, donc François Hollande, acceptent le scenario ci-dessus. Pour être « de gauche », on va donc voter quelques lois « sociales ». Mais, grosso modo, le fonctionnement ne sera pas très différent. Lionel Jospin l’avait bien dit : « l’état ne peut pas tout ».
A contrario, on pourra décider que la production a pour objectif de fournir un travail et un salaire au plus grand nombre. Les prix ne sont pas obligatoirement fixés par le jeu de la concurrence. Les prix tiennent compte d’une juste rémunération pour les travailleurs. Mais il peut arriver que ces prix soient trop élevés pour concurrencer ceux pratiqués dans d’autres pays qui sont toujours à l’économie de marché. Il faut donc trouver des moyens de faire baisser les coûts de production.
On peut agir sur le montant des dividendes. Cette pratique a ses limites puisqu’il faut quand même rémunérer convenablement les apporteurs du capital. Ceci vaut d’autant plus que ces apporteurs peuvent être des travailleurs eux-mêmes plaçant leur argent pour leur retraite, par exemple.
Il faut donc développer le secteur coopératif et mutualiste. Dans cette perspective, ce sont les travailleurs ou les clients qui « possèdent l’entreprise ». En France, par exemple, le capital de la société d’assurance M.A.I.F. est constitué par les « parts sociales » des clients mutualistes. Le plus important est que la mutuelle n’a pas d’actionnaire à rémunérer. Elle peut donc pratiquer des tarifs moins élevés ou offrir de meilleurs services pour le même prix. L’esprit mutualiste porte également à s’efforcer de rémunérer le personnel le mieux possible. Les membres du Conseil d’Administration, la présidence et la direction sont soit des bénévoles (indemnisés et défrayés), soit salariés de façon modérée.
Dans le secteur coopératif, ce sont les salariés qui possèdent l’entreprise. Pour ce faire, ils doivent apporter chacun une part du capital. Naturellement, le secteur coopératif dispose de banques coopératives ou mutualistes qui vont prêter à ces salariés au taux le plus faibles possible. On peut aussi imaginer investir tout ou partie d’une indemnité de licenciement. Dans une coopérative, l’échelle des salaires n’est guère supérieure à un rapport de 1 à 5 ou 6. Le Conseil d’Administration composé d’élus du personnel, nomme la direction et fixe sa rémunération. Les membres de ce conseil savent bien que l’intérêt de l’entreprise et de chacun est de choisir les plus compétents et de les rémunérer comme il faut.
L’absence d’actionnaire fait baisser les coûts de production. Une politique salariale correcte aura tendance à les faire monter. Mais on pourra aussi trouver quelques gisements : il est évident que la productivité de salariés dans une entreprise dont ils possèdent une part est bien supérieure à la moyenne. Les salariés possèdent leur outil de travail. Ils sont donc motivés pour le protéger.
Mais si ces méthodes peuvent permettre de modérer les coûts de production, il n’est pas certain qu’ils puissent, malgré tout, concurrencer les prix pratiqués dans les pays où la main d’œuvre est servile et bon marché. C’est là qu’intervient le rôle régulateur de l’état en protégeant les citoyens contre une concurrence assurément déloyale. Ce qui veut dire intervention sur les prix d’importation et le produit de cette intervention peut servir en retour pour faire baisser les prix à l’exportation. On est donc en présence d’une économie administrée. Les pays émergents le font. Il n’y a rien de scandaleux.
L’intervention de l’état s’étendra aussi au contrôle des secteurs économiques critiques : banques, énergie, transport, télécommunications. En effet, il est immoral de faire du profit dans des domaines ou les citoyens sont captifs.
A contrario, il ne sera pas immoral de taxer énergiquement l’enrichissement excessif et sans cause, comme tout ce qui provient de la spéculation.
Au final, l’architecture de l’économie administrée est fondée sur un contrôle de l’état sur les secteurs vitaux pendant que les entreprises se développent sur un mode coopératif ou mutualiste. L’objectif de cette politique est d’assurer l’emploi des travailleurs et tout ce qui va avec, santé, logement, loisirs, etc. On notera que ce modèle est peu centralisé puisqu’il repose majoritairement sur des organisations variées et locales, ce qui met à l’abri des dérives, nommées à tort « communistes », comme ce fut le cas en U.R.S.S..
La recherche de la déclinaison de ce modèle, avec les adaptations indispensables (dans le secteur de la santé ou de l’éducation, par exemple) constitue un vrai programme de gauche.

Notes d’économie politique 72 – 17 mars 2012