Mélenchon: un vrai programme de gauche !

Mélenchon: un vrai programme de gauche !

L’essentiel de la différence entre les programmes de Jean Luc Mélenchon et de François Hollande tient en peu de mots : l’acceptation ou la non acceptation de l’économie de marché.
L’économie de marché suppose que la production est animée par la recherche du profit. C’est le marché, donc la concurrence, qui fixe les prix. Naturellement, les producteurs qui se présentent avec des prix trop élevés sont éliminés : c’est le dépôt de bilan, entraînant des dégâts collatéraux, notamment des licenciements. En économie de marché, les actionnaires reçoivent une partie du profit, sous forme de dividendes. Les actionnaires ont donc tendance à bien rémunérer la direction quand elle gère l’entreprise de façon à délivrer un bon dividende. Les directeurs ou les présidents font donc partie des bénéficiaires. Les salariés sont une variable d’ajustement. On n’est pas forcé d’augmenter les salaires, a fortiori si on licencie. Le licenciement fait partie de la stratégie pour faire craindre la perte de l’emploi des salariés qui restent : ceux-ci sont peu revendicatifs et l’on peut même augmenter la productivité avec le même effectif. Les ouvriers sont étonnés qu’on licencie dans des entreprises qui font des bénéfices. Pourtant, on voit que c’est tout simple : pression augmentée, revendications muselées, syndicats ligotés, maintien, voire augmentation de la profitabilité.
Cette stratégie est terroriste. C’est la raison pour laquelle on peut constater des départs ou des suicides, de la part de salariés pour lesquels la pression est trop forte.
En acceptant les règles de l’économie de marché, les socialistes, donc François Hollande, acceptent le scenario ci-dessus. Pour être « de gauche », on va donc voter quelques lois « sociales ». Mais, grosso modo, le fonctionnement ne sera pas très différent. Lionel Jospin l’avait bien dit : « l’état ne peut pas tout ».
A contrario, on pourra décider que la production a pour objectif de fournir un travail et un salaire au plus grand nombre. Les prix ne sont pas obligatoirement fixés par le jeu de la concurrence. Les prix tiennent compte d’une juste rémunération pour les travailleurs. Mais il peut arriver que ces prix soient trop élevés pour concurrencer ceux pratiqués dans d’autres pays qui sont toujours à l’économie de marché. Il faut donc trouver des moyens de faire baisser les coûts de production.
On peut agir sur le montant des dividendes. Cette pratique a ses limites puisqu’il faut quand même rémunérer convenablement les apporteurs du capital. Ceci vaut d’autant plus que ces apporteurs peuvent être des travailleurs eux-mêmes plaçant leur argent pour leur retraite, par exemple.
Il faut donc développer le secteur coopératif et mutualiste. Dans cette perspective, ce sont les travailleurs ou les clients qui « possèdent l’entreprise ». En France, par exemple, le capital de la société d’assurance M.A.I.F. est constitué par les « parts sociales » des clients mutualistes. Le plus important est que la mutuelle n’a pas d’actionnaire à rémunérer. Elle peut donc pratiquer des tarifs moins élevés ou offrir de meilleurs services pour le même prix. L’esprit mutualiste porte également à s’efforcer de rémunérer le personnel le mieux possible. Les membres du Conseil d’Administration, la présidence et la direction sont soit des bénévoles (indemnisés et défrayés), soit salariés de façon modérée.
Dans le secteur coopératif, ce sont les salariés qui possèdent l’entreprise. Pour ce faire, ils doivent apporter chacun une part du capital. Naturellement, le secteur coopératif dispose de banques coopératives ou mutualistes qui vont prêter à ces salariés au taux le plus faibles possible. On peut aussi imaginer investir tout ou partie d’une indemnité de licenciement. Dans une coopérative, l’échelle des salaires n’est guère supérieure à un rapport de 1 à 5 ou 6. Le Conseil d’Administration composé d’élus du personnel, nomme la direction et fixe sa rémunération. Les membres de ce conseil savent bien que l’intérêt de l’entreprise et de chacun est de choisir les plus compétents et de les rémunérer comme il faut.
L’absence d’actionnaire fait baisser les coûts de production. Une politique salariale correcte aura tendance à les faire monter. Mais on pourra aussi trouver quelques gisements : il est évident que la productivité de salariés dans une entreprise dont ils possèdent une part est bien supérieure à la moyenne. Les salariés possèdent leur outil de travail. Ils sont donc motivés pour le protéger.
Mais si ces méthodes peuvent permettre de modérer les coûts de production, il n’est pas certain qu’ils puissent, malgré tout, concurrencer les prix pratiqués dans les pays où la main d’œuvre est servile et bon marché. C’est là qu’intervient le rôle régulateur de l’état en protégeant les citoyens contre une concurrence assurément déloyale. Ce qui veut dire intervention sur les prix d’importation et le produit de cette intervention peut servir en retour pour faire baisser les prix à l’exportation. On est donc en présence d’une économie administrée. Les pays émergents le font. Il n’y a rien de scandaleux.
L’intervention de l’état s’étendra aussi au contrôle des secteurs économiques critiques : banques, énergie, transport, télécommunications. En effet, il est immoral de faire du profit dans des domaines ou les citoyens sont captifs.
A contrario, il ne sera pas immoral de taxer énergiquement l’enrichissement excessif et sans cause, comme tout ce qui provient de la spéculation.
Au final, l’architecture de l’économie administrée est fondée sur un contrôle de l’état sur les secteurs vitaux pendant que les entreprises se développent sur un mode coopératif ou mutualiste. L’objectif de cette politique est d’assurer l’emploi des travailleurs et tout ce qui va avec, santé, logement, loisirs, etc. On notera que ce modèle est peu centralisé puisqu’il repose majoritairement sur des organisations variées et locales, ce qui met à l’abri des dérives, nommées à tort « communistes », comme ce fut le cas en U.R.S.S..
La recherche de la déclinaison de ce modèle, avec les adaptations indispensables (dans le secteur de la santé ou de l’éducation, par exemple) constitue un vrai programme de gauche.

Notes d’économie politique 72 – 17 mars 2012

Bakounine