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Mai 1968 : 4 – Nous étions très « politisés »

[Mai 1968: commencer au début]

J’ai l’impression que les étudiants dans ces années qui ont précédé 1968 étaient très politisés. Peut-être n’est-ce qu’une illusion parce que je fréquentais ces milieux ? Pourtant, il n’était pas rare de trouver, sur les marches de la Sorbonne, des vendeurs de Clarté ou de Rouge. Il y a avait aussi des groupes plus difficiles à cernés, ceux qui formèrent le bataillon des « groupuscules » maoïstes ou situationnistes… J’avoue que, ma culture étant ce qu’elle était, j’avais quelques difficultés à discerner les détails qui me semblaient un peu futiles, voire ridicules. Pour ma défense, je n’étais pas le seul. Mais cette effervescence entretenait notre réflexion. Et quand il s’agissait de monter un piquet de grève pour interdire l’accès à la Sorbonne, nous nous retrouvions sans ségrégation.

 

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Il y avait aussi un lieu situé tout en haut de l’honorable bâtiment, au sixième étage par l’escalier A où se tenait le local de l’U.N.E.F.. Cette section se nommait F.G.E.L. (Fédération des Groupes d’Etudes de Lettres). Une salle relativement grande où on aurait pu tenir à 80. L’endroit n’était jamais balayé, mais n’était pas trop sale. Il y avait quelques tables et des chaises. Des affiches sur les murs (à cette époque, on ne taggait pas). Et là, il y avait presque toujours une discussion en cours. On pouvait donc se reposer, être chauffé et assister, voire participer, à un débat de politique nationale ou internationale.

Chaque discipline avait son local, mais il faut dire que celui de la F.G.E.L. était l’un des plus vivants. A côté, celui du G.E.P.U.P. (Groupe des Etudiants en Psychologie de l’Université de Paris), n’était pas aussi animé. Curieusement, les étudiants catholiques y étaient sensiblement représentés. Car il y avait aussi une organisation active et vivante d’étudiants catholiques. Ils faisaient plein de choses et ne craignaient pas de nous inviter au Pélé (i.e. pélerinage) de Chartres. Ils disposaient d’un pignon sur rue, Place de la Sorbonne, et cela avait pour nom le Centre Richelieu où officiait semble-t-il un prêtre du nom de Lustiger qui fit par la suite la carrière que l’on sait. Ainsi, un étudiant pouvait être à la fois membre des Jeunesses Etudiantes Chrétiennes, syndiqué à l’U.N.E.F. (car nous étions très nombreux à l’être) et, théoriquement, car je crois que c’était rare, membre d’un parti politique.

Je ne sais pas s’il y avait des étudiants de droite ou d’extrême droite à la Sorbonne. En tous cas ils ne se manifestaient pas. Ils étaient sagement cantonnés à la Fac de Droit et notamment à Assas. On annonçait souvent des descentes d’étudiants armés de gourdins pour rouer cette mouvance qu’on ne nommait pas encore gauchiste. Mais pour ma part, je n’en ai jamais été témoin. Peut-être un mythe ?

Les prises de parole, au début des cours, pour annoncer telle ou telle action, n’était pas très rares. Nous vivions donc dans une ambiance diversifiée, et même sans être extrêmement engagés, nous avions toujours le spectacle de ces différences et rivalités. Même pour moi qui me « contentais » d’être membre de l’U.N.E.F. et d’un cercle laïque de la Ligue de l’Enseignement, je ne manquais pas de sources d’information.

Dire que tout ce monde cohabitait de façon paisible serait travestir la vérité. Mais, globalement, dans l’enceinte la Sorbonne, les empoignades étaient principalement verbales. Il n’en fut malheureusement pas de même à Nanterre.

La vie politique était donc très active dans les Facultés. Bien plus qu’elle ne l’est actuellement où les étudiants semblent avoir l’oeil fixé sur la ligne bleue de leur horizon professionnel. Je pense, sincèrement, qu’on se fichait éperdument de notre avenir. Nous avions un objectif. Personnellement je désirais être professeur de lettres. Très bien. Mais en même temps mes yeux et mes oreilles étaient grands ouverts au monde qui s’agitait et aux idées qui circulaient. Cette façon d’exercer notre citoyenneté peut sembler aujourd’hui immature. Pour mon compte, je l’ai trouvée très riche. C’est grâce à elle que j’ai pu commencer à choisir mon camp.

Je n’avais que faire du communisme qui avait fait l’U.R.S.S.. Et si les contestations Trotskystes me semblaient intéressantes, je n’y voyais pas d’horizon vraiment alternatif. Quant au modèle maoïste et chinois, n’en parlons pas. J’avais trouvé légitime d’être syndiqué à l’U.N.E.F. quoique ce syndicat n’était pas apolitique et que bien des tendances s’en disputaient la maîtrise. J’avais trouvé pendant un temps, grâce à des relations qui m’avaient introduit, une certaine place dans un cercle laïque justement respectueux des différences. Mais j’avais déjà commencé à tracer ma voie hors des groupes idéologiques. Cette voie annonçait le lent cheminement qui allait me conduire vers une position socialiste autogestionnaire.

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Mai 1968 : 3 – Mon apprentissage de la politique

[Mai 1968: commencer au début]

Il faut que je dise quelques mots sur mon état d’esprit dans les années qui ont précédé 1968. Il n’est probablement pas représentatif de tous les jeunes de cette époque. Cependant, il peut donner quelques indications.

Mon éducation « civique » a commencé très tôt. J’ai vécu mon enfance dans les souvenirs encore vivants de la Seconde Guerre Mondiale, de la dureté de la défaite et de l’occupation. Je garde toujours au fond de moi ce que me contait mon grand-père. Pendant l’occupation, il était alors employé des chemins de fer. Un métier qui n’était pas sans périls. Et les bombardements et les otages et la haine de Vichy… J’ai été élevé là-dedans. C’était si proche. J’ai été élevé dans un « Vive la France » qui n’était pas que circonstance. Je ressentais comme un honneur d’être citoyen d’un pays qui, après avoir subi quatre années d’une occupation sévère, s’était relevé, avec l’aide de ses alliés, il est vrai, mais aussi avec ses propres forces. Les résistants étaient des héros mythiques qui avaient donné leur vie pour une idée, un idéal de liberté et de démocratie.

dienbien.1204580703.jpgLe premier évènement discordant a été la chute de Dien-Bien-Phu. Je ne comprenais rien.

A cette époque, je lisais déjà beaucoup et j’étais tombé sur des vieux livres d’aventures datant de bien avant la guerre. De ces livres dans lesquels le bon blanc parcourt (et conquiert, mais cela, on ne le dit pas) l’Afrique pour apporter la civilisation, la médecine et Dieu à tous ces bons nègres primitifs trop contents de devenir les serviteurs de leurs conquérants. Et on lisait cela sans peine tant c’était plein d’aventures et d’exploits qui finissaient toujours bien pour le bon blanc et le bon nègre et mal pour le méchant.

Pourquoi voulait-on nous chasser d’Asie, alors que nous n’y étions que pour faire le bien ?

Et puis, à peine finie la guerre d’Indochine, voici que commençait la guerre d’Algérie. Je ne pouvais pas ignorer tout ce que j’avais appris à l’école : que l’Algérie était un ensembles de trois départements français. En voulant nous prendre l’Algérie, on voulait retirer quelque chose que j’avais de mon idée de la France.

Et puis sont venues toutes les contradictions.

La guerre d’Algérie était une sale guerre. Il y avait les attentats qui faisaient des victimes civiles. Il y avait des opérations militaires, qu’on nous dissimulait un peu. Mais on savait bien que c’était une saloperie. Et bientôt, en prenant de l’âge, à 16 ou 17 ans, nous commencions à nous demander si nous n’allions pas être envoyés là-bas. Et là-bas, il y avait des morts, des deux cotés.

Un souvenir marquant: celui d’un professeur de français que j’estimais fort qui nous conta, alors que je n’avais que 16 ans l’assassinat de l’instituteur Guy Monnerot et de son épouse le 1er novembre 1954. Ce dont je n’avais rien su auparavant. Et alors, comment ne pas être solidaire des Pieds Noirs victimes de la guerre ou contraints de quitter ce qu’ils croyaient être leur pays et leur sol d’autant plus que l’information dont nous disposions à l’époque était loin d’être objective. Mais, quand même, on finissait bien par savoir que les Pieds Noirs n’étaient pas seulement des épiciers, des fonctionnaires ou des artisans. Et qu’il y avait les « Gros Colons », ceux qui s’étaient appropriés une terre et qui s’enrichissaient en s’appropriant aussi le travail de ceux qui la cultivaient.

Et, en même temps, le prof d’histoire nous lisait « Le jour le plus long » !

Mais aussi, à cette époque, on lisait Marx en classe de philo. Peut-être n’était-ce pas au programme, mais moi, je l’avais lu. Des petits bouts du Capital et le Manifeste parce que ce n’était pas gros. Un peu, donc. Et puis les cours du prof. Assez pour comprendre les mécanismes généraux de l’oppression capitaliste et libérale et cette remarquable idée de la « plus value » que les patrons s’offraient sur le travail des salariés. Et voici que la colonisation s’expliquait en termes marxistes. Bien autre chose que l’apport de la culture et de la civilisation, comme les maîtres d’école me l’avaient laissé croire. Et quand furent clairs, pour moi, les liens entre ces grosses richesses et l’OAS, ma pensée devint très fortement dialectique.

En vrai, un profond malaise. En classe de 1ère, en 1960, quand on me racontait l’enfer de la famille Monnerot, mon coeur battait « Algérie Française ». En terminale, en trouvant Proudhon, Marx et Engels, en relisant comme par hasard Germinal, plus rien n’était simple.

Et puis une rencontre, un soir. C’était en 1964 ou 1965. Reçu à dîner, amené par une amie, chez un couple qui me dévoile, comme cela, simplement, alors qu’il n’ y avait sans doute pas prescription, avoir milité et porté des valises pour le F.L.N.. Oh, on sait bien que tout cela a existé, mais on le range loin, dans sa pensée. Mais quand on est là, comme cela, tout simplement, à table, avec des gens agréables et conviviaux, et qu’on en vient donc à voir, à palper cette réalité. Pour moi, je croyais que les français qui avaient fait cela étaient des communistes forcenés, des apatrides. Mais non. C’étaient des gens simples, gentils comme tout le monde, qui avaient pris les plus grands risques au nom de leurs convictions comme l’avaient fait les résistants contre le Nazisme. Les résistants pour lesquels je vouais une aussi grande admiration.

 

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Et puis viendra la guerre du Viet-Nam. Et à partir du moment où les américains s’en sont mêlés avec toute l’horreur des moyens guerriers qu’ils ont mis en oeuvre et ont su employer.

C’est ainsi que nous, les étudiants, avons été formés à la politique. Nous avions évité de peu d’être mobilisés en Algérie, ce qui ne nous laissait pas indifférents et avait donné au syndicalisme étudiant une importance certaine.

Quant à moi, j’étais plongé dans une profonde incompréhension. Où étais-je ? Où pouvais-je être lorsque ma culture humaniste complétée par un peu de marxisme lycéen me poussait à être favorable à la liberté des peuples ? Voici que les marxistes avaient installé en U.R.S.S. une dictature. Voici que les conquérants du Nord Viet-Nam avaient installé une autre dictature. Et que faisait le F.L.N. une fois venu au pouvoir ? Voici que les guerres de libération conduisaient partout à la même chose. En lieu et place du joug colonialiste un autre joug non moins cruel et encore plus sanguinaire s’installait.

Malgré toutes mes contradictions, ma culture d’adolescent philosophe me portait vers le socialisme. Mais le socialisme que le monde me donnait à voir n’avais pas visage humain.

[Suite]

Mai 1968 : 2 – Budapest 1956, Alger 1958

[Mai 1968: commencer au début]

Pour moi, tout a commencé en 1956, avec les évènements de Hongrie. J’avais 12 ans et le Communisme, ou plutôt le Stalinisme représentait pour moi le péril absolu. Ma conscience politique était en train de s’éveiller, lentement.

J’avais, bien entendu, écouté la radio à propos des évènements d’Algérie, mais je n’en saisissais pas toute la portée. Je n’étais pas du tout favorable à la rébellion, car j’avais été instruit pas des maîtres pour qui l’Algérie, c’étaient trois départements français. Je croyais donc que l’Algérie, c’était la France, sans soupçonner le moins du monde les méfaits du colonialisme. Et je ne parvenais pas à comprendre pourquoi ces populations un peu primitives ne voulaient pas du bonheur d’être français.

Mais Budapest, c’était autre chose ! Je savais que c’était bien contre leur gré que les pays d’Europe de l’Est se trouvaient sous le joug soviétique, suite aux traités de la Seconde Guerre Mondiale. De plus, Staline était le grand Satan. Quant au Communisme je n’en voyais que l’aspect de la privation de de liberté. Je n’avais pas encore lu la moindre ligne de Marx. Peut-être même en ignorais-je le nom. Comparativement, en face, les Etats Unis jouissaient d’un grand prestige parce que les Américains nous avaient libéré d’Hitler et qu’on y vivait bien.

pc-chateaudun.1204333547.jpgEt voilà qu’un peuple, dans une bouffée révolutionnaire affirmait sa liberté face à l’oppresseur. A l’époque, j’étais en classe au petit Lycée Condorcet, rue d’Amsterdam et ce n’était pas très loin du Carrefour de Chateaudun (devenu ensuite Place Kossuth) où se dressait l’immeuble d’architecture stalinienne, siège du Parti Communiste Français après avoit été celui de la Milice (!). Nous allions alors, après la classe, nous « promener » devant l’immeuble arborant une espèce de grand badge aux couleurs du drapeau hongrois. Les plus courageux sonnaient ou frappaient à la porte qui était un huis métallique avec guichet. Et quand celle ci s’ouvrait nous prenions la fuite comme des lapins. Ce furent mes premiers actes politiques.

C’est avec une grande tristesse que j’appris la répression de la rébellion de Budapest. Ma crainte et mon hostilité envers le Communisme augmenta fortement.

alger-1958.1204333565.jpgMa deuxième expérience de soulèvement populaire fut la tentative de mai 1958. Je n’avais pas compris tout de suite que c’était une tentative de coup d’état. Et ce que je trouvais formidable, c’était cette foule rassemblée à Alger devant le Gouvernement Général qui réclamait que l’Algérie reste française et se dressait face ou gouvernement de la métropole. J’aimais bien, à cause du côté spontané, populaire, un peu libertaire. Enfin, c’est ce que je croyais. Et face au désolant spectacle de la Quatrième République agonisante, je trouvais cela plutôt ensoleillé.

Et puis, il faut bien je le reconnaisse, à 14 ans, j’étais très « Algérie Française ». Aux raisons que j’ai évoqué précédemment, s’était ajouté une rencontre. J’étais interne en classe de seconde au Lycée Lakanal et était arrivé, avec un peu de retard dans l’année, un élève, interne évidemment, qui venait d’Oran. Sans doute ses parents l’avaient-ils envoyé là pour qu’il puisse poursuivre des études dans de bonne conditions. C’est devenu un copain. Je ne sais pour quelles raisons. Mais nous passions quelques moments à déguster des « montecao » qu’il recevait de là-bas. Et lui me racontait. L’ennui, pour mon ouverture culturelle, c’est qu’il était fort « ultra » et raciste de surcroît. C’est lui qui m’apprit qu’un melon n’était pas seulement un fruit. Il me racontait la guerre, naturellement dans ses aspects les plus convaincants de son point de vue, c’est à dire, massacres, mutilations, et tout ce qui s’ensuivait.

En y réfléchissant, je constate que, conjuguant mon hostilité au communisme et ma sympathie pour les putchistes d’Alger, j’étais bien parti pour devenir adhérent, sinon militant, d’un groupe d’extrême droite. Heureusement, un ami de la famille introduisit le livre d’Henri Alleg, La Question, alors qu’il était interdit ou tout comme. Je le lus et commençais à entrevoir que les réalités politiques étaient moins simples que ce que j’imaginais.

Je suivis avec intérêt le putsch des généraux, en 1961. Mais c’était moins exaltant que mai 1958. J’étais un peu moins chaud pour l’OAS. Et surtout, j’avais 17 ans. Le service militaire pouvait me prendre bientôt avec le risque de devoir partir faire la guerre en Algérie. Du coup, je me trouvais en position d’avoir envie de crier « Paix en Algérie ». C’était au départ, naturellement égoïste. Mais sur cet égoïsme une analyse plus objective se construisait. Ce n’étaient plus seulement contre des terroristes qu’on se battait là-bas, mais contre tout un peuple. Et en salopant tout par ses propres massacres et ses tortures, la France s’était déconsidérée à mes yeux. Pour le coup, j’étais plus disponible pour m’intéresser aux arguments des adversaires.

Je réalise, après coup, que j’ai toujours eu un grand intérêt pour les soulèvements populaires. J’ai étudié avec plaisir la Révolution Française, Les Trois Glorieuses, etc. Quand je pense aux évènements de Budapest ou d’Alger, j’y retrouve la même chose: des moments de l’histoire ou des peuples se soulèvent pour leur liberté. Je n’aurais plus aujourd’hui la naïveté qui fut longtemps la mienne, de croire que ces mouvements étaient totalement spontanés. Mais il y a toujours une part de spontanéité. J’ai une admiration comparable pour la Résistance, au cours de la Deuxième Guerre Mondiale. C’est dans cette admiration que j’ai pour ces peuples ou pour ces groupes qui se lèvent avec courage contre un oppresseur et qui s’efforcent, souvent en vain, de prendre en main leur destin que se trouvent les racines de mes tendances autogestionnaires et libertaires.

Passé la Guerre d’Algérie et après avoir eu l’occasion de crier « Paix au Viet-Nam », j’étais donc disponible pour rencontrer Mai 1968

[Suite]

 

Mai 1968 : 1 – Pour commencer

Il y a quelque temps que ceci me démange. Et puis j’ai entendu dire à la radio qu’il y avait pas moins de 300 ouvrages qui allaient être publiés à l’occasion du quarantenaire des évènements de mai 1968. Et comme l’envie me taraudait, j’ai donc décidé d’être le 301ème. Et quand je pense à tous les blogs, ici et ailleurs qui vont fleurir sur le sujet, avec tous les témoignages et tous les commentaires, je me dis que les historiens auront bien du mal, dans le futur.

Quand des évènements historiques ne sont consignées que dans quelques gestes reproduis en autant ou un peu plus de grimoires copiés par des copistes qui ne connaissaient ni l’imprimerie, ni la machine à écrire, ni le copier-coller, le nombre de sources est donc fort limité. Chaque chercheur y va de son édition critique commentée à sa façon. Mais là, combien de centaines de milliers de lignes vont être écrites ? Que de thèses en perspective. On imagine: les évènements de mai 1968 à travers les témoignages des bloggeurs du journal Le Monde… Et ainsi de suite… Naturellement, cela risque d’être un peu impressionniste et mal structuré.

Nourrissant donc, au fur et à mesure de l’écriture de ces lignes, le projet de servir de matière à une deux thèses dans le futur, étant moi-même conscient de l’abnégation dont il faut faire preuve pour en avoir écrit une, j’ai donc décidé de produire une matière un peu organisée. Ce témoignage sera rare parce que j’ai vécu plusieurs Mai 68. J’étais à la fois étudiant, enseignant à l’Université, salarié d’un service public et jeune père de famille puisque mon fils a eu l’idée (bonne ou mauvaise, seul lui le sait, et encore…) de naître le 3 mai.

13mai-3.1204242038.jpgOn peut dire aussi que le mémorialiste aurait pu attendre le cinquantenaire, nombre plus prestigieux. Mais il se trouve qu’en 2018, je devrais avoir 73 ans et que je ne suis point certain d’avoir toute les facultés nécessaires à ce moment-là. Sans compter qu’il y a même une probabilité pour que je soie mort. Cette affaire de date est peut-être l’explication de la grande charrette littéraire qui nous attend. Avoir eu 20 ans en 68, c’est en avoir 60 aujourd’hui. Les auteurs vivant se disent que le temps n’est pas infini.

Avant de commencer vraiment cette suite de souvenirs, je voudrais juste donner quelques images fortes, sélectionnées dans toutes celles qui me restent. La première est auditive: le bruit des pavés qu’on jette les uns sur les autres, cet espèce de claquement un peu mat quand chacun d’eux tombe sur la barricade. Mais ce bruit n’est pas isolé. Avec le nombre de mineurs qui dépavent la rue et le nombre de manutentionnaires qui jettent les pavés, le bruit est celui d’une rafale cadencée autour de la seconde. D’une rafale qui ne s’interrompt pas.

Un autre souvenir fort est la peur quand on se trouve en face d’une ou deux compagnies de CRS qui sont prêtes à charger. L’uniforme est noir, le bouclier et le casque cachent ce qu’on pourrait entrevoir du visage. Pour le coup, les CRS n’ont rien d’humain, car rien ne permet d’apercevoir, ne serait-ce que fugitivement, la moindre expression. Avec la matraque à la main, on sent que cette chose est prête à tout. C’est pourquoi j’avoue que j’ai une certaine admiration pour les suicidaires qui ont le courage de s’avancer, les mains nues, vers cette pieuvre noire. Les CRS n’ont rien d’humain. C’est fait pour. C’est peut-être aussi pourquoi il était si facile de crier « CRS SS ».

Une autre image encore, c’est la rue Gay Lussac en feu. Scène de guerre. On s’étonne qu’il n’y ait pas eu de morts.

Et pour finir, une vraie image cette fois, car je n’étais pas en position de le voir comme cela. Mais d’autres l’ont photographiée. L’immensité de la manifestation du 13 mai.

[Suite]

Sarkozy: l’exercice solitaire du pouvoir

Sur la bannière de ce blog est reprise cette citation d’Alain: « Tout pouvoir sans contrôle rend fou ». L’histoire en fournit un certain nombre d’exemples. Il y a ceux qui sont déjà un peu fous avant de trouver le pouvoir. Probablement était-ce le cas de Néron. Il y a ceux qui étaient très fous: c’est le cas d’Hitler. Il y a ceux dont l’intelligence est limitée: c’est le cas de G.W. Bush. Il y a ceux qui dérapent. C’est le cas de Napoléon Ier.

Car à chaque instant, le dérapage guette celui ou celle qui détient le pouvoir. Combien d’exemple, autour de nous, de gens à qui nous avons confié des responsabilités à la lumière de leur personnalité et de leurs actes antérieurs et qui, une fois parvenus au pouvoir, déçoivent par la manière dont ils l’exercent.

La démocratie a celà de rassurant qu’elle est censée déterminer les limites et le contrôle. Mais ce n’est vrai qu’à condition que les représentants aient été élus avec discernement. La démocratie française en est contre-exemple. Après chaque élection présidentielle, on entend les candidats partisans de l’élu rechercher les suffrages au nom des moyens à donner au nouveau président pour accomplir sa politique. Mais dès lors qu’il y a un parti du chef de l’état, on entre dans un système déraisonnable. A partir du moment où une majorité vote sans broncher, dut-elle avaler cent couleuvres, il n’y a plus de contre-pouvoir.

Le contre-pouvoir est ce qui donne sa légitimité au pouvoir. En France, le système de contre-pouvoir est faible, car tous les cercles sont fréquemment serviles.

Dans les cercles, il y a d’abord les conseillers du Président, le secrétariat Général de l’Elysée. Ce cercle est fort utile dès lors qu’il se présente comme une instance de prévision et de débat discret avant la publication des projets. Encore faut-il que ses membres soient écoutés. Il y a ensuite les membres leaders du parti du président. A vrai dire, il y a toutes sortes de personnes ou d’instances qui peuvent apporter au dirigeant une dose raisonnable de dialectique, voire de contestation.

La plupart des présidents de la Cinquième République ont fonctionné de cette façon. On connaît le rôle discret qu’a tenu Dominique de Villepin auprès de Jacques Chirac. Et le secrétaire de l’Elysée n’était pas le seul conseiller. Car le pouvoir bien exercé doit s’accompagner de prudence : des mesures mal préparées, mal annoncées, mal justifiées peuvent provoquer de grands mouvements sociaux. Juppé en fut victime. De Villepin avec le CPE en fut une autre.

Celui qui détient le pouvoir doit donc être entouré d’un cercle de confiance, de gens capables de lui dire non et de lui résister. Cette confiance doit être réciproque et doit résister aux conflits d’opinion qui ne manquent pas de survenir. Pour le chef, la meilleure chose qu’il puisse faire est de choisir des gens qu’il estime et qui seront libres de s’opposer si nécessaire.

En quelques mois de présidence, Nicolas Sarkozy a dégagé tous ceux et celles qui auraient pu jouer ce rôle. En humiliant ses conseillers, en n’étant pas solidaire d’eux, en les traitant d’imbécilles et de « cons », il les a mis en position de devoir choisir entre la rupture et la servilité. Comme personne n’est parti, on voit bien ce qui reste.

louisxiv.1204205780.JPGDe même, les élus de la majorité, qui ont eu droit aussi, à leur tour, de se faire traiter de « cons’ ou de « connards » ou tout autre élément d’un vaste florilège de noms d’oiseaux (lire le Canard Enchaîné, toujours bien informé), sont devenus serviles, à part quelques grognons qui grognent mezzo vocce, et sont prêts à déguster de grands plats de reptiles de peur de perdre leur siège de député, de sénateur, de conseiller général ou régional, de maire, aux prochaines élections.

Un exemple risible est celui de l’idée d’adoption de la « mémoire » d’un enfant victime du génocide juif par un autre enfant de l’école élémentaire. Pour qu’une idée aussi stupide et irréfléchie ait pu surgir ainsi, à l’occasion d’un discours, il faut qu’elle n’ait guère été discutée auparavant. Et l’actualité donne de nombreux exemples d’idées de ce type, proférées de la même façon, à l’improvisade. Et tous les serviteurs de se débrouiller par de pathétiques déclarations alambiquées pour faire mine de ne pas donner tort au chef. Et tous de perdre leur temps et les deniers de l’état en réunions et contorsions improductives. A raison d’au moins trois idées par semaine, on peut évaluer le temps perdu.

Et l’on passe ainsi du simple pouvoir, au pouvoir personnel à l’exercice solitaire du pouvoir, dernier stade avant la catastrophe aux conséquences imprévisibles.

Eloge de la dialectique

Je me souviens d’une étude qui avait été effectuée autrefois par un collègue. Il s’était intéressé, il y a bien 25 ou 30 ans, à l’usage de la télévision par les enfants, dans les familles, en fonction du niveau socio-culturel. L’expérience comprenait deux groupes de familles, nettement différentes sur le plan du niveau d’études des parents. On aurait pu penser que, dans les familles où le niveau culturel était le plus élevé, les enfants consommaient moins de télévision. En réalité, les différences n’étaient pas statistiquement très probantes. Par contre, ce qui était remarquable, c’est l’usage qui en était fait. Dans un cas, on « consommait » les programmes de façon assez passive, alors que, dans l’autre, ils étaient source de commentaires, de discussion, voire de contestation.

Cela n’a guère changé et s’applique, me semble-t-il à univers de connaissance bien plus étendu que ce qui est dispensé par la TV. Je suis souvent étonné d’entendre des propos proclamés comme vrais par qu’on les a lus ou les a entendus.
– Il ne faut pas manger de fruits au dîner, parce que cela empêche de dormir.
Je ne puis m’empêcher de demander:
– D’où savez-vous cela ?
– C’est évident… On le dit… Les médecins le disent.
– Pouvez-vous me donner une source scientifique fiable ? Les références d’un article scientifique publié dans une revue à comité de lecture ?
– …

descartes.1204151808.jpgDéjà, Voltaire avait écrit bien des choses de ce genre dans l’article « Certain, certitude » du Dictionnaire Philosophique. Et bien avant lui, Descartes avait surtout écrit, ce qu’on ignore, « dubito ergo cogito, cogito ergo sum » . C’est parce que je doute que je pense et c’est parce que je pense que je suis..

Il en est ainsi de tout ce qu’on raconte et c’est banalité de dire que la connaissance ne progresse que par la remise en cause permanente des savoirs du jour.

Je suis frappé de constater combien ce principe est peu appliqué dans l’enseignement. Car s’il est vrai que 2 et 2 font 4, il est tout à fait possible que, si l’Univers est courbe, je regarde derrière ma tête en tournant mon regard vers ce que je cois être l’infini. Les programmes sont truffés de certitudes. Et si l’on peut le comprendre dans les petites classes pour l’apprentissage des fondamentaux, cela devrait être moindre dans les classes élevées ou l’enseignement supérieur. Les enseignants de l’Université se plaignent souvent de la difficulté des étudiants qu’on les étudiants à produire un travail construit et dialectique. Mais combien d’heures de cours passées à une simple transmission unilatérale de savoirs. Les théories qui ne sont jamais que des modèles heuristiques sont souvent énoncées (et défendues) comme stricte vérité.

Quand au discours politique, il est encore plus rigide. A l’époque, on a reproché à Ségolène Royal de n’avoir pas de programme bien formé. Sans doute savait-elle ce que valent les programmes politiques à l’épreuve de la réalité du pouvoir. Il n’est de jours qui ne vous apporte de quoi mettre en cause bien des certitudes.

Il faut réhabiliter l’usage du mode conditionnel.

L’article d’El Pais / Courrier International pour ceux qui ne l’on pas lu

Si vous ne l’avez pas lu, l’article du directeur adjoint d’El Pais, traduit dans le dernier numéro de courrier international :
Vous devez savoir aussi que les librairies du groupe Lagardère n’ont pu montrer l’affichette reproduisant la couverture
Voir http://rue89.com/

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Les Français ont un problème. Ils croyaient avoir un superprésident, un hyper­dirigeant capable de les sortir de la dépression et de la décadence, et voilà qu’ils ont écopé d’un président comme ils en ont déjà connu beaucoup d’autres : à savoir malade, limité, qu’il faut dorloter et protéger tout en s’organisant pour que la France tourne et que le gouvernement et les institutions fassent leur devoir. La situation n’a rien d’inédit : Pompidou et Mitterrand étaient déjà des présidents malades et diminués. Le premier est même mort avant la fin de son mandat. Quant à Chirac, il fut un obstacle paralysant pendant une bonne partie de sa présidence. La maladie dont souffre Sarkozy n’a pas la gravité du cancer de la prostate de Mitterrand, mais elle touche un organe vital s’il en est : l’ego. Celui du président est d’évidence atteint d’une hypertrophie probablement incurable.
Plus on s’approche du 9 mars, date du premier tour des élections municipales, plus la nervosité des candidats du parti présidentiel augmente et plus on redoute les interventions de Sarkozy, susceptibles de faire perdre des voix à l’UMP. Le parti du chef de l’Etat est divisé à cause de tensions qu’il a lui-même créées. Le traitement qu’il a infligé en public aux uns et aux autres, y compris à certains de ses collaborateurs les plus proches, est digne du comportement d’un monarque bilieux et capricieux avec ses laquais. Même son actuelle impopularité est extravagante : elle ne s’explique pas par un train de réformes puisque ces dernières sont encore largement inappliquées. Elle s’explique uniquement par son comportement public.
Un triomphe de sultan, seigneur en son sérail.
Le trône qu’occupe Nicolas Sarkozy a été imaginé par de Gaulle pour lui permettre d’être le troisième larron d’un monde bipolaire. Le président français voulait être un fier contrepoids occidental dans l’affrontement entre Washington et Moscou. Or Sarkozy, arrière-petit-fils libéral et proaméricain de De Gaulle (après le petit-fils, Chirac, et le fils, Pompidou), s’est installé sur le trône élyséen porté par son ambition personnelle et sa conception égotique de la présidence : il a par le fait encore accru les pouvoirs de la présidence. Et, une fois parvenu à ses fins, il s’est consacré à lui-même, comme un ado narcissique obnubilé par ses sentiments et ses plaisirs. Certes, le pouvoir peut en apporter beaucoup, mais la prudence conseille de ne pas trop en faire étalage. Sarkozy le téméraire fait tout le contraire et se vautre dans l’exhibitionnisme.
C’est sur trois points précis qu’est venu se briser le personnage : l’économie, qui n’a pas enregistré la moindre amélioration depuis son arrivée ; son idéologie plus néocons, voire “théocons”, que gaulliste – en témoignent des prises de position sur la laïcité contraires à la culture de la République ; et sa vie privée, étalée dans les médias. En monarque thaumaturge qui par une simple imposition des mains devait augmenter le pouvoir d’achat, il a échoué au point de prononcer la formule maudite qui rompt les sortilèges : “Qu’est-ce que vous attendez de moi ? Que je vide des caisses qui sont déjà vides ?” En monarque philosophe, il a manifesté les plus fortes réserves vis-à-vis des traditions républicaines, en exprimant avec désinvolture son affinité intellectuelle avec le pape. Il n’a pleinement triomphé que dans le rôle de sultan, seigneur en son sérail, paré des atours qui passionnent un certain public – et manifestement aussi ses pairs. Le voilà fasciné par son propre pouvoir de séduction, son goût exquis et sa désinvolture. Mais ce triomphe-là a le don de déprimer beaucoup de Français car il rabaisse la République au niveau de la principauté de Monaco.

 

Ne vous contentez pas d’Internet. Achetez un journal ! La presse libre est le dernier rempart de la démocratie.

Hausse des prix et hausse des profits

Il est amusant de voir subitement s’énerver nos gouvernants à l’annonce de la hausse des prix de détail de la bouteille de lait et du paquet de nouilles. Et d’annoncer toutes sortes de mesures, probablement inopérantes comme toujours car aucun contrôle des prix n’est possible dans un environnement libéral d’économie de marché. Notre Fillon qui hausse le ton ne dispose d’aucun attirail législatif à opposer aux producteurs et aux distributeurs qui lui promettront tout ce qu’il voudra et ne tiendront pas parole.

nouilles.1203988406.jpgIl va faire une opération « coup de poing »! Pan dans les spaghetti et le yaourt !

Il est amusant aussi de voir combien les 40 cts sur le paquet de pâtes lui font de l’effet alors que la hausse des rémunérations des patrons le laissent impavides, que la hausse des profits des grandes compagnies le laisse de marbre. Et quant à la hausse des dividendes des actionnaires, il n’en a sans doute pas entendu parler. Et la hausse de la rémunération du Calife, ni vu ni connu.

Le voici donc parti à remuer l’accessoire pour faire croire qu’il administre quelque chose. Sans compter que son petit camarades, le « Président du Pouvoir d’Achat » doit être énervé et doit lâcher nombre de bordées d’injures à l’encontre de tous ces « cons », ce qui rend l’athmospère… atmosphère.

Si cela ne mettait pas en jeu les conditions de vie de nos concitoyens je me roulerais par terre. Mais au bout du compte, je ne trouve qu’un ou deux ou quelques mots: minable, lamentable, déplorable.

La loi scélérate

Pendant que le Président nous occupe avec ses pantalonnades sentimentales et ses déclarations superficielles et improvisées, la peste noire fait son chemin. La loi scélérate, après avoir été votée, a reçu l’assentiment du Conseil Constitutionnel.

Maintenant, en France, on pourra être judiciairement privé de liberté par qu’on est susceptible, simplement susceptible, de récidive. Au motif de protéger le citoyen on piétine la démocratie et toute ces règles issues de notre Révolution et qui on fait de la France un modèle respecté.

Et voici que, non content de cet état de choses, le Président s’insurge contre le fait que le Conseil Constitutionnel ait refusé que la loi soit rétroactive.

On me dit que nous sommes en France, en 2008. Il faut qu’on me pince. Je me croyais en Allemagne en 1933 !

 

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« Casse-toi alors pauvre con » ou Internet au secours de la liberté de la presse

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Lagardere, Dassault, Arnault, amis de Nicolas Sarkozy et propriétaires d’organes de presse. Bientôt tous les journaux seront au mains de ceux-là ou de quelques uns qui leur ressemblent. Par ce pouvoir, ils espèrent être en mesure de choisir et contrôler ce que pense et pensera le peuple. Comment sont-ils assez niais pour ne pas se rendre compte qu’il leur faudra aussi s’approprier Internet pour réussir. Même les dirigeants chinois n’y parviennent pas complètement.

Et quand bien même la presse française serait-elle muselée, il y a des chances aussi que la presse étrangère ne le soit pas. Voyez ce superbe article décrivant la personnalité du Président de la République traduit et reproduit dans Courrier International. Alors Lagardère impose à ses boutiques de presse de ne pas exposer la pub de Courrier où il est écrit « Sarkozy, ce grand malade ». Mais les medias libres sur Internet racontent tout ! C’est comme pour les images du Parisien de ce matin. Et si l’on réussissait à censurer Le Parisien, on pourra toujours aller sur YouTube ou DailyMotion .

C’est fini pour les grands censeurs de la presse. Il y aura toujours quelqu’un pour filmer, enregistrer ou être là. C’est fini pour les hommes politiques à deux visages. Quoique vous disiez, quoique vous fassiez, il ya désormais de la vidéo à vos basques.

Vous qui êtes tous partisans de la vidéo-surveillance des citoyens, vous devez être contents, non ?