Eloge de la dialectique

Eloge de la dialectique

Je me souviens d’une étude qui avait été effectuée autrefois par un collègue. Il s’était intéressé, il y a bien 25 ou 30 ans, à l’usage de la télévision par les enfants, dans les familles, en fonction du niveau socio-culturel. L’expérience comprenait deux groupes de familles, nettement différentes sur le plan du niveau d’études des parents. On aurait pu penser que, dans les familles où le niveau culturel était le plus élevé, les enfants consommaient moins de télévision. En réalité, les différences n’étaient pas statistiquement très probantes. Par contre, ce qui était remarquable, c’est l’usage qui en était fait. Dans un cas, on « consommait » les programmes de façon assez passive, alors que, dans l’autre, ils étaient source de commentaires, de discussion, voire de contestation.

Cela n’a guère changé et s’applique, me semble-t-il à univers de connaissance bien plus étendu que ce qui est dispensé par la TV. Je suis souvent étonné d’entendre des propos proclamés comme vrais par qu’on les a lus ou les a entendus.
– Il ne faut pas manger de fruits au dîner, parce que cela empêche de dormir.
Je ne puis m’empêcher de demander:
– D’où savez-vous cela ?
– C’est évident… On le dit… Les médecins le disent.
– Pouvez-vous me donner une source scientifique fiable ? Les références d’un article scientifique publié dans une revue à comité de lecture ?
– …

descartes.1204151808.jpgDéjà, Voltaire avait écrit bien des choses de ce genre dans l’article « Certain, certitude » du Dictionnaire Philosophique. Et bien avant lui, Descartes avait surtout écrit, ce qu’on ignore, « dubito ergo cogito, cogito ergo sum » . C’est parce que je doute que je pense et c’est parce que je pense que je suis..

Il en est ainsi de tout ce qu’on raconte et c’est banalité de dire que la connaissance ne progresse que par la remise en cause permanente des savoirs du jour.

Je suis frappé de constater combien ce principe est peu appliqué dans l’enseignement. Car s’il est vrai que 2 et 2 font 4, il est tout à fait possible que, si l’Univers est courbe, je regarde derrière ma tête en tournant mon regard vers ce que je cois être l’infini. Les programmes sont truffés de certitudes. Et si l’on peut le comprendre dans les petites classes pour l’apprentissage des fondamentaux, cela devrait être moindre dans les classes élevées ou l’enseignement supérieur. Les enseignants de l’Université se plaignent souvent de la difficulté des étudiants qu’on les étudiants à produire un travail construit et dialectique. Mais combien d’heures de cours passées à une simple transmission unilatérale de savoirs. Les théories qui ne sont jamais que des modèles heuristiques sont souvent énoncées (et défendues) comme stricte vérité.

Quand au discours politique, il est encore plus rigide. A l’époque, on a reproché à Ségolène Royal de n’avoir pas de programme bien formé. Sans doute savait-elle ce que valent les programmes politiques à l’épreuve de la réalité du pouvoir. Il n’est de jours qui ne vous apporte de quoi mettre en cause bien des certitudes.

Il faut réhabiliter l’usage du mode conditionnel.

Bakounine