Sarkozy: l’exercice solitaire du pouvoir

Sarkozy: l’exercice solitaire du pouvoir

Sur la bannière de ce blog est reprise cette citation d’Alain: « Tout pouvoir sans contrôle rend fou ». L’histoire en fournit un certain nombre d’exemples. Il y a ceux qui sont déjà un peu fous avant de trouver le pouvoir. Probablement était-ce le cas de Néron. Il y a ceux qui étaient très fous: c’est le cas d’Hitler. Il y a ceux dont l’intelligence est limitée: c’est le cas de G.W. Bush. Il y a ceux qui dérapent. C’est le cas de Napoléon Ier.

Car à chaque instant, le dérapage guette celui ou celle qui détient le pouvoir. Combien d’exemple, autour de nous, de gens à qui nous avons confié des responsabilités à la lumière de leur personnalité et de leurs actes antérieurs et qui, une fois parvenus au pouvoir, déçoivent par la manière dont ils l’exercent.

La démocratie a celà de rassurant qu’elle est censée déterminer les limites et le contrôle. Mais ce n’est vrai qu’à condition que les représentants aient été élus avec discernement. La démocratie française en est contre-exemple. Après chaque élection présidentielle, on entend les candidats partisans de l’élu rechercher les suffrages au nom des moyens à donner au nouveau président pour accomplir sa politique. Mais dès lors qu’il y a un parti du chef de l’état, on entre dans un système déraisonnable. A partir du moment où une majorité vote sans broncher, dut-elle avaler cent couleuvres, il n’y a plus de contre-pouvoir.

Le contre-pouvoir est ce qui donne sa légitimité au pouvoir. En France, le système de contre-pouvoir est faible, car tous les cercles sont fréquemment serviles.

Dans les cercles, il y a d’abord les conseillers du Président, le secrétariat Général de l’Elysée. Ce cercle est fort utile dès lors qu’il se présente comme une instance de prévision et de débat discret avant la publication des projets. Encore faut-il que ses membres soient écoutés. Il y a ensuite les membres leaders du parti du président. A vrai dire, il y a toutes sortes de personnes ou d’instances qui peuvent apporter au dirigeant une dose raisonnable de dialectique, voire de contestation.

La plupart des présidents de la Cinquième République ont fonctionné de cette façon. On connaît le rôle discret qu’a tenu Dominique de Villepin auprès de Jacques Chirac. Et le secrétaire de l’Elysée n’était pas le seul conseiller. Car le pouvoir bien exercé doit s’accompagner de prudence : des mesures mal préparées, mal annoncées, mal justifiées peuvent provoquer de grands mouvements sociaux. Juppé en fut victime. De Villepin avec le CPE en fut une autre.

Celui qui détient le pouvoir doit donc être entouré d’un cercle de confiance, de gens capables de lui dire non et de lui résister. Cette confiance doit être réciproque et doit résister aux conflits d’opinion qui ne manquent pas de survenir. Pour le chef, la meilleure chose qu’il puisse faire est de choisir des gens qu’il estime et qui seront libres de s’opposer si nécessaire.

En quelques mois de présidence, Nicolas Sarkozy a dégagé tous ceux et celles qui auraient pu jouer ce rôle. En humiliant ses conseillers, en n’étant pas solidaire d’eux, en les traitant d’imbécilles et de « cons », il les a mis en position de devoir choisir entre la rupture et la servilité. Comme personne n’est parti, on voit bien ce qui reste.

louisxiv.1204205780.JPGDe même, les élus de la majorité, qui ont eu droit aussi, à leur tour, de se faire traiter de « cons’ ou de « connards » ou tout autre élément d’un vaste florilège de noms d’oiseaux (lire le Canard Enchaîné, toujours bien informé), sont devenus serviles, à part quelques grognons qui grognent mezzo vocce, et sont prêts à déguster de grands plats de reptiles de peur de perdre leur siège de député, de sénateur, de conseiller général ou régional, de maire, aux prochaines élections.

Un exemple risible est celui de l’idée d’adoption de la « mémoire » d’un enfant victime du génocide juif par un autre enfant de l’école élémentaire. Pour qu’une idée aussi stupide et irréfléchie ait pu surgir ainsi, à l’occasion d’un discours, il faut qu’elle n’ait guère été discutée auparavant. Et l’actualité donne de nombreux exemples d’idées de ce type, proférées de la même façon, à l’improvisade. Et tous les serviteurs de se débrouiller par de pathétiques déclarations alambiquées pour faire mine de ne pas donner tort au chef. Et tous de perdre leur temps et les deniers de l’état en réunions et contorsions improductives. A raison d’au moins trois idées par semaine, on peut évaluer le temps perdu.

Et l’on passe ainsi du simple pouvoir, au pouvoir personnel à l’exercice solitaire du pouvoir, dernier stade avant la catastrophe aux conséquences imprévisibles.

Bakounine