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Mai 1968: 13 – Après le 13 mai

[Mai 1968: commencer au début]

C’est le 13 mai que le couvercle a vraiment sauté !

Cette manifestation était bien trop nombreuse pour qu’il n’ y ait que des étudiants. Il y avait aussi des travailleurs puisque les syndicats étaient là. Et le peuple de Paris. Au moins tous ceux qui souhaitaient que change cette société glacée.

La Sorbonne s’ouvrit. Dans le Grand Amphithéâtre s’installa un débat permanent où chacun put exprimer ce qu’il avait envie de dire. Et comme cela ne suffisait pas, deux jours plus tard, ce fut le Théâtre de l’Odéon. Mais il n’y avait pas que le Grand Amphi et le Théâtre. C’était partout.

Dans le laboratoire de la Sorbonne dont je faisais partie nous nous mîmes à réfléchir aux conditions de travail des chercheurs et de tous les collaborateurs. On s’intérrogea aussi sur le sens de la recherche et, pour ceux d’entre nous qui étaient enseignants au sens et à la manière de transmettre les connaissances. Et quelles connaissances ?

Quand nous nous rendions au Centre Universitaire Censier, nos étudiants en psychologie étaient là, dans telle ou telle salle à critiquer, il est vrai, mais aussi à proposer d’une façon originale et constructive.

Quand je me rendais à l’Institut Pédagogique National, l’ensemble du personnel était mobilisé. Le Service de la Documentation et de la Recherche dont je faisais partie avait créé diverses commissions pour étudier et échanger des points de vue sur nos missions et la manière de les accomplir.

Car on se mit aussi à écouter. Oh, cela ne fut pas facile. Il y avait tant à dire. Il fallut se discipliner et accepter d’attendre son tour de parole tout en piaffant du désir de dire. Et là nous apprîmes que la démocratie était un exercice long. Entendre chacun, avec respect, débattre contradictoirement, cela prend des heures.

Et nous sommes devenus heureux.
Nous sommes devenus heureux parce qu’on rencontrait des gens dans la rue et qu’on se parlait et qu’on se tutoyait.
Nous sommes devenus heureux parce que nous avons cru qu’on pourrait changer les conditions de vie et de travail. Que les patrons respecteraient leurs ouvriers, que les professeurs respecteraient les étudiants et les élèves. Ce que nous avons voulu dire, c’est que l’autorité, quelle qu’elle soit, ne disposait pas de la connaissance absolue pour décider de la vie des gens. Nous avons voulu exprimer que les élèves avaient une culture, que les paysans avaient une culture, que les ouvriers avaient une culture, que les immigrés avaient une culture, que tous nous avions, à des titres divers, une culture et qu’il fallait l’entendre. Et c’est pourquoi nous avons remis en cause toute autorité qui voulait décider pour et au nom des gens qui avaient leur culture et leur droit à la parole.
Nous avons rejeté l’autorité quand elle n’était pas légitime. Celle qui dit « faites ce que je dis, mais pas ce que je fais ». Et pourtant, nous avons continué à admirer les brillants professeurs… et à dénigrer les mauvais. Nous avons continué à admirer les grands hommes politiques. Nous avons continué à débattre de Marx et de Trotski comme de Freud et de Ferenczi, de l’existence de Dieu, de la société de consommation, et du rôle du pouvoir dans la vie politique et sociale.

Et puis nous avons clamé le droit de chacun à la création, à l’épanouissement, à l’innovation, à l’imagination, au rêve, à l’art. A la vie quoi ! A mieux que métro-boulot-dodo. Et nous avons découvert « sous les pavés, la plage ». C’était comme une vibration de l’été 1936. La plage…

Et puis nous n’avons pas oublié le spectacle du monde: le Viêt-Nam, les pays de l’est…

Alors quelqu’un a crié un jour, et nous avons repris en choeur: « Faites l’amour, pas la guerre ».
Oh, combien c’était beau !

C’est vrai que les manifs du soir ont continué après le 13 mai. Elles étaient alimentées naturellement par ceux pour qui ces confrontations avec le pouvoir étaient indispensables. S’y ajoutaient tous ceux qui y participaient, mais pas au premier rang, car ils auraient préféré un affrontement plus pacifique. Mais le pouvoir ne nous incitait pas à être pacifique. Toujours raide. Toujours incapable d’entendre la rumeur qui montait du peuple. La « chienlit » ! La sévérité des arrestations et des internements avec ses rituels de matraquage contribuait aussi fortement à l’entretien de ce climat. Et les « enragés » s’étaient durcis avec les négociations de « Grenelle ». Le pouvoir savait bien qu’en accordant du pouvoir d’achat aux ouvriers et aux employés, il allait contenter les syndicats et désolidariser le monde du travail de celui des étudiants. On sentait donc que la divine union de la manifestation du 13 mai allait se diluer dans une revalorisation du S.M.I.G. (c’était le nom de l’époque: Salaire Mininum Interprofessionnel Garanti).

Tous ceux qui n’ont pas vécu cette deuxième quinzaine de mai dans cette ambiance débridée de l »Imagination au pouvoir« , ne peuvent comprendre ce que nous avons ressenti. Nous avons cru (un peu) que la volonté populaire pouvait changer le monde. Nous avons cru (un peu) que les relations humaines et sociales pourraient être plus heureuses et plus harmonieuses. J’ai écrit un jour, tout en n’étant pas croyant, que je pensais que le Christ s’y serait trouvé bien. Simplement parce que nos valeurs humanistes et morales telles qu’elle découlent de notre tradition judéo-chrétienne trouvaient un monde où elles pourraient s’épanouir. Il ne faut pas oublier, ce que j’ai écrit au début de cette série, que nous avions été élevés dans la fraîche mémoire des horreurs du nazisme et que nous avions encore le spectacle des conflits sauvages qui incendiaient le monde. Et voici qu’une brèche, non pas une brèche, mais une toute petite fissure s’ouvrait. Enfin ! On pouvait imaginer, espérer !

Et notre culture politique s’est construite dans ce chaudron. Tout s’y mélangeait. Foin des cadres rigides des partis et des syndicats qui embrigadent le monde. Quelques uns, parmi nous, ont compris. C’était une immense séance de travaux pratiques libertaires. Et puis, ils étaient là. Les anarchistes sont souvent discrets. Avant 68, ils étaient presque invisibles. A ma connaissance, je ne me souviens pas avoir vu des drapeaux noirs dans les manifestations avant cette époque. En mai, ils étaient là. Je ne parle pas de ceux qui criaient fort et prônaient la destruction de la société. Non, les autres, ceux qui s’expliquaient patiemment et longuement s’il le fallait, qui ne prenaient pas pour des cons ceux qui ne pensaient pas comme eux pour autant qu’on ait aussi la patience de les écouter. Je les ai rencontrés et ils proposaient une organisation de la société presque inimaginable : pas de chefs, pas de maîtres (« Ni dieu, ni maître, ni état, ni patron). Ma culture, globalement marxiste ne s’y retrouvait qu’un peu. Je me souvenais avoir un peu lu des choses sur la Guerre d’Espagne.

Sur l’heure, ils ont simplement jeté le doute. Mais le ver était dans le fruit. Il m’a fallu au moins trente ans pour comprendre que « la plus haute expression de l’ordre, c’est l’anarchie « .

[Suite]

La nuit du Fouquet’s (6 mai 2007)

fouquets.1206234512.jpgJe viens de lire la moitié de La Nuit du Fouquet’s d’Ariane Chemin et Judith Perrignon, avant de m’endormir. A vrai dire, je me suis bien endormi, mais je me suis trouvé éveillé deux heures plus tard, la tête pleine de ce récit. J’ignorais que tout cela avait été prémédité et, comme on avait beaucoup fait état des invités « people » comme Johnny Halliday, Jean Reno et Christian Clavier, j’ignorais que se trouvait là aussi toute la clique de cette centaine de personnages qui, à eux seuls, possèdent la richesse de la France: les Bolloré, Arnault, Dassault, Lagardère, Bouygues, et tutti quanti. Ils étaient tous là pour faire allégeance à ce petit personnage qui saura bien le leur rendre.

En lisant l’histoire de cette nuit, je repensais à l’histoire de cette femme qu’on m’avait contée quelques heures auparavant. Accident de voiture en rentrant du travail. Soins et soins alternant avec des périodes de travail. Elle a neuf cents euros par mois, avec un peu d’allocations, bien sûr, et un peu d’A.P.L., bien sûr aussi. Trente euros par jour, même pas le prix d’une bouteille de Champagne au Fouquet’s. Peut-être le prix d’une flûte que les invités abandonnent à moitié bue sur le coin d’une table.

Combien de journées de travailleur ont été bues et mangées ce soir-là ? Comment qualifier une société dans laquelle existe une telle débauche d’argent ostentatoire? Et comment qualifier ceux qui en sont les gouvernants ?

Mai 1968: 12 – Enfin, l’appel à la grève et le 13 mai

[Mai 1968: commencer au début]

Les évènements de la nuit du 10 au 11 mai ont marqué les esprits. Les barricades ont été nombreuses et ont résisté longtemps. La répression policière a été d’une violence inouïe. Les poursuites, matraque à la main, des manifestants et, parfois, de personnes se trouvant là par hasard, ont été sauvages. Nombre d’habitants de la rue Gay-Lussac ont témoigné de ces poursuites dans le escaliers des immeubles, voire jusque dans les appartements.

medium_crs_ss.1206145736.gifDes centaines de manifestants ont été arrêtés. Ils ont été matraqués avant de monter dans les cars ou dans les locaux du commissariat du cinquième arrondissement qui s’est acquis une fort mauvaise réputation. Ils ont été matraqués à la descente des cars. Les conditions de détention à Beaujon sont vite connues et l’on peut dire qu’elles ne sont pas bonnes. Il y a des récits de très mauvais traitements. Comme la plupart des interpellés finissent par être relâchés, on sait comment cela se passe. Et la presse publie les récits. Certains gestes des forces de l’ordre ressemblent fort à des tortures. On dit qu’il y a eu des viols.

En réalité, quarante ans plus tard, contrairement à l’opinion répandue, je crains que tout ceci n’ait été vrai. Il est certain que la violence de certains émeutiers (les pavés ne sont pas des projectiles anodins) puisse expliquer la violence des réactions.Mais il y a aussi cette manière inhérente à toutes les forces de police… Et ce que nous avons connu ensuite, comme l’assasinat de Malik Oussékine, en dit assez sur les pratiques des forces de l’ordre.

Après la nuit du 10 au 11 mai, la population est plus avertie de ce qui se passe et l’indignation commence à venir. La C.G.T. et les syndicats enseignants lancent un appel à la grève pour le 13 mai. Ce n’est pas et ce ne sera jamais un authentique rapprochement ouvriers-étudiants, comme beaucoup l’ont espéré. mais ce n’est déjà pas si mal.

On attend toujours la réouverture de la Sorbonne, promise par les ministres.

Le 13 mai est une date spéciale. C’est exactement 10 ans auparavant, le 13 mai 1958 que débutèrent les manifestations d’Alger qui ont conduit au retour du Général de Gaulle au pouvoir. Et cette coïncidence fait aussi ressentir que cela fait dix ans que s’impose ce pouvoir triste et froid que toute la classe ouvrière et tous les jeunes ressentent comme pesant. Les motivations ne sont évidemment pas les mêmes. Les dirigeant de la C.G.T. ne s’occupent pas de libération sexuelle. Mais les deux mouvements vont, pendant un temps, cohabiter très sympathiquement. Les ouvriers de Renault recevront patiemment les étudiants venus pour exposer leurs théories politiques. Mais les préoccupations ne sont pas les mêmes. Mais, quand même, trouve-t-on ici ou là des minorités plus ou moins libertaires qui contribueront à la naissance de la revendication d’un « socialisme autogestionnaire » notamment à la C.F.D.T..

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La manifestation du 13 mai est historique. Je n’y suis pas et je le regrette bien. Mon temps est très occupé. J’hésite à m’absenter complètement de mon emploi à mi-temps. Certains l’ont fait quoique un préavis de grève formel n’a pas été déposé. Je passe aussi un peu de temps dans le laboratoire de la Sorbonne auquel j’appartiens (je ne me souviens plus comment nous faisions pour entrer par la rue Saint Jacques). Et puis il y a les nécessités paternelles. Le bébé a dix jours et la maman est encore sous le coup d’un accouchement qui fut un peu difficile et a besoin de quelques soins.

 

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Empêchée de participer aux évènements, elle piaffe d’impatience. Je raconte évidemment ce qui se passe, les rencontre que j’ai faites, et tout cela. J’ai l’impression d’augmenter encore son impatience. Là, vraiment je n’y peux rien…

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C’est donc la manifestation du 13 mai, de la Place de la République à Denfert Rochereau. Un fleuve humain qui se déplace dans la capitale. Caroline de Bendern devient célèbre et, raconte-t-on, fut déshéritée par son grand père. On pense qu’il y avait un million de personnes. Naturellement la police donnait un chiffre ridiculement bas. Personnellement, je dirais raisonnablement au moins 500000. C’est un superbe succès. Ouvriers, étudiants, employés, hommes et femmes, tous fraternellement unis. Cette manifestation portera en elle les germes du grand mouvement de solidarité et d’échange qui se développera aussitôt.

Le 13 mai, la Sorbonne est ouverte.

L’imagination prend le pouvoir.

 

Découvrant la photo de Caroline de Bendern (je n’ai su que récemment, grâce à Internet, qu’elle s’appelait ainsi) quelque temps plus tard dans je ne sais quel journal, j’eus une grande émotion. Il m’a semblé reconnaître une jeune femme que j’avais beaucop aimé pendant plus de deux ans et qui m’avait congédié. Même visage (presque) et surtout coupe de cheveux identique et, pour compléter l’identification, la même veste longue rayée verticalement. Ce n’est que récemment, en découvrant le vrai nom de cette jeune femme, que j’ai dû renoncer à cette pourtant belle erreur.

[Suite]

Chantal Sébire

J’éprouve le besoin d’écrire quelques lignes au sujet de cette femme. Quelques mots d’admiration pour sa lucidité. A cette heure, j’ignore quel moyen elle a trouvé pour échapper à la cruelle réponse qui a été donnée par la Justice (au nom du peuple français !) à son souhait de finir en paix.

Dans ces circonstances, pour autant qu’elles soient médicalement établies, il me semble indispensable de laisser ceux qui assistent ces malades libres d’agir selon leur conscience sans que la justice s’en mêle. Accordons le droit à mourir, comme il y a le droit de vivre. Accordons le droit d’aider à mourir si le patient réclame cette assistance. Chantal Sébire avait sans doute besoin de cette participation pour l’aider à passer la porte. Je suis persuadé qu’elle n’a pas fini seule, « inexplicablement ». Elle a mis fin volontairement à sa douloureuse existence. J’espère simplement que ceux ou celles qui étaient près d’elle pour l’assister et ne l’on pas dit, se taisent à jamais.

Laissons dans leur ignorance ceux qui dénient tout droit à « l’euthanasie active », comme la Ministre de la Justice. Qu’ils sachent simplement qu’elle se pratique quotidiennement, en silence, dans le secret des hopitaux, des praticiens de la santé et des familles. Qu’ils sachent que nous n’avons pas besoin d’eux comme directeurs de conscience.

Et que le Procureur de la République de Dijon s’occupe d’autres affaires plus importantes.

La crise: capitalisme et libéralisme coupables

caissevide2.1206056180.jpgIl y a un certain nombre d’années, un ouvrage de François de Closets, intitulé « Toujours Plus« , avait provoqué un certaine émotion : il s’en prenait notamment aux syndicats et à leur clientèle habituelle, les fonctionnaires, par exemple, qui ne cessaient de vouloir s’attribuer des avantages, toujours plus nombreux et plus importants. D’autres prétendus parasites faisaient l’objet de ces mêmes analyses critiques, en fait, tout ce qui touchait, de près ou de loin, aux services publics: transports, radio-télévision, etc.

Aujourd’hui, « Toujours Plus » se rapporte au système bancaire et boursier international. Ces organismes avides n’ont de cesse de toujours vouloir engranger de plus en plus d’argent, leurs actionnaires de toujours vouloir des dividendes plus élevés, leurs dirigeants de toujours vouloir des rémunérations de plus en plus élevées. Hier encore, un « trader » pouvait jouer avec des instruments financiers auxquels 99% des citoyens ne comprennent rien et générer des profits sans cause simplement parce qu’on peut acheter quelque chose d’immatériel d’un côté du monde et le revendre plus cher deux heurs plus tard de l’autre côté. Et de s’acharner à acheter et vendre sans cesse des certificats financiers pour générer des bénéfices avec des commissions que se partagent, au passage, une palanquée d’intermédiaires et de courtiers dont le seul service est de recopier des ordres pendant que les traders sont déjà occupés à autre chose. Que de gens occupés, sur toutes les places financière du monde entier à acheter et vendre et revendre et acheter encore juste pour spéculer sans apporter la moindre plus-value aux peuples du monde !

Espérant encore gagner beaucoup et davantage et plus encore, les banques américaines ont prêté à tour de bras de l’argent à des emprunteurs dont la solvabilité était très improbable. Puis elles ont revendu le risque à d’autres banques qui ont acheté sans vraiment réfléchir tant l’appât du gain était puissant, alors qu’elles auraient pu investir dans des activités plus utiles: recherche et developpement, construction d’habitations pour les plus démunis, que sais-je encore, sans forcément prendre plus de risques ! Mais il faut croire que c’est tellement plus amusant de jouer dans cette loterie.

C’est comme l’affaire dite de la Société Générale. Un guignol gonflé de son importance qu’on a laissé enfler au point de se croire invincible parce que ses premières armes avait été bien profitables. Des supérieurs du guignol qui le laissent prendre des risques immodérés et irréguliers en regard de la latitude qu’on lui avait donné. Des supérieurs, donc, qui ne disent rien tant que le guignol fait du gras et du très gras. Puis vient le moment où le guignol, comme la grenouille de la fable, explose pour avoir pété trop haut.

Alors les banquiers se retrouvent dans une grosse merde et, après avoir, malgré tout, bien servi leurs actionnaires en dividendes, se mettent à tendre la main. La morale aurait voulu que les actionnaires se servent la ceinture. Voire qu’ils remettent la main au portefeuille.

logo-maif.1206056392.gifNote >> Quand la société mutuelle d’assurance dont je suis sociétaire se trouve devant une situation financière grave, elle demande à ses membres d’apporter une contribution. <<

Mais là, non. Les actionnaires touchent leurs dividendes et peuvent se désintéresser totalement des comptes de la société. Alors les banques se tournent vers les autres banques pour qu’elles prêtent. Mais les autres banques sont elles aussi dans la merde. Où alors, elles ne sont pas folles au point de prêter à des confrères dont la solvabilité est incertaine.

Le phénomène dépasse le cercle des banques. Pour arrondir leurs fins de mois ou pour combler leurs actionnaires, les entreprises ont été tentées de faire fructifier leur trésorerie sur le marché des outils financiers. Certaines, d’ailleurs, en raison de la cherté de leurs coûts de production, ne doivent leur santé, toute relative, qu’à ces manipulations. Elles ont été d’autant plus tentées que leurs banquiers se sont faits forts de leur présenter de mirobolants placements tels que les « swaps » qui, au final, se révèlent une formidable loterie (un « poker » dit une personne informée de ma connaissance) qui ne repose sur aucun des critères usuels du marché puisqu’il ne s’agit que « d’échanges de flux d’intérêts » !

Voici donc comment on pose les bases d’incidents monétaires majeurs. Et puis, simultanément, le prix du pétrole et de l’or montent quasi-mécaniquement, avec un coup de pouce spéculatif pour faire bonne mesure. Les sociétés pétrolières sont ravies. Elle vont faire du gras et les actionnaires seront bien joufflu. Mais elles vont aussi trouver, comme lors de la dernère « crise pétrolière » des fonds pour prospecter là où c’est difficile et onéreux.

Et puis, à 150 $ le barril, on pourra exploiter le pétrole dans les sables bitumineux ou dans les chiottes au lieu de dépenser tout cet argent pour investir vers des énergies moins productrices de CO2.

caissevide.1206056235.jpgEn même temps, les Etats Unis, gouvernés par un égoïste crétin, laissent filer la valeur du dollar pour favoriser leurs exportations, ce qui finit par produire une dévaluation de facto, et sévère. Alors cela devient une « crise« . C’est une crise qui montre bien le ridicule des manières capitalistes, car subitement, comme il n’y a plus d’argent pour acheter, ce qui valait hier 100 $ n’en vaut plus qu’un. La valeur des choses est élastique. L’argent se fait rare. Où est-il donc passé ? Ou est-ce à dire que tout cet argent qui circulait avant n’était que fausse monnaie ? Car si l’argent disponible est rare, c’est que les bas de laine sont remplis. Et pourtant les bas de laine sont vides. Voilà que je peux acheter une banque en faillite pour une poignée de dollars. Et on me dit que c’est bien moins que ce qu’elle vaut en réalité. C’est dire tout le côté bidon de tous ces mic-macs monétaires. Contrairement à ce que l’on croît, il semblerait que la maxime « rien ne se perd, rien ne se crée » n’est pas de Lavoisier mais d’Anaxagore de Clazomènes, mais de toute façon, elle ne se rapporte pas à la masse monétaire.

Alors les banques se tournent vers la puissance publiques selon le bon principe de la privatisation des profits et de la nationalisation des pertes.

Si les banques centrales s’y collent, alors ce sera l’argent des petits, des travailleurs, des salariés, des employés, de tous ces pauvres qui en demandent « Toujours Plus » et payent l’iompôt sur le revenu, la taxe foncière, la taxe d’habitation, la T.V.A, et la taxe sur les produits pétroliers, sans compter les taxes sur les cartes grises, les passeports et tutti quanti. Aujourd’hui la FED semble ne se laisser aller que sur les taux d’intérêts. Mais la France avait déjà montré l’exemple du communisto-libéralisme en pillant 130 milliards dans le Trésor Public pour renflouer le Crédit Lyonnais. Ce qui fait 26 unités-Bouton , selon la nouvelle échelle « métrique » proposée cette semaine par le Canard Enchaîné en références aux pertes récentes de la Société Générale.

Il ne fait aucun doute, qu’à un certain moment, l’argent public va « dépanner » ces messieurs et dames. On aurait pu penser que lorsque le Trésor a épongé les dettes du Crédit Lyonnais, on aurait, en compensation, vidé les poches des gras responsables et qu’on aurait nationalisé ladite banque pour qu’au moins, le Trésor touche les dividendes de sa mise.

En réalité, le libéralisme est une méthode de gestion qui permet la nationalisation instantanée et immédiatement réversible quand les pertes son abyssales.

Je n’ai pas besoin de dresser le tableau des conséquences de la cette crise. Des millions de personnes qui n’en sont absolument pas responsables en seront directement ou indirectement les victimes ( dépôts de bilan, délocalisations, licenciements, chômage,…) alors que ce sont ceux-là même qui, avec leur pauvre épargne et toutes les taxes payées, auront financé le sauvetage de tous ces riches soit-disant responsables.

Le capitalisme et le libéralisme sont coupables.

Condamnons-les !

 

 

Le « Bouton », nouvelle unité de compte

Dans son édition d’hier, le Canard Enchaîné propose une nouvelle unité de compte: le « Bouton ». Le Bouton vaut cinq milliards d’euros, soit ce que peut perdre le patron de la Société Générale sans perdre son siège. Le journal précise qu’avec cette unité de compte, le Crédit Lyonnais n’a coûté que 26 Boutons au contribuable français.

On attend maintenant une nouvelle édition de La Guerre des Boutons.

Les Velrans sont des peigne-cul, les Longevernes des couilles molles.

Mai 1968 : 11 – Le 11 mai

[Mai 1968: commencer au début]

Je ne dors pas beaucoup. L’excitation est à son comble. La vision de la scène de guerre de la nuit m’emplit. Auhourd’hui, 40 ans plus tard, je la vois encore. Le feu, les explosions, des ombres qui se déplacent devant les flammes, des tirs.

Je suis persuadé qu’il y a eu des morts. Pourtant, il n’y en eu point. Probablement grâce au sang froid de certains responsables des forces de l’ordre. Et l’on savait bien que tout mort serait un martyr. Il fallait donc qu’il n’y en eut point. Il y en aura plus tard, mais pas cette nuit-là. Par contre, on saura par la suite qu’il y a eu plus de mille blessés, de part et d’autre.

Je m’éveille et me dispose à retourner sur les lieux. Et j’y retourne. Plusieurs fois, je fais le chemin de la rue Gay-Lussac et des rues avoisinantes. C’est un spectacle de désolation. Les voitures calcinées placées en travers de la chaussée forment l’essentiel du spectacle. Mais il y a aussi toutes sortes de matériaux. Il devait aussi y avoir des pavés, mais ce sont les véhicule qui attirent le regard. L’odeur est forte, restes brûlées qui fument légèrement et aussi l’odeur pénétrante des gaz lacrymogènes.

 

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Les gens vont et viennent. C’est curieux comme ils sont silencieux.

Sur le moment, j’ai le sentiment de traverser le champ de bataille de la défaite. Ce spectacle déprimant, ajouté au souvenir des gazés que j’ai vu pendant la nuit, n’est pas encourageant. Les forces de l’ordre se sont emparés des barricades une par une. Bientôt on saura l’acharnement avec lequel elles ont poursuivi les manifestants jusque dans l’intérieur des immeuble sans se priver de matraquer des jeunes sans défense. Bientôt on saura aussi le nombre de personnes ayant été arrêtées.

Est-ce parce que j’ai mal dormi ? J’ai le sentiment que c’est fini. Que c’est perdu. Que l’ennemi a tout emporté.

[Suite] 

Et les communistes ?

drapeau-pc.1205748356.jpgJe n’ai jamais, au grand jamais, été membre du Parti Communiste. J’aurais pu l’être s’il avait été démocratique, s’il n’avait pas été inféodé au stalinisme soviétique. Mais tous ceux qui ont connu la passion et le travail des militants communistes au quotidien, notamment dans la gestion municipale peuvent regretter qu’ils perdent, peu à peu, leur initiative locale, départementale et municipale.

Les communistes que j’ai connu étaient de vrais citoyens, ayant un sens très fort de la solidarité. Ils étaient chaleureux et humains. N’ayant guère, à quelques exceptions, le goût du pouvoir. Leur vie était baignée par le militantisme. Et le militantisme se traduisait dans des actes de tous les jours. Ce n’est pas pour rien que le vrai peuple de gauche, au sens populaire, a donné sa voix pendant tant d’années avec une telle unanimité. Les communistes étaient proches des citoyens, proches des travailleurs ayant du mal à boucler leur fin de mois, près des mères et des familles en difficulté. Bientôt, il n’y aura plus de « Centre Social Jacques Duclos » ou de dispensaire « Staline ». On se moquait de ces patronymes. Mais derrière existait une authentique volonté sociale.

Je les regrette vraiment. Même si, parfois ils étaient irritants par leur côté parfois sectaire. Et je veux, au moment où ils disparaissent encore davantage de la vie politique leur adresser un signe d’amitié. Pas aux dirigeants, bien sûr, qui sont et étaient comme tous les dirigeants. Mais à ces milliers de militants qui avaient donné leur vie pour agir selon leurs idées.

Municipales ou le Sarko-splash

Voici que Sarkozy a sauté dans le bain des élections municipales. Et il a fait un beau plat ! Car, il y a, non seulement tout ceux qui ont voté à gauche et qui se sont bien étoffés, mais tous ceux qui avaient voté pour lui aux présidentielles et qui se sont abstenus. On aura le triomphe modeste, mais tout de même: se faire ramasser ainsi dans un pays qui est, traditionnellement plutôt à droite…

hoteldeville.1205746221.jpgEn même temps naît un grand sentiment de désolation. Car la démocratie en pend un sale coup. Ségolène Royal a perdu parce qu’elle n’avait pas voulu promettre ce qu’elle ne pouvait tenir alors que son concurrent, faisant tout le contraire, regagnait chaque jour du terrain. Et comme, il ne tient pas ses promesses (cf. par exemple, l’affaire des taxis), la déception est d’autant plus grande.

Maintenant, nous connaissons le style de présidence de Sarkozy, « l’autre style ». C’est tellement jouir de ce à quoi il est arrivé que tout le reste n’a pas d’importance. C’est la présidence de l’apparence, enrichie d’un mannequin aussi ambitieuse que lui et probablement au moins aussi dangereuse que lui.

C’est la dêche.

Les totalitaires prennent les gens pour des cons

A l’occasion des évènements du Tibet, voici, une fois de plus, les totalitaires à l’oeuvre. Et voici que, comme à l’accoutumée, l’Agence Chine Nouvelle, après n’avoir rien dit sur les évènements, se prend maintenant à les minimiser. Les manifestants sont présentés comme des mauvais sujets, des casseurs qui s’en prennent à la police. On ne dit pourquoi. Par désoeuvrement ?

Voici qu’on interdit à la presse de couvrir l’évènement. Voici qu’on fouille les bagages des touristes pour s’assurer qu’ils n’emportent pas des photos qui contrediraient ce magnifique échafaudage. Voici qu’on avoue une poignée de morts alors qu’il y en a eu certainement des dizaines, voire des centaines.

Toujours les mêmes méthodes stupides. Comment n’ont-ils pas encore compris que personne, sauf un minus habens, ne peut croire la moindre déclaration ainsi aseptisée des évènements. Il y a bien longtemps que tout le monde sait comment ce genre d’évènements se passe ! Alors, à quoi sert de mentir ? Celui qui agit ainsi se déconsidère en exposant sa propre bêtise dans le traitement de l’information. Il se déconsidère en annihilant la confiance qu’on pourraitibet.1205700896.jpgt lui apporter. Et c’est même contre-productif, car on a tendance à accorder une plus grande confiance à la partie adverse, même si celle-ci, à son tour, trafique un peu les informations.

Qu’ils ne se leurrent pas. A l’époque d’Internet, en plus, nous avons déjà des images et des témoignages. Alors, à quoi sert de mentir ?