Archive dans 8 décembre 2008

L’Université et moi : 7-Mai 1968

En quittant l’école de la rue St Benoît ce 3 mai 1968, je ne savais pas que je venais de faire mes dernières minutes de TP, pour cette année universitaire-là. Et que la prochaine n’allait pas reprendre avant 8 mois.

Je me suis alors trouvé avec trois rôles.

Le premier était celui de l’enseignant, un peu étonné quand même, comme mes collègues, de la tournure que prenaient les évènements. Je me rendais volontiers au Laboratoire de Psychologie Génétique dont je dépendais pour analyser les évènements avec les enseignants statutaires. J’étais, naturellement, un peu en retrait, compte tenu de ma position d’enseignant vacataire. Mais je me suis toujours efforcé d’être là. Par intérêt, par curiosité.

Le deuxième était celui de vacataire à 1/2 temps à l’Institut National de Recherche Pédagogique. J’y travaillais au service Statistique. Je m’y rendais donc, au moins au début du mois de mai, aux jours et heures prévus. Comme tout un chacun, ma productivité n’était pas excellente, compte tenu des circonstances  environnantes. Mias j’étais à mon poste.

Le troisième était celui de l’étudiant. Et là j’étais fort intéressé. Un peu inquiet pour certains excès, mais très solidaires des revendications concernant l’enseignement supérieur, puis concernant l’ensemble de la vie sociale dès que celles-ci émergèrent.

Dès que les amphithéâtres furent ouverts après la réouverture de la Sorbonne, avec d’autres enseignants nous étions souvent dans les assemblées. Pas trop dans le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, mais dans les plus petits amphis, notamment à Censier, où les ordres du jour annoncés concernaient la vie universitaire et l’enseignement de la psychologie.

Puis les choses devinrent ce que l’on sait. A partir, grosso modo, de la mi-mai, les questions dominantes ne concernèrent pas l’Université.

Puis tout au long du mois de juillet, chacun partit en vacances.

Au retour, à partit d’octobre, l’Université se remit à revivre avec ses propres questions. La première, terre à terre, était celle des examens qui n’avaient pas eu lieu. La deuxième était celle de la réforme des enseignements. Car les universitaires étaient bien convaincus des problèmes et disposés à revoir beaucoup de choses. Surtout qu’on s’attendait à une évolution positive des moyens. Il y eut donc beaucoup de séances de discussion, certaines entre enseignants, mais le plus souvent en présence et avec les étudiants. Ce ne fut pas trop difficile en psychologie car rares étaient les excessifs.

J’y étais. Rien ne me forçait à y être puisque mon contrat ne portait que sur l’année 1967-68. J’y étais à la fois parce toutes ces discussions m’intéressaient et qu’accessoirement, j’avais bien envie de conserver mon travail pour l’année universitaire à venir. Les choses allèrent même très loin parce que je fus même chargé de l’organisation matérielle (horaires, salles) de la deuxième année de psychologie, celle où j’intervenais. Et je fus même chargé d’organiser les inscriptions pédagogiques qui eurent lieu, je crois, en décembre. Je dois ces responsabilités, peut-être, à mon côté pragmatique. Quand une proposition tait adoptée, j’avais l’habitude, sans qu’on ne me demandât rien, de l’opérationnaliser. Et quand on revenait le lendemain en séance, j’avais des solutions concrètes et applicables à proposer. Je crois que c’était bien vu parce qu’on avançait.

Je participai aux examens qui furent, on doit bien le reconnaître, ce qu’ils furent. Je me fis même sermoner par un statutaire parce que mes notes étaient trop sévères. je fis le nécessaire, un peu à contre coeur. Je participai aussi à la grande délibération dans une immense salle où il y avait plein d’enseignants et d’étudiants. Il y eut naturellement beaucoup de reçus.

Lorsqu’il fut annoncé que des postes d’assistants seraient créés en Psychologie, je fis, naturellement, un peu de lobbying. Ma candidature fut soutenue par plusieurs statutaires, dont le directeur du Laboratoire, Pierre Oléron. Et je fus élu (en décembre, je crois avec effet rétroactif au 1er novembre). Je pense sincèrement n’avoir pas démérité pour obtenir ce poste. Pendant toute la période troublée, j’étais là, je m’étais impliqué avec beaucoup de sincérité sans vraiment rien espérer de plus que ce que j’avais déjà.

Ce fut quand même une grande chance. A 24 ans et 2 mois, j’entrai dans l’Enseignement  Supérieur. C’était beaucoup plus que ce que j’aurais pu espérer.

Au début de chaque année universitaire, je raconte cette histoire à mes étudiants. Surtout pour leur dire que leur avenir professionnel peut dépendre fortement de l’implication qu’on met dans une tâche. A un moment, on devient presque indispensable. Et s’il y a une opportunité, on est bien placé pour en bénéficier. Lorsque, quelques années auparavant, j’avais travaillé un mois d’été au Service des Périodiques de l’Education Nationale, je m’étais vu proposer, pour des raisons analogues de « rester ».

© Jean Pierre Dufoyer, décembre 2008

Saccage de l’université et des universitaires : une enseignante écrit

Passé-passons-dépassée

Je passe sur mon passé d’hier : enseignant-chercheur dans une université prestigieuse, et comme ma fonction l’indique, partageant mon temps entre enseignement et recherche.

Je passe sur mon présent : partageant mon temps entre enseignement, administration de l’enseignement et administration de la recherche, recherche de financements (bac plus 8 certes, mais pas de comptabilité ni de finances, on apprend à tout âge, passons…), et recherche pour ce qui reste = quelques bouts d’heures par ci par là, idéal pour entamer une réflexion approfondie ! Chapeau pourtant, malgré ça la recherche française, même universitaire, se défend bien au niveau mondial. Passons, encore, c’est de toute façon le passé.

Je ne passe pas sur mon futur annoncé, je suis dépassée : si j’ai de la chance, si mon président d’université apprécie ce que je fais, ou mes grimaces, j’enseignerais moins et aurais plus de temps pour faire de la recherche… super, mais sinon ? Si un autre a fait une plus belle grimace (préparez les miroirs dans tous les labos, moi je cacherai le mien, il faut toujours se méfier de ses collègues !!!) ou si mon président change et qu’il préfère d’autres grimaces ? Bravo à lui/elle (mince, j’aurais du lui casser son miroir l’autre fois) et dommage pour moi, c’est moi qui ferais les heures d’enseignement dont il/elle sera déchargé/e… plus le temps de m’entraîner aux grimaces…aïe äie aïe, l’an prochain, j’aurais encore plus d’heures d’enseignement à assurer pour récompenser les gagnants au concours de grimaces et moi qui aimais enseigner, ça devient ma punition…

J’arrête, si jamais mon président décidait vraiment de m’accorder une décharge sur la base du nombre de grimaces que je suis capable de faire, il faut que je m’entraîne !

Universités : actions contre le décret scélérat

Attention : les universités sont en ébullition. Un projet de décret destiné à modifier sérieusement les conditions de travail des enseignants chercheurs (cf. Ref.1 , Ref.2 et Ref.3 ) est en passe d’être signé. Mais voici que partout en France des comités d’action, des conseils de gestion et des conseils d’université prennent position contre ce décret. On peut donc s’attendre à des mouvements sociaux dans ce secteur dans les jours et semaines à venir. Universitaires de toute la France, unissez vous !

Ah ! Les bons flics !

Je me souviens d’une grande et noble police. Une bonne police qui accomplissait bien les missions qui lui étaient confiées avec tout le zèle qu’elle pouvait y mettre.
Cette police affectionnait les grands imperméables noirs. Elle aimait fort circuler dans des Citroëns Traction noires aussi. C’était le bon temps où l’on avait pas besoin de vouvoyer un sale juif. Comme les arabes de maintenant quoi. Cette police n’avait peur de rien. Elle ne méprisait pas l’idée de pénétrer chez un citoyen une fois la nuit tombée. Et en cassant la porte, c’était encore bien mieux. Comme on fait chez les nègres.
Ce que cette police adorait le plus, c’était de se payer un journaliste. Ah, les journalistes à qui on reprochait des trucs, même petits. Parce qu’il faut se méfier des journalistes. Surtout jeunes. Et ils ont une tendance à révéler des trucs quand ils feraient mieux de fermer leur gueule.
Le plus sympa, c’est de procéder à une arrestation au matin. Quand il y a les mômes, par exemple pour effrayer. On tape à la porte, on crie. Le type est terrorisé. même s’il n’a rien fait. Naturellement on l’attrape vivement et on lui met les menottes. C’est bon, les menottes. Dans le dos. Comme ça, s’il fait le con, le mec, s’il tombe en avant, il s’écrabouille la face.
Et le fin du fin, avec un journaliste, c’est de le foutre à poil. Et de regarder avec mépris sa petite bite froide qui pend mollement. Et aussi son trou du cul. Bien regarder son trou du cul, en le faisant se pencher en avant et écarter ses fesses avec ses mains. Ça c’est le fin du fin: regarder un trou du cul de journaliste avec ses couilles en arrière plan.
C’est bien dommage, cette police n’existe plus.

Lamentable Chérèque

chereque.1228167533.jpgCe matin, j’entends François Chéreque à la radio. Il n’a pas perdu son accent lamentable et dépressif. D’ailleurs, il donne vraiment dans le dépressif. C’est la « crise ». Alors il se lamente. Il se lamente sur le sort des travailleurs réduits au chômage technique. Il se lamente sur le fait que le RSA ne sera mis en oeuvre qu’au 1er juillet. Il se lamente en disant « qu’il faudrait bien » que les revenus des salariés, et patati, et que les patrons, et patata…
Lamentabilus cherecus morfondus!
Pas une seule fois, je ne l’ai entendu mettre en cause le système politique, économique et social qui domine le monde en général et la France en particulier. Pas une seule fois,je ne l’ai entendu, ne serait-ce qu’évoquer une possible réaction populaire. Baisse la tête, O peuple, devant la crise que tu n’as pas provoquée et dont seuls sont responsables ces gros et gras bien plus riches que toi.
Chérèque ne remet rien en cause. Il plie.Il s’insère dans le système.Il tend la main comme un mendiant. Il regarde impavide les millions et les milliards venir au secours des banques qui raflent l’aubaine sans contrepartie.
Chérèque, tu es lamentable.

L’Université et moi : 6-Mes débuts vacataires

Me voici donc entré avec ravissement dans le monde merveilleux de l’Université. Un prodige que je n’aurais jamais osé imaginer. La porte était entrouverte. Il me fallait entrer et me maintenir. Tout n’était pas joué d’avance.

Je fis donc au mieux ce que j’avais à faire. Je complétai mon travail par quelques vacations de recherche qui consistaient à dépouiller des questionnaires. Et, chaque mercredi et chaque vendredi après-midi, j’étais Moniteur de Travaux Pratiques sous la houlette d’Alain Danset qui était alors Assistant au Laboratoire de Psychologie Génétique dirigé par le Pr Pierre Oléron, en compagnie de ma camarade d’études Annick Guérin. Le laboratoire était niché dans les hauts de la Sorbonne. On entrait par la porte du 41, rue St Jacques. Il y avait là l’escalier A et un ascenseur. Si on « avait la clé », on montait par l’ascenseur. Sinon, on se tapait les quatre étages, quatre étages de Sorbonne, pour dire vrai, ce qui est bien autre chose qu’un immeuble d’habitation, même ancien.

Le travail de moniteur était très agréable. On installait les postes de travail dans un grand couloir. Chaque poste comprenait une table pliante (qu’on dépliait) et quatre chaises pliantes (qu’on dépliait). On déposait le matériel. C’était Alain Danset qui allait chercher les étudiants à la porte de l’école élémentaire. C’est lui aussi qui allait chercher les enfants dans les classes. Les moniteurs surveillaient le travail des étudiants, répondaient aux questions et intervenaient si nécessaire, travail intéressant qui demandait parfois un peu de tact avec les personnes d’âge qui croyaient tout savoir. Je n’en avais sans doute pas assez. Mon collègue Jacques Lautrey qui a fait une très belle carrière à l’Université, m’a dit se souvenir de moi, à cette époque. Il paraît que je « n’étais pas commode ».

Par chance, une opportunité se présenta à la rentrée de Novembre 1967. Une réforme avait aspiré les assistants et les maîtres assistants vers des travaux dirigés. Il fallait des enseignants pour assurer les travaux pratiques. Je devins donc « Chargé de Cours Complémentaire ». Du coup, je me trouvais en première ligne. Heureusement, Alain n’était pas loin. L’entraînement d’avoir fait quelques cours l’année précédente me fut bien utile. Je crois que tout se passa aussi bien que possible.

Je me pris à espérer, tout en m’accusant intimement de n’être pas assez instruit en Psychologie,  Je me pris à espérer un poste d’Assistant. Je vis, naturellement, arriver d’autres chargés de cours. Arriva notamment Josette Shun qui devait devenir Josette Marquer. Comme elle avait été introduite par la femme de Pierre Oléron, elle obtint un poste plus vite que moi. Ce que je sais de l’implication de Josette depuis, me laisse penser que c’était mérité. J’aurais juste préféré qu’elle fut nommée un peu après moi. C’est tout.

Cette année universitaire fut très agréable. J’avais cet emploi de Chargé de Cours. J’avais aussi dégotté un mi-temps au Service de Recherche de l’INRDP (Institut National sz Recherche er de Documentation Pédagogique), rue d’Ulm à Paris. En même temps, j’étais censé commencer une thèse. Mes semaines étaient bien occupées.

Le vendredi 3 mai 1968 vint bouleverser la donne. Au petit matin, mon fils Bertrand naissait. A 13H30, j’étais rue St Benoît pour ces Travaux Pratiques. Quand j’en ressortis après 16H30, le Quartier Latin était en effervescence.

© Jean Pierre Dufoyer, novembre 2008

Note sur la crise

Commentaire de: Liberalisme et économie de marché

« Dans une économie de marché, on ne peut blâmer des entrepreneurs d’être allés là où était le profit. Si faute il y a eu c’est celle des gouvernants »

On peut aussi avoir une autre vision de cette phrase:

Le libéralisme et la mondialisation ont générés la titrisation (transfert des risques de solvabilité) et l’apparition de normes comptables internationales privilégiant les aspects court terme aux investissements longs termes de sorte que l’optimum économique d’une compagnie va à l’encontre de sa prospérité. Car si elle privilégiait sa situation long terme, elle s’exposerait à une minimisation de sa valeur de marché et donc à un risque de rachat notamment de compagnie qui privilégieraient l’économie financière à l’économie réelle.

L’immaturité ce situe vraisemblablement plus au niveau des décideurs politiques internationaux, dont bon nombre d’entre eux ne peuvent pas justifier d’un niveau de DEUG en économie s’il existe encore.

Bertrand Dufoyer

La journée ordinaire d’un écolier

Texte reçu sur Internet:

« 

darcos.1227896613.jpgLa journée de Lou 3 septembre 2014

Lou est assis à sa place, parmi ses 32 camarades de CP. Il porte la vieille bLouse de son cousin, éculée, tachée, un peu grande. Celle de Jean-Emilien, au premier rang, est toute neuve et porte le logo d’une grande marque. La maîtresse parle, mais il a du mal à l’entendre, du fond de la classe. Trop de bruit. La maîtresse est une remplaçante, une dame en retraite qui vient remplacer leur maîtresse en congé maternité. Il ne se souvient pas plus de son nom qu’elle ne se souvient du sien. Sa maîtresse a fait la rentrée il y a 3 semaines, puis est partie en congés. La vieille dame de 65 ans est là depuis lundi, elle est un peu sourde, mais gentille. Plus gentille que l’intérimaire avant elle, il sentait le vin et criait fort. Puis il expliquait mal.

Du coup LOU ne comprend pas pourquoi B et A font BA, mais pas dans BANC ni dans BAIE ; ni la soustraction ; ni pourquoi il doit connaître toutes les dates des croisades.

On l’a mis sur la liste des élèves en difficulté, car il a raté sa première évaluation.

Il devra rester de 12h à 12h30 pour le soutien. Sans doute aussi aux vacances. Hier, il avait du mal à écouter la vieille dame pendant le soutien ; son ventre gargouillait.

Quand il est arrivé à la cantine, il ne restait que du pain. Il l’a mangé sous le préau avec ceux dont les parents ne peuvent déjà plus payer la cantine.

Il a commencé l’école l’an dernier, à 5 ans. L’école maternelle n’est plus obligatoire, c’est un choix des mairies, et la mairie de son village ne pouvait pas payer pour maintenir une école. Son cousin Brice a eu plus de chance ; il est allé à l’école à 3 ans mais ses parents ont dû payer. La sieste, l’accueil et le goûter n’existent plus, place à la morale, à l’alphabet ; il faut vouvoyer les adultes, obéir, ne pas parler et apprendre à se débrouiller seul pour les habits et les toilettes : pas assez de personnel.

Les enseignants, mal payés par la commune, gèrent leurs quarante élèves chacun comme une garderie.

L’école privée en face a une vraie maternelle, mais seuls les riches y ont accès.

Mais Brice a moins de mal, malgré tout, à comprendre les règles de l’école et ses leçons de CP. En plus, le soir il va à des cours particuliers, car ses parents ne peuvent pas l’aider pour les devoirs, ils font trop d’heures supplémentaires.

Mais LOU a toujours plus de chance que son voisin Kévin ; il doit se lever plus tôt et livrer les journaux avant de venir à l’école, pour aider son grand- père qui n’a presque plus de retraite.

LOU est au fond de la classe. La chaise à coté de lui est vide. Son ami Saïd est parti, son père a été expulsé le lendemain du jour où le directeur (un gendarme en retraite choisi par le maire) a rentré le dossier de Saïd dans Base élèves. Il ne reviendra jamais. LOU n’oubliera jamais son ami pleurant dans le fourgon de la police,) à coté de son père menotté. Il paraît qu’il n’avait pas de papiers…

LOU fait très attention : chaque matin il met du papier dans son cartable, dans le sac de sa maman et dans celui de son frère.

Du fond, LOU ne voit pas très bien le tableau. Il est trop loin, et il a besoin de lunettes. Mais les lunettes ne sont plus remboursées. Il faut payer l’assurance, et ses parents n’ont pas les moyens. L’an prochain LOU devra prendre le bus pour aller à l’école. Il devra se lever plus tôt. Et rentrer plus tard. L’EPEP (Etablissements publics d’enseignement primaire) qui gère son école a décidé de regrouper les CP dans le village voisin, pour économiser un poste d’enseignant. Ils seront 36 par classe. Que des garçons. Les filles sont dans une autre école.

LOU se demande si après le CM2 il ira au collège ou en centre de préformation professionnelle. Peut-être que les cours en atelier sont moins ennuyeux que toutes ces leçons à apprendre par coeur. Mais sa mère dit qu’il n’y a plus de travail, que ça ne sert à rien. Le père de LOU a dû aller travailler en Roumanie, l’usine est partie là -bas. Il ne l’a pas vu depuis des mois. La délocalisation, ça s’appelle à cause de la mondialisation. Pourtant la vieille dame disait hier que c’était très bien la mondialisation, que ça apportait de la richesse. Ils sont fous, ces Roumains !

Il lui tarde la récréation. Il retrouvera Cathy, la jeune cousine de maman. Elle fait sa deuxième année de stage pour être maîtresse d’école, dans la classe de Monsieur Luc. Il remplace Monsieur Jacques, qui a été renvoyé, car il avait fait grève. On dit que c’était un syndicaliste qui faisait de la pédagogie. Il y avait aussi madame Paulette en CP ; elle apprenait à lire aux enfants avec de vrais livres ; un inspecteur venait régulièrement la gronder ; elle a fini par démissionner. Cathy a les yeux cernés : le soir elle est serveuse dans un café car sa formation n’est pas payée. Elle dit : « A 28 ans et bac +5, servir des bières le soir, faire classe la journée, c’est épuisant». Surtout qu’elle dort dans un salon chez LOU, elle n’a pas assez d’argent pour se payer un loyer.

Après la récréation, il y a le cours de religion et de morale avec l’abbé Georges. Il faut lui réciter la vie de Jeanne d’Arc et les dix commandements par coeur. C’est lui qui organise le voyage scolaire à Lourdes, à Pâques. Sauf pour ceux qui seront convoqués pour le soutien.

LOU se demande pourquoi il est là ,

– Pourquoi Saïd a dû partir,

– Pourquoi Cathy et sa mère pleurent la nuit,

– Pourquoi et comment les usines s’en vont en emportant le travail,  – Pourquoi ils sont si nombreux en classe,  – Pourquoi il n’a pas une maîtresse toute l’année,  – Pourquoi il devra prendre le bus,  – Pourquoi il passe ses vacances à faire des stages,  – Pourquoi on le punit ainsi,  – Pourquoi il n’a pas de lunettes,  – Pourquoi il a faim.

Projection basée sur les textes actuels, les expérimentations en cours et les annonces du gouvernement trouvées sur le net.