Archive dans 23 décembre 2017

Quelle est la vérité sur le nucléaire ?

Je voudrais livrer ici quelques questions.
On peut dire que l’inconvénient majeur du nucléaire est le danger. Secondairement le réchauffement de l’eau et corrélativement des rivières et des lacs où l’eau est puisée, inconvénient qui peut être totalement résolu en utilisant l’eau chaude pour le réchauffage, par exemple pour des serres en zone agricole. Autrement, le nucléaire est plutôt propre. On produit de l’électricité sans émission de gaz ou de particules.
L’idée de détruire les centrales se justifie donc seulement par le danger.
Vient alors la question du remplacement dite transition énergétique. Premier point : l’hypothèse la plus retenue est celle du remplacement des moteurs thermiques de toutes sortes (au fuel, au charbon, à gaz, etc.) par des moteurs électriques .Mais ceci va engendrer une augmentation très importante de la demande d’électricité. Si tous les moteurs diesel des locomotives, des automobiles, des camions, des navires et les moteurs des avions étaient remplacés par des moteurs électriques ou par des piles à combustible, elles-mêmes demanderesses en d’électricité, comment pourrions-nous installer la production d’électricité nécessaire ? Et en combien de temps ? Sans compter la question du stockage, à long ou moyen terme (saisonnier de l’ensoleillement) ou à court terme (batteries à bord des véhicules). Quel est, par exemple, le bilan du rapport remplissage/production des barrages : combien de Kw pour monter 1 m3 de 100 mètres rapporté au nombre de Kw produits par la turbine en retour. En théorie, ce bilan est nul. En réalité, il est négatif (frottements, etc). Au bout du compte, pour stocker 1 Kw, il faudra en produire 1,2 ou quelque chose de ce genre. Quant aux batteries, on sait bien qu’il faut de l’énergie pour les produire, les détruire et qu’elles contiennent pas mal de saletés ?
La question du coût énergétique production/destruction propres vaut évidemment aussi pour les panneaux solaires et les éoliennes et les turbines marémotrices, etc.
Et puis que penser du climat quand les vents auront été modifiés par des centaines de milliers d’éoliennes et que les centaines de milliers de kilomètres carrés de sol auront été mis à l’ombre des panneaux solaires?
Nous ne possédons pas la technologie pour remplacer la production mondiale d’électricité par des dispositifs « propres ». Seul le nucléaire est propre. Mais il n’est pas sans danger surtout quad il est entre les mains de sociétés animées par la recherche du profit.
Les tenants dogmatiques de la transition énergétique mettent aussi en avant les économies d’énergie. Ce en quoi, ils n’ont pas tort, mais dont les indiens, les africains et les pauvres se foutent complètement.
Pour l’instant, il me semble qu’il faudrait peut-être arrêter les centrales les plus vielles et les plus dangereuses. Peut-être en construire de plus sûres. Si ce n’est nous qui le faisons, les chinois, les russes, les Iraniens ou d’autres s’en chargeront.
Et puis être excellents, vraiment excellents, dans la maintenance.
Préparer soigneusement les scénarios d’incident.
Nationaliser toutes les sociétés de production qui ne le sont pas ou plus.
Développer les modes alternatifs, mais sans faire croire aux gens ce qui n’est pas possible.
Rouler les crétins dogmatiques dans le goudron et les plumes.
Et, par exemple, ne pas faire comme Merkel Qui aurait dû être roulée et qui empoisonne la moitié de l’Europe avec ses centrales à charbon.

1282 – 23/12/2017

Je reste silencieux car ça tire dans tous les sens

S’il fallait réagir à tous les évènements macroniques, je n’arrêterai pas d’écrire. Surtout que le peuple a l’air heureux. Car voici revenu le temps du pouvoir personnel. C’est Louis XIV (voir Chambord). Pire que Sarko, parce que le Macron s’est assuré une bande de députés novices qui ont tout voté comme on le leur a dit en pensant déjà à la prochaine législature, surtout qu’on parle de diminuer le nombre de députés. Sauf une petite dont le nom m’échappe à propos des centres de rétention/détention. Elle a dû se faire souffler dans les bronches. Et le Hulot qui mange tous les jours un bout de chapeau. Je ne partage pas toutes les vues de l’Hulot, mais si j’étais lui, je ferais quelque chose de bien démonstratif, genre montrer mon cul avec une étiquette «fermé».
Pendant tout ce mois de décembre, ils ont fait leur budget en loucedé. Genre je te prends de la main gauche ce que je te donne de la main droite. Et puis il y a cette salle affaire de dépouillement des HLM. Vous n’avez qu’à lire cette page. Et si vous trouvez que c’est partisan, vous n’avez qu’à faire une recherche sur Google avec « Macron HLM ».
La Macronie, c’est le libéralisme à tout crin. C’est l’Europe, quoi ! C’est la loi de la concurrence, c’est la loi du plus fort. C’est l’Europe du Traité quoi.
Au bout de ces 7 mois, je te le dis : « Tu vas en chier, Peuple ! »
Joyeux Noël, peuple.

1281 – 22/12/2017

Le Comité Catholique Contre la Faim partenaire des multinationales…

J’entends à la radio une annonce du Comité catholique contre la faim – Terre solidaire. On essaye de nous apitoyer sur le sort du pauvre paysan dont on vient de piquer les terres pour de vastes cultures ou de vastes défrichements. On entend les tronçonneuses et les engins. On demande un don.
Pas un instant on ne remet en cause les multinationales et autres saloperies qui sont la cause de cet état de chose ! Bravo!

1280 -0 4/12/2017

Il y a 10 ans : lettre de Sarkozy aux éducateurs

Voilà 10 ans que Sarkozy écrivit une lettre aux éducateurs, dont il ne reste rien, ou si peu. Pour tout dire, j’avais complètement qu’il l’ait écrite et compétemment oublié que je l’avais évaluée. Je l’avais évaluée sans la reproduire, ce qui n’est pas bien, et il me fallut longtemps pour la retrouver in extenso sur Internet, comme quoi Internet n’est pas ce qu’on croit.
Il n’est pas étonnant qu’il n’en soit rien resté, car elle est vraiment faible et superficielle, mais j’ai cependant eu envie de l’exhumer.
Je la reproduis donc ci-dessous (trouvée dans le site des abonnées du Monde), suivie du commentaire que j’en fis à l’époque. J’ai eu envie de mettre le commentaire avant, car il est moins chiant que la lettre. Mais ce ne serait pas correct.

Madame, Monsieur,
Je saisis l’occasion de cette rentrée scolaire, la première depuis que j’ai été élu Président de la République, pour vous écrire.
Je souhaite vous parler de l’avenir de nos enfants. Cet avenir, il est entre les mains de chacun d’entre vous qui avez en charge d’instruire, de guider, de protéger ces esprits et ces sensibilités qui ne sont pas encore complètement formés, qui n’ont pas atteint leur pleine maturité, qui se cherchent, qui sont encore fragiles, vulnérables.
Vous avez la responsabilité d’accompagner l’épanouissement de leurs aptitudes intellectuelles, de leur sens moral, de leurs capacités physiques depuis leur plus jeune âge et tout au long de leur adolescence. Cette responsabilité est l’une des plus lourdes mais aussi des plus belles et des plus gratifiantes.
Aider l’intelligence, la sensibilité à s’épanouir, à trouver leur chemin, quoi de plus grand et de plus beau en effet ? Mais quoi de plus difficile aussi ? Car à côté de la fierté de voir l’enfant grandir, son caractère et son jugement s’affirmer, à côté du bonheur de transmettre ce que chacun a le sentiment d’avoir de plus précieux en lui, il y a toujours cette crainte de se tromper, de brider un talent, de freiner un élan, d’être trop indulgent ou trop sévère, de ne pas comprendre ce que l’enfant porte au plus profond de lui-même, ce qu’il éprouve, ce qu’il est capable d’accomplir.
Éduquer c’est chercher à concilier deux mouvements contraires : celui qui porte à aider chaque enfant à trouver sa propre voie et celui qui pousse à lui inculquer ce que soi-même on croit juste, beau et vrai.
Une exigence s’impose à l’adulte face à l’enfant qui grandit, celle de ne pas étouffer sa personnalité sans renoncer à l’éduquer. Chaque enfant, chaque adolescent a sa manière à lui d’être, de penser, de sentir. Il doit pouvoir l’exprimer. Mais il doit aussi apprendre.
Longtemps l’éducation a négligé la personnalité de l’enfant. Il fallait que chacun entrât dans un moule unique, que tous apprennent la même chose, en même temps, de la même manière. Le savoir était placé au-dessus de tout. Cette éducation avait sa grandeur. Exigeante et rigoureuse, elle tirait vers le haut, elle amenait à se dépasser malgré soi.
L’exigence et la rigueur de cette éducation en faisaient un puissant facteur de promotion sociale.
Beaucoup d’enfants néanmoins en souffraient et se trouvaient exclus de ses bienfaits. Ce n’était pas parce qu’ils manquaient de talent, ni parce qu’ils étaient incapables d’apprendre et de comprendre mais parce que leur sensibilité, leur intelligence, leur caractère se trouvaient mal à l’aise dans le cadre unique que l’on voulait imposer à tous.
Par une sorte de réaction, depuis quelques décennies, c’est la personnalité de l’enfant qui a été mise au centre de l’éducation au lieu du savoir.
Accorder plus d’importance à ce que l’enfant a de particulier, à ce par quoi se manifeste son individualité, à son caractère, à sa psychologie, était nécessaire, salutaire. Il était important que tous soient mis en mesure de tirer le meilleur parti d’eux-mêmes, de développer leurs points forts, de corriger leurs faiblesses.
Mais à trop valoriser la spontanéité, à trop avoir peur de contraindre la personnalité, à ne plus voir l’éducation qu’à travers le prisme de la psychologie, on est tombé dans un excès contraire. On ne s’est plus assez appliqué à transmettre.
Jadis il y avait sans doute dans l’éducation trop de culture et pas assez de nature. Désormais il y a peut-être trop de nature et plus assez de culture. Jadis on valorisait trop la transmission du savoir et des valeurs.
Désormais, au contraire, on ne la valorise plus assez.
L’autorité des maîtres s’en est trouvée ébranlée.
Celle des parents et des institutions aussi.
La culture commune qui se transmettait de génération en génération tout en s’enrichissant de l’apport de chacune d’entre elles s’est effritée au point qu’il est plus difficile de se parler et de se comprendre.
L’échec scolaire a atteint des niveaux qui ne sont pas acceptables.
L’inégalité devant le savoir et devant la culture s’est accrue, alors même que la société de la connaissance imposait partout dans le monde sa logique, ses critères, ses exigences. Les chances de promotion sociale des enfants dont les familles ne pouvaient pas transmettre ce que l’école ne transmettait plus se sont réduites.
Il serait vain pourtant de chercher à ressusciter un âge d’or de l’éducation, de la culture, du savoir qui n’a jamais existé. Chaque époque suscite des attentes qui lui sont propres.
Nous ne referons pas l’école de la iiie République, ni celle de nos parents, ni même la nôtre. Ce qui nous incombe c’est de relever le défi de l’économie de la connaissance et de la révolution de l’information.
Ce que nous devons faire c’est poser les principes de l’éducation du xxie siècle qui ne peuvent pas se satisfaire des principes d’hier et pas d’avantage de ceux d’avant-hier.
Que voulons-nous que deviennent nos enfants ? Des femmes et des hommes libres, curieux de ce qui est beau et de ce qui est grand, ayant du coeur et de l’esprit, capables d’aimer, de penser par eux-mêmes, d’aller vers les autres, de s’ouvrir à eux, capables aussi d’acquérir un métier et de vivre de leur travail.
Notre rôle n’est pas d’aider nos enfants à rester des enfants, ni même à devenir de grands enfants, mais de les aider à devenir des adultes, à devenir des citoyens. Nous sommes tous des éducateurs.
Éduquer c’est difficile. Souvent il faut recommencer pour parvenir au but. Il ne faut jamais se décourager. Ne jamais craindre d’insister. Il y a chez chaque enfant un potentiel qui ne demande qu’à être exploité.
Chaque enfant a une forme d’intelligence qui ne demande qu’à être développée. Il faut les chercher. Il faut les comprendre. Tout autant qu’une exigence vis-à-vis de l’enfant, l’éducation est une exigence de l’éducateur vis-à-vis de lui-même.
Le but n’est ni de se contenter d’un minimum fixé à l’avance, ni de submerger l’enfant sous un flot de connaissances trop nombreuses pour qu’il soit en mesure d’en maîtriser aucune. Le but c’est de s’efforcer de donner à chacun le maximum d’instruction qu’il peut recevoir en poussant chez lui le plus loin possible son goût d’apprendre, sa curiosité, son ouverture d’esprit, sons sens de l’effort. L’estime de soi doit être le principal ressort de cette éducation.
Donner à chacun de nos enfants, à chaque adolescent de notre pays l’estime de lui-même en lui faisant découvrir qu’il a des talents qui le rendent capable d’accomplir ce qu’il n’aurait pas cru de luimême pouvoir accomplir : telle est à mes yeux la philosophie qui doit sous-tendre la refondation de notre projet éducatif.
Nous devons à nos enfants le même amour et le même respect que nous attendons d’eux. Cet amour et ce respect que nous leur devons exigent que nos relations avec eux ne soient empreintes d’aucune forme de renoncement ni de démagogie. Parce que nous aimons et respectons nos enfants, l’éducation que nous leur donnons doit les élever et non les rabaisser. Parce que nous aimons et respectons nos enfants nous ne pouvons pas accepter de renoncer à les éduquer à la première difficulté rencontrée.
Ce n’est pas parce que l’enfant a du mal à se concentrer, parce qu’il n’apprend pas vite ou qu’il ne retient pas facilement ses leçons qu’il doit être privé de ce trésor de l’instruction sans lequel il ne pourra jamais devenir un homme vraiment libre.
Parce que nous aimons et respectons nos enfants, nous avons le devoir de leur apprendre à être exigeants vis-à-vis d’eux-mêmes. Nous avons le devoir de leur apprendre que tout ne se vaut pas, que toute civilisation repose sur une hiérarchie des valeurs, que l’élève n’est pas l’égal du maître. Nous avons le devoir de leur apprendre que nul ne peut vivre sans contrainte et qu’il ne peut y avoir de liberté sans règle.
Quels éducateurs serions-nous si nous n’apprenions pas à nos enfants à faire la différence entre ce qui est bien et ce qui est mal, entre ce qui est autorisé et ce qui est interdit ? Quels éducateurs serions-nous si nous n’étions pas capables de sanctionner nos enfants 10 quand ils commettent une faute ?
L’enfant s’affirme en disant non. On ne lui rend pas service en lui disant toujours oui. Le sentiment de l’impunité est une catastrophe pour l’enfant qui teste sans cesse les limites que lui impose le monde des adultes. On n’éduque pas un enfant en lui laissant croire que tout lui est permis, qu’il n’a que des droits et aucun devoir.
On ne l’éduque pas en lui laissant croire que la vie n’est qu’un jeu ou que la mise en ligne de toutes les connaissances du monde le dispense d’apprendre. Les technologies de l’information doivent être au coeur de la réflexion sur l’éducation du XXIe siècle. Mais il ne faut pas perdre de vue que la relation humaine entre l’éducateur et l’enfant reste essentielle et que l’éducation doit aussi inculquer à l’enfant le goût de l’effort, lui faire découvrir comme une récompense la joie de comprendre après le long travail de la pensée.
Récompenser le mérite, sanctionner la faute, cultiver l’admiration de ce qui est bien, de ce qui est juste, de ce qui est beau, de ce qui est grand, de ce qui est vrai, de ce qui est profond, et la détestation de ce qui est mal, de ce qui est injuste, de ce qui est laid, de ce qui est petit, de ce qui est mensonger, de ce qui est superficiel, de ce qui est médiocre, voilà comment l’éducateur rend service à l’enfant dont il a la charge et comment il lui exprime le mieux l’amour et le respect qu’il lui porte.
Le respect, justement, ce devrait être le fondement de toute éducation. Respect du professeur vis-à-vis de l’élève, des parents vis-à-vis de l’enfant, respect de l’élève pour le professeur, de l’enfant pour ses parents, respect des autres et respect de soi-même, voilà ce que l’éducation doit produire. S’il n’y a plus assez de respect dans notre société c’est d’abord, j’en suis convaincu, un problème d’éducation.
Je souhaite que nous reconstruisions une éducation du respect, une école du respect. Je souhaite que nos enfants apprennent la politesse, l’ouverture d’esprit, la tolérance, qui sont des formes du respect.
Je souhaite que les élèves se découvrent lorsqu’ils sont à l’école et qu’ils se lèvent lorsque le professeur entre dans la classe, parce que c’est une marque de respect.
Je souhaite qu’on apprenne à chacun d’entre eux à respecter le point de vue qui n’est pas le sien, la conviction qu’il ne partage pas, la croyance qui lui est étrangère, qu’on lui fasse comprendre à quel point la différence, la contradiction, la critique loin d’être des obstacles à sa liberté sont au contraire des sources d’enrichissement personnel.
Etre bousculé dans ses habitudes de pensée, dans ses certitudes, être obligé d’aller vers l’autre, de s’ouvrir à ses arguments, à ses sentiments, de le prendre au sérieux est une incitation à s’interroger sur ses propres convictions, sur ses propres valeurs, à se remettre en cause, à faire un effort sur soi-même, donc à se dépasser.
C’est la raison pour laquelle nous devons conserver, même si nous devons le rénover, notre modèle d’école républicaine qui brasse toutes les origines, toutes les classes sociales, toutes les croyances, et qui s’impose de rester neutre face aux convictions religieuses, philosophiques ou politiques de chacun en les respectant toutes.
Ce modèle s’est affaibli, ses principes ne sont plus assez respectés. Si je souhaite aller progressivement vers la suppression de la carte scolaire, c’est précisément pour qu’il y ait moins de ségrégation.
Si je souhaite réformer le collège unique, c’est pour que chacun puisse y trouver sa place, pour que les différences de rythmes, de sensibilités, de caractères, de formes d’intelligence soient mieux prises en compte de façon à donner à chacun une plus grande chance de réussir.
Si je souhaite que les enfants handicapés puissent être scolarisés comme tous les autres enfants, ce n’est pas seulement pour faire le bonheur des enfants handicapés mais aussi pour que les autres enfants s’enrichissent de cette différence.
Si je veux que l’école, par-dessus tout, demeure laïque, c’est parce que la laïcité est à mes yeux un principe de respect mutuel et parce qu’elle ouvre un espace de dialogue et de paix entre les religions, parce qu’elle est le plus sûr moyen de lutter contre la tentation de l’enfermement religieux.
Au risque de la confrontation religieuse qui ouvrirait la voie à un choc des civilisations, qu’avons-nous de mieux à opposer que quelques grandes valeurs universelles et la laïcité ?
Pour autant, je suis convaincu qu’il ne faut pas laisser le fait religieux à la porte de l’école. La genèse des grandes religions, leurs visions de l’homme et du monde doivent être étudiées, non, bien sûr, dans un quelconque esprit de prosélytisme, non dans le cadre d’une approche théologique, mais dans celui d’une analyse sociologique, culturelle, historique qui permette de mieux comprendre la nature du fait religieux.
Le spirituel, le sacré accompagnent de toute éternité l’aventure humaine. Ils sont aux sources de toutes les civilisations. Et l’on s’ouvre plus facilement aux autres, on dialogue plus facilement avec eux quand on les comprend.
Mais l’apprentissage de la différence ne doit pas conduire à négliger la participation à une culture commune, à une identité collective, à une morale partagée. Éduquer c’est éveiller la conscience individuelle et la hausser par paliers jusqu’à la conscience universelle, c’est faire que chacun se sente une personne unique et en même temps partie prenante de l’humanité tout entière. Entre les deux il y a quelque chose d’essentiel que nulle éducation ne peut contourner.
Entre la conscience individuelle et la conscience universelle il y a, pour nous Français, la conscience nationale et la conscience européenne.
Entre la conscience de l’appartenance au genre humain et la conscience d’une destinée individuelle, l’éducation doit aussi éveiller des consciences civiques, former des citoyens. Nos enfants ne seront jamais des citoyens du monde si nous ne sommes pas capables d’en faire des citoyens français et des citoyens européens.
La famille joue bien sûr un rôle essentiel dans la transmission de l’identité nationale. Mais c’est l’école qui est le creuset. En parlant de l’école je ne pense pas seulement à l’instruction civique dont l’enseignement doit retrouver une place de premier plan à l’école primaire, au collège et au lycée.
Je ne pense pas seulement à la transmission de valeurs morales comme les droits de l’Homme, l’égalité de l’homme et de la femme ou la laïcité qui sont au coeur de notre identité. Je pense aussi aux valeurs intellectuelles, à une façon qui nous est propre de penser, de réfléchir.
Je pense à cette tradition française de la pensée claire, à ce penchant si français pour la raison universelle qui est dans notre philosophie, dans notre science, mais qui est aussi dans notre langue, dans notre littérature, dans notre art.
Face à la menace d’aplatissement du monde, notre devoir est de promouvoir la diversité culturelle.
Ce devoir nous impose de défendre d’abord notre propre identité, d’aller puiser ce qu’il y a de meilleur dans notre tradition intellectuelle, morale, artistique et de le transmettre à nos enfants pour qu’ils le maintiennent vivant pour tous les hommes. Car les héritages de toutes les cultures, de toutes les civilisations appartiennent à toute l’humanité.
Nous sommes nous-mêmes les héritiers de toutes les conquêtes, de toutes les créations de l’esprit humain. Nous sommes les héritiers de toutes les grandes civilisations qui ont contribué à la fécondation réciproque des cultures qui est en train d’engendrer la première civilisation planétaire.
Ouvrir nos enfants à l’universel, au dialogue des cultures, ce n’est pas un reniement de ce que nous sommes. C’est un accomplissement. De tout temps la France a placé l’universalisme au coeur de sa pensée et de ses valeurs. De tout temps, la France s’est regardée comme l’héritière de toutes les cultures qui dans le monde ont apporté leur contribution à l’idée d’humanité.
Nous devons remettre la culture générale au coeur de notre ambition éducative. Naturellement l’horizon de cette culture générale ne doit pas être une accumulation sans fin de connaissances, mais un savoir réfléchi, ordonné, maîtrisé. Il ne faut chercher ni l’exhaustivité ni la quantité, mais viser l’essentiel et la qualité, mettre en relation les différents champs de l’intelligence humaine pour permettre à chaque enfant, à chaque adolescent de se construire sa propre vision du monde.
Pour la première fois dans l’histoire les enfants savent beaucoup de choses que leurs parents ne savent pas. Mais il faut structurer ce savoir en culture, l’éclairer de tout l’héritage de la sagesse et de l’intelligence humaines.
Il ne faut pas cloisonner, isoler, opposer les différentes formes de savoir. L’enseignement par discipline doit demeurer parce que chacune a sa logique propre, parce que c’est le seul moyen d’aller au fond des choses.
Mais il faut le compléter par une vision d’ensemble, par une mise en perspective de chaque discipline par rapport à toutes les autres. Par-dessus les catégories traditionnelles de la connaissance, je suis convaincu qu’il nous faut maintenant tisser la trame d’un nouveau savoir, fruit de la combinaison, du mélange, de la fécondation réciproque des disciplines.
Je ne suis pas pour le manuel unique. Je ne suis pas pour la globalisation du savoir qui mène à la confusion. Mais je crois que l’interdisciplinarité doit trouver sa place très tôt dans notre enseignement parce que l’avenir est au métissage des savoirs, des cultures, des points de vue.
Je crois que là se trouve l’une des clés de notre Renaissance intellectuelle, morale et artistique. La culture générale, elle doit être une préoccupation constante. Et quand nos enfants apprennent des langues étrangères, et je souhaite qu’ils en apprennent obligatoirement au moins deux en plus du Français, il faut que cet apprentissage soit aussi un apprentissage de culture et de civilisation.
Je souhaite que nos enfants apprennent les langues à travers la littérature, le théâtre, la poésie, la philosophie, la science.
Affirmer l’importance de la culture générale dans l’éducation où elle a tant reculé au profit d’une spécialisation souvent excessive et trop précoce, c’est affirmer tout simplement que le savant, l’ingénieur, le technicien ne doit pas être inculte en littérature, en art, en philosophie et que l’écrivain, l’artiste, le philosophe ne doit pas être inculte en science, en technique, en mathématiques.
L’idée que celui qui se destinerait aux sciences n’aurait rien à faire de la poésie, du théâtre ou de la philosophie est une idée que je trouve absurde. L’idée que l’enfant de famille modeste, celui qui est né dans l’un de ces quartiers difficiles qui accumulent les handicaps, le fils ou la fille de l’employé, de l’ouvrier n’aurait pas besoin d’être confronté aux grandes oeuvres de l’esprit humain, qu’il ne serait pas capable de les apprécier, que lui apprendre à lire, écrire et compter serait bien suffisant, est pour moi l’une des plus grandes marques du mépris.
Si tant d’adolescents n’arrivent pas à exprimer ce qu’ils ressentent, si tant de jeunes dans notre pays n’arrivent plus à exprimer leurs émotions, leurs sentiments, à les faire partager, à trouver les mots de l’amour ou ceux de la douleur, si beaucoup d’entre eux n’arrivent plus à s’exprimer que par l’agressivité, par la brutalité, par la violence, c’est peut-être aussi parce qu’on ne les a pas initiés à la littérature, à la poésie, ni à aucune des formes d’art qui savent exprimer ce que l’homme a de plus émouvant, de plus pathétique, de plus tragique en lui.
À l’époque de la vidéo, du portable, d’internet, de la communication immédiate, nos enfants n’ont pas moins besoin de culture générale mais davantage.
Ils ont davantage besoin de capacités d’analyse, d’esprit critique, de repères. Plus le monde produit de connaissances, plus il produit d’informations, plus il produit de techniques, plus est forte l’exigence de culture pour celui qui veut rester libre, qui veut maîtriser son destin.
Dans le monde tel qu’il est, avec ses sollicitations de plus en plus nombreuses et prenantes, nos enfants ont besoin de plus d’humanisme et de plus de science. Sur ces deux terrains, nous avons trop cédé.
À rebours de nos traditions intellectuelles, la culture humaniste s’étiole et la culture scientifique régresse. Il nous faut nous battre sur les deux fronts, donner tôt aux enfants le goût de la lecture, de l’Art et de la science.
Mais il nous faut revoir notre façon de transmettre.
Trop longtemps, la passivité de l’enfant qui reçoit le savoir fut de mise dans notre éducation.
On a sans doute trop critiqué l’apprentissage par coeur qui a son utilité dans l’entraînement de la mémoire. Et qui peut se plaindre d’avoir gravé dans son souvenir quelques fables de La Fontaine ou quelques vers de Verlaine ou d’avoir appris à se repérer dans la chronologie de l’histoire de France ou dans la géographie du monde, d’avoir récité les tables de multiplication et les formules usuelles de l’arithmétique et de géométrie ?
Mais la culture véritable exige davantage que la récitation. Elle ne s’installe en profondeur qu’à travers l’éveil de la conscience, de l’intelligence, de la curiosité. Il faut amener l’enfant à s’interroger, à réfléchir, à prendre de la distance, à réagir, à douter et à découvrir par lui-même les vérités qui lui serviront durant toute sa vie.
Notre éducation doit devenir moins passive, moins mécanique. Elle doit aussi réduire la place excessive qu’elle donne trop souvent à la doctrine, à la théorie, à l’abstraction devant lesquelles beaucoup d’intelligences se rebutent et se ferment. Il nous faut faire une place plus grande à l’observation, à l’expérimentation, à la représentation, à l’application.
Je suis convaincu que de cette façon on intéressera davantage un plus grand nombre d’enfants et que l’échec scolaire s’en trouvera réduit. Cela vaut pour les sciences, comme pour les humanités ou pour les arts.
Pour que le savoir devienne plus vivant, plus concret, il faut ouvrir davantage le monde de l’éducation sur les autres mondes, ceux de la culture, de l’art, de la recherche, de la technique et, bien sûr, sur le monde de l’entreprise qui sera celui dans lequel la plupart de nos enfants vivront un jour leur vie d’adulte.
Il faut que nos enfants rencontrent des écrivains, des artistes, des chercheurs, des artisans, des ingénieurs, des entrepreneurs qui leur feront partager leur amour de la beauté, de la vérité, de la découverte, de la création. Des liens doivent être tissés entre les institutions culturelles, les centres de recherche, le monde de l’édition, des entreprises et les écoles, les collèges, les lycées.
Il ne faut pas que les enfants restent enfermés dans leur classe. Très tôt, ils doivent aller dans les théâtres, les musées, les bibliothèques, les laboratoires, les ateliers. Très tôt ils doivent être confrontés aux beautés de la nature et initiés à ses mystères.
C’est dans les forêts, dans les champs, dans les montagnes ou sur les plages que les leçons de physique, de géologie, de biologie, de géographie, d’histoire mais aussi la poésie, auront souvent le plus de portée, le plus de signification.
Il faut apprendre à nos enfants à regarder aussi bien le chef-d’oeuvre de l’artiste que celui de la nature.
Pas plus qu’il ne faut hésiter à les mettre en contact avec les grandes oeuvres de l’esprit humain et avec ceux qui les maintiennent vivantes.
Nos enfants ne seront pas tous musiciens, poètes, scientifiques, ingénieurs ou artisans dans les métiers d’art. Mais à l’enfant qui ne sera jamais musicien, il ne faut pas renoncer à donner le goût de la musique.
À l’enfant qui ne sera jamais poète, l’amour de la poésie. À l’enfant qui ne sera jamais chercheur, le goût de la rigueur scientifique et la passion de chercher.
À l’enfant qui ne sera jamais artisan, l’amour du travail bien fait, du beau geste, de la technique accomplie.
Cela vaut pour tous les enfants, tous les adolescents, quelles que soient leurs origines, leur milieu social, qu’ils soient élèves dans l’enseignement général ou dans l’enseignement professionnel. Car c’est un autre des défauts de notre éducation traditionnelle que d’opposer ce qui est manuel à ce qui est intellectuel.
Cloisonnement absurde qu’il faut briser pour que les filières professionnelles soient reconnues comme des filières d’excellence au même titre que les autres.
Il est une autre opposition encore qu’il nous faut dépasser : celle du corps et de l’esprit. L’éducation est un tout. Elle doit être théorique autant que pratique, intellectuelle autant que physique, artistique autant que sportive. La place faite au sport est encore insuffisante.
L’enfant a besoin de se dépasser. Mais le sport est aussi une école du respect des autres, du respect de la règle, de la loyauté et du dépassement de soi. Je crois à la valeur éducative du sport.
Non seulement le sport doit prendre plus d’importance à l’école, mais il faut aussi que le monde du sport et celui de l’éducation s’ouvrent davantage l’un sur l’autre, qu’entre les institutions sportives et les institutions éducatives aussi les liens soient resserrés, qu’entre les sportifs et les enseignants la coopération s’établisse pour le plus grand bien de nos enfants.
Comprenez-moi bien, il ne s’agit pas dans mon esprit d’alourdir encore les horaires d’enseignement qui sont déjà trop lourds. Il ne s’agit pas d’ajouter encore des enseignements nouveaux à une liste déjà trop longue. Dans mon esprit, il s’agit au contraire, de redonner à nos enfants le temps de vivre, de respirer, d’assimiler ce qui leur est enseigné.
Ce qu’il nous faut retrouver, c’est la cohérence du projet éducatif. Elle passe naturellement par la remise à plat des rythmes et des programmes scolaires qui est devenue nécessaire après des décennies où l’école s’est trouvée confrontée à une masse croissante d’exigences contradictoires et à des tensions et des attentes de plus en plus fortes au fur et à mesure que la cohésion sociale devenait plus fragile.
Retrouver une cohérence à l’intérieur de chaque discipline, mais aussi entre les disciplines et avec les attentes de la société, retrouver un fil directeur dans l’éducation, lui fixer des principes, des objectifs, des critères simples. Voilà ce que nous avons d’abord à faire. En même temps, il nous faut élever le niveau d’exigence, non pas en quantité mais en qualité.
Au lieu de mettre en place une sélection brutale à l’entrée de l’université qui serait une solution malthusienne, il nous faut élever progressivement le niveau d’exigence à l’école primaire, puis au collège et au lycée. Nul ne doit entrer en 6e s’il n’a pas fait la preuve qu’il était capable de suivre l’enseignement du collège.
Nul ne doit entrer en seconde s’il n’a pas fait la preuve qu’il était capable de suivre l’enseignement du lycée et le baccalauréat doit prouver la capacité à suivre un enseignement supérieur. Ce sera un long travail qui ira de la reconstruction de l’école primaire à celle du lycée. Mais il est vital pour l’avenir de notre jeunesse et donc de notre pays.
Donner le maximum à chacun au lieu de se contenter de donner le minimum à tous. Voilà comment je souhaite que nous prenions désormais le problème de l’éducation et particulièrement celui de l’école.
Cette refondation de notre éducation, elle ne pourra être accomplie qu’avec le concours de tous les éducateurs. La volonté politique ne peut suffire à elle seule. C’est pourquoi je m’adresse à vous.
Quand je dis « tous les éducateurs », je veux dire que le but ne sera pas atteint seulement avec l’aide des professeurs ou seulement avec l’aide des parents.
Ce ne peut-être que l’oeuvre commune de tous les éducateurs travaillant ensemble.
Il faut pour que nous réussissions que chacun d’entre vous se fasse un devoir de travailler avec les autres. Entre le père, la mère, le professeur, le juge, le policier, l’éducateur social, et tous ceux qui sont en contact avec l’enfant dans le milieu sportif, culturel, associatif, l’intérêt de l’enfant doit l’emporter sur toutes autres considérations. La confiance, la coopération, l’échange, l’esprit de responsabilité doit régner.
Chacun doit passer par-dessus ses préventions ou ses a priori pour remplir son devoir qui est de préparer l’enfant à devenir adulte.
Parents, vous êtes les premiers des éducateurs.
Je sais combien ce rôle est difficile quand le chômage menace, quand la famille se recompose, quand le père ou la mère se retrouve tout seul pour élever ses enfants. Je sais combien la vie peut être lourde.
Je veux vous dire que vous serez soutenus, que vous serez aidés à chaque fois que vous en aurez besoin pour éduquer vos enfants dès le plus jeune âge et que pour moi la politique familiale fait entièrement partie du projet éducatif.
Je veux vous dire que le droit à la garde d’enfants et la maternelle seront pour moi, au cours des cinq années qui viennent, des priorités et que je suis décidé à faire en sorte que plus aucun enfant ne soit livré à lui-même une fois la classe terminée afin que vous puissiez achever votre journée de travail sans éprouver l’angoisse de savoir votre fils ou votre fille sans surveillance, sans encadrement.
Désormais les devoirs seront faits à l’école, en études surveillées et pour les bons élèves issus des familles les plus modestes qui ne peuvent pas offrir à leurs enfants un cadre propice à l’étude, des internats d’excellence seront créés.
Vous serez aidés dans votre tâche. Mais vous avez des devoirs vis-à-vis de vos enfants. Vous devez donner l’exemple. Mais vous avez la responsabilité de faire en sorte que votre enfant aille à l’école, de lui inculquer le respect des lois et de la politesse, de contrôler que les devoirs sont faits.
Si vous les laissez manquer la classe, si vous les abandonnez à eux-mêmes, alors il est normal que la société vous demande des comptes, que votre responsabilité soit mise en jeu, que les aides qui vous sont accordées puissent être placées sous tutelle.
Professeurs, enseignants, vous aussi vous avez droit au respect, à l’estime. Votre rôle est capital. Vous avez souvent fait de longues études. Vous devez faire preuve d’intelligence, de patience, de psychologie, de compétence.
Je sais à quel point le merveilleux métier d’enseigner est exigeant, à quel point il vous oblige à donner beaucoup de vous-même, à quel point aussi il est devenu difficile et parfois ingrat depuis que la violence est entrée dans l’école. J’ai bien conscience que votre statut social, votre pouvoir d’achat, se sont dégradés au fur et à mesure que votre tâche devenait plus lourde, vos conditions de travail plus éprouvantes.
La Nation vous doit une reconnaissance plus grande, de meilleures perspectives de carrière, un meilleur niveau de vie, de meilleures conditions de travail.
Jadis l’instituteur, le professeur avaient une place reconnue dans la société parce que la République était fière de son école et de ceux auxquels elle en avait confié la charge. L’instituteur, le professeur était fier de son métier, fier de servir la République et une certaine idée de l’Homme et du progrès.
Nous devons renouer avec cette fierté. Dans l’école de demain vous serez mieux rémunérés, mieux considérés et à rebours de l’égalitarisme qui a trop longtemps prévalu, vous gagnerez plus, vous progresserez plus rapidement si vous choisissez de travailler et de vous investir davantage.
Vous pourrez choisir la pédagogie qui vous semblera la mieux adaptée à vos élèves parce que je crois qu’il faut faire confiance aux enseignants, à leur capacité de jugement, parce qu’ils sont les mieux placés pour décider de ce qui est bon pour leurs élèves.
Les établissements dans lesquels vous enseignerez auront une plus grande autonomie dans le choix de leur projet, de leur organisation. L’évaluation sera partout la règle et les moyens seront répartis en fonction des résultats et des difficultés que rencontrent les élèves.
La reconversion de ceux d’entre vous qui après avoir longtemps enseigné éprouveront le besoin de changer de métier et faire valoir autrement leurs compétences, leur savoir, sera facilitée que ce soit à l’intérieur du secteur public ou à l’extérieur.
À l’inverse, ceux qui après avoir acquis ailleurs une expérience souhaitent se tourner vers l’enseignement seront mieux accueillis qu’aujourd’hui. Dans l’éducation nationale, comme dans toute la fonction publique, le carcan des statuts doit s’ouvrir pour permettre que circulent les hommes, les idées, les compétences.
Je souhaite faire de la revalorisation du métier d’enseignant l’une des priorités de mon quinquennat parce qu’elle est le corollaire de la rénovation de l’école et de la refondation de notre éducation. Mais vous devez, vous le professeur, l’enseignant, comme les parents, vous montrer exemplaire. Exemplaire par votre comportement, par votre tenue, par votre rigueur, par votre esprit de justice, par votre implication.
Exemplaire aussi par votre capacité à faire prévaloir l’autorité du maître, par votre souci de récompenser le mérite et de sanctionner la faute.
Dans l’école que j’appelle de mes voeux où la priorité sera accordée à la qualité sur la quantité, où il y aura moins d’heures de cours, où les moyens seront mieux employés parce que l’autonomie permettra de les gérer davantage selon les besoins, les enseignants, les professeurs seront moins nombreux.
Mais ce sera la conséquence de la réforme de l’école et non le but de celle-ci. Et, je m’y engage, les moyens qui seront ainsi dégagés seront réinvestis dans l’éducation et dans la revalorisation des carrières. Il s’agit d’être plus efficace, non de rationner.
Et il s’agit d’être efficace non seulement pour atteindre un objectif économique, non seulement pour que demain notre économie dispose d’une main-d’oeuvre bien formée, mais aussi, et peut être surtout, pour que nos enfants soient porteurs de valeurs de civilisation, pour qu’une certaine idée de la civilisation continue de vivre en eux.
Chacun d’entre vous, je le sais, mesure l’importance du défi que nous avons à relever. Chacun d’entre vous comprend que la révolution du savoir qui s’accomplit sous nos yeux ne nous laisse plus le temps pour repenser le sens même du mot éducation.
Chacun d’entre vous est conscient que face à la dureté des rapports sociaux, à l’angoisse devant un avenir de plus en plus vécu comme une menace, le  » monde a besoin d’une nouvelle Renaissance, qui n’adviendra que grâce à l’éducation. À nous de reprendre le fil qui court depuis l’humanisme de la Renaissance jusqu’à l’école de Jules Ferry, en passant par le projet des Lumières.
Le temps de la refondation est venu. C’est à cette refondation que je vous invite. Nous la conduirons ensemble. Nous avons déjà trop tardé.

Monsieur Le Président de la République,

Je viens de lire sur Internet le contenu de la lettre que vous m’avez adressée. C’est mieux que de l’attendre à la poste car, sachant ce qu’est devenu le service postal en voie de privatisation, je crains d’ailleurs qu’éloigné du centre du monde, comme je suis, cette missive ne m’arrive jamais.
Je voudrais commenter votre travail et un peu l’analyser, car vous imaginez bien qu’il a pu m’intriguer. On me dit que la version « papier » occuperait de nombreuses pages, ce dont témoigne, en effet, le temps que j’ai mis à vous lire. S’il est vrai que votre texte est un peu plus court qu’un discours-fleuve d’un dirigeant d’un pays totalitaire, il n’en reste pas moins que jamais Président de m’en avait tant dit, au moins en une seule fois.
La première observation que je ferai est que votre dissertation est trop longue, ce qui conduit, comme cela arrive souvent pour des travaux de cette taille, insuffisamment préparés, sinon à des contradictions, au moins à des dysharmonies. On sent que vous oscillez, tout au long de votre propos, entre la valorisation d’une éducation portant les valeurs traditionnelles, pour dire vite, de l’école républicaine modélisée, et le souci d’une individualisation des parcours, tout en craignant que cette individualisation même ne conduise à des excès: vous ne le dites pas, mais on sent que vous le pensez. Comme on a pu en observer après 1968.
Au fond, vous venez de redécouvrir ce que nous savons tous, au moins tous ceux qui ont pris le temps de réfléchir à leur pratiques pédagogiques – et vous ne savez sans doute pas combien nous sommes nombreux – combien est étroit et difficile, le chemin éducatif entre la valorisation des talents et des acquis individuels et la pression normative de la société qui souhaite que nous fabriquions des bons sujets, bien adaptés aux normes sociales, morales et économiques.
Du coup, votre exposé est un peu sec. Il présente ce défaut, qu’un professeur de français sanctionnerait sévèrement dans une dissertation (je n’ose imaginer ce que ferait un professeur de philosophie), d’être fréquemment composé de paragraphes qui ne comprennent qu’une seule phrase. Ceci témoigne, en général, d’une pauvreté ou d’une absence de la pensée dialectique qui est pourtant à la source de tout raisonnement philosophique élaboré, structuré et construit. Vos références pédagogiques, après une superficielle allusion à l’humanisme et aux « Lumières » (qu’il aurait fallu développer) semblent limitées à Jules Ferry, alors que, même sans parler de Platon et d’Aristote, on aurait pu évoquer Rousseau, et Pestalozzi, et Decroly, et Makarenko, et Montessorri, et Freinet… Pour ne citer que les plus connus.
Ce manque de pensée dialectique transparaît également par un choix quasi systématique de l’indicatif. Je ne suis pas certain que vous ayez une seule fois employé le conditionnel pour exprimer des doutes ou formuler des hypothèses. Et quand vous écrivez « je souhaite », tout le monde sait bien que c’est une litote qui veut dire « je veux ». Vous me semblez atteint par un syndrome de pensée univoque, voire unique, comme si, dans ces quelques pages, vous pouviez faire litière de toutes les incertitudes et de toutes les questions qui ont assailli des millions d’éducateurs depuis des décennies. N’oubliez pas que Descartes a aussi écrit: »Je doute, donc je pense ».
Je ne relèverai pas tous les lieux communs. Juste, ici et là, en souligner quelques uns: « L’autorité des maîtres s’en est trouvée ébranlée », « Il est une autre opposition encore qu’il nous faut dépasser : celle du corps et de l’esprit », « Ce qu’il nous faut retrouver, c’est la cohérence du projet éducatif », « Parents, vous êtes les premiers des éducateurs »… Pour cette dernière citation, si j’étais sévère, je demanderais ce que vient faire ici cette interpellation, puisque la lettre n’est pas destinée aux parents.
Je voudrais, pour terminer, et pour l’exemple, discuter une vos propositions que je cite ci-après: « Si tant d’adolescents n’arrivent pas à exprimer ce qu’ils ressentent, si tant de jeunes dans notre pays n’arrivent plus à exprimer leurs émotions, leurs sentiments, à les faire partager, à trouver les mots de l’amour ou ceux de la douleur, si beaucoup d’entre eux n’arrivent plus à s’exprimer que par l’agressivité, par la brutalité, par la violence, c’est peut-être aussi parce qu’on ne les a pas initiés à la littérature, à la poésie, ni à aucune des formes d’art qui savent exprimer ce que l’homme a de plus émouvant, de plus pathétique, de plus tragique en lui. »
Simplement pour vous dire que, dans une société inondée de télévision que nos enfants ingurgitent jusqu’à quatre heures par jour, il n’est plus la moindre place pour la littérature. Quant à la poésie, je vous invite à la rechercher dans le programme de TF1 de ce soir ! Comme le disait Patrick Le Lay: » Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ». Au moins, Le Lay n’est pas faux derche !
Je veux bien essayer de recommander à nos enfants de fermer l’antenne et leur proposer, ne serait-ce qu’un bon roman d’aventure, pas la Princesse de Clèves ! Allez, c’est la lutte du pot de terre contre le pot de fer. Vous ne pouvez pas imaginer combien c’est dur pour tous les maîtres, pour tous les parents, de détourner les regards des enfants de la boite à images (et à pognon).
Cette lutte contre la pression économique, contre la société de consommation, contre la sauvagerie mondialiste, contre l’enrichissement boursier sans autre cause que la spéculation, contre ces Fonds de Placement anonymes qui vendent les entreprises et les hommes et les femmes et qui génèrent les situations de pauvreté et de désespoir social que nous connaissons sont le pain quotidien des éducateurs de ce pays. Comment faire des hommes et des femmes comme vous essayez de faire croire que vous les souhaitez dans cet environnement compétitif dont, pour le coup, toute humanité, tout humanisme a disparu.
Je pourrais aussi m’étendre, compétence oblige, sur la vision de « prisme » que vous avez de la psychologie (« à ne plus voir l’éducation qu’à travers le prisme de la psychologie »). Alors adieu prisme Binet, adieu prisme Piaget, adieu prisme Wallon, adieu prisme Gesell ! Je vais commencer un formidable autodafé de ma bibliothèque.
Mon Dieu ! Quelle ignorance !
Votre devoir écrit est faible. Il est faible sur la forme. Il est faible sur le fond. Il est faible sur l’argumentaire. Je préfère ne pas lui donner de note !

1286 – 04/12/2017

Macron humilie Kaboré dans un silence international assourdissant

On peut avoir l’explication qu’on voudra sur les raisons pour lesquelles Kaboré a quitté la salle (https://www.youtube.com/watch?v=MzPUFgWFuTM), les paroles de Macron n’en sont pas moins méprisantes et humiliantes. Est-ce là la nouvelle politique africaine de la France ?

1279 – 29/11/2017

Lire aussi: https://blogs.mediapart.fr/edition/memoires-du-colonialisme/article/291117/burkina-ces-etudiants-africains-qui-applaudissent-lhumiliation-de-leur-pres

Les vilains algorithmes et la fameuse « intelligence artificielle »

Depuis des années, je sais et j’ai enseigné «qu’un algorithme est une suite finie et non ambiguë d’opérations ou d’instructions permettant de résoudre un problème ou d’obtenir un résultat». Classiquement, on donne comme exemple la recette de cuisine, pour autant, justement, qu’on annoncera la liste des ingrédients et la méthode permettant de parvenir précisément au résultat escompté.
Ces temps-ci, bien des gens utilisent le mot sans trop savoir ce qu’il veut dire en laissant entendre cependant que les algorithmes sont des programmes sournois qui espionnent nos activités, propriétés qu’on attribuait autrefois aux psychologues.
Le problème n’est pas tant le caractère sournois, mais la puissance des ordinateurs : si vous utilisez un mot de passe composé d’un nombre, entre 0 et 9, il faudra faire au maximum 10 essais pour le trouver. Si c’est un nombre compris entre 0 et 99, il faudra faire au maximum 100 essais. Et ainsi de suite. Si c’est un nombre à 0 chiffres compris entre 00000000 et 99999999, il faudra au maximum 100000000 d’essais pour le trouver. Imaginons un cadenas à 8 positions, on en aura pour un moment. Mais pour un ordinateur puissant, il faudra moins d’une seconde.
Tout réside donc dans la puissance et la vitesse de calcul. Ainsi, benêts sont donc ceux dont le mot de passe est 123456 ou leur nom ou leur date de naissance. On va augmenter la difficulté de découverte des mots de passe avec des contraintes sur le nombre et le type de caractères, en ajoutant des spéciaux comme $, ?, £, etc. Un mot de passe pourra toujours être craqué. C’est une question de temps, mais les ordinateurs vont vite. On pourra crypter. Il faudra plus de temps. Tout devient alors une question de rapport entre le temps nécessaire et le bénéfice attendu. On en est à crypter avec des clés de cryptages qui changent tout le temps et que sais-je encore.
Les algorithmes ne sont pas sournois. Ils combinent un certain nombre de méthodes et la phénoménale puissance de calculs des ordinateurs.
Là est le vrai sujet.

1278 – 28/11/2017

Guémené. Celui-là, je l’avais loupé : Laurent Ruquier

Laurent Ruquier. Le parangon des crétins. Il est là, il trône. Toujours à faire des vannes nulles. Heureusement qu’on peut se coucher. Il aurait déclaré voter pour Mélenchon. Cela m’étonnerait ! Avec son rire crétin.

Tout savoir sur L’Ordre de Guémené
(Groupe Universel Ecologique et Magistral des Epistémologues Naturellement Epicuriens)
Il n’y a pas plus d’andouilles à Guémené qu’ailleurs.
Mais il y a plein d’andouilles qui ne sont pas à Guémené.
Visitez Guémené

1277 – 27/11/2017

L’écriture inclusive ???

Voici la nouvelle manie de vouloir dé·confondre les sexes, les acteurs et les fonctions. Quand j’écris : «Madame Dupont, Directeur de l’école des garçons», n’est-ce pas plus prestigieux que «Madame la Directrice de l’école des garçons» ? On veut m’imposer ainsi toutes sortes de féminisations dont l’utilité est incertaine. Mais que ferai-je de «marcher d’un pas de sénateur» ? Pouvons-nous affirmer que «le pas de sénatrice» est équivalent à « le pas de sénateur » ? Dois-je dire « assassine» au lieu de « assassin » ? J’ai déjà « meurtrière ». Mais meurtrière désigne un élément d’architecture.
On commence à entrevoir le boxon. Et voilà l’écriture inclusive. Mais une langue ne se décrète pas dans un manuel d’écriture inclusive. J’écris comme on me l’a appris en m’efforçant de ne point faire trop de fautes. Respecter la grammaire, quoi ! Est-ce à dire que les scripteur.e.s (mon traitement de texte n’aime point cette écriture) pourraient être de plusieurs sortes ?
J’ai commis une erreur d’orthographe. Le point est le point médian : alt 0183 « · » sur un clavier Windows. J’aurais donc dû écrire «les scrip·teur·trice·s». Les petits et petites apprenant·e·s vont passer leur temps à taper Alt 0183. Foutez tous vos claviers à la poubelle! J’ai cherché sur Google «acheter un clavier écriture inclusive». Y’a pas. Gardez vos claviers.

Pour me consoler, je viens de trouver ce truc : L’écriture inclusive, la nouvelle fabrique des crétin·e·s.

Mort aux con·ne·s !

1276 – 22/11/2017

Altice/Drahi : l’énorme bulle qui pourrait étriper des banques. Dont la vôtre ?

Patrick Drahi joue a acheter-vendre des sociétés ici ou là. Avec beaucoup de dettes. (Voir Altice)
Patrick Drahi que Macron mettrait volontiers en tête de cordée et Altice qui est pour une large part sa chose, sont des bulles. La probabilité pour que cette bulle éclate est forte. La probabilité pour que cet éclatement et les éclatements associés entrainent de grands désordres est aussi forte. La dette est énorme, dans les 50 milliards. J’ose imaginer que les conséquences sont inimaginables.
La dette finance la dette. On dirait un genre chaîne de Ponzi au grand jour des banques avides. On peut déjà prédire que le ou les boums feront beaucoup de chômeurs et des pauvres.

1275 – 14/11/2017

Tentative de description d’un dîner de têtes à Paris France

Tentative de description d’un dîner de têtes à Paris France
Je ne sais pourquoi, ce texte de Prévert me taraudait, comme l’on dit, depuis quelque temps. Il me taraudait en passant, et j’avais oublié qu’il fut si long et si complet. Si descripteur de ces quelques dernières années riches en mensonges, en langues de bois et en retournement de veste (1).

Ceux qui pieusement…
Ceux qui copieusement…
Ceux qui tricolorent
Ceux qui inaugurent
Ceux qui croient
Ceux qui croient croire
Ceux qui croa-croa
Ceux qui ont des plumes
Ceux qui grignotent
Ceux qui andromaquent
Ceux qui dreadnoughtent
Ceux qui majusculent
Ceux qui chantent en mesure
Ceux qui brossent à reluire
Ceux qui ont du ventre
Ceux qui baissent les yeux
Ceux qui savent découper le poulet
Ceux qui sont chauves à l’intérieur de la tête
Ceux qui bénissent les meutes
Ceux qui font les honneurs du pied
Ceux qui debout les morts
Ceux qui baïonnette… on
Ceux qui donnent des canons aux enfants
Ceux qui donnent des enfants aux canons
Ceux qui flottent et ne sombrent pas
Ceux qui ne prennent pas Le Pirée pour un homme
Ceux que leurs ailes de géant empêchent de voler
Ceux qui plantent en rêve des tessons de bouteille sur la grande muraille de Chine
Ceux qui mettent un loup sur leur visage quand ils mangent du mouton
Ceux qui volent des oeufs et qui n’osent pas les faire cuire
Ceux qui ont quatre mille huit cent dix mètres de Mont-Blanc, trois cents de Tour Eiffel, vingt-cinq de tour de poitrine et qui en sont fiers
Ceux qui mamellent de la France
Ceux qui courent, volent et nous vengent, tous ceux-là, et beaucoup d’autres, entraient fièrement à l’Elysée en faisant craquer les graviers, tous ceux-là se bousculaient, se dépêchaient, car il y avait un grand dîner de têtes et chacun s’était fait celle qu’il voulait.

L’un une tête de pipe en terre, l’autre une tête d’amiral anglais ; il y en avait avec des têtes de boule puante, des têtes de Galliffet, des têtes d’animaux malades de la tête, des têtes d’Auguste Comte, des têtes de Rouget de Lisle, des têtes de sainte Thérèse, des têtes de fromage de tête, des têtes de pied, des têtes de monseigneur et des têtes de crèmier.

Quelques-uns, pour faire rire le monde, portaient sur leurs épaules de charmants visages de veaux, et ces visages étaient si beaux et si tristes, avec les petites herbes vertes dans le creux des rochers, que personne ne les remarquait.

Une mère à tête de morte montrait en riant sa fille à tête d’orpheline au vieux diplomate ami de la famille qui s’était fait la tête de Soleilland.

C’était véritablement délicieusement charmant et d’un goût si sûr que lorsque arriva le Président avec une somptueuse tête de Colomb ce fut du délire.

« C’était simple, mais il fallait y penser», dit le Président en dépliant sa serviette, et devant tant de malice et de simplicité les invités ne peuvent maîtriser leur émotion ; à travers des yeux cartonnés de crocodile un gros industriel verse de véritables larmes de joie, un plus petit mordille la table, de jolies femmes se frottent les seins très doucement et l’amiral, emporté par son enthousiasme, boit sa flûte de champagne par le mauvais côté, croque le pied de la flûte et, l’intestin perforé, meurt debout, cramponné au bastingage de sa chaise en criant : « Les enfants d’abord ! »

Etrange hasard, la femme du naufragé, sur les conseils de sa bonne, s’était le matin même, confectionné une étonnante tête de veuve de guerre, avec les deux grands plis d’amertume de chaque côté de la bouche, et les deux petites poches de la douleur, grises sous les yeux bleus.

Dressée sur sa chaise, elle interpelle le président et réclame à grands cris l’allocation militaire et le droit de porter sur sa robe du soir le sextant du défunt en sautoir.

Un peu calmée elle laisse ensuite son regard de femme seule errer sur la table et, voyant parmi les hors-d’oeuvre des filets de hareng, elle en prend un machinalement en sanglotant, puis en reprend, pensant à l’amiral qui n’en mangeait pas si souvent de son vivant et qui pourtant les aimait tant. Stop. C’est le chef du protocole qui dit qu’il faut s’arrêter de manger, car le Président va parler.

Le Président s’est levé, il a brisé le sommet de sa coquille avec son couteau pour avoir moins chaud, un tout petit peu moins chaud.

Il parle et le silence est tel qu’on entend les mouches voler et qu’on les entend si distinctement voler qu’on n’entend plus du tout le Président parler, et c’est bien regrettable parce qu’il parle des mouches, précisément, et de leur incontestable utilité dans tous les domaines et dans le domaine colonial en particulier.

« … Car sans les mouches, pas de chasse-mouches, sans chasse-mouches pas de Dey d’Alger, pas de consul… pas d’affront à venger, pas d’oliviers, pas d’Algérie, pas de grandes chaleurs, messieurs, et les grands chaleurs, c’est la santé des voyageurs, d’ailleurs… »

Mais quand les mouches s’ennuient elles meurent, et toutes ces histoires d’autrefois, toutes ces statistiques les emplissant d’une profonde tristesse, elles commencent à lâcher une patte du plafond, puis l’autre, et tombent comme des mouches, dans les assiettes… sur les plastrons, mortes comme dit la chanson.

« La plus noble conquête de l’homme, c’est le cheval, dit le Président… et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là .»

C’est la fin du discours : comme une orange abîmée lancée très fort contre un mur par un gamin mal élevé, la MARSEILLAISE éclate et tous les spectateurs éclaboussés par le vert-de-gris et les cuivres, se dressent congestionnés, ivres d’Histoire de France et de Pontet-Canet.

Tous sont debout, sauf l’homme à la tête de Rouget de Lisle qui croit que c’est arrivé et qui trouve qu’après tout ce n’est pas si mal exécuté et puis, peu à peu, la musique s’est calmée et la mère à tête de morte en a profité pour pousser sa petite fille à tête d’orpheline du côté du Président.

Les fleurs à la main, l’enfant commence son compliment : « Monsieur le Président… » Mais l’émotion, la chaleur, les mouches, voilà qu’elle chancelle et qu’elle tombe le visage dans les fleurs, les dents serrées comme un sécateur.

L’homme à tête de bandage herniaire et l’homme à tête de phlegmon se précipitent, et la petite est enlevée, autopsiée et reniée par sa mère, qui, trouvant sur le carnet de bal de l’enfant des dessins obscènes comme on n’en voit pas souvent, n’ose penser que c’est le diplomate ami de la famille et dont dépend la situation du père qui s’est amusé si légèrement.

Cachant le carnet dans sa robe, elle se pique le sein avec le petit crayon blanc et pousse un long hurlement, et sa douleur fait peine à voir à ceux qui pensent qu’assurément voilà bien là la douleur d’une mère qui vient de perdre son enfant.

Fière d’être regardée, elle se laisse aller, elle se laisse écouter, elle gémit, elle chante :

« Où donc est-elle ma petite fille chérie, où donc est-elle ma petite Barbara qui donnait de l’herbe aux lapins et des lapins aux cobras ?»

Mais le Président, qui sans doute n’en est pas à son premier enfant perdu, fait un signe de la main et la fête continue.

Et ceux qui étaient venus pour vendre du charbon et du blé vendent du charbon et du blé et de grandes îles entourées d’eau de tous côtés, de grandes îles avec des arbres à pneus et des piano métalliques bien stylés pour qu’on n’entende pas trop les cris des indigènes autour des plantations quand les colons facétieux essaient après dîner leur carabine à répétition.

Un oiseau sur l’épaule, un autre au fond du pantalon pour le faire rôtir, l’oiseau, un peu plus tard à la maison, les poètes vont et viennent dans tous les salons.

« C’est, dit l’un d’eux, réellement très réussi. » Mais dans un nuage de magnésium le chef du protocole est pris en flagrant délit, remuant une tasse de chocolat glacé avec une cuillère à café.

« Il n’y a pas de cuillère spéciale pour le chocolat glacé, c’est insensé, dit le préfet, on aurait dû y penser, le dentiste a bien son davier, le papier son coupe-papier et les radis roses leurs raviers. »

Mais soudain tous de trembler car un homme avec un tête d’homme est entré, un homme que personne n’avait invité et qui pose doucement sur la table la tête de Louis XVI dans un panier.

C’est vraiment la grande horreur, les dents, les vieillards et les portes claquent de peur.

« Nous sommes perdus, nous avons décapité un serrurier», hurlent en glissant sur la rampe d’escalier les bourgeois de Calais dans leur chemise grise comme le cap Gris-Nez.

La grande horreur, le tumulte, le malaise, la fin des haricots, l’état de siège et dehors, en grande tenue, les mains noires sous les gants blancs, le factionnaire qui voit dans les ruisseaux du sang et sur sa tunique une punaise pense que ça va mal et qu’il faut s’en aller s’il est encore temps.

« J’aurais voulu, dit l’homme en souriant, vous apporter aussi les restes de la famille impériale qui repose, paraît-il, au caveau Caucasien, rue Pigalle, mais les Cosaques qui pleurent, dansent et vendent à boire veillent jalousement leurs morts.

« On ne peut pas tout avoir, je ne suis pas Ruy Blas, je ne suis pas Cagliostro, je n’ai pas la boule de verre, je n’ai pas le marc de café. Je n’ai pas la barbe en ouate de ceux qui prophétisent. J’aime beaucoup rire en société, je parle ici pour les grabataires, je monologue pour les débardeurs, je phonographe pour les splendides idiots des boulevards extérieurs et c’est tout à fait par hasard si je vous rends visite dans votre petit intérieur.

« Premier qui dit : « et ta soeur, » est un homme mort. Personne ne le dit, il a tort, c’était pour rire.

« Il faut bien rire un peu et, si vous vouliez, je vous emmènerais visiter la ville mais vous avez peur des voyages, vous savez ce que vous savez et que la Tour de Pise est penchée et que le vertige vous prend quand vous vous penchez vous aussi à la terrasse des cafés.

« Et pourtant vous vous seriez bien amusés, comme le Président quand il descend dans la mine, comme Rodolphe au tapis-franc quand il va voir le chourineur, comme lorsque vous étiez enfant et qu’on vous emmenait au Jardin des Plantes voir le grand tamanoir.

« Vous auriez pu voir les truands sans cour des miracles, les lépreux sans cliquette et les hommes sans chemise couchés sur les bancs, couchés pour un instant, car c’est défendu de rester là un peu longtemps.

« Vous auriez vu les hommes dans les asiles de nuit faire le signe de la croix pour avoir un lit, et les familles de huit enfants «qui crèchent à huit dans une chambre» et, si vous aviez été sages, vous auriez eu la chance et le plaisir de voir le père qui se lève parce qu’il a sa crise, la mère qui meurt doucement sur son dernier enfant, le reste de la famille qui s’enfuit en courant et qui, pour échapper à sa misère, tente de se frayer un chemin dans le sang.

« Il faut voir, vous dis-je, c’est passionant, il faut voir à l’heure où le bon pasteur conduit ses brebis à la Villette, à l’heure où le fils de famille jette avec un bruit mou sa gourme sur le trottoir, à l’heure où les enfants qui s’ennuient changent de lit dans leur dortoir, il faut voir l’homme couché dans son lit-cage à l’heure où le réveil va sonner.

« Regardez-le, écoutez-le ronfler, il rêve, il rêve qu’il part en voyage, rêve que tout va bien, rêve qu’il a un coin, mais l’aiguille du réveil rencontre celle du train et l’homme levé plonge la tête dans la cuvette d’eau glacée si c’est l’hiver, fétide si c’est l’été.

« Regardez-le se dépêcher, boire son café-crème, entrer à l’usine, travailler, mais il n’est pas encore réveillé, le réveil n’a pas sonné assez fort, le café n’était pas assez fort, il rêve encore, rêve qu’il est en voyage, rêve qu’il a un coin, se penche par la portière et tombe dans un jardin, tombe dans un cimetière, se réveille et crie comme une bête, deux doigts lui manquent, la machine l’a mordu, il n’était pas là pour rêver et, comme vous pensez, ça devait arriver.

« Vous pensez même que ça n’arrive pas souvent et qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, vous pensez qu’un tremblement de terre en Nouvelle-Guinée n’empêche pas la vigne de pousser en France, les fromages de se faire et la terre de tourner.

« Mais je ne vous ai pas demandé de penser ; je vous ai dit de regarder, d’écouter, pour vous habituer, pour ne pas être surpris d’entendre craquer vos billards le jour où les vrais éléphants viendront reprendre leur ivoire.

« Car cette tête si peu vivante que vous remuez sous le carton mort, cette tête blême sous le carton drôle, cette tête avec toutes ses rides, toutes ces grimaces instruites, un jour vous la hocherez avec un air détaché du tronc et, quand elle tombera dans la sciure, vous ne direz ni oui ni non.

« Et si ce n’est pas vous, ce sera quelques-uns des vôtres, car vous connaissez les fables avec vos bergers et vos chiens, et ce n’est pas la vaisselle cérébrale qui vous manque.

« Je plaisante, mais vous savez, comme dit l’autre, un rien suffit à changer le cours des choses. Un peu de fulmicoton dans l’oreille d’un monarque malade et le monarque explose. La reine accourt à son chevet. Il n’y a pas de chevet. Il n’y a plus de palais. Tout est plutôt ruine et deuil. La reine sent sa raison sombrer. Pour la réconforter, un inconnu, avec un bon sourire, lui donne le mauvais café. La reine en prend, la reine en meurt et les valets collent des étiquettes sur les bagages des enfants. L’homme au bon sourire revient, ouvre la plus grande malle, pousse les petits prince dedans, met le cadenas à la malle, la malle à la consigne et se retire en se frottant les mains.

« Et quand je dis, Monsieur la Président, Mesdames, Messieurs : le Roi, la Reine, les petits princes, c’est pour envelopper les choses, car on ne peut pas raisonnablement blâmer les régicides qui n’ont pas de roi sous la main, s’ils exercent parfois leurs dons dans leur entourage immédiat.

« Particulièrement parmi ceux qui pensent qu’une poignée de riz suffit à nourrir toute une famille de chinois pendant de longues années.

« Parmi celles qui ricanent dans les expositions parce qu’une femme noire porte dans son dos un enfant noir et qui portent depuis six ou sept mois dans leur ventre blanc un enfant blanc et mort.

« Parmi les trente mille personnes raisonnables, composées d’une âme et d’un corps, qui défilèrent le Six Mars à Bruxelles, musique militaire en tête, devant le monument élevé au Pigeon-Soldat et parmi celles qui défileront demain à Brive-la-Gaillarde, à Rosa-la-Rose ou à Carpa-la-Juive, devant le monument du Jeune et veau marin qui périt à la guerre comme tout un chacun… »

Mais une carafe lancée de loin par un colombophile indigné touche en plein front l’homme qui racontait comment il aimait rire. Il tombe. Le Pigeon-Soldat est vengé. Les cartonnés officiels écrasent la tête de l’homme à coups de pied et la jeune fille, qui trempe en souvenir le bout de son ombrelle dans le sang, éclate d’un petit rire charmant. La musique reprend.

La tête de l’homme est rouge comme une tomate trop rouge, au bout d’un nerf un oeil pend, mais sur le visage démoli, l’oeil vivant, le gauche, brille comme une lanterne sur des ruines.

« Emportez-le », dit le Président, et l’homme couché sur une civière et le visage caché par une pèlerine d’agent sort de l’Elysée horizontalement, un homme derrière lui, un autre devant.

« Il faut bien rire un peu », dit-il au factionnaire et le factionnaire le regarde passer avec ce regard figé qu’ont parfois les bons vivants devant les mauvais.

Découpée dans le rideau de fer de la pharmacie une étoile de lumière brille et, comme les rois mage en mal d’enfant Jésus, les garçons bouchers, les marchands d’édredons et tous les hommes de coeur contemplent l’étoile qui leur dit que l’homme est à l’intérieur, qu’il n’est pas tout à fait mort, qu’on est en train peut-être de le soigner et tous attendent qu’il sorte avec l’espoir de l’achever.

Ils attendent, et bientôt, à quatre pattes à cause de la trop petite ouverture du rideau de fer, le juge d’instruction pénètre dans la boutique, le pharmacien l’aide à se relever et lui montre l’homme mort, la tête appuyée sur le pèse-bébé.

Et le juge se demande, et le pharmacien regarde le juge se demander si ce n’est pas le même homme qui jeta des confetti sur le corbillard du maréchal et qui, jadis, plaça la machine infernale sur le chemin du petit caporal.

Et puis ils parlent de leurs petites affaires, de leurs enfants, de leurs bronches ; le jour se lève, on tire les rideaux chez le Président.

Dehors, c’est le printemps, les animaux, les fleurs, dans les bois de Clamart on entend les clameurs des enfants qui se marrent, c’est le printemps, l’aiguille s’affole dans sa boussole, le binocard entre au bocard et la grande dolichocéphale sur son sofa s’affale et fait la folle.

Il fait chaud. Amoureuses, les allumettes-tisons se vautrent sur leur trottoir, c’est le printemps, l’acné des collégiens, et voilà la fille du sultan et le dompteur de mandragores, voilà les pélicans, les fleurs sur les balcons, voilà les arrosoirs, c’est la belle saison.

Le soleil brille pour tout le monde, il ne brille pas dans les prisons, il ne brille pas pour ceux qui travaillent dans la mine,
ceux qui écaillent le poisson
ceux qui mangent de la mauvaise viande
ceux qui fabriquent des épingles à cheveux
ceux qui soufflent vides les bouteilles que d’autres boiront pleines
ceux qui coupent le pain avec leur couteau
ceux qui passent leurs vacances dans les usines
ceux qui ne savent pas ce qu’il faut dire
ceux qui traient les vaches et ne boivent pas le lait
ceux qu’on n’endort pas chez le dentiste
ceux qui crachent leurs poumons dans le métro
ceux qui fabriquent dans les caves les stylos avec lesquels d’autres écriront en plein air que tout va pour le mieux
ceux qui en ont trop à dire pour pouvoir le dire
ceux qui ont du travail
ceux qui n’en ont pas
ceux qui en cherchent
ceux qui n’en cherchent pas
ceux qui donnent à boire aux chevaux
ceux qui regardent leur chien mourir
ceux qui ont le pain quotidien relativement hebdomadaire
ceux qui l’hiver se chauffent dans les églises
ceux que le suisse envoie se chauffer dehors
ceux qui croupissent
ceux qui voudraient manger pour vivre
ceux qui voyagent sous les roues
ceux qui regardent la Seine couler
ceux qu’on engage, qu’on remercie, qu’on augmente, qu’on diminue, qu’on manipule, qu’on fouille qu’on assomme
ceux dont on prend les empreintes
ceux qu’on fait sortir des rangs au hasard et qu’on fusille
ceux qu’on fait défiler devant l’Arc
ceux qui ne savent pas se tenir dans le monde entier
ceux qui n’ont jamais vu la mer
ceux qui sentent le lin parce qu’ils travaillent le lin
ceux qui n’ont pas l’eau courante
ceux qui sont voués au bleu horizon
ceux qui jettent le sel sur la neige moyennant un salaire absolument dérisoire
ceux qui vieillissent plus vite que les autres
ceux qui ne se sont pas baissés pour ramasser l’épingle
ceux qui crèvent d’ennui le dimanche après-midi parce qu’ils voient venir le lundi
et le mardi, et le mercredi, et le jeudi, et le vendredi
et le samedi
et le dimanche après-midi.

Jacques Prévert, Paroles (1945)

1- A ce propos, je n’oublierai jamais Frédéric Mitterrand, se promenant veste retournées, le jour de la cérémonie de la vente de TF1 à Bouygues.

1274 – 13/11/2017