Archive dans 2 mai 2011

L’illusion comique de la concurrence comme facteur de baisse des prix

poignee-de-main.1304289624.jpg

« L’Europe », entendons par là les doctrinaires et les « gouvernants » de cet amas de pays régis par le concordat de notaires dénommé Traité de Lisbonne, sont d’ardents thuriféraires de la libre entreprise et de la libre concurrence. Ce dogme s’applique aussi à ce qu’on a coutume de nommer « services publics », qui peuvent être non rentables, comme la distribution du courrier ou du téléphone dans des régions éloignées ou reculées.

Pour atteindre cet objectif défini par esprit de système, on a privatisé un certain nombre d’entreprises qui apportaient ces services, comme les télécommunications et la fourniture de l’énergie électrique, par exemple, désormais placées sous le régime du profit et de la concurrence. Cette politique perdure. Les transports ferroviaires de passagers devant être prochainement concernés.

Ces société nationalisées ont été vendues à des actionnaires qui se moquent royalement du service offert et souhaitent des dividendes. Ces sociétés, jetées dans le monde de la concurrence sauvage se trouvent alors dans la position pleine de contradictions du domaine privé. Pour prospérer, elles doivent vendre moins cher que les concurrents tout en maintenant un niveau de bénéfices suffisants pour ravir l’actionnaire.

Les premières victimes de cette politique sont les usagers des services publics placés dans des positions atypiques et dont la desserte sera coûteuse. Sur ce point, l’exemple de la téléphonie et d’Internet est tout à fait démonstratif. Aux citadins, le « haut débit », sans qu’il y ait forcément une différence de prix conséquente avec des services bien inférieurs. Du coup, on se retourne vers les collectivités territoriales pour dérouler du câble ou de la fibre optique faisant indirectement augmenter la facture de chacun via l’impôt. Fini le temps de l’égalité des citoyens et faute de services suffisants les zone rurales se dépeuplent quand il faudrait une sérieuse politique d’aménagement du territoire. Le coût des effets pernicieux de cette situation sont renvoyés vers l’impôt qui se trouve alors subventionner les profits des actionnaires.

Mais le plus rémunérateur consiste à maintenir un haut niveau de prix malgré la concurrence… à condition que toutes les parties s’entendent. Ce n’est pas là l’entente entre le petit commerce et le supermarché. Le petit commerce doit être ravagé puis qu’il éloigne le chaland des zones commerciales. Et puis, la lutte est trop inégale. Il s’agit de l’entente entre les « gros ».

Ainsi GDF-Suez et E.On se sont-ils fait prendre. De même France Télécom, Sfr et Bouygues Télécom. Il en est de même pour Procter et Gamble, Henkel et Unilever. Mais Henkel ne fut pas puni pour avoir dénoncé ses camarades.

Les exemples de telles ententes sont nombreux. Même aux U.S.A qui disposent d’un arsenal législatif bien supérieur à celui de l’Europe. C’est d’autant plus facile qu’il y a concentration. Quand on domine à deux ou trois le marché du monde, il n’est pas malaisé de s’entendre. Le but ultime du jeu est que la plus fort ait dévoré tous les autres et qu’il se retrouve seul à pratiquer les prix qu’il veut. En France, après la disparition de TF1 et d’Orange, le marché de la télévision par satellite est totalement entre les mains du groupe Canal Plus – Canal Sat.

Dans un monde vertueux la concurrence serait un facteur de baisse des prix.

Mais le monde n’est pas vertueux.

Notes d’économie politique 55 – 2 mai 2011

Prime pour les salariés : bonne démagogie électoraliste

Voilà que le Président de la République, sentant venir sa fin prochaine, appela ses ministres et leur tint ce discours :

«  Nous allons faire un truc qui ne coûtera pas un centime et qui va faire flasher les salariés pour ma bobine. On va faire une loi obligeant les entreprises qui versent des dividendes à leurs actionnaires à filer une prime de 1000 euros à leurs salariés ! »

Bonne initiative bien démagogique et pour tout dire bien conne, car elle ne manque pas d’âneries.

Un : quid des malheureux qui travaillent dans les entreprises qui n’ont pas d’actionnaires ou ne versent pas de dividendes ?

Deux : quid des salariés du petit commerce ou de l’artisanat ?

Trois : qui des fonctionnaires et des agents des collectivités territoriales ?

Tous ceux-là n’auront plus qu’à manger leurs chaussettes !

Quatre : quid du patronat qui va être enchanté.

Oubliée la bonne et saine règle, un tiers pour l’actionnaire, un tiers pour les salariés, un tiers pour l’investissement. C’était trop simple.

 

Voici venu le temps de la démagogie pure !

Frédéric Lefebvre décoré de l’ordre de Guémené avec Palmes

fredericlefebvre.1302119677.jpg

marinelepen-2.1299453556.JPG

Frédéric Lefebvre a été décoré de l’Ordre de Guémené avec Palmes, en raison de sa grande connaissance de l’œuvre de Zadig…Pardon, de Voltaire. François Marie Arouet était présent à la cérémonie et a prononcé un flagrant éloge de la bêtise.

Quand Lefebvre confond Zadig de Voltaire, et…

Tout savoir sur L’Ordre de Guémené

Il n’y a pas plus d’andouilles à Guémené qu’ailleurs. Mais il y a plein d’andouilles qui ne sont pas à Guémené.
Visitez Guémené

Les dirigeants de TEPCO sont des merdes ou l’assassinat des travailleurs de Fukushima

dirigtepco-1.1301784348.jpgOn commence à connaître, par la presse, les conditions dans lesquelles travaille le personnel engagé dans les réacteurs de Fukushima cf. Le quotidien radioactif des « liquidateurs » de Fukushima (Le Monde, 2/4/2011, p. 4)

On découvre que ces personnes travaillent dans des conditions de protection très insuffisantes contre les radiations émises par les réacteurs en panne. On rapporte que leur équipement est notoirement insuffisant ou incomplet. Certains sont envoyés sans les dosimètres. D’autres reçoivent en une heure l’irradiation que l’on considère comme limite en un an !

dirigtepco-2.1301784440.jpgOn dit aussi qu’ils sont lamentablement nourris et lamentablement logés.

On est atterré. Voilà des travailleurs qui sont peut-être en train de sauver une grande partie du Japon, voire d’une zone plus grande, au péril de leur vie, ou plutôt au prix de leur vie et qu’on traite comme de vulgaires esclaves. On est en train de prendre conscience que TEPCO, non contente d’avoir, par incompétence et malversations, provoqué ce désastre mondial, n’a même pas l’élégance de traiter honorablement des hommes qui s’avancent vers une mort certaine, lente et douloureuse.

Les dirigeants de TEPCO sont des merdes

Fukushima, question : entreprise privée ou entreprise publique ?

La question du statut des entreprises de production d’énergie nucléaire (et de toute entreprise pouvant nuire à la santé des populations) est posée à nouveau à l’occasion de l’accident de Fukushima.

Une hypothèse est qu’une entreprise nationale serait plus performante dans le domaine de la sécurité. L’argument est que, en l’absence d’actionnaires, il n’est pas nécessaire de produire des bénéfices. Donc autant de moyens disponibles pour les investissements fondamentaux dont la sécurité. On avance aussi qu’en cas de nécessité, l’état peut remettre la main à la poche pour des investissements importants.

Cette hypothèse est contredite par l’accident nucléaire majeur de Tchernobyl survenu dans une centrale d’entreprise nationale. Sauf, qu’en l’occurrence, cette centrale était notoirement mal entretenue dans un dispositif notoirement insuffisant. En d’autres termes l’accident de Tchernobyl ou de tout autre centrale comparable en Russie était terriblement prévisible.

En tout cas, ceci ne certifie pas le mode de gestion public qui n’est pas à l’abri de négligences ou de corruption.

En plus, il faut une certaine vertu : l’administration de dispositifs susceptibles, en cas de défaillances, de mettre en jeu la vie et la santé des populations, doit être confiée à des personnes ayant une haute opinion de leur mission et surtout de leur devoir devant les citoyens. C’est plus qu’un axiome. C’est une affirmation empiriquement démontrable. Toutes les gestions laxistes de centrales nucléaires n’ont pas donné lieu à des accidents. Mais, dans tous les accidents on retrouve des négligences systémiques ou procédurales. Quand l’entreprise n’est pas au service de l’argent, mais au service des citoyens dans un environnement démocratique, la probabilité de la vertu est plus élevée. Imagine-t-on l’Inspection du Travail entre les mains d’entreprises privées ?

La nécessité de cette vertu est apparue en France après les énormes mensonges distillés par P. Pellerin, directeur du SCPRI (Service Central de Protection Contre les Rayonnements Ionisants) lors de l’accident de Tchernobyl, en 1986. C’est ainsi qu’est née la CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité), association à but non lucratif qui, par la qualité de ses travaux dispose d’une certification de qualification technique délivrée par le Ministère de la Santé.

Un autre aspect est l’harmonie des systèmes. Le meilleur exemple dont on dispose aujourd’hui est Internet qui fonctionne selon les mêmes règles et le même protocole dans le monde entier. La France a d’ailleurs été source de dysharmonie quand elle développait le Minitel, pendant qu’ailleurs on développait Internet. Un autre exemple peut être donné par les chemins de fer espagnols, portugais et russes qui avaient adopté un écartement plus large que le « standard » de la majorité des pays européens de 4 pieds 8 pouces et demi soit 1435 mm.

Les entreprises de distribution d’électricité n’ont pas choisi les mêmes règles au Nord et au Sud d’Honshu. Dans un cas le réseau est à 50 Hertz et à 60 dans l’autre. Résultat, il sera très difficile de compenser le manque des 6 réacteurs de Fukushima, car les dispositifs de conversion ont un volume limité. Ces choix différents ont été effectués pour des raisons économiques, en fonction de bénéfices réels ou supposés. Ce qu’EDF n’a jamais fait, préoccupée vers 1964 d’unifier, au contraire, les tensions domestiques de 110, 120, 130 volts vers 220, puis vers 230.

Ces observations s’appliquent à toute entreprise industrielle pouvant occasionner des accidents et des conséquences sur la santé des populations. Cela ne concerne pas que le nucléaire, mais aussi l’industrie chimique (Bhopal, AZF), les transports (routiers, aériens, ferroviaires), voire les industries alimentaires, etc.

La première conclusion est qu’on doit préférer des entreprises nationalisées : elles installeront la standardisation et seront plus à l’abri de l’appât du gain et de la corruption.

Cette proposition n’est pas suffisante. De telles entreprises doivent évoluer dans un système démocratique permettant la transparence et le contrôle des citoyens (liberté d’enquête, liberté de la presse, etc). Nombre de journalistes rapportent qu’au Japon, l’industrie nucléaire est traitée de façon confidentielle, même si ce pays est réputé démocratique. D’où la nécessité de la liberté d’investigation.

Une solution est de faire de ces entreprises des établissements participatifs dans lesquels les employés possèdent des parts et sont représentés assez nombreux dans les Conseils d’Administration. Dès lors, la transparence est (presque) garantie.

Ces principes trouveront leur corollaire dans l’existence d’associations indépendantes formant contre pouvoir devant les puissances politiques ou économiques. L’exemple de la CRIIRAD est exemplaire, puisque ces données sont utilisées désormais par des organismes d’état. Mais ces organismes doivent se renouveler. La CRIIRAD n’est pas à l’abri d’avoir, un jour, des dirigeants corrompus et compromis.

In fine, c’est donc le modèle politique démocratique et participatif qui offrira les plus grandes chances de sécurité.

Notes d’économie politique 54 – 30 mars 2011

Fukushima évité ? le commentaire de Gavroche

De mon point de vue, la catastrophe de Fukushima montre à quel point nos sociétés se trompent sur l’appréhension du risque. Sans doute cette catastrophe aurait elle pu être évitée. Cela dit quelques enseignements peut on tirer de cet événement inacceptable ?

La notion de risque prend souvent la forme d’une probabilité associée à un coût pour s’en prémunir et à un coût de sinistralité en cas de « réalisation » du risque. On se trompe sur ces trois variables. La probabilité est entachée d’erreurs systémiques ou de mesures sans même que l’on soit certain de la variabilité des erreurs. On traite cette probabilité dans un cadre théorique qui est parfois le reflet de la simplification de l’environnement. L’évaluation des coûts est toute aussi hasardeuse, bien que l’on puisse considérer que le coût de prévention soit bien mieux prédictible que le cout de la sinistralité que l’on connaît qu’après le sinistre. Pour Fukusima, il faudra attendre plusieurs siècles.

Nous savons que le risque inacceptable dans une centrale nucléaire est le risque de défaut du refroidissement. Donc excusez moi l’expression, mais on s’en tape que ce défaut provienne d’un tsunami, d’une météorite, d’une erreur d’un ingénieur, d’un terroriste, ou d’une bouse extraterrestre.

Tout cela pour dire que nous devons être en mesure de traiter la sinistralité mieux que pour nous en prémunir. Si nous n’en sommes pas capables nous ne devons pas réaliser l’activité concernée. Pour le Nucléaire civil cela signifie de-facto qu’un organisme privé ne dispose pas des moyens techniques et financiers pour réaliser cette activité. Les centrales nucléaires et leur maintenance doivent être sous le contrôle des États mais pas seulement.

Il est absolument nécessaire de disposer de 2 autorités internationales :
Une autorité de contrôle
Une autorité de traitement de la sinistralité. Cette dernière recevant les contributions techniques et financières des différents Etats.

Dans le cas de Fukushima, cela aurait permit de mobiliser un maximum de ressources sans attendre le 30 mars 2011. Les pompiers qui devaient intervenir sur le site n’auraient jamais du être les pompiers de Tokyo.

Tout cela ne suffit pas, il faut bien évidement décliner un ensemble de processus permettant de pallier au risque de défaut des centrales nucléaires, c’est à dire être capable de substituer un système de refroidissement avec un outillage prédéterminé dont seul les états peuvent assumer le coût. Bien entendu, cela signifie de mettre en place une fiscalité spécifique pour ce type d’activité.

D’un point de vue politique les réactions que j’ai pu entendre sont loin de ce que j’exprime, sauf chez une personne, tardivement, sans doute la preuve que mon approche est partagée par d’autres. Il s’agit de Monsieur Fillon au journal de 20 :00 qui après avoir dit les inepties habituelles dit : « il faut imaginer un système de refroidissement transportable pouvant se substituer à l’existant ».

Nous sommes en danger c’est évident !

L’accident nucléaire de Fukushima-Daïchi aurait facilement pu être évité

La centrale a résisté au séisme (en apparence, cependant, car son examen détaillé n’a apparemment pas pu être fait). L’accident nucléaire qui a suivi serait dû aux pannes du système de refroidissement des réacteurs, pompes et adduction d’électricité, par immersion. Cet accident est d’autant plus surprenant qu’il n’aurait pas été difficile de rendre ces systèmes insubmersibles en les plaçant dans des compartiments étanches.

Lors de la conception, la possibilité d’une submersion par un tsunami de grande hauteur n’a pas été prise en compte ou a été ignorée, même après le 26 décembre 2004, en Indonésie, où l’on a pu mesurer une vague de 35 mètres de hauteur. Le tremblement de terre du 15 juin 1896 avait provoqué, au Japon, un tsunami de 38 mètres de haut. En fait, 16 séismes ont été recensés depuis 1611, avec des effets d’une  violence comparable (voir l‘étude du CNRS , citée par Wikipedia ).

Comment les concepteurs du site nucléaire de Fukushima-Daïchi  ont-ils pu négliger cela ? A cette question, trois réponses : ou bien l’étude n’a pas été faite ou elle a été mal faite, ou bien les résultats ont été négligés. Les premières hypothèses sont peu vraisemblables. Il serait ahurissant qu’on ait pu construire, même dans les années 1960, un site nucléaire en bord d’océan sans tenir compte de l’éventualité d’un tsunami de grande hauteur. Quant à la dernière hypothèse, elle est tout aussi improbable. Comment concevoir un site nucléaire d’un coût aussi élevé en admettant qu’il puisse être détruit par un phénomène naturel dont il est certain qu’il se produira un jour ? Sauf à faire un coup de poker en pariant qu’il ne se passera rien dans le demi-siècle à venir. Invraisemblable. Alors ?

L’humanité toute entière va devoir subir les conséquences de cette incurie.