Fukushima, question : entreprise privée ou entreprise publique ?

Fukushima, question : entreprise privée ou entreprise publique ?

La question du statut des entreprises de production d’énergie nucléaire (et de toute entreprise pouvant nuire à la santé des populations) est posée à nouveau à l’occasion de l’accident de Fukushima.

Une hypothèse est qu’une entreprise nationale serait plus performante dans le domaine de la sécurité. L’argument est que, en l’absence d’actionnaires, il n’est pas nécessaire de produire des bénéfices. Donc autant de moyens disponibles pour les investissements fondamentaux dont la sécurité. On avance aussi qu’en cas de nécessité, l’état peut remettre la main à la poche pour des investissements importants.

Cette hypothèse est contredite par l’accident nucléaire majeur de Tchernobyl survenu dans une centrale d’entreprise nationale. Sauf, qu’en l’occurrence, cette centrale était notoirement mal entretenue dans un dispositif notoirement insuffisant. En d’autres termes l’accident de Tchernobyl ou de tout autre centrale comparable en Russie était terriblement prévisible.

En tout cas, ceci ne certifie pas le mode de gestion public qui n’est pas à l’abri de négligences ou de corruption.

En plus, il faut une certaine vertu : l’administration de dispositifs susceptibles, en cas de défaillances, de mettre en jeu la vie et la santé des populations, doit être confiée à des personnes ayant une haute opinion de leur mission et surtout de leur devoir devant les citoyens. C’est plus qu’un axiome. C’est une affirmation empiriquement démontrable. Toutes les gestions laxistes de centrales nucléaires n’ont pas donné lieu à des accidents. Mais, dans tous les accidents on retrouve des négligences systémiques ou procédurales. Quand l’entreprise n’est pas au service de l’argent, mais au service des citoyens dans un environnement démocratique, la probabilité de la vertu est plus élevée. Imagine-t-on l’Inspection du Travail entre les mains d’entreprises privées ?

La nécessité de cette vertu est apparue en France après les énormes mensonges distillés par P. Pellerin, directeur du SCPRI (Service Central de Protection Contre les Rayonnements Ionisants) lors de l’accident de Tchernobyl, en 1986. C’est ainsi qu’est née la CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité), association à but non lucratif qui, par la qualité de ses travaux dispose d’une certification de qualification technique délivrée par le Ministère de la Santé.

Un autre aspect est l’harmonie des systèmes. Le meilleur exemple dont on dispose aujourd’hui est Internet qui fonctionne selon les mêmes règles et le même protocole dans le monde entier. La France a d’ailleurs été source de dysharmonie quand elle développait le Minitel, pendant qu’ailleurs on développait Internet. Un autre exemple peut être donné par les chemins de fer espagnols, portugais et russes qui avaient adopté un écartement plus large que le « standard » de la majorité des pays européens de 4 pieds 8 pouces et demi soit 1435 mm.

Les entreprises de distribution d’électricité n’ont pas choisi les mêmes règles au Nord et au Sud d’Honshu. Dans un cas le réseau est à 50 Hertz et à 60 dans l’autre. Résultat, il sera très difficile de compenser le manque des 6 réacteurs de Fukushima, car les dispositifs de conversion ont un volume limité. Ces choix différents ont été effectués pour des raisons économiques, en fonction de bénéfices réels ou supposés. Ce qu’EDF n’a jamais fait, préoccupée vers 1964 d’unifier, au contraire, les tensions domestiques de 110, 120, 130 volts vers 220, puis vers 230.

Ces observations s’appliquent à toute entreprise industrielle pouvant occasionner des accidents et des conséquences sur la santé des populations. Cela ne concerne pas que le nucléaire, mais aussi l’industrie chimique (Bhopal, AZF), les transports (routiers, aériens, ferroviaires), voire les industries alimentaires, etc.

La première conclusion est qu’on doit préférer des entreprises nationalisées : elles installeront la standardisation et seront plus à l’abri de l’appât du gain et de la corruption.

Cette proposition n’est pas suffisante. De telles entreprises doivent évoluer dans un système démocratique permettant la transparence et le contrôle des citoyens (liberté d’enquête, liberté de la presse, etc). Nombre de journalistes rapportent qu’au Japon, l’industrie nucléaire est traitée de façon confidentielle, même si ce pays est réputé démocratique. D’où la nécessité de la liberté d’investigation.

Une solution est de faire de ces entreprises des établissements participatifs dans lesquels les employés possèdent des parts et sont représentés assez nombreux dans les Conseils d’Administration. Dès lors, la transparence est (presque) garantie.

Ces principes trouveront leur corollaire dans l’existence d’associations indépendantes formant contre pouvoir devant les puissances politiques ou économiques. L’exemple de la CRIIRAD est exemplaire, puisque ces données sont utilisées désormais par des organismes d’état. Mais ces organismes doivent se renouveler. La CRIIRAD n’est pas à l’abri d’avoir, un jour, des dirigeants corrompus et compromis.

In fine, c’est donc le modèle politique démocratique et participatif qui offrira les plus grandes chances de sécurité.

Notes d’économie politique 54 – 30 mars 2011

Bakounine

1 commentaire pour l’instant

Gavroche Publié le10h47 - 31 mars 2011

Même si je suis d’accord avec ce texte, la nationalisation suffit pas pour la bonne et simple raison qu’un accident peut avoir des conséquence sur le monde entier et sur plusieures générations.

Il est nécessaire de disposer d’une autorité de contrôle supra-nationnale accpetée par l’ensemble des pays producteurs d’énergie nucléaire.

Nous en sommes qu’au début des enseignements de Fukushima, ces derniers pourraient bien bouleverser des règles écologiques, économiques et les relations entre les Etats puisqu’ils démontrent l’importance de la régulation dans les activités humaines…