Archive dans 22 janvier 2011

Zine el Abidine Ben Ali: la fuite la queue entre les jambes

benalisarko.1295652535.jpgComment avons-nous pu laisser prospérer Zine el Abidine Ben Ali dans son paisible dictatorat pendant tant d’années. Au fond, il arrangeait tout le monde, faisant rempart contre les intégristes. Pour le reste, la communauté internationale se voilait tranquillement la face et des charters entiers de vacanciers populaires allaient se vautrer sur les plages de Sousse ou Nabeul à moindre prix. Les dictateurs ne sont pas si loin. Beaucoup d’entre nous se souviennent du Franco ou du Salazar. Ce n’est pas si loin. Tout près, même, certains succomberaient facilement comme ce Berlu qui présente des dispositions ou ce hongrois dont le nom m’échappe qui bâillonne sa presse. A une époque où il lui restait un brin d’honneur, Kouchner avait inventé le droit d’ingérence. Car est-il légitime de laisser en paix tous ces potentats qui ne sont jamais rien d’autre que de pires salauds. Je me prends à rêver d’une geôle où l’on enfermerait le Ben Ali avec sa grosse pouffe auxquels on offrirait deux fois par jour une petite séance de bonne torture en souvenir des victimes de leur immonde régime. Que ce serait bon que chaque Tunisien puisse venir cracher se haine et son mépris sur ces vils concussionnaires.

Et qu’il est bon de l’avoir vu partir en douce, son magot sous le bras et la queue entre les jambes. Sa fuite fut le comportement le plus déshonorant abandonnant tout ses cousins, cousines et sbires à la vindicte populaire. La lâcheté est le signe majeur du règne de ce porc dégoulinant de sanie. Je me prends à caresser le souvenir de cette scène de Warriors où un officier des forces de l’ONU urine sur un officier serbe qui vient de lui livrer un camion plein de cadavres.

L’exemple tunisien et nos luttes sociales

Pendant les manifestations contre la réforme des retraites, j’ai rencontré beaucoup de gens qui en déploraient le contenu, mais qui ne faisaient rien. Ils ne faisaient pas la grève. Ils ne participaient pas aux manifestations. Tout cela au motif « qu’est-ce que tu veux qu’on fasse, cela ne sert à rien ».

On me dira que la comparaison n’a pas de sens. Bien au contraire : il est moins difficile de se lever contre des remises en cause d’acquits sociaux dans une presque démocratie que de descendre dans la rue pour chasser un dictateur, sa police et sa clique. C’est sans risque. Est-ce à dire que la majorité des français ne considère pas la question des retraites comme un sujet fondamental ?

J’ai toujours pensé qu’on ne pouvait pas gagner si l’on n’était pas prêt à perdre. Les manifestant de Tunisie y étaient préparés. Il y a eu des dizaines de morts dans les rangs des manifestants

Tunisie: les occidentaux font toujours les mêmes bétises

On dit que l’histoire se reproduit, ce qui est plus ou moins vrai. Mais, d’une certaine façon, ce qui se passe en Tunisie peut rappeler ce qui s’est produit en Iran et qui a conduit à la chute du Shah et l’instauration de la soi disante « République » Islamique.

Les données de base sont comparables. Un pouvoir fort, voir dictatorial; une caste dirigeante qui s’approprie la plus grande partie des richesses; un peuple pauvre. Une autre donnée est à considérer: les démocraties occidentales soutiennent ce pouvoir fort qui fait office de bouclier contre des impérialismes. L’URSS pour l’Iran, l’Iran et le pouvoir islamique pour la Tunisie. Enfin, il y a les « affaires », les bonnes affaires, qui sont plus faciles en graissant la patte des gouvernants corrompus.

A chaque fois, les mêmes erreurs sont reproduites: il y a toujours un moment où le choix aurait pu être effectué entre aider ces pays à se doter d’institutions démocratiques ou soutenir un pouvoir fort. A chaque fois, cette deuxième solution a été choisie (au Sud Vietnam comme en Iran, comme au Cambodge, par exemple). Sous ces régimes, les conditions de vie du peuple sont mauvaises, ce qui conduit, à un moment donné, à des révoltes, voire des révolutions. A ce moment, les idéologies dangereuses sont toujours en embuscade: les communistes s’installent au Sud Vietnam, les islamistes s’installent en Iran. Ou pire encore: l’exemple du Cambodge est très instructif.

Il est donc à craindre qu’en Tunisie, les intégristes islamique attendent leur heure.

Kosciusko Morizet, les sanctions, et la logique du profit.

km-en-train.1294071578.jpgVoilà que Madame Kosciusko Morizet envisage des sanctions contre Aéroport de Paris, la SNCF, et tout ceux qui n’ont pas été capables de déneiger, de glycoler, de sabler, de saler.

Madame KM me fait doucement rigoler.

Madame KM ne sait-elle pas que tous ces services publics, même encore plus ou moins publics, sont soumis à la logique du profit. Et la logique du profit veut qu’on n’ait pas l’immobilisation d’un océan de glycol à Roissy, d’une fraiseuse au Tréport et d’un commando de conducteurs mécaniciens de réserve partout en France.

Madame KM devrait tourner ses yeux vers Heathrow, entièrement concédé à une ou des société privées pour lesquelles la logique du profit passe avant la qualité de service. Heathrow fut encore plus fermé que Charles de Gaulle. Grand bordel mondial dans un aéroport dégueulasse et rien à foutre des passagers.

Puis-je me permettre de suggérer une solution à Madame KM ? Faire rentrer Aéroport de Paris dans le giron du service public. N’a-t-elle pas remarqué comment les services publics vendus à l’encan sont incapables de remplir, justement, leurs missions de service public : France-Télécom, EDF, La Poste, etc…

Quand il y a antinomie entre la qualité et le profit, la qualité de service passe par le Service Public.

Pas besoin de sortir de Polytechnique pour le savoir.

Pourtant NKM sort de Polytechnique… On ne le croirait pas.

Vers l’inégalité, mais ensemble

Ce texte est dû à Pierre Jourde publié sur le site des blogs du Nouvel Observateur. Certains le trouvent contestable, au moins, en partie. Moi, je le trouve pas mal.

L’OCDE vient de découvrir que l’école française produit des illettrés et reproduit les inégalités. On s’en doutait un peu, et ça ne date pas d’hier. La question revient régulièrement, comme un marronnier. Les réponses sont toujours les mêmes: soit on considère qu’il n’y a pas de problème, circulez, et ceux qui s’inquiètent sont de vieux réacs qui regrettent l’école de papa. Soit on envisage des mesures radicales: plus de notes, ou alors de A à D, à la rigueur. Plus de redoublement. Un travail des enseignants en équipe, des projets d’établissements, and so on, c’est-à-dire, en gros, tout ce qui a si bien marché jusqu’à présent.

Chaque fois qu’on a admis qu’il y avait un problème dans l’enseignement en France, et osé constater que seuls les enfants de la bourgeoisie parvenaient à s’en sortir, on a immanquablement donné les mêmes solutions, répété le mantra: démocratiser, démocratiser, démocratiser. Démocratiser, oui, mais qu’est-ce que ça signifie concrètement?

En France, la démocratisation est une opération très simple: elle consiste à augmenter la quantité de diplômes. L’échec scolaire n’est pas un vrai problème, il suffit de le supprimer par non-redoublement et délivrance du bac à 75% des non-redoublés. Comme ça, on aura l’air démocratique. Tout le monde il réussit, tout le monde il est égal. Que ces diplômes ne recouvrent aucune compétence, c’est accessoire. Qui casse le thermomètre ne voit plus qu’il a la fièvre. Sauf que les bourgeois, comme moi, savent ce que cela vaut. Et ils placent leurs enfants dans l’enseignement privé pour éviter le désastre du public. Enfants qu’on retrouvera dans les grandes écoles, ce qui leur épargnera le naufrage de l’université. Entre mes principes et l’avenir de mes enfants, le choix est vite fait. Je ne vois pas pourquoi ils paieraient toute leur vie pour les errements démagogiques de quelques théoriciens pédagogistes qui ont réussi à ruiner un système qui fonctionnait bien. Je ne vois pas pourquoi je devrais leur faire subir les classes en état d’agitation permanente, l’impossibilité de faire cours, le langage zyva considéré comme norme linguistique, le sympathique débat à la place de l’apprentissage des fondamentaux, le livre jeunesse traduit de l’anglais à la place de Molière et Maupassant.

Maintenant, si on veut démocratiser les grandes écoles, le principe est le même: plaçons-y d’autorité des quotas de prolos. C’est l’idée nouvelle. Ça améliorera les statistiques sociales. Surtout, ne pas se préoccuper de savoir s’il est important d’intégrer une grande école sur le mérite, le savoir, le travail, les capacités. Faudrait-il faire en sorte que les enfants des classes sociales défavorisées acquièrent un savoir? Vous n’avez rien compris: il faut des diplômes. Ce n’est pas parce qu’on a des compétences qu’on obtient un diplôme, renversons le problème : si vous avez un diplôme, c’est bien la preuve que vous avez des compétences. Quant aux dégâts éventuels exercés par les heureux diplômés dans l’exercice d’une profession, ça ne se mesure pas, donc on n’a pas à s’en inquiéter. C’est ainsi, depuis trente ans, qu’on règle les problèmes d’éducation en France, toutes tendances politiques confondues, droite et gauche. J’ai discuté avec des chefs d’entreprise ou des cadres administratifs. Ils s’étonnaient d’avoir pour employés des gens qui ne savaient pas écrire ni compter sans de sérieuses difficultés. Ces sales types ne comprenaient rien à la démocratisation.

Pour mieux comprendre les joies de la «démocratisation» à la française (c’est-à-dire, en gros, à la soviétique: l’important, c’est de sortir des chiffres de production) prenons l’enseigné à l’extrémité de la chaîne d’enseignement, c’est-à-dire à l’université. On n’a pas encore assez démocratisé, c’est entendu, mais ceux qui arrivent jusque là ont été salement démocratisés quand même. Cela apparaît, en fac de lettres, dès les premières copies, avec des dix ou douze fautes d’orthographe par feuillet, un langage à peine compréhensible. Lorsqu’on parle de fautes, c’est du genre «elle surprena», ou «ils ont décidaient», c’est-à-dire celui sur lequel toute réforme de l’orthographe serait impuissante (sauf à décréter qu’un verbe se conjugue comme on veut, et puis zut). Ce n’est même pas de l’inattention: invité à rétablir la bonne orthographe de «ils ont décidaient», un groupe entier d’étudiants en lettres (oui, en lettres, pas en fabrication d’enclumes) éprouve des difficultés. Les propositions fusent, au hasard: «ils ont décider», «ils ont décidés», tout y passe. Ils ne savent pas très bien comment ni pourquoi écrire ceci plutôt que cela. Cela n’a rien d’exceptionnel, bien au contraire. Et tout le monde sait que c’est ainsi. La secrétaire de mon université, qui n’a pas le bac, a obtenu son CAP il y a plus de trente ans et ne fait pas de fautes d’orthographe, le dit sans ambages: l’université est devenue un collège.

Donc: des générations entières de jeunes gens ont réussi à demeurer quinze ans dans le système scolaire sans acquérir la maîtrise des bases de la langue. Ils ont tranquillement passé de classe en classe, obtenu le baccalauréat. Pas de problème. Ils n’avaient aucun besoin de vouloir apprendre, puisqu’ils étaient de toutes façons quasi assurés d’aller jusqu’à la fac sans problème majeur. Les voilà à l’université. Et, bien sûr, c’est à vingt ans que, pour la première fois de leur vie, le couperet tombe: 30% d’échec en première année. Inadmissible, déclarent les gouvernants, il faut trouver une solution. Démocratisons. Débrouillez-vous, universitaires, pour m’emmener 90% de démocratisés jusqu’à la licence. Soyez plus pédagogiques! Travaillez en synergie! Réunissez-vous pour en parler! Changez les modalités de contrôle, modifiez les coefficients, entourez mieux ces petits. Bref: appliquez un sinapisme de moutarde à la double fracture, peu importe, l’important, c’est de sortir de bons chiffres. On y arrivera, Objectif Réussite, Horizon Excellence, et tout ça.

Pourquoi ce désastre de l’école? Pourquoi des centaines de milliers de jeunes sortent-ils de ce système en sachant à peine déchiffrer un texte et manier leur propre langue? Pourquoi après des années d’études sont-ils toujours incapables de maîtriser une langue étrangère? Bien sûr il y a eu les ravages du pédagogisme, le cataclysme de la méthode globale, après laquelle l’orthographe ne repousse plus, l’idée que l’enfant pouvait produire son savoir tout seul, l’obsession de ne surtout pas traumatiser le malheureux apprenant par des notes et des classements. Mais il y a autre chose encore.

J’ai discuté récemment avec une famille indienne du Kerala qui me disait à quel point l’école est importante en Inde. C’est le moyen de s’en sortir. Les écoliers indiens prennent la chose au sérieux. En Corée, au Japon, en Chine, le lettré est un homme respecté, le savoir est vénéré, l’école est faite pour travailler et apprendre, on y acquiert les éléments fondamentaux de la culture nationale. Devinez quelles seront les grandes puissances de demain?