Archive dans 7 novembre 2008

Je ne suis pas allé voir « Entre les murs »

Je ne suis pas allé voir Entre les murs. Pire, je n’ai pas envie d’y aller. Au moins pour l’instant. Pourquoi ?

 

Ce que j’en sais, ce que j’en ai vu, provoque un malaise en moi. Je sens venir la contestation de la pédagogie traditionnelle de l’autorité. Mais comment, moi l’héritier de mai 68, puis-je être ainsi aussi réservé ?

 

Disons-le tout de suite. J’ai été initié à Rousseau par un professeur de français qui ne l’aimait guère. Qui le trouvait veule. Et autant cet homme méprisait Rousseau, autant admirait-il Voltaire. Cela m’est resté. Et il faut de fortes expériences douloureuses pour changer quand c’est si bien enraciné. Tout ceci pour dire que ce que j’ai retenu de 68 en matière de pédagogie est resté réticent aux expériences pseudo-libertaires frisant la démagogie.

 

J’ai toujours estimé que la relation enseignant-enseigné était asymétrique et qu’elle devait reposer sur l’autorité légitime. J’ai bien dit « légitime ». Puis mes études de psychologie et mes pratiques de cadre pédagogique m’on conforté sur l’idée de la nécessité d’images parentales (pour dire vite, mais ce peuvent être d’autres adultes) solides. Et même s’il m’arrive d’être réservé sur la psychanalyse, l’idée d’un « surmoi » construit sur la base des interdits sociaux et parentaux m’a toujours paru au minimum métaphore intéressant.

 

Or, là, on me dépeint ce film comme l’étude d’un mode de relation enseignant enseigné non conforme à l’idée que j’en ai. On peut alors me reprocher de ne point accepter d’exemples contradictoires. Mais n’ayons crainte. Je le verrai le film quand la période de l’admiration béate par des non spécialistes naïfs aura passé. Je me sentirai plus libre de penser différemment de la meute (peut-être). Et moins agressé si mon point de vue diffère de la majorité, ce qui est probable si le film est comme il s’annonce.

 

Car l’origine socioculturelle n’explique pas tout et, surtout, ne permet pas tout. Il est évident que notre système scolaire n’est pas adapté à tous. J’ai presque envie de dire qu’il n’est adapté à personne. Mais je pense aussi fortement, probablement parce que je suis de cette trempe, qu’il faut que les enseignants SOIENT. Verbe être utilisé de façon intransitive. Etre avec des tas de questions comme dans « to be or not to be ». Rien n’est pire qu’un enseignant qui ne lèguera pas de souvenir à ses élèves. Il doit permettre, à la fois, des processus d’identification, et des processus de rejet. mais de rejet contruit, car il faut bien aussi que l’élève SOIT. Et pour être, il doit être différent de moi. Cette singularité du maître passe par la singularité de son langage qui doit être de bon niveau, tout en restant compréhensible, évidemment. Cette singularité passe par l’apparence de sa personne qui doit être plus proche de celle de ses pairs que de celle de ses élèves. Cette singularité passe enfin par la morale, la justice et donc, une certaine sévérité.

 

Je pense que si l’on me demandait de choisir mes modèles préférés, en matière de pédagogie, je choisirai d’abord Célestin Freinet, puis Anton S. Makarenko.  Et je crois bien qu’aucun des deux ne se serait senti bien « entre les murs ».

Le génocide et l’individualisme

Je regardais une rediffusion d' »Holocauste » sur la chaîne Histoire. Et voici de nouveau posée cette éternelle question: comment peut-on comprendre que des millions de juifs aient pu ainsi être assassinés sans pratiquement aucune résistance.
Le film montre de façon rapide le soulèvement du ghetto de Varsovie et l’étonnement des participants de constater qu’ils peuvent, même avec peu d’armes, causer des dommages à l’adversaire dès lors qu’ils son un peu groupés et organisés. Mais, au fond, ils savent bien qu’ils finiront vaincus notamment parce qu’ils ne sont pas assez nombreux.
Plus tard, est montrée, un peu sommairement, il est vrai, l’évasion du camp de Sobibor. Cette évasion a ceci de spectaculaire, c’est qu’elle est massive. Mais c’est ce nombre qui en fait la force et la réussite. La puissance de feu des gardiens n’est pas suffisante à la fois pour s’opposer aux armes, pourtant inférieures en nombre, des évadés et abattre tous ceux qui courent vers la sortie.
Ce qui fait la force de cette évasion, c’est évidemment le nombre, mais aussi le fait qu’elle réussit au prix du sacrifice d’un certain nombre de candidats à la liberté. A vrai dire, ce ne sont pas des individus qui s’évadent, mais une espèce qui survivra simplement parce qu’un nombre suffisant sera épargné.
Le contraste est grand avec tous ceux qu’on conduit résignés à l’abattoir. Mais alors pourquoi ne se soulèvent-ils pas en masse comme les prisonniers de Sobibor ?
Il y a, de mon point de vue, deux facteurs.
Le premier est l’absence totale d’organisation collective telle que serait un parti, une association ou un syndicat, par exemple. C’est ainsi que le parti communiste fut un élément structurant de la résistance française aux nazis, même s’il ne fut pas le seul. Le noyau structurant permet l’agrégation d’éléments auparavant isolés: ainsi se développent peu à peu groupes de résistance ou de partisans. Mais les membres découvrent vite que la survie du groupe transcende la survie individuelle. Il devient évident, comme à Sobibor, que tous ne survivront pas.
Le deuxième facteur est corollaire du précédent: c’est l’individualisme. Quand les personnes soumises aux arrestations imaginent leur salut individuel, elles n’en trouvent naturellement aucun, tant le rapport de force est en leur défaveur. Il ne reste plus qu’à espérer l’improbable qui ne survient naturellement pas. Alors qu’il eût suffi que des centaines de déportés se jettent sur leurs gardiens avant de monter dans les trains pour que l’évasion soit possible, au prix, naturellement d’un certain nombre de victimes. On sait bien qu’il y eut quelques spectaculaires manifestations d’isolés qui périrent et n’entrainèrent pas un ensemble suffisant d’individus qui ne constituaient pas une collectivité.
Mais il ne suffit pas de croire que « l’union fait la force ». La force de l’union vient de ce que chaque membre est disposé au sacrifice pour la collectivité. Cette union sacrée peut naître de l’idéologie commune. Elle peut découler aussi du désespoir commun.
Ceux qui nous gouvernent et pillent les richesses du monde prennent bien soin de ne pas désespérer trop de citoyens.

 

Notes d’économie politique  38 – 1er novembre 2008

Crise: 14 mesures pour que cela ne se reproduise plus !

Dans le supplément « Économie » du numéro du journal Le Monde daté du mardi 28 octobre 2008, 14 mesures sont présentées pour « réguler le capitalisme financier ».
Je rappelle la liste de ces mesures ci-dessous, mais je ne les détaillerai pas renvoyant mon lecteur au quotidien.
Je voudrais simplement faire remarquer qu’elles sont totalement anti libérales. Elles visent à encadrer et contrôler l’activité des organismes financiers, à interdire certaines pratiques et certaines prises de risques. Elles visent aussi à développer la régulation et le contrôle international.
On n’aura aucun mal à obtenir l’adhésion à ces mesures de toute personne raisonnable et sensée qui ne considère pas les activités financières comme une partie de poker mais comme un levier du développement mondial. Voici donc un excellent exemple de ce que peut être une économie administrée destinée à protéger les citoyens et déterminer les règles d’une activité profitable pour la collectivité.
Les 14 mesures:
1. Encadrer la titrisation
2. Taxer les marchés de gré à gré
3. Améliorer la législation Sur l’attribution des crédits
4. Réglementer les fonds spéculatifs et le capital-investissement
5. Conforter le contrôle interne
6. Limiter les bonus et les golden rémunérations
7. Revoir les normes comptables
8. Etendre la lutte contre l’inflation à l’immobilier et à la bourse
9. Interdire la spéculation aux banques de dépôt
10. Renforcer le Fonds Monétaire International
11. Limiter la volatilité des monnaies
12. Augmenter le pouvoir des autorités de régulation
13. Relancer la coopération contre les places offshore
14. Encadrer les agences de notation

Notes d’économie politique  37 – 1er novembre 2008