Archive dans 6 juin 2007

Adolescence et délinquance: parlons un peu d’A.S. Makarenko

Au cours de sa campagne présidentielle, Ségolène Royal fit frémir un certain nombre de ses auditeurs en parlant d’éducation « militaire » pour un certain nombre de délinquants. Et s’il est vrai que l’armée n’est pas préparée à cette mission, il est probable, d’un autre côté, que la « manière militaire » n’est peut-être pas dépourvue d’utilité pour la rééducation de ces sujets.

Après les évènements de 1917, la Russie connaît une guerre civile. Les combats font des orphelins, mais aussi de jeunes délinquants qui vivent sur les décombres matériels et sociaux. En 1920, Anton Semionovitch Makarenko, professeur, chercheur influencé par les oeuvres de maxime Gorki et militant marxiste se voit confier un lieu rural pour y tenter de ré-éduquer des jeunes marginaux.

Au début, les conditions matérielles sont sommaires. Le travail concerne à la fois les conditions matérielle de vie et l’éducation des jeunes. C’est un travail de pionnier.

Makarenko fonde une colonie, la colonie Gorki. L’encadrement n’est pas nombreux. Et pourtant la discipline est rigoureuse: on se lève à l’heure, on salue le drapeau, on travaille. L’effort physique a une grande place aussi bien sur le plan sportif que pour cultiver la terre et produire ce qui servira aux subsistances du groupe. Le travail scolaire prend aussi une place importante.

Il y a étonnamment peu d’adultes pour encadrer les jeunes. Au début de la colonie, Makarenko est le seul éducateur. Et peu à peu, les premiers arrivés qui ont progressé deviennent alors capables d’encadrer de nouveaux venus. Peu à peu, les nouveaux colons s’incorporent dans la vie de la colonie. Cette participation prend la forme d’une voix délibérative dans le conseil qui est l’instance qui gère la vie de l’établissement et, éventuellement, prononce des sanctions. Ce droit n’est pas donné d’emblée. Au contraire, il se gagne par des mois, voire des années d’apprentissage de la vie collective.

Au début de la colonie, le travail n’est qu’agricole pour subvenir aux besoins. Peu à peu, les activités se diversifient jusqu’à la création d’ateliers qui peuvent alors négocier leurs productions.

La méthode de Makarenko: une absence totale de démagogie, une rigueur implacable dans la détermination et la poursuite des objectifs; et, en même temps, une grande humanité, une grande ouverture au dialogue, mais sans l’ombre d’une faiblesse, promouvant à tout moment la recherche de l’estime de soi, un profond respect des autres et le sens de la responsabilité individuelle et collective.

D’une certaine façon, l’ambiance est militaire: rigueur, exercice, respect de l’autorité, salut au drapeau. Mais s’y ajoutent deux caractéristiques essentielles: les colons contribuent par leur travail aux conditions de vie du groupe; il existe une assemblée qui gère l’organisation sociale.

Ce modlèle a bien fonctionné tant que la colonie se trouvait en milieu rural, loin des sollicitations et des tentations urbaines. Les résultats ont été moins bons, dans le cas contraire.

De cette expérience qui semble peu connue, hormis de quelques spécialiste de l’éducation, on peut tirer quelques enseignements pour la rééducation d’adolescents délinquants:
– La notion d’internat. Elle est importante, même s’il n’y a pas de grille fermée à clef. On éloigne le jeune de son milieu d’origine et on lui offre, par là même, le droit de se reconstruire une nouvelle image de soi et, pourquoi pas, d’une nouvelle personnalité.
– La vie est collective avec un contrôle collectif. C’est l’apprentissage et le respect, autant qu’il en est besoin, des règles et des contraintes de la vie en société, en même temps que des avantages comme l’entraide. Le droit de participation à l’instance de contrôle s’acquiert par l’ancienneté et la maturité.
– Le bien-être est le fruit de travail.
– Le modèle adulte est fourni par une personnalité forte, irréprochable, et qui assumela discussion voire la contradiction.

L’arsenal barbare et inutile de la peine de mort

pal.1180991401.jpgVoici une liste des méthodes d’éxécution anciennes: écartèlement par des chevaux, dévoration par des animaux sauvages, morsure de serpent, écrasement par un éléphant crucifiement, décapitation (à l’épée, à la hache ou à la guillotine), découpage (à la hache, au sabre ou même à la scie), sciage (longitudinal en commençant par l’aine ou transversal, dépeçage, écrasement, écorchement emmurement (privation d’air, de nourriture et de boisson), enfouissement vivant, éventration, par le feu (bûcher, grill, ou enfermé dans un four), flagellation (mortelle à partir du 40e coup de knout), fracassement du crâne,fusillade par un peloton d’exécution, gazage, huile bouillante, noyade, pal, pendaison, peine forte et dure (écrasement sous des pierres), précipitation à partir d’un lieu élevé, suicide forcé, supplice de la roue, strangulation, scaphisme, vierge de fer.

Les formes « modernes » sont moins nombreuses et moins « spectaculaires »: chaise électrique, fusillade (peloton ou balle dans la nuque), chambre à gaz, injection létale, pendaison, décapitation au sabre, lapidation.

Il est alors très étrange de constater que tout ce déchaînement de ce qu’on doit bien appeler barbarie n’a été pratiquement d’aucun effet. Pire, il semble bien que les crimes n’étaient pas moins nombreux à l’époque des grandes et spectaculaires exécutions. On pourrait même aller jusqu’à faire l’hypothèse que plus un pays se développe et se civilise, moins il y a de crimes. L’abolition de la peine de mort, dans tous les pays où elle a été adoptée n’a pas été suivie d’une augmentation du nombre de meurtres.

Peines plancher, répression, mesures éducatives et ingérance dans le judiciaire

prison.1180976270.jpgVoilà des millénaires que les humains rendent la justice. Ils l’ont pratiqué avec plus ou moins de bonheur, avec plus ou moins de barbarie, avec plus ou moins de « justice », pour tout dire. On a pratiqué les sanctions les plus spectaculaires, décapitation, bûcher, précipitation du haut de la roche Tarpéienne. On a coupé des mains, des oreilles et pire encore. Naturellement on a enfermé dans toutes sortes de prisons jusqu’aux culs de basse fosse. Et s’il y a une chose que l’on sait après ces siècles de répression, c’est bien que cette répression-là n’a qu’un effet limité.

Après l’abolition de la peine de mort, on n’a pas vu augmenter le nombre de crimes.

En France, où le nombre d’emprisonnés augmente sans cesse, on ne voit pas diminuer le nombre de délits. Et s’il est évident que la sanction est indispensable, ne serait-ce que pour le respect des victimes, tout le monde sait bien que sa portée est limitée. Donc, depuis quelques décennies, on commence à prendre conscience que les mesures éducatives constituent un complément indispensable à la sanction.

On aurait pu s’attendre que notre nouveau législateur, stimulé par les propositions étonnantes et pourtant non dépourvues de bon sens, de la candidate Ségolène Royal, se saisisse de cette question des mesures éducatives. Et non point. Voici qu’il s’apprête à voter des peines plancher pour certaines catégories de délits et de délinquants. Notamment les récidivistes. Et s’il existe bien une preuve de l’échec de la politique de sanction, c’est bien l’existence de récidivistes. Non ? Puisque, malgré la prison, ils recommencent.

Mais pire encore, dans le sens ou la notion de peine plancher entrave la liberté d’appréciation du juge, elle constitue une ingérence dans le pouvoir judiciaire. « Surtout, une nouvelle philosophie pénale se met en place. Jusqu’à présent, le juge devait motiver la privation de liberté. La logique du projet de loi présenté est inverse. C’est le maintien en liberté que le magistrat devra justifier » (http://www.surveillants.net/modules/news/).

C’est la première entorse à la démocratie du régime Sarkozy.

Comme c’est parti, il est à craindre qu’il y en ait d’autres.