Archive dans 1 mai 2007

Après le débat Bayrou – Royal

bayrou-royal.1177985912.jpgLe « débat », le « dialogue » entre François Bayrou et Ségolène Royal mérite davantage qu’une simple écoute ou qu’une rapide analyse comme les media ont fait. Les media vont toujours trop vite. J’ai réécouté l’enregistrement à deux reprises, voire à trois pour certaines parties: les commentaires qu’on peut alors faire vont bien plus loin que l’énoncé d’un simple accord sur le sujet du fonctionnement de l’état et un désaccord sur les questions économiques.
On ne doit naturellement pas mésestimer les arrières pensées des deux orateurs. Ce serait innocent de dire qu’il n’y en a pas. Mais ce serait de toute façon aussi stupide de ne voir dans ce dialogue qu’un simple exercice de séduction du citoyen. Avoir décidé au départ qu’il n’y aurait pas de ralliement y était pour beaucoup. Sans doute Ségolène, au fond d’elle-même, aurait-elle préféré le contraire, mais elle savait que c’était impossible et même que si, par extraordinaire c’était survenu, le ridicule eût été énorme. Et, du coup, voilà que le temps a pris moins d’importance. Et malgré les tentatives répétées d’Olivier Mazerolle pour rattraper le temps perdu, le temps de dire et le temps d’expliquer ont pris le pas sur la contrainte du temps imparti.
L’intérêt de ce débat tenait aussi au rôle auquel les journalistes se sont limités. Ils se sont contentés d’une position à la fois stimulante et réservée. Ici, pas question de petits mots ou de petites phrases, pas question de recherche de scoop. Ils étaient là simplement pour recueillir la parole des candidats. Certains ont peut être ressenti piaffer au fond d’eux-mêmes certaines de leurs habitudes profondément ancrées. Mais pour l’heure c’était tout aussi bien ainsi, surtout dans la mesure ou les intervenants s’expliquaient simplement et ne cherchaient pas, de leur côté, à utiliser les journalistes pour véhiculer leurs idées.
Cette simplicité dans les rôles fut, pour une bonne part, dans les conditions de la réussite.
Sur le fond, on peut affirmer qu’il y a plus d’accord entre les deux participants qu’on a bien voulu le dire.
Naturellement, si l’on s’en tient à la lettre de ce qui a été prononcé, on ne peut pas affirmer que les deux interlocuteurs étaient exactement du même avis. Mais eut-on choisi de faire parler deux membres du Parti Socialiste ou du Parti Démocrate, on n’aurait jamais pu obtenir un accord verbatim. Cela n’existe nulle part. Il y a là des convergences et des divergences de diagnostic, d’analyse et de méthode, mais qui forment un réseau beaucoup plus fin et subtil qu’une simple évaluation manichéenne du type accord sur ceci, désaccord sur cela. Souvent, simplement, les termes employés ne sont pas les mêmes, ou ne sont pas synonymes. Si, par exemple, au lieu de dire « intervention de l’état », Ségolène Royal disait « garantie de l’état », ce qu’elle pense très probablement, les distances d’avec François Bayrou sur les sujets qui fâchent le plus, seraient diminuées. Si François Bayrou voulait bien entendre qu’un « Service Public » n’est pas forcément une administration, car un service public peut être concédé ou géré par des structures publiques ou privées, il se trouverait en quelques ondes de pensée plus proche de Ségolène Royal. Mais il aurait sans doute fallu que le débat dure encore quelques heures supplémentaires pour apurer ces prétendues divergences. D’où l’intérêt souligné de se parler et de se reparler et de se parler encore.
Du coup, le débat était-il encore en retrait par rapport à ce qu’il aurait pu être. Mais, à dire vrai, il n’y a aussi des écarts qui ne se réduisent qu’au prix d’un travail réel et quotidien ou d’une discussion prolongée autour d’un repas ou au coin du feu. L’important n’était donc pas de révéler qu’il y avait accord, mais de faire sentir qu’il pourrait y avoir un en étant pragmatique et non dogmatique.
Ajoutons à cela le côté pervers des habitudes encore exagérées par la situation de campagne qui voudrait faire croire que les élus ont la solution des problèmes qui se posent. Car, naturellement, aucun candidat ne se risquerait à dire « je ne sais pas ». Alors chacun y va de son « je vais réformer ceci »,  » je vais augmenter cela ». Alors on chiffre tout cela en dépenses supplémentaires et l’on ergote sur le coup (approximatif, oh combien !) des mesures. Alors que, dans beaucoup de circonstances, la seule vérité est l’énoncé de principes de base qui soutiendront l’action. Et là, on ressent vite qu’il y a une manière Sarkozy et une manière Royal de rechercher la solution de certaines questions, qui sont bien nettement différentes car elles reposent sur des postulats différents, voire antagonistes. Et quand s’y ajoute des objectifs différents, on est évidemment en pleine opposition.
Concernant donc les débatteurs de samedi dernier, il est, dans la plupart des cas, extrêmement difficile d’affirmer que la manière Bayrou et la manière Royal pourraient être si différentes que cela. Et quant aux objectifs, on a bien vu qu’ils se ressemblaient souvent, sous-tendus qu’ils étaient constamment par une vision humaniste de la vie sociale. Avec ce point de vue, il sera de toute façon beaucoup plus difficile et plus lent d’améliorer, par exemple, la situation sociale de certaines banlieues que d’afficher une politique dure, voire répressive et, à long terme inopérante.
La ligne de partage passe là. Et alors, on sait bien que Ségolène Royal et François Bayrou sont du même côté. Il faut qu’on le sache, il faut qu’on le dise. Il faut même que, parce qu’il a brûlé ses vaisseaux, François Bayrou accepte de le dire ou, au moins, de le faire comprendre sans ambiguïté.