Chacun d’entre nous disposons de bien peu de pouvoir. Mais nous disposons au moins de celui de détourner les yeux. Alors, ne regardons pas des épreuves dont nous savons qu’elles servent de vitrine à un régime qui n’est pas une démocratie. Changez de chaîne, ou mieux encore, fermez votre télé. Il y a de bien plus belles choses à contempler au mois d’août.
Qu’est-ce que la science ?
Mes lecteurs fidèles (si j’en ai) savent que je suis universitaire et que j’enseigne à des étudiant en psychologie, pour l’essentiel des débutants. Et, depuis des dizaines d’années, je sais qu’ils s’imaginent qu’ils entreprennent des études peu ou pas scientifique. Il est vrai que, dans l’esprit public, les « Sciences Humaines » sont connotées « pas vraiment » scientifiques. Pour autant que ce public ait un peu forniqué avec la Psychanalyse, il a vite fait de rapprocher ce domaine de la divination. On m’a souvent demandé d’interprèter des rêves et quel n’est pas l’étonnement du demandeur à qui je répond que ce n’est pas moi qui interprète les rêves, mais le sujet lui-même.
Il y a, de surcroît, dans la Psychologie, une nécessité de rigueur. Car notre objet d’étude est singulièrement singulier puisque c’est l’être humain. Notre position se doit d’être aussi sérieuse que celle des médecins. Les Sciences Humaines, au bout du compte, doivent être plus scientifiques que d’autres sciences naturelles, voire d’autres sciences plus pures. Qu’un astronome se trompe de quelques milliers d’années lumière est beaucoup moins grave que de conduire malencontreusement un sujet vers une dépression plus profonde encore que celle qui l’a mené vers nous.
D’un autre côté, je suis frappé par l’usage ordinaire ou médiatique de la connaissance. Je hais des phrases comme « tout le monde le dit » ou encore « ils ont montré que… »
D’abord, mettons-nous d’accord: la science est incertaine. J’aime à me promener dans l’article « Certain, certitude » du Dictionnaire Philosophique dont l’incomparable Voltaire est l’auteur. Sans être le premier à mettre en cause la solidité de notre entendement, il y résume en des termes familiers la relativité de la connaissance. La science est incertaine. Si l’univers est courbe (et il a de fortes chances de l’être), le théorème de Pythagore n’est plus vrai.
Or, que savons-nous de l’infini ? Si l’univers est courbe, quand je regarde à l’infini, je regarde dans mon dos alors que mon dos n’y est pas encore. Quand je regarde une planète ou, a fortiori, une lointaine étoile, je vois un état qui n’existe plus puisque la lumière me parvient avec retard qui peut être de millions d’années !
Quand je mélange de l’acide chlorhydrique et de la soude, je fabrique du sel et de l’eau. Mais que se passe-t-il si la température ambiante est de -40° ?
Et c’est parce que la science est imparfaite qu’elle a besoin d’être sérieuse.
Quand on me dit qu’il a été montré qu’il faut manger 5 fruits et légumes par jour, j’ai coutume de demander qui a publié l’étude qui le démontre et dans quelle revue à comité de lecture.
Car la science se trouve dans les articles qui sont dans les revues scientifiques qui ont un comité de lecture. Le chercheur fait une étude, réalise une expérience, puis écrit un article qu’il propose à une telle revue. Là, d’autres chercheurs de préférence aussi émérites que lui évaluent le travail et décident de l’accepter pour publication avec, éventuellement, des retouches. Cette évaluation collégiale est une garantie de sérieux du travail. Elle est toute relative, bien sûr, et des cas de résultats frelatés ont récemment été rendus publics. Mais c’est ce qu’on a trouvé de mieux pour l’instant et globalement cela ne marche pas trop mal.
De tels comités sont là, notamment pour éviter des erreurs de raisonnement. Le public non averti en fait souvent et j’ai coutume d’illustrer ce péril auprès de mes étudiants novices par un exemple de ce type:
– On sait que les mères qui fument ont des enfant prématurés plus souvent que celles qui ne fument pas. On est donc tenté de conclure que le tabac est une cause de prématurité.
– On sait aussi que les femmes qui ont une surveillance médicale insuffisante pendant la grossesse ont plus souvent un enfant prématuré. On est donc tout aussi bien tenté de rapprocher la non surveillance de la prématurité.
– On sait aussi que les femmes dont le niveau socio-économique est bas ont plus souvent aussi des prématurés. Mais on retrouve aussi, dans cette population, une surveillance médicale moindre et une plus forte consommation de tabac.
Au final où est la cause ? Ce qu’on prend pour une cause peut être un effet. On est en présence de phénomènes corrélés. On va supposer que l’un est la cause des autres, par exemple le niveau social. C’est probable. Mais encore n’est-il pas certain.
On voit toute la difficulté de parvenir à l’explication. Une méthode est d’expliquer le mécanisme. La chimie peut le permettre en montrant comment, par exemple, la nicotine atteint le foetus par voie transplacentaire et connaissant les effets de la nicotine par ailleurs, on peut raisonnablement supposer qu’elle produit des effets néfastes.
Ce simple exemple est là pour montrer, sur un sujet qui semble, au demeurant, simple et évident, combien il est difficile de confirmer de façon solide les hypothèses qu’on peut faire.
Au bout du compte, la science c’est le doute. Bien plus que la certitude. Contrairement à ce que l’on croit souvent, Descartes n’a pas écrit « je pense, donc je suis » qui n’est qu’une formule tronquée. Il écrivit, en latin, « dubito ergo cogito, cogito ergo sum » (je doute donc je pense, je pense donc je suis). Et c’est le doute qu’il a placé en premier.
Faut-il sauver « Le Monde » ?
Je suis de ceux qui pensent, peut-être à tort, que Le Monde n’est pas un simple journal… comme les autres. Chaque pays démocratique dispose d’un ou deux journaux de référence, Times, Post, etc…. C’est-à-dire un quotidien qui n’est pas strictement asservi à la loi de l’offre et de la demande et qui peut se permettre de publier des articles qui emmerderaient probablement 95% des français, mais qui apportent aux 5% tout aussi respectables que les autres les informations qu’ils attendent, en matière de politique, d’économie, de culture. Pour tout dire Tout est culture. C’est bien cela, ce désir de connaître au mieux tout ce qu’il y a à savoir dans autant de domaines que nos désirs nous portent à explorer.
Abonné au Monde, je me plains parfois de ne disposer du journal que le lendemain, voire, en raison des lenteurs de la poste, après même que le numéro suivant ait paru. Mais Le Monde est un journal qu’on peut lire avec du retard. Pour l’information immédiate, nous avons France Info qui est très bien dans ce créneau. Pour l’information un peu plus approfondie, un peu mieux vérifiée Le Monde est parfait.
Cette position particulière a été gagnée grâce à un labeur obstiné de patrons méritants et de journalistes qui ont partagé ces valeurs professionnelles qui ont fait la respectabilité et la réputation du titre. Le Monde est donc un objet culturel. A ce titre, il ne doit pas être soumis à des impératifs excessifs de productivité. Ce quotidien est à la presse ce que la Comédie Française est au théâtre. C’est le « théâtre subventionné » qui mérite bien son nom et qui porte des traditions qui ne sont pas celles du théâtre de boulevard (qu’on va peut-être devoir subventionner à son tour tant la télévision produit de ravages).
A cela est une contrepartie. Les Sociétaires de la Comédie Française ont des obligations et sont loin d’être les acteurs les mieux rémunérés du monde du spectacle. Il en est de même pour l’administration.
Le Monde doit donc être aidé. Plus que les autres journaux et tant pis si ces derniers râlent. D’ailleurs, nous n’avons pas le choix. Nul ne peut imaginer la disparition d’un journal de référence. Et la contrepartie est celle des sociétaires du Théâtre Français : accepter de n’être pas les journalistes, les documentalistes, les rédacteurs en chef les mieux rémunérés du marché. Il en sera de même pour Eric Fotorino qui devra se contenter du raisonnable même si ceci tranche avec l’époque de son prédécesseur.
A charge, maintenant, aux gens qui savent faire des montages financiers d’opérationnaliser tout cela :
1. Le Monde étant un objet culturel, il n’a plus d’actionnaires, il a des mécènes. Leur contribution relève fiscalement des règles du mécénat.
2. Si nécessaire, le Ministère de la Culture apporte une contribution.
3. Les administrateurs sont bénévoles.
4. Tout le personnel du journal, toutes position et toutes responsabilités, ne saura être rémunéré de façon exagérée.
5. On ne pourra cumuler un engagement à temps plein et d’autres activités rémunératrices extérieures (livres, documentaires, etc.) que dans une certaine limite, l’excédent étant reversé au journal.
Messieurs, Mesdames les juristes, à vos codes pour mettre tout ceci en forme juridique (association loi 1901 dont les abonnés seraient les adhérents, ce qui au passage nous exonérerait de la TVA pour les services offerts à ces derniers ?).
Messieurs, Mesdames, les financiers à vos tableurs pour sauver cette œuvre.
Bienvenue C… !
Aujourd’hui, C… vient d’installer sa Livebox et se vautre dans le haut débit.
Elle vient de me demander l’adresse de ce blog.
J’en suis tout ému !
Monsieur Sarkozy avait promis…
Monsieur Sarkozy,
Pendant la campagne présidentielle, vous nous avez annoncé bien des choses heureuses. Ce n’est pas comme l’autre, la Ségolène, qui ne voulait s’engager sur rien, toujours à se méfier des contingences économiques. Vous, au contraire, vous nous avez bien fait comprendre que tout ce baratin sur l’économie auquel je ne comprends rien n’était là que pour justifier que ma vie soit ennuyeuse. Vous nous avez bien dit que l’on pourrait se passer de la Banque de Monsieur Trichet (quel nom prédestiné !) et autres Cassandres qui promettaient mille tourments.
Et voilà que votre Premier Ministre vient dire qu’il faudra renoncer à la baisse des impôts.
Je ne veux pas avoir l’air rancunière, mais votre prédécesseur nous avait déjà fait le coup. Mais vous aviez parlé de la « rupture ». La rupture ça veut dire pas comme avant. Sur ce plan, j’ai déjà été baisée par Chirac et je commence à ne pas trouver très drôle ce type de sodomie, parce que ce genre de baise c’est toujours des coups par derrière. Surtout que vous aviez dit aussi qu’ensemble tout deviendrait possible, qu’en d’autres termes, ce serait plutôt moi qui baiserait. Mais j’ai beau chercher, je ne trouve personne à baiser et mon éréthysme sexuel commence à battre l’aile.
Vous me dites que, de toute façon, je ne paye pas d’impôt sur le revenu. C’est vrai. Mais mes parents qui sont retraités, avec une retraite pas si élevée que cela, en payent. J’ai bien le droit de m’intéresser à mes parents ! Surtout qu’eux ne me laissent pas tomber quand je suis dans la merde. Même mon ex, qui n’a pas un trop mauvais fond se laisserait bien aller à me donner un petit billet, mais lui, comme célibataire, il en prend plein le… Vous voyez par où que je veux dire.
Je dirai même que le nombre de ceux qui me sont passés dessus a plutôt augmenté : voyez, vous avez commencé par donner un paquet fiscal à des gens qui ne sont pas moi et qui m’on regardé en me faisant la nique. Je ne dirai rien des heures supplémentaires. Car pour l’instant, à mon corps défendant (contre me faire baiser), les heures supplémentaires de caissière chez Auchan, y’en a point. Même que c’est 25 heures par semaine. Et pas plus. Quand on ouvrira le dimanche, je pourrai peut-être, comme cela, mes deux enfants seront débarrassés de leur mère. Autant les mettre à l’orphelinat.
Puis après, je me suis fait mettre de quelques centimes sur chaque boîte de médicament. Cinquante centimes par ci, cinquante centimes par là. Et comme, dans le même temps, je me faisais aussi baiser par la grande distribution, c’est devenue une vraie partouze dans laquelle je faisais la pute sans toucher un euro. On m’en retirait même. C’est la nouvelle loi du genre: plus je te baise et moins tu gagnes. Même plus moyen de faire la péripatéticienne.
On me dit aussi que je vais devoir cotiser 41 ans pour toucher ma retraite à taux plein. C’est bien cela. Avec mon emloi pas plein, je n’ose imaginer ce qui va me rester. Surtout qu’à cet âge, je serai trop vielle et trop moche pour faire la pute, la vraie, même à tarif senior, pour arrondir mes fins de mois.
Peut-être que si vous étiez gentil, Monsieur Sarkozy, vous pourriez juste me donner votre montre. Vu son prix, je pourrai la revendre et avoir un peu d’air pendant un bon moment. Je dois bien pouvoir avoir un camion de patates pour ce prix. Et puis, si vous et vos ministres preniez un peu moins les avions très chers, peut-être pourriez-vous dépanner des centaines de gens comme moi. Je n’ose vous suggérer de demander à vos copains, vous savez les Bouygues, les Lagardère, tous ceux qui étaient avec vous au Fouquet’s le soir du 6 mai, de se contenter d’un peu moins de fric, cela ferait peut-être exemple que d’autres suivraient. La vraie solidarité. Celle des gros riches envers les petits pauvres. Et pas des pauvres entre eux.
C’est vous qui l’avez dit, Monsieur Sarkozy: « Ensemble tout devient possible ». Ensemble c’est donc bien avec tout le monde y compris tous vos copains du kake 40 et aussi Johnny comme le Clavier et le Reno. Votre petite femme qui n’a pas l’air désargentée non plus pourrait aussi faire un don.
Tant qu’à faire, vous pourriez faire une loi. Une loi qui interdirait de s’enrichir en baisant les travailleurs. Oh, je comprends qu’il faut bien donner un bon salaire à ceux qui donnent beaucoup d’eux-mêmes pour faire marcher les entreprises. Mais il y a des limites. Même si on s’arrêtait à 20 fois le SMIC, on trouverait encore de quoi. Vous allez me dire qu’ils vont tous se barrer à l’étranger. Est-ce vraiment grave ? On confisquera tout ce qu’ils ne pourront pas emporter. En même temps on pourra piquer les résidences des tyrans africains et on pourra même secourir d’autres peuples.
Vous ne pouvez pas imaginer, Monsieur Sarkozy, ce qui m’arrive. Je vous aimais bien pourtant. Mais quand je réfléchis, et plus je réfléchis, même s’il y a des choses dans ma réflexion qui ne sont pas tout à fait claire, j’ai l’impression de devenir une autre personne. J’ai raconté cela à mon ex, qui est plus cultivé que moi. Et savez-vous ce qu’il m’a dit ? Il m’a dit, je répète parce que je ne suis pas sûre d’avoir tout compris, il m’a donc dit que mes analyses étaient superficielles, mais qu’en continuant un peu, je deviendrai marxiste… ou gauchiste. Je ne sais pas ce qui est mieux ou pire. Qu’en pensez-vous ?
Chantal Sébire
J’éprouve le besoin d’écrire quelques lignes au sujet de cette femme. Quelques mots d’admiration pour sa lucidité. A cette heure, j’ignore quel moyen elle a trouvé pour échapper à la cruelle réponse qui a été donnée par la Justice (au nom du peuple français !) à son souhait de finir en paix.
Dans ces circonstances, pour autant qu’elles soient médicalement établies, il me semble indispensable de laisser ceux qui assistent ces malades libres d’agir selon leur conscience sans que la justice s’en mêle. Accordons le droit à mourir, comme il y a le droit de vivre. Accordons le droit d’aider à mourir si le patient réclame cette assistance. Chantal Sébire avait sans doute besoin de cette participation pour l’aider à passer la porte. Je suis persuadé qu’elle n’a pas fini seule, « inexplicablement ». Elle a mis fin volontairement à sa douloureuse existence. J’espère simplement que ceux ou celles qui étaient près d’elle pour l’assister et ne l’on pas dit, se taisent à jamais.
Laissons dans leur ignorance ceux qui dénient tout droit à « l’euthanasie active », comme la Ministre de la Justice. Qu’ils sachent simplement qu’elle se pratique quotidiennement, en silence, dans le secret des hopitaux, des praticiens de la santé et des familles. Qu’ils sachent que nous n’avons pas besoin d’eux comme directeurs de conscience.
Et que le Procureur de la République de Dijon s’occupe d’autres affaires plus importantes.
Et les communistes ?
Je n’ai jamais, au grand jamais, été membre du Parti Communiste. J’aurais pu l’être s’il avait été démocratique, s’il n’avait pas été inféodé au stalinisme soviétique. Mais tous ceux qui ont connu la passion et le travail des militants communistes au quotidien, notamment dans la gestion municipale peuvent regretter qu’ils perdent, peu à peu, leur initiative locale, départementale et municipale.
Les communistes que j’ai connu étaient de vrais citoyens, ayant un sens très fort de la solidarité. Ils étaient chaleureux et humains. N’ayant guère, à quelques exceptions, le goût du pouvoir. Leur vie était baignée par le militantisme. Et le militantisme se traduisait dans des actes de tous les jours. Ce n’est pas pour rien que le vrai peuple de gauche, au sens populaire, a donné sa voix pendant tant d’années avec une telle unanimité. Les communistes étaient proches des citoyens, proches des travailleurs ayant du mal à boucler leur fin de mois, près des mères et des familles en difficulté. Bientôt, il n’y aura plus de « Centre Social Jacques Duclos » ou de dispensaire « Staline ». On se moquait de ces patronymes. Mais derrière existait une authentique volonté sociale.
Je les regrette vraiment. Même si, parfois ils étaient irritants par leur côté parfois sectaire. Et je veux, au moment où ils disparaissent encore davantage de la vie politique leur adresser un signe d’amitié. Pas aux dirigeants, bien sûr, qui sont et étaient comme tous les dirigeants. Mais à ces milliers de militants qui avaient donné leur vie pour agir selon leurs idées.
Eloge de la dialectique
Je me souviens d’une étude qui avait été effectuée autrefois par un collègue. Il s’était intéressé, il y a bien 25 ou 30 ans, à l’usage de la télévision par les enfants, dans les familles, en fonction du niveau socio-culturel. L’expérience comprenait deux groupes de familles, nettement différentes sur le plan du niveau d’études des parents. On aurait pu penser que, dans les familles où le niveau culturel était le plus élevé, les enfants consommaient moins de télévision. En réalité, les différences n’étaient pas statistiquement très probantes. Par contre, ce qui était remarquable, c’est l’usage qui en était fait. Dans un cas, on « consommait » les programmes de façon assez passive, alors que, dans l’autre, ils étaient source de commentaires, de discussion, voire de contestation.
Cela n’a guère changé et s’applique, me semble-t-il à univers de connaissance bien plus étendu que ce qui est dispensé par la TV. Je suis souvent étonné d’entendre des propos proclamés comme vrais par qu’on les a lus ou les a entendus.
– Il ne faut pas manger de fruits au dîner, parce que cela empêche de dormir.
Je ne puis m’empêcher de demander:
– D’où savez-vous cela ?
– C’est évident… On le dit… Les médecins le disent.
– Pouvez-vous me donner une source scientifique fiable ? Les références d’un article scientifique publié dans une revue à comité de lecture ?
– …
Déjà, Voltaire avait écrit bien des choses de ce genre dans l’article « Certain, certitude » du Dictionnaire Philosophique. Et bien avant lui, Descartes avait surtout écrit, ce qu’on ignore, « dubito ergo cogito, cogito ergo sum » . C’est parce que je doute que je pense et c’est parce que je pense que je suis..
Il en est ainsi de tout ce qu’on raconte et c’est banalité de dire que la connaissance ne progresse que par la remise en cause permanente des savoirs du jour.
Je suis frappé de constater combien ce principe est peu appliqué dans l’enseignement. Car s’il est vrai que 2 et 2 font 4, il est tout à fait possible que, si l’Univers est courbe, je regarde derrière ma tête en tournant mon regard vers ce que je cois être l’infini. Les programmes sont truffés de certitudes. Et si l’on peut le comprendre dans les petites classes pour l’apprentissage des fondamentaux, cela devrait être moindre dans les classes élevées ou l’enseignement supérieur. Les enseignants de l’Université se plaignent souvent de la difficulté des étudiants qu’on les étudiants à produire un travail construit et dialectique. Mais combien d’heures de cours passées à une simple transmission unilatérale de savoirs. Les théories qui ne sont jamais que des modèles heuristiques sont souvent énoncées (et défendues) comme stricte vérité.
Quand au discours politique, il est encore plus rigide. A l’époque, on a reproché à Ségolène Royal de n’avoir pas de programme bien formé. Sans doute savait-elle ce que valent les programmes politiques à l’épreuve de la réalité du pouvoir. Il n’est de jours qui ne vous apporte de quoi mettre en cause bien des certitudes.
Il faut réhabiliter l’usage du mode conditionnel.
L’article d’El Pais / Courrier International pour ceux qui ne l’on pas lu
Si vous ne l’avez pas lu, l’article du directeur adjoint d’El Pais, traduit dans le dernier numéro de courrier international :
Vous devez savoir aussi que les librairies du groupe Lagardère n’ont pu montrer l’affichette reproduisant la couverture
Voir http://rue89.com/
Les Français ont un problème. Ils croyaient avoir un superprésident, un hyperdirigeant capable de les sortir de la dépression et de la décadence, et voilà qu’ils ont écopé d’un président comme ils en ont déjà connu beaucoup d’autres : à savoir malade, limité, qu’il faut dorloter et protéger tout en s’organisant pour que la France tourne et que le gouvernement et les institutions fassent leur devoir. La situation n’a rien d’inédit : Pompidou et Mitterrand étaient déjà des présidents malades et diminués. Le premier est même mort avant la fin de son mandat. Quant à Chirac, il fut un obstacle paralysant pendant une bonne partie de sa présidence. La maladie dont souffre Sarkozy n’a pas la gravité du cancer de la prostate de Mitterrand, mais elle touche un organe vital s’il en est : l’ego. Celui du président est d’évidence atteint d’une hypertrophie probablement incurable.
Plus on s’approche du 9 mars, date du premier tour des élections municipales, plus la nervosité des candidats du parti présidentiel augmente et plus on redoute les interventions de Sarkozy, susceptibles de faire perdre des voix à l’UMP. Le parti du chef de l’Etat est divisé à cause de tensions qu’il a lui-même créées. Le traitement qu’il a infligé en public aux uns et aux autres, y compris à certains de ses collaborateurs les plus proches, est digne du comportement d’un monarque bilieux et capricieux avec ses laquais. Même son actuelle impopularité est extravagante : elle ne s’explique pas par un train de réformes puisque ces dernières sont encore largement inappliquées. Elle s’explique uniquement par son comportement public.
Un triomphe de sultan, seigneur en son sérail.
Le trône qu’occupe Nicolas Sarkozy a été imaginé par de Gaulle pour lui permettre d’être le troisième larron d’un monde bipolaire. Le président français voulait être un fier contrepoids occidental dans l’affrontement entre Washington et Moscou. Or Sarkozy, arrière-petit-fils libéral et proaméricain de De Gaulle (après le petit-fils, Chirac, et le fils, Pompidou), s’est installé sur le trône élyséen porté par son ambition personnelle et sa conception égotique de la présidence : il a par le fait encore accru les pouvoirs de la présidence. Et, une fois parvenu à ses fins, il s’est consacré à lui-même, comme un ado narcissique obnubilé par ses sentiments et ses plaisirs. Certes, le pouvoir peut en apporter beaucoup, mais la prudence conseille de ne pas trop en faire étalage. Sarkozy le téméraire fait tout le contraire et se vautre dans l’exhibitionnisme.
C’est sur trois points précis qu’est venu se briser le personnage : l’économie, qui n’a pas enregistré la moindre amélioration depuis son arrivée ; son idéologie plus néocons, voire “théocons”, que gaulliste – en témoignent des prises de position sur la laïcité contraires à la culture de la République ; et sa vie privée, étalée dans les médias. En monarque thaumaturge qui par une simple imposition des mains devait augmenter le pouvoir d’achat, il a échoué au point de prononcer la formule maudite qui rompt les sortilèges : “Qu’est-ce que vous attendez de moi ? Que je vide des caisses qui sont déjà vides ?” En monarque philosophe, il a manifesté les plus fortes réserves vis-à-vis des traditions républicaines, en exprimant avec désinvolture son affinité intellectuelle avec le pape. Il n’a pleinement triomphé que dans le rôle de sultan, seigneur en son sérail, paré des atours qui passionnent un certain public – et manifestement aussi ses pairs. Le voilà fasciné par son propre pouvoir de séduction, son goût exquis et sa désinvolture. Mais ce triomphe-là a le don de déprimer beaucoup de Français car il rabaisse la République au niveau de la principauté de Monaco.
Ne vous contentez pas d’Internet. Achetez un journal ! La presse libre est le dernier rempart de la démocratie.
Monsieur Je-Sais-Tout et les programmes scolaires: 1- le Français
Monsieur Je-Sais-Tout, souvenez-vous en, avait prévu de modifier les programmes scolaires. Il a notamment demandé un plan à son Vizir, le Ministre de l’Education qui s’est plié, naturellement aux exigences du Calife. Mais comment faire pour permettre aux enfants de baigner dans un bain linguistique profitable ?
J’ai donc décidé de faire quelques propositions que voici:
1- Les parents devront s’exprimer devant leurs enfants dans un français châtié et académique. L’usage des gros mots sera naturellement interdit. A la première faute, l’intéressé recevra un avertissement. A la deuxième, un blâme. A la troisième, il sera condamné à une peine de prison comprise entre un et trois mois. En cas de récidive, la peine sera doublée. En cas de seconde récidive, elle sera quadruplée, et ainsi de suite.
2- Compte tenu de leur position sociale, les hommes et femmes politiques, les animateurs et présentateurs de télévision, les journalistes, etc, devront se plier aux mêmes règles. A la première faute, l’intéressé recevra un avertissement. A la deuxième, un blâme. A la troisième, il sera condamné à une peine de prison comprise entre quatre et douze mois, sera révoqué s’il s’agit d’un salarié, ou destitué s’il s’agit d’un homme politique. Il sera privé de ses droits civiques pendant un an, à vie s’il s’agit d’un ministre ou du Président de la république. S’il s’agit du Ministre de l’Education, il sera condamné, comme peine supplémentaire à conjuguer tous les verbes du dictionnaire à toutes les personnes, à tous les temps, à tous les modes.
3- A partir du 1er septembre 2008, toute personne prétendant à un emploi public ou à un mandat électoral devra subir un examen comprenant une rédaction, une dictée et un exposé sur une oeuvre d’un poète, d’un grand écrivain ou d’un philosophe français. Sa note devra être dans le quartile supérieur des notes obtenues par un échantillon représentatif de la population française.
4- Entre 16 heures et 20 heures, les lundis, mardis, mercredis, jeudis et vendredis, MSN et autre forme de messagerie instantanée par Internet sera interrompu. Toutes les chaînes de télévision accessibles en France, par tous les moyens de diffusion, diffuseront les programmes de la Radio-Télévision Scolaire. Les programmes seront répartis entre les chaînes pour que tous les niveaux scolaires et toutes options bénéficient d’un programme adapté. Aucun autre programme ne pourra être diffusé, sauf s’il présente des critères suffisants du point de vue des qualités de narration et de syntaxe.
5- Les journaux et les magazines feront l’objet d’une surveillance approfondie. La presse de qualité (quotidiens, hebdomadaires, nous savons bien lesquels…) sera subventionnée afin d’être distribuée au plus bas prix. Il en sera de même pour la diffusion des bonnes oeuvres romanesques, comme pour tous les films, téléfilms et plus largement toute oeuvre qui incorporera dans son cahier des charges le respect de la langue française. Mais on devra aussi respecter le principe de la liberté d’expression absolue sur tous sujets, y compris la pornographie, à condition que soient respectées les formes littéraires et artistiques, en favorisant la culture de l’art de la litote. Dans certains cas, des locutions inadaptées, voire grivoises seront admises comme témoignage anthropologique et vernaculaire d’une société vulgaire en voie de disparition.
6- Ces subventions seront financés par des taxes sur la presse vulgaire (nous savons bien laquelle), dite « pipole », sur les émissions de télévision flattant les instincts ordinaires dont il n’est pas besoin de faire l’inventaire tant celui-ci va de soi. Seront aussi taxées, les publicités qui contreviendront aux règles ci-dessus énoncées.
7- Les professeurs de français seront chargés d’une triple mission. Valoriser le travail et la rémunération de ceux qui, parmi eux, s’engageront totalement dans cette oeuvre d’intérêt national. Mais ils devront accepter de vouer aux Gémonies ceux qui ne collaboreront pas. Ils devront aussi veiller à ce que les prescriptions ci-dessus énoncées soient bien respectées. Ils disposeront pour cela, si nécessaire, des force de la Justice, de la Police, voire de l’Armée. Mais ils devront aussi accomplir leur tâche dans un esprit coopératif et libertaire afin de conduire la France vers la République de l’Esprit.