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L’intelligence universitaire: Sottie a neuf personnaiges

Ce texte de Philippe Maupeu, Chercheur Médiéviste à Toulouse Le Mirail circule ces temps-ci sur Internet. On le déguste et on se le repasse… Voilà bien qu’il représente tout ce que d’autres haïssent : la culture (car il n’est pas donné à tout le monde de savoir pasticher la langue du XVIème siècle), la finesse, l’humour, l’intelligence.

Sottie(1) a neuf personnaiges
c’est assavoir de Bone Reforme, Male Reforme, Le Metre du Monde, les Gens, Educacion Nationale, l’Estudiant, l’Enseignant-chercheur, Pasquet Fiscal, la Crise.

Education Nationale est assise par terre, la tête dans les mains, pauvrement vêtue ; Université est à ses côtés.
Les Gens est couché, il ronfle sur son oreiller. Entrent Estudiant et Enseignant Chercheur.

L’Enseignant-Chercheur:
Les Gens, les Gens : resveillez-vous !
Ne songiez plus, houspillez vous !
Educacïon(2) Nationale
Se meurt, veez comme elle est pasle !

L’Estudiant:
Les Gens, les Gens, resveillez-vous !
Levez les yeulx, entendez nous !
Prouffit et Rentabilité
Ont volé Université !

L’Enseignant-Chercheur et l’Estudiant, crient plus fort, d’une seule voix :
Savoir, Liberté, Connoissance,
Literature, Histoire et Science,
N’ont plus aujourd’uy de quoy vivre :
On leur retire tous leurs livres(3) !

Les Gens se retourne dans son lit :
Quant cesserez vous ce tapaige ?
Or me prenez vous en otaige ! ?

L’Estudiant, L’Enseignant Chercheur:
Les Gens, sommeil n’est plus de mise !
La Crise ? Elle a bon dos la Crise !
(La Crise montre son bon dos)
Male Reforme est plein de Vices :
Educacion est au supplice !

Le Mètre du Monde entre avec ses rébânes. Il est tout petit. Il est suivi par ses serviteurs – on en reconnaît quelques-uns.

Les serviteurs, dans un jargon incompréhensible :
Gloria Rex, Metrus Mundi,
Gubernator, fax Populi,
Asinus Rex coronatus,
Christian Clavieri amicus,
Mutator Praefectorum
Et Dominus reformarum !

Le Mètre, à l’Estudiant et à l’Enseignant-chercheur:
Je vos ay oïs, bande de cons.

Les serviteurs : à l’Estudiant et à l’Enseignant-chercheur :
Il vos a oïs ! Comme il est bon !

Le Mètre, il présente Male Reforme : elle boîte, elle louche, vestue de guenilles ; dans sa main une bourse, petite et aux cordons bien serrés.
Moi j’dys : y’ a besoin de Reforme :
Regardez-la, elle est en forme.
(il montre Male Reforme, qui esquisse un pas de danse et tombe)
Moi j’dys, les bouquins c’est tres bien,
Mais pour les Gens y en a pas b’soin.
Pour bosser au supermarché,
Faut surtout aprandre a compter.

Les serviteurs :
Gloria Rex ommipotens,
Omnipresens, omnisciens !
D’Université Pourfendeur,
D’Educacion le fossoyeur !

Le Mètre :
Moi j’dys, celle Reforme est bonne :
C’est Educacion qui desconne !
J’ay pas d’argent a vous donner,
Pasquet Fiscal a tout piqué.
(Il montre Pasquet Fiscal, énorme, qui dort dans un coin)

L’Estudiant, l’Enseignant Chercheur :
Alez vos ant, Male Reforme,
Alons querir Bone Reforme !
Respect, Debat, Concertacion(4),
Democracie, Proposicion,
Videz hors celle sotte fole
Qui assotit tout nostre escole !

Respect, Debat, Concertacion, Democracie et Proposicion bottent le cul de Male Reforme qui s’enfuit. Entre Bone Reforme, de grace refulgente, montée sur un char tiré par deux ministres.

Le Metre du Monde, abandonné de ses serviteurs :
Moy j’dys faut toujours escouter :
Vous sçavez, j’ay beaucoup changé.

Estudiant :
Vos l’avez dict bien d’autres foys :
Vous nous faictes manger de l’oye !
Educacion est bien malade,
Pou de bien lui font vos salades.

Université, couronne le Metre d’un bonnet d’âne :
‘Un roy sans lettres, c’est ung faict,
Est comme un asne couronné’.
Vos le sçaurïez se vos estiez
Aléz a Université !

Bone Reforme, entourée de l’Estudiant, l’Enseignant-Chercheur, Debat, Concertacion, Proposicion, Democracie, Respect ; les Gens les a rejoints :
Male Reforme a faict son temps
Alons a son enterrement,
Puis mectons nostre entencïon
A relever Educacion.

Explicit.

1 Pièce allégorique, jouée surtout au 15ème et au début du 16ème siècles, mettant en scène, sous formes de
personnifications, les problèmes politiques du temps.
2 Notez la diérése, procédé poétique qui consiste à faire deux fois plus avec deux fois moins.
3 Variante : ‘vivres’.
4 Notez l’absence de diérèse.

Le 2 février l’université et les laboratoires s’arrêtent !

Le mot d’ordre qui a été lancé le jeudi 22 janvier lors de la coordination nationale des universités est historique. C’est la première fois que se réunissent dans un même mouvement unitaire et avec une détermination commune des enseignants-chercheurs, des chercheurs et des membres du personnel de l’enseignement supérieur très différents par leurs affiliations syndicales, politiques ou disciplinaires mais tous convaincus que la bataille qui s’ouvre les concerne tous et peut être décisive. Nous n’avons pas voulu cette épreuve de force. Elle nous est imposée par le gouvernement : par la loi LRU, que nous avons toujours dénoncée sans ambiguïté et qui, sous couvert d’autonomie, renforce les féodalités locales et paupérise les universités ; par sa conception du pilotage autoritaire et centralisé de la recherche et par le démantèlement des grands organismes de recherche ; par une obsession de la concurrence sauvage de tous contre tous (individus, formations, laboratoires, universités) au nom d’une politique de spécialistes du marketing au petit pied, qui étend indéfiniment la précarisation des chercheurs, des doctorants et post-doctorants et de tous les personnels de l’enseignement supérieur ; par ses pratiques de « concertation » marquée, selon la feuille de route de leur mentor présidentiel, par la conviction qu’il est bon d’écouter tout le monde mais qu’il ne faut pas en tenir compte ; par son obstination à vouloir agir contre la majorité de la communauté universitaire, quelles que soient les envolées lyriques d’une ministre qui connaît bien mal le monde de l’université et celui de la recherche ; par son discours affiché sur les résultats de la recherche et sur son prétendu déclin, au prix de travestissements grossiers de la réalité.

Nous n’avons pas voulu cet affrontement mais nous ne le refuserons pas. Nous demandons que le gouvernement retire son projet de « réforme » du statut des enseignants-chercheurs et sa « réforme » de la formation et du recrutement des enseignants mais aussi qu’il revienne partout sur ses décisions de suppressions de postes statutaires, qu’il renonce à son projet de modification de statut des doctorants, qu’il dise comment il entend lutter contre la précarisation croissante dans le monde de l’enseignement et de la recherche. Nous savons bien que de vraies réformes sont nécessaires sur certains des points évoqués mais si l’on veut qu’elles soient efficaces et légitimes, elles ne sauraient être mises en place contre l’avis de la plupart des acteurs concernés. Une discussion peut s’ouvrir sur n’importe lequel de ces sujets mais elle ne doit comporter aucun préalable et s’inscrire dans le cadre de négociations et non dans celui d’une concertation ministérielle n’engageant à rien.

L’éloge incessant de la concurrence et de la « culture du résultat » tente de mettre à bas la collégialité et dédaigne les logiques propres à la production comme à la transmission des connaissances, hors desquelles il n’est pas d’Université. Nous ne sommes pas face à une « réforme » de plus mais face à une volonté de mettre à bas l’université et les organismes de recherche au moyen d’une attaque violente. Face à cette agitation dangereuse et à ce mépris affiché qui prétendent définir une politique, nous répondrons avec la sérénité et la détermination de ceux qui veulent que l’Université puisse demeurer une fois que Monsieur Sarkozy sera parti.

Plus que jamais, tous ensemble

 

Sauvons l’université !

 

P.S. : Lundi 2 février, organisez dans ou devant votre établissement, non sans en avoir auparavant informé la presse, un “freezing” matérialisant, affiches à l’appui, l’arrêt de l’université.

Pourquoi Ségolène ?

Il y a quelque chose de commun entre Barack Obama et Ségolène Royal. Voilà deux personnages qui semblent venir d’ailleurs. D’un ailleurs où les politiciens encroûtés ne sont pas et n’auraient pas leur place. Et c’est pour cela qu’on les estime. Parce que justement, on voit bien qu’ils n’appartiennent pas totalement à la clique qui a fait de la politique son gagne-pain quotidien, son métier, sa routine…

Et voilà qu’ils s’avancent sans certitudes. Ils ne disent pas « je » comme l’autre qui promet tous les jours le contraire de la veille. « Yes we can », dit l’un. « Ensemble nous pouvons », dit l’autre. Simplement parce que personne ne possède la lampe magique pour annihiler les problèmes. Il y a cependant une attitude de les aborder, une manière socialiste ici, ou démocrate là-bas.

On a fait le même reproche à Barack Obama comme à Ségolène Royal: celui de n’avoir pas de programme. A la belle chose que les programmes électoraux et clientèlistes ! Les torchons de papier qu’on s’empresse de piétiner dès la première heure ou que la folie des grandeurs des pétroliers ou de la finance écrabouillent à la première occasion. Il n’y a donc pas d’autre solution qu’une adhésion et une participation fortes, massives à coté d’un leader, du moment, et qui promet au moins une chose: d’écouter le peuple.

« Ensemble nous pouvons ! »

« Yes we can ! »

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Le génocide et l’individualisme

Je regardais une rediffusion d' »Holocauste » sur la chaîne Histoire. Et voici de nouveau posée cette éternelle question: comment peut-on comprendre que des millions de juifs aient pu ainsi être assassinés sans pratiquement aucune résistance.
Le film montre de façon rapide le soulèvement du ghetto de Varsovie et l’étonnement des participants de constater qu’ils peuvent, même avec peu d’armes, causer des dommages à l’adversaire dès lors qu’ils son un peu groupés et organisés. Mais, au fond, ils savent bien qu’ils finiront vaincus notamment parce qu’ils ne sont pas assez nombreux.
Plus tard, est montrée, un peu sommairement, il est vrai, l’évasion du camp de Sobibor. Cette évasion a ceci de spectaculaire, c’est qu’elle est massive. Mais c’est ce nombre qui en fait la force et la réussite. La puissance de feu des gardiens n’est pas suffisante à la fois pour s’opposer aux armes, pourtant inférieures en nombre, des évadés et abattre tous ceux qui courent vers la sortie.
Ce qui fait la force de cette évasion, c’est évidemment le nombre, mais aussi le fait qu’elle réussit au prix du sacrifice d’un certain nombre de candidats à la liberté. A vrai dire, ce ne sont pas des individus qui s’évadent, mais une espèce qui survivra simplement parce qu’un nombre suffisant sera épargné.
Le contraste est grand avec tous ceux qu’on conduit résignés à l’abattoir. Mais alors pourquoi ne se soulèvent-ils pas en masse comme les prisonniers de Sobibor ?
Il y a, de mon point de vue, deux facteurs.
Le premier est l’absence totale d’organisation collective telle que serait un parti, une association ou un syndicat, par exemple. C’est ainsi que le parti communiste fut un élément structurant de la résistance française aux nazis, même s’il ne fut pas le seul. Le noyau structurant permet l’agrégation d’éléments auparavant isolés: ainsi se développent peu à peu groupes de résistance ou de partisans. Mais les membres découvrent vite que la survie du groupe transcende la survie individuelle. Il devient évident, comme à Sobibor, que tous ne survivront pas.
Le deuxième facteur est corollaire du précédent: c’est l’individualisme. Quand les personnes soumises aux arrestations imaginent leur salut individuel, elles n’en trouvent naturellement aucun, tant le rapport de force est en leur défaveur. Il ne reste plus qu’à espérer l’improbable qui ne survient naturellement pas. Alors qu’il eût suffi que des centaines de déportés se jettent sur leurs gardiens avant de monter dans les trains pour que l’évasion soit possible, au prix, naturellement d’un certain nombre de victimes. On sait bien qu’il y eut quelques spectaculaires manifestations d’isolés qui périrent et n’entrainèrent pas un ensemble suffisant d’individus qui ne constituaient pas une collectivité.
Mais il ne suffit pas de croire que « l’union fait la force ». La force de l’union vient de ce que chaque membre est disposé au sacrifice pour la collectivité. Cette union sacrée peut naître de l’idéologie commune. Elle peut découler aussi du désespoir commun.
Ceux qui nous gouvernent et pillent les richesses du monde prennent bien soin de ne pas désespérer trop de citoyens.

 

Notes d’économie politique  38 – 1er novembre 2008

Le vertige de l’homme

En ces temps de crise, de distribution de milliards et autres pantalonnades, je suis pris de vertige en considérant l’espèce.

Comment, par quels chemins, l’espèce humaine a-t-elle pu survenir, avec cette faculté supérieure de pouvoir gérer son développement ? Et le pouvoir de choisir entre l’amour et la haine, entre la charité et le mépris, entre l’homme et la femme, entre la guerre et la paix. Bien sûr, ces questions sont triviales. Chacun d’entre nous se les pose de temps à autre. Mais ces périodes de crises me semblent propices à mesurer à la fois le beau chemin et les sordides impasses.

L’occident et le christianisme ont probablement sinon inventé, au mois fixé l’humanisme en terme de règle morale et sociale fondamentale. Alors on se demande ce qui peut bien passer dans la tête d’un homme ou d’un groupe d’hommes qui ne pensent qu’à acquérir richesses et pouvoirs bien au delà de leurs besoins. Qu’est-ce qui déconne ?

Décidément cette race est mal finie.

Comment disait-il, l’autre ? Fini au pipi ?

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Travailleurs de tous les pays, unissez-vous !

nidieunimaitre.1224026404.jpgLe capitalisme vient de montrer, une fois encore, sa gueule noire qu’on résume ici et là comme privatisation des profits et collectivisation des pertes. Des années de dérégulation et de délire. Et voici que tout devient instable: le peu de richesse ou de bien être acquis au cours d’années de travail est en péril. L’emploi est en péril. Le quart monde est en grand péril.

nidieunimaitre.1224026404.jpgAlors, il est temps de rejoindre les structures qui permettront la lutte: groupes de réflexion libertaires et autogestionnaires et, faute de mieux, les syndicats et les partis.

 

nidieunimaitre.1224026404.jpgTravailleurs de tous les pays, ne restons pas contemplateurs et frileux. Seul, on n’est rien. Mais si nous sommes cent, mille ou un million, la face du monde peut être changée.

Jean-Claude et Moune

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Un petit salut à ce café qui se trouve Avenue Edouard Vaillant à Boulogne-Billancourt et qui ne saurait tarder à disparaître. Je serais prêt à parier que ce café a connu les Studios de Boulogne qui étaient pratiquement en face.

Atmosphère…