Crise : construisons des logements et des voies ferrées: avec des euros ou des francs ?

Crise : construisons des logements et des voies ferrées: avec des euros ou des francs ?

Un récent rapport de l’OIT mérite qu’on s’y arrête. Ce rapport incrimine la politique salariale de l’Allemagne qui serait la cause structurelle des difficultés récentes de la zone euro (cf. l’analyse parue sur le site de L’Expansion, le 24 janvier 2012)
Les gouvernements européens voient dans la déflation salariale une solution à la crise. C’est ce que proposera probablement Sarkozy en mettant à bas le dispositif des 35 heures ou en instaurant la TVA « sociale » pour faire baisser le coût du travail. Cette politique conduira automatiquement à un appauvrissement des salariés. Au mieux elle fera baisser le coût du travail. Au pire les dirigeants des entreprises et les actionnaires empocheront la différence.
Dans tous les cas de figure on aura donc une baisse du revenu disponible des salariés sans pour autant que le chômage diminue. On aura donc moins de recettes fiscales et moins de consommation avec le risque que les consommateurs se tournent vers les produits à bas prix et de qualité médiocre importés.
Le phénomène étant du type du serpent qui se mord la queue, la baisse entraînera le chômage et la baisse, et ainsi de suite.
A l’issue de la seconde guerre mondiale, tous les états étaient exsangues. Les USA étaient terriblement endettés. Les pays d’Europe étaient ruinés. Pour financer la nécessaire et urgente reconstruction des infrastructures (électricité, télécommunications, réseau routier et ferroviaire, logements), les états auraient pu recourir à l’emprunt. Mais il n’y avait pas de prêteurs à la hauteur. On a donc fabriqué de la monnaie. Avec cette monnaie fabriquée, on a financé ces travaux, largement demandeurs de main d’œuvre peu qualifiée. Il y avait donc du travail, donc peu de chômeurs à indemniser et de bonnes recettes fiscales. On a même dû recourir à la main d’œuvre étrangère.
Evidemment, la fabrication de monnaie générait de l’inflation. En France, on a navigué longtemps autour de 10%. On empruntait pour acquérir un logement à 14%.
Mais là, les serpents se mordaient la queue dans l’autre sens.
On pourra objecter que certaines monnaies se sont montrées plus stables que d’autres (le franc suisse, la livre sterling, le dollar). A cette époque, il était onéreux de passer ses vacances en Grande Bretagne, mais bon marché de se rendre en Espagne. Toutefois, dans ce relatif désordre, la France a construit ou reconstruit son réseau ferroviaire et routier, a construit des centaines de milliers de logements : industries de main d’œuvre, investissements publics productifs (encore, aujourd’hui, on considère qu’un logement construit, c’est 1,5 emplois !).
Aujourd’hui, les états ne battent plus monnaie, ce qu’avaient fait les rois et l’empire, pas fous, et la république, pas folle. C’est la BCE qui fabrique cette monnaie, mais qui, au lieu de la donner aux états la donne aux banques qui, au mieux, la prêtent aux états, au pire spéculent avec et se servent des bonus. Les états restent donc très endettés et ne peuvent pas engager des programmes de relance. Le fonctionnement de la BCE est inadapté, car elle ne peut donner à certains et pas à d’autres. Une banque nationale pourrait le faire pour certaines régions et pas d’autres, car il y a un minimum de solidarité. Mais la solidarité des pays de la zone euro est très faible. Donc, en l’état actuel du fonctionnement de la BCE, la seule solution serait de sortir de l’euro. Les pays qui ne sont pas dans la zone comme la Grande Bretagne ne s’en portent pas plus mal. Quant aux USA, ils font ce qu’ils veulent au mieux de leurs intérêts et cela leur réussit plutôt bien, même si la première crise des « subprimes » venait de ce pays.
Voilà où nous a conduit une construction européenne menés à bride abattue pour créer un vaste marché libéral et juteux pour certains, sans avoir pris soin de mettre en place, d’abord, un régime politique et social commun. La situation est sans issue, tant il faudra de temps pour le faire.
En attendant, il est urgent d’inverser le serpent par une politique de grands travaux d’intérêt collectifs. La différence de situation entre les pays européens conduit, pour le faire, à une solution que certains économistes considèrent comme inexorable : la rupture de la zone euro.

Notes d’économie politique 71 – 26 janvier 2012

Bakounine