Archive dans 9 novembre 2010

Tous les deux mois dans une moissonneuse batteuse

livre_pinglaut.1289334531.jpgDans le langage des campagnes, on dit une « moissbat ». Une moissonneuse batteuse se déplace sur le champ de céréales, coupe, plie, écrase, et restitue le grain d’un côté et la paille de l’autre.

Tous les deux mois, je livre mon corps, à l’auteur du livre ci-joint. Cela se passe le matin, vers 8H20. Debout, assis, couché sur le ventre ou sur le dos, je subis diverses avanies façon étirements, pliages, et autres torsions et ratatinages. Heureusement, nous avons une conversation instructive, ce qui m’évite de porter une trop grande attention aux sévices dignes de la Sainte Inquisition qui me sont infligés (excepté le brodequin, l’entonnoir et le fer rouge).

A la fin, il me prie de me mettre debout, ce que je fais à grand peine. Il regarde son œuvre. Comme c’est de dos, je crains le pire, car il ne me dit rien, sauf « rhabillez-vous ». Chance. Les sujets de la Sainte Inquisition n’ont pas la possibilité de se rhabiller car les morceaux de leur corps sont épars, ici ou là. Moi, j’en sors entier.

C’est là que commence ma dure journée où j’ai l’impression d’avoir été avalé et charquepouillé par une moissonneuse batteuse. Ce qui me console c’est que mon bourreau est essoufflé. Chacun sa croix !

De deux choses l’une, me dit-on. Ou bien je suis masochiste, ou bien cela sert à quelque chose. Bon, je suis un peu masochiste, mais pas à ce point. Alors, je dois bien reconnaître que cela sert effectivement à quelque chose.

 

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Mélenchon: pourquoi pas ?

melenchon.1289663167.jpgLe point de doctrine qui fait toute la différence avec les autres est sa rupture avec l’économie de marché.

Car les socialistes, tout socialistes qu’ils sont, ne l’ont pas rejetée. Ce qui fait d’eux des tenants du libéralisme économique dont on a vu récemment les effets dévastateurs. Ce qui les conduira, s’ils parviennent au pouvoir, à atténuer par des mesures sociales les conséquences du capitalisme sauvage qui sévit ces temps ci sur la planète.

Mélenchon est ce que les communistes auraient pu être s’ils avaient été plus marxistes que staliniens. Et comme ni Lénine, ni Staline, ni Mao, ni tous les autres, étaient plus intéressés par la dictature que par les idées de l’auteur du Capital, les communistes se sont écrabouillés avec l’Est.

Ce n’est pas un hasard si Mélenchon fait bande avec ce qui reste des communistes. Cela ne les enthousiasme probablement pas, mais c’est probablement leur seule manière d’encore exister.

Du coup la frontière n’est pas entre les socialistes et le centre et la droite, elle est entre les socialistes et le Parti de Gauche. Ce dernier pourra trouver quelques alliances avec le NPA et certains « verts », notamment ceux qui sont bien pénétrés de la nécessité d’un changement altermondialiste. Et, de ce point de vue, il est probable qu’Eva Joly est moins loin de Mélenchon que de Strauss-Kahn

Mélenchon est-il « populiste » ?

« Le populisme met en accusation les  élites ou des petits groupes d’intérêt particulier de la société. Parce qu’ils détiennent un pouvoir, le populisme leur attribue la responsabilité des maux de la société : ces groupes chercheraient la satisfaction de leurs intérêts propres et trahiraient les intérêts de la plus grande partie de la population. Les populistes proposent donc de retirer l’appareil d’Etat des mains de ces élites égoïstes, voire criminelles, pour le « mettre au service du peuple ». Afin de remédier à cette situation, le leader populiste propose des solutions qui appellent au bon sens populaire et à la simplicité. Ces solutions sont présentées comme applicables tout de suite et émanant d’une opinion publique présentée comme monolithique. Les populistes critiquent généralement les milieux d’argent ou une minorité quelconque (ethnique, politique, administrative etc.), censés avoir accaparé le pouvoir ; ils leur opposent une majorité, qu’ils prétendent représenter. » (Wikipedia )

Voilà un populisme qui ne manque pas d’attraits.

DSK ? Une bulle politique

dsk.1289663308.jpgDans Le Monde date des 24-25 octobre, Jean-Pierre Dupuy publiait un point de vue qui ne manque pas de susciter des interrogations : « DSK, une bulle politique », et en commentaire : « Il est le favori de tous les sondages, qui le propulsent en tête des candidats de gauche. Et si Dominique Strauss-Kahn n’était qu’une création médiatique, une valeur surcotée ? » (1).

L’auteur s’interroge sur la légitimité réelle de la probable candidature de l’actuel Directeur Général du Fonds Monétaire International. En économie, l’écart entre la valeur intrinsèque d’un bien et sa valeur marchande est nommé « une bulle ». Alors, DSK vaut-il ce qu’on dit de lui ? Une part de cette valeur est à rapprocher de ce qu’en dit la presse ou les thuriféraires qui le soutiennent. Mais il est évident que rien dans ces messages ne peut correspondre à une analyse rigoureuse et scientifique.

Naturellement, personne ne songe à nier les compétences théoriques de l’intéressé (HEC, IEP, Doctorat, professorat, etc…). Encore que ses publications dans des revues scientifiques n’en témoignent pas. Technicien de l’économie, alors ?

Alors, l’auteur pointe « l’écart abyssal » entre les jugements portés en France et à l’étranger, sur son action. Lesquels jugements pointent et stigmatisent les actions sévères pour les pays en difficulté comme la Grèce ou la Lettonie. Les réactions sont sans appel : « Les avis du FMI sont-ils meilleurs que ceux d’un ivrogne dans la rue ? » (Dean Baker, codirecteur du Center for Economic and Policy Research);   « Des cinglés aux commandes » (Paul Krugman, prix Nobel d’économie).  On va même jusqu’à suggérer que ses décisions au FMI n’ont pas d’autre objet que de faire les titres des journaux français. (New-York Times, 11 mai 2010). Paradoxalement, il n’est pas question de ces controverses dans la presse française.

« La bulle DSK, conclut l’auteur, s’est formée comùme toutes les bulles. L’ignorance et la manipulation ont joué leur rôle, mais aussi la mécanique spéculaire du désir et de la fascination.

Et s’il est très peu probable que Dominique Strauss-Kahn soit un homme de gauche (2), il faudra y regarder à deux fois avant d’en faire le candidat « providentiel » contre Nicolas Sarkozy !

1- Voir: Arrêt sur images (l’article du Monde n’est visible que par les abonnés)

2-  Voir: Le monde selon Cyrano

Quand le supercapitalisme menace la démocratie

Thierry Ternisien, Mediapart, 6 juin 2008

Début 2008 était publié aux éditions Vuibert, dans une excellente traduction et avec un appareil critique complet (index, notes), un livre dont je m’étonne qu’il n’ait pas rencontré plus d’écho. Professeur de politique publique à l’université de Californie à Berkley, ancien secrétaire d’Etat à l’emploi sous la présidence de Bill Clinton, Robert Reich s’attaque pourtant à une question fondamentale. « Et si le capitalisme d’aujourd’hui signait l’arrêt de mort à petit feu de la démocratie ?». A travers six chapitres (l’âge pas tout à fait d’or, le supercapitalisme en gestation, le grand écart, la démocratie malade, la politique détournée de sa vocation, guide du supercapitalisme à l’usage du citoyen) Reich décrit et analyse comment le capitalisme du milieu du XIXe siècle s’est transformé en « capitalisme global » puis en « supercapitalisme ». Mais alors que ce supercapitalisme permet d’agrandir encore le gâteau économique, la démocratie, elle, qui se soucie de l’ensemble des citoyens est, sous son influence, de moins en moins effective.

Approximativement entre 1945 et 1975, l’Amérique avait trouvé, selon Reich, un compromis remarquable entre capitalisme et démocratie. Il combinait un système économique très productif et un système politique qui répondait dans une grande mesure aux besoins des citoyens. Cette époque était caractérisée par une production de masse (avec économies d’échelle et entreprises géantes), un partage des profits entre les parties prenantes (entreprise, fournisseurs, distributeurs, salariés), et un gouvernement qui protégeait la capacité de négociation de ces parties prenantes et qui réglementait l’accès aux biens communs (chemins de fer, téléphone, gaz et électricité et plus largement énergie).

Depuis la fin des années 1970 un changement fondamental s’est produit dans le capitalisme démocratique américain. Ce changement s’est propagé par ondes successives au reste du monde. La structure de l’économie a évolué vers des marchés infiniment plus concurrentiels. « Le pouvoir est passé aux consommateurs et aux investisseurs ». Les nouvelles technologies, issues de la guerre froides sont à l’origine de ce changement à travers :

· Le développement de la mondialisation avec la création de chaînes d’approvisionnement mondialisées rendues possibles par l’utilisation des conteneurs, tankers et des nouvelles techniques d’informations et de communication). Cela a aussi permis à la grande distribution d’agréger le pouvoir de négociation des consommateurs et de pressurer les fabricants pour en obtenir des prix toujours plus bas. Enfin le lien entre performance des entreprises américaines (de plus en plus mondialisées) et le bien-être des citoyens américains s’est rompu.

· Le développement de nouveaux processus de production de plus en plus informatisés , avec la fin des économies d’échelles, l’apparition de vendeurs multiples et la concurrence des oligopoles par des producteurs spécialisés.

· Le développement de la déréglementation dans les domaines des télécommunications, du transport aérien, de l’énergie mettant fin aux péréquations et aux subventions croisées. Enfin la déréglementation financière s’est accompagnée de l’agrégation par les fonds de pension et mutuels des investisseurs individuels qui ont contraint les entreprises à des rendements de plus en plus importants.

L’économie américaine est maintenant caractérisée par ce que Reich appelle « le grand écart ». Avec une économie devenue de en plus productive (triplement du PIB, un Dow-Jones multiplié par 13) et un revenu médian qui a stagné (si il avait progressé au même rythme que la productivité, ce revenu serait supérieur de 20 000 dollars par an à celui constaté aujourd’hui). Avec un désengagement des entreprises dans le domaine de la protection sociale de leurs salariés (18% leur fournissent couverture sociale complète en 2006 contre 74% en 1980) et de leurs retraités (un tiers des entreprises de plus de 200 salariés fournissent une assurance sociale en 2006 contre deux tiers en 1980). Avec une captation accrue de la richesse par les couches supérieures. En 2004, 16% du revenu intérieur bénéficie à 1% des contribuables (deux fois plus qu’en 1980) et 7% de ce même revenu à 0,1% des contribuables (trois fois plus qu’en 1980). Enfin, là où un PDG d’une grande entreprise gagnait, en 1980, 40 fois le salaire moyen de ses salariés, il gagne, en 2001, 350 fois ce salaire moyen et même, en 2006, pour le PDG de General Motors, 900 fois.

La démocratie américaine est elle malade. Les marchés répondent avec une efficacité redoutable aux désirs individuels, ils ne répondent pas aux objectifs collectifs. Les citoyens sont devenus inaudibles. Ne bénéficiant plus des institutions qui agrégeaient leurs pouvoirs de négociation, leur voix est couverte par le vacarme des entreprises et lobbies de toute sorte. Le processus politique est devenu une extension du champ de bataille qu’est le marché. Les entreprises sont entrées dans une concurrence de plus en plus farouche pour arracher des décisions politiques leur conférant un avantage concurrentiel conduisant à une véritable OPA du monde de l’entreprise sur celui de la politique. Avec un rôle croissant de l’argent des grandes entreprises dans la politique. Avec des entreprises et coalitions qui se présentent volontiers comme défenseurs de l’intérêt général, qui définissent ce que sont les « grands problèmes du moment » et qui financent des experts pour parer d’une apparence rationnelle des arrangements confortables (conduisant à une véritable « corruption du savoir »). Avec des politiques publiques jugées à la seule aune d’un calcul utilitaire permettant de déterminer si elles sont susceptibles d’améliorer la productivité de l’économie. Avec des responsables politiques qui s’intéressent de moins en moins aux questions de justice et d’équité sociale, alors que les inégalités se creusent, qui « représentent » les consommateurs et investisseurs, et de moins en moins les citoyens.

Pour Reich il est devenu indispensable de séparer capitalisme et démocratie et de monter une garde attentive sur la frontière entre les deux. L’enjeu est d’établir de nouvelles règles susceptibles de protéger et promouvoir le bien commun et d’empêcher le supercapitalisme de prendre la politique en otage, établissant un juste équilibre entre les intérêts des consommateurs, des investisseurs, des citoyens, de la société. Pour lui, le supercapitalisme a définitivement rendu illusoire la promesse jamais tenue de la démocratie d’entreprise. L’entreprise résiste à tout ce qui pourrait avoir un impact négatif sur ses résultats, accorde peu de priorité à tout ce qui ne les conforte pas. L’entreprise ne peut pas faire de social sans imposer un coût supplémentaire aux consommateurs (prix) et investisseurs (rendements) qui iront voir ailleurs. L’entreprise a pour obsession de créer de la valeur pour l’actionnaire et non de pratiquer la vertu sociale. L’entreprise voit ses résultats attendus mesurés par le niveau du cours de l’action alors qu’aucun étalon ne mesure la façon dont elle sert les autres parties prenantes.

Robert Reich conclut son livre par un « guide du supercapitalisme à l’usage du citoyen » et par une dernière phrase digne d’Hannah Arendt. «La première étape, et souvent la plus difficile, est de penser juste ».

Considérant que la concurrence débridée, mère du supercapitalisme, s’est propagée à la sphère politique et que les entreprises ne sont pas des personnes mais des « collections d’accords contractuels », Robert Reich préconise de mettre en place une cloison étanche entre le capitalisme, qui optimise la satisfaction du consommateur et de l’investisseur et la démocratie qui permet d’atteindre collectivement des objectifs inatteignables individuellement. Si on veut que les entreprises jouent autrement, il faut modifier le jeu qu’elles jouent en en changeant les règles. La démocratie est le meilleur outil pour changer ces règles et pallier aux conséquences sociales désastreuses : enrichissement des plus riches, appauvrissement des plus pauvres, précarisation de l’emploi et des communautés locales, dégradation de l’environnement, violation des droits de l’homme, produits et services flattant nos instincts les plus bas. Loin de l’angélisme des technocrates et politiques européens, Reich considère que les entreprises ne sont pas faites pour décider de ce qui est socialement vertueux, et qu’elles sont incapables de délivrer efficacement des services qui par leur nature même sont publics. Pour lui, les législations américaines et européennes peuvent contrôler une partie importante du comportement des entreprises mondiales, plus efficacement que les appels à la responsabilité sociale.

Mettre les universités en déficit !

Le passage aux Responsabilités et compétences élargies ou comment mettre les universités en déficit

Si l’on en croit Angel Gurría, secrétaire général de l’OCDE, qui s’exprimait lors d’une conférence de presse le 4 juin 2009, le passage des universités à l’autonomie, l’autre nom des Responsabilités et compétences élargies (RCE), constitue l’une des réformes «structurelles les plus importantes engagées par la France ces dernières années»… Devant le Sénat le 4 juillet 2007, la ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Mme Valérie Pécresse, la qualifiait de « socle même de la réforme du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche ». Pour le dire autrement, le passage aux RCE, c’est toute la loi LRU et rien que la loi LRU, sa finalité mise à nue.

Alors que cette loi continue d’être contestée par la grande majorité des membres de la communauté universitaire, nombre de présidents continuent de célébrer le passage à l’autonomie de leurs établissements, souvent avec l’aide de journalistes complaisants qui voient là un moyen commode de fustiger l’archaïsme de l’ordre ancien et d’annoncer des lendemains qui chantent, célébrant chaque nouvelle année en dressant la liste des nouvelles universités autonomes, entrant de plain pied dans la modernité libérale. Claude Condé, président de l’université de Franche-Comté, s’est même fendu d’une brochure pour expliquer les changements. En une formule, il résume les enjeux des RCE pour les universités et les universitaires : « ce passage signifie avant tout un état d’esprit ».

L’expression est intéressante pour un changement qui, de prime abord, semble technique. Les RCE, c’est avant tout la gestion des ressources humaines et de la masse salariale allant avec, y compris celle des fonctionnaires d’État. Cette autonomie est toutefois encadrée. Le décret 2008-618 du 27 juin 2008 stipule en effet que « l’enveloppe consacrée à la masse salariale est assortie d’un plafond d’autorisation de l’ensemble des emplois rémunérés par l’établissement et d’un plafond d’emplois fixé par l’État relatif aux emplois financés par l’État ». En clair, il n’est pas question de créer de nouveaux fonctionnaires. En revanche, grâce à la LOLF, il est possible de redéployer les crédits entre les trois grandes enveloppes, personnel, fonctionnement et investissement. À ceci près, fongibilité asymétrique oblige, que celle des dépenses de personnel ne peut être abondée. Elle ne peut que diminuer…

Mais qu’on se rassure, cette nouvelle autonomie (L. 954-3) permet au président de recruter en CDD ou en CDI des emplois BIATOSS de catégorie A, ainsi que des enseignants, des chercheurs et des enseignants chercheurs ; après avis du comité de sélection, ce qui ne peut que rassurer… L’autonomie (L. 954-2), ce sont aussi les primes dont l’attribution est placée sous la responsabilité du président, prime d’excellence scientifique comprise, selon des règles définies par le conseil d’administration. Pour la ministre, qui elle aussi a fait réaliser une belle brochure pour vanter les mérites des universités autonomes, cette politique indemnitaire permettra de reconnaître l’engagement des personnels au sein de leur établissement. Au détail près, qu’aucune dotation complémentaire n’est prévue. L’autonomie consiste donc à imposer aux universités de redistribuer leurs ressources, appauvrissant les uns et enrichissant les autres, à instaurer une guerre permanente entre les personnels. Tout un état d’esprit…

Mais les joies de l’autonomie ne s’arrêtent pas là. Les RCE organisent en effet un transfert de charges dont les effets commencent à peine à se faire sentir. Désormais autonomes, les universités comptant moins de 6% de personnel handicapé doivent une « amende » renforcée aux FIPHFP (Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique). Paris-Descartes versait 20 000 euros par an. À partir de 2010, le versement est de 400 000 euros, sans compensation prévue par l’État. Autre mauvaise surprise, le capital décès : « Lors d’un décès de l’un de nos personnels, l’université devra verser à sa veuve ou son veuf un an de salaire. Jusqu’à présent, c’était l’État qui le faisait pour les fonctionnaires. Ce capital décès, par nature très aléatoire et non prévisible, ne sera pas non plus compensé. Ou encore, le ministère part sur une base d’un GVT (glissement vieillesse technicité [changement d’échelon]) égal à zéro. Mais, selon les établissements, il pourra être positif ou négatif » (source dépêche AEF n° 104896 du 20/11/08). À cela, s’ajoute naturellement la certification des comptes, sans doute 100 000 euros annuels pour notre université (entre 80 000 et 200 000 euros pour l’université de Nantes), la paie à façon (c’est-à-dire la facturation de l’édition des bulletins de salaire)…

Bref, le gouvernement voudrait organiser les difficultés financières des universités qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Mais, objectera-t-on, ce passage aux responsabilités et compétences élargies ne pourrait-il pas constituer un encouragement à accroître les ressources propres des universités ? Pourquoi ne pas mettre en débat l’augmentation des droits d’inscription ? Au-delà du caractère scandaleux que représenterait une telle proposition, rappelons qu’ils représentent aujourd’hui 10% des recettes d’exploitation des universités et… que « leur montant est défalqué de la dotation globale de fonctionnement versé par l’État aux universités » (v. rapports Sénat n° 382, 10 juin 2008, p. 11 et Ass. Nat. n° 996, 25 juin 2008, p. 13). Il restera donc à aller séduire les collectivités territoriales et les entreprises privées, en espérant conserver notre liberté pédagogique et scientifique. Sans doute, à ce moment-là, examinerons-nous de façon différente les propositions qui ne manqueront pas de venir, comme celle que notre collègue Bernard Buron, directeur de l’UFR Arts et Sciences Humaines de l’université de Tours a reçu l’année dernière : « la Préfecture […] recherche des spécialistes, historiens par exemple, compétents pour participer aux débats sur le thème de l’identité nationale qui seront organisés à Tours, Loches et Chinon »…

Les conséquences des RCE ne se font du reste pas attendre. L’université de Limoges n’avait pas tardé à voter ce passage puisqu’elle figurait parmi les vingt premières, autonomes, le 1er janvier 2009. Enfin libre, cet établissement découvre avec stupeur l’année suivante qu’il a trop dépensé pour sa masse salariale. Jacques Fontanille, son président, a-t-il brutalement quintuplé les primes ? Bien sûr que non. Les effets du GVT ont simplement été mal évalués. En clair, il y a eu trop de promotion et d’ancienneté à Limoges. Et brutalement, 1,3 millions d’euros à trouver. Bon prince, le ministère en compensera… une partie seulement! Il a donc fallu trouver des marges de manœuvre. Gageons que le choix ne fut pas difficile. « Nous avons décidé de geler une dizaine d’emplois pendant un an et d’étaler sur un ou deux ans l’augmentation de l’indice indemnitaire négocié par les syndicats des personnels BIATOSS au niveau national » (source, Le Populaire, samedi 30 octobre). Le communiqué de l’intersyndicale locale ne s’y est pas trompé : « Ces décisions révèlent que le pilotage de l’université est en fait commandé par des facteurs extérieurs. L’autonomie en trompe-l’oeil consiste de la sorte à appliquer la politique de rigueur décidée au niveau gouvernemental ».

Gérées comme des entreprises, privées des ressources qui leur seraient nécessaires, les universités sont à présent sommées de payer plus pour chercher et enseigner moins. Car dans quels secteurs réaliser des économies, sinon dans celui de la recherche fondamentale en particulier en Lettres, Sciences Humaines et Sociales ? Comment équilibrer leur budget sans réduire l’offre de formation, en s’attaquant en priorité aux filières qui ne s’adapteront pas aux exigences du bassin d’emploi ? L’autonomie (les RCE) ou comment forcer les universités à trahir leurs missions fondamentales.

Christophe Pébarthe, maître de conférences en histoire grecque à l’université Bordeaux 3

Médiapart, 2 novembre 2010

Service public, journalisme et décadence

La sotie de Gérald Dahan du 27 octobre vogue sur l’Internet. On le voit et on l’y entend énoncer plein de vérités sur un ton si stupide que Michèle Allot-Marie, invitée de cette « Matinale », le contemple avec un air désolé en train de faire l’andouille. Car il fait l’andouille, sans nuances aucune, sans litote ni métaphore. Le propos est nul.

Et pourtant…

Et pourtant tout ce qu’il dit aurait pu faire l’objet de belles et intéressantes questions posées par les journalistes qui n’aborderont aucun de ces sujets. Et si, comme il est probable, les journalistes n’osent plus poser des questions qui risquent de fâcher, alors notre démocratie est très malade. Voici qu’on ne pourrait plus aborder les vrais sujets autrement que le faisaient autrefois les fous des tyrans.

Il est temps que les journalistes se réveillent et aillent prendre quelque cours de courage politique !

Salvador Allende, O.N.U., 1972

« Nous sommes face à un véritable conflit entre les multinationales et les états Ceux-ci ne sont plus maîtres de leurs décisions fondamentales, politiques, économiques et militaires à cause de multinationales qui ne dépendent d’aucun état. Elles opèrent sans assumer leurs responsabilités et ne sont contrôlées par aucun parlement ni par aucune instance représentative de l’intérêt général. En un mot, c’est la structure politique du monde qui est ébranlée. Les grandes entreprises transnationales nuisent aux intérêts des pays en voie de développement. Leurs activités asservissantes et incontrôlées nuisent aussi aux pays industrialisés où elles s’installent. »

Drame de Clichy-sous-Bois : le parquet fait appel du renvoi des policiers devant le tribunal

Dans certains pays la justice était aux ordres: Espagne de Franco, Chili de Pinochet, Portugal de Salazar, Italie de Mussolini, Allemagne d’Hitler, URSS de Staligne à Brejnev et tous les pays du bloc communiste.

Des pays où il faisait bon vivre.

On peut aussi ajouter la Chine, la Corée du Nord, la Birmanie, l’Iran… Etc.

Des pays où il fait bon vivre.

Ce que la mastérisation signifie

Sauvons l’université !
Newsletter n° 29 – 24 octobre 2010

1.Constats

Depuis la rentrée, la réforme de la formation des enseignants, dite « mastérisation », a retrouvé une place dans les medias et dans les débats. Ceux qui, il y a encore quelque temps, la considéraient au mieux comme un non-sujet s’étonnent des ravages que produit la nouvelle organisation de la première année des lauréats des concours de recrutement. Commencé au début de l’année 2008, un mouvement de contestation de ladite réforme – d’abord minoritaire et extérieur aux syndicats – a rallié peu à peu à lui l’ensemble des acteurs de la formation dans un front large et aux motivations variées (des présidents d’université aux syndicats, des enseignants aux étudiants, des amoureux de la pédagogie et de la didactique aux chantres des disciplines). Face à ce consensus rarissime dans le monde de l’éducation, la surdité du gouvernement a été totale et sa réponse aux critiques a consisté en un passage en force – quitte à prendre des libertés avec la légalité comme l’illustrent le non respect du Code de l’éducation et les atteintes à la définition réglementaire du Master. Le tout a été enrobé d’annonces non suivies d’effets, relevant parfois de mensonges purs et simples : il suffit de songer à la prétendue concession selon laquelle un tiers du temps de travail serait consacré à la formation, alors que la plupart des jeunes collègues se retrouve à ce jour devant des classes pendant 15 à 18 heures par semaine.

La souffrance et l’exaspération de ces milliers de nouveaux enseignants servant de cobayes constituent le cœur des témoignages de ces dernières semaines. S’il est important que cette souffrance soit exprimée et relayée, le risque existe toutefois que l’analyse soit réduite à une dramatisation jouant sur le pathos dont les jeunes collègues eux-mêmes ne veulent pas. Pire, en perdant de vue la responsabilité du gouvernement dans cette situation, on en arriverait vite au simple constat que ces nouveaux enseignants n’ont pas été bien formés ou que les modalités de leur recrutement sont décidément trop éloignées de la pratique du métier qui les attend ! À ce jeu de la mauvaise foi, les universités formatrices ou les concours recrutant pourraient bien se retrouver dans l’œil du cyclone. Dans ce renversement, d’un côté, les ministères se laveraient les mains de ce qu’ils ont créé de toutes pièces pour en faire une arme contre ceux-là même qui ont tenté de leur résister. De l’autre, n’en viendraient-ils pas à affirmer que, puisque les concours n’apportent rien de plus à une formation qu’il convient de concentrer sur les improbables « Masters d’enseignement », le Master pourrait bien pour le coup rendre à terme le concours inutile ?

Une telle situation engage à ne pas perdre de vue le rôle clé que joue la « mastérisation » dans un projet beaucoup plus vaste concernant les diplômes nationaux de Masters, et dont l’enseignement primaire et secondaire est l’un des laboratoires privilégiés. De fait, au-delà de la politique délétère de suppression massive de postes, on trouve, parmi les effets collatéraux de la « mastérisation », les véritables objectifs, inavoués, de la réforme : la redéfinition de la nature des diplômes et des articulations entre le premier cycle et les cycles suivants. Cet objectif est d’autant plus probable qu’il règne un flou total sur le fondement juridique des diplômes de Master instaurés par la mise en place en France du LMD au début de la présente décennie. L’arrêté du 25 avril 2002, très vague, signé à la hâte par un ministre sur le départ (J. Lang) est actuellement encore le seul cadre juridique de référence pour les Masters. Il distingue selon leur finalité, deux types de Masters, (article 2), exclusifs l’un de l’autre : Master « professionnel » ou Master « recherche ». Cette distinction est établie pour le M2, l’année de M1 étant indifférenciée. Nombre de maquettes sont déjà loin de ce cadre mais le phénomène ne peut qu’être amplifié par la « mastérisation » des concours, conduisant à consacrer, de fait, l’année de M1 à la préparation des écrits des concours et l’année de M2 aux stages ainsi qu’à la préparation de l’oral, malgré le maintien de façade d’une finalité recherche, ce qui impliquerait, selon l’arrêté, un travail d’écriture scientifique conséquent. La question de la place de la recherche dans la formation des enseignants est donc posée, nous y reviendrons. Bien plus, à terme, mettant en évidence certaines des contradictions du système LMD, le processus ainsi enclenché pourrait bien conduire à détruire le caractère national des diplômes (d’abord au niveau Master) au profit de diplômes d’établissements.

2. Nouveaux Masters, vieilles impostures

De plus en plus clairement, ces nouveaux Masters des métiers de l’enseignement et de la formation apparaissent ainsi pour ce qu’ils sont : de lourds dispositifs incapables d’assurer une formation efficace au métier d’enseignant, non plus qu’une véritable initiation à la recherche. Leur création a pour effet de construire, sur le papier, des diplômes professionnels non plus de trois ans mais de cinq ans, contrairement à ce qui était le modèle dominant. Cela ne va pas sans de nombreux flottements dans la définition de leurs caractéristiques, ce qui conduit à une très grande diversité d’interprétation du croisement des modèles de référence selon les universités, faisant éclater tout cadre national dans la formation des enseignants. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche en est même réduite à nommer un comité de suivi pour examiner l’offre, plus que variée et incohérente, de formation.

De manière plus structurelle, cette évolution vers l’affichage d’une professionnalisation plus accentuée des formations universitaires s’inscrit largement dans la réponse majoritairement apportée par les politiques universitaires pour répondre à la deuxième vague de massification de l’enseignement supérieur – amorcée depuis les années 1990 et conséquence logique de l’augmentation de la proportion d’une classe d’âge obtenant le baccalauréat. On se réjouirait d’une véritable augmentation du nombre d’années de formation et d’une élévation potentielle de la qualification des étudiants. Cependant, on est fondé à douter de la réalité de la chose à trois titres au moins. D’abord, malgré les objectifs affichés et les effets d’annonce, ces Masters ne permettent pas d’assurer une réelle professionnalisation des étudiants aux métiers de l’enseignement. La formation didactique et pédagogique dans ces diplômes reste en grande partie de fait déconnectée de la pratique de terrain. Pis, le ministère de l’Éducation nationale conseille lui-même d’utiliser les étudiants qui sont appelés à dispenser 108 heures d’enseignement au sein de leur Master comme des moyens de remplacement, simples bouche-trous conjoncturels, ce qui n’a rien de commun avec une véritable formation. Cette réforme conduit donc à accentuer cela même qui a pu être reproché aux IUFM : une formation trop théorique éloignée des réalités du terrain. Ensuite, ces nouveaux diplômes évacuent largement ce qui fait le propre d’une formation universitaire : l’articulation avec la recherche. Ainsi réussissent-ils le tour de force de ne pouvoir être réellement professionnalisants ni de permettre une véritable initiation à la recherche dans le cadre imposé (malgré l’ingéniosité des collègues) (voir plus loin). Enfin, ils ne permettent pas une meilleure insertion professionnelle ; produisant, d’une part, une nouvelle catégorie : « les reçus collés » et soumettant, d’autre part, la nomination comme fonctionnaires-stagiaires des reçus aux concours à des conditions supplémentaires désormais extérieures à ces derniers : la réussite au diplôme de Master (Voir sur ce sujet les recours en annulation déposés par SLU, SUD-Éducation, la FCPE, SUD-Étudiant, l’AGEPS et autres contre l’arrêté du 28 mai 2010) – sous peine de perdre, au bout d’un an, le bénéfice de la réussite aux concours. Les postes sont déjà en forte baisse, les nominations pourront l’être encore davantage….

Les Masters dits « en alternance » annoncés par Luc Chatel sont-ils une solution plus satisfaisante ? Ce dispositif peut être développé dans le cadre réglementaire actuel pour les concours (en M2 ou après le M2, voir la circulaire du 13 juillet 2010). Il conduit à utiliser les étudiants qui sont assistants d’éducation comme moyens de remplacement à tout faire pendant leurs années de Master en alternance (« formation sur le tas »), ce qui servira à « justifier » pour les étudiants ayant réussi le concours, le « stage » d’une année à plein temps. Quant à la majorité des étudiants qui n’auront pas de concours et seront seulement diplômés, le ministère de l’Éducation nationale explique qu’il est possible de les « fidéliser » et une fois le Master en poche, de les recruter comme « agents non titulaires » comme l’indique la circulaire du 14 octobre 2010 sur « l’amélioration du dispositif de remplacements des personnels enseignants dans les établissements d’enseignement du second degré ». Dans cette perspective, le concours devient tout à fait superflu. Si ces Masters en alternance appartiennent à la catégorie Master professionnel, un rapport de stage plutôt qu’un mémoire peut suffire. Cerise sur le gâteau, le statut d’apprentissage induit par les Masters en alternance présente l’intérêt de pouvoir faire financer les étudiants non par des bourses du MESR mais par la région, ce qui va tout à fait dans le sens de la « décentralisation » sarkozyenne.

Une telle réforme de la formation des enseignants ne laisse pas de bouleverser également l’école primaire, le collège et le lycée. La « mastérisation » prépare les étudiants à devenir des « animateurs » de classe plus que des professeurs. La dégradation de la formation engendrée par un dispositif mal conçu mène ainsi les jeunes professeurs à adopter des situations défensives relevant d’une simple gestion empirique de l’urgence. La modification importante de la nature des épreuves des concours est l’un des ressorts de cette évolution : ils encouragent le bachotage de vastes questions, sans approfondissement des démarches propres aux métiers ou aux disciplines spécifiques des enseignants, se souciant en revanche de vérifier a priori la compétence des candidats à « agir en fonctionnaire de l’État, de façon éthique et responsable ». Ce qui est en jeu, c’est la réalisation d’une sorte de bloc indistinct du premier degré au collège, sans guère de différenciation disciplinaire, au profit d’un ensemble de « compétences ». Il n’est pas alors nécessaire de construire un cadre permettant une formation de qualité des enseignants car on peut se demander par ailleurs s’il ne s’agit pas avant tout de « gérer des groupes », comme le laissent pressentir d’actuelles actions de formations organisées dans les académies.

3. Formation, recherche, enseignement et responsabilités

Paradoxalement, si, à propos de la réforme actuelle de la formation des enseignants, l’on a toujours beaucoup critiqué, à juste titre, le manque de professionnalisation ou de travail sur le terrain dignes de ce nom, la place de la recherche non dans les Masters mais dans la formation des enseignants a été peu évoquée, comme si s’était peu à peu installée l’idée que celle-ci n’est pas nécessaire à une bonne formation des enseignants. Or, si le remplacement de l’année de formation – avec décharge et formation en IUFM – par des pseudo-stages, plus aptes à décourager les candidats qu’à les préparer, a détruit toute formation pratique à l’enseignement, la seconde victime de cette réforme est la formation par la recherche, et ce à deux niveaux : d’abord, en réduisant à néant le travail d’élaboration et de rédaction d’un mémoire de recherche antérieur à la préparation du concours ; ensuite en retirant toute dimension de recherche à la préparation aux concours. Initier à la recherche par la pratique effective de la recherche et non développer simplement le maniement d’une trousse à outils conceptuels et de grandes problématiques transversales, voilà l’enjeu. Indispensable à la formation des enseignants, ce travail permet d’apprendre concrètement comment les résultats que l’on enseigne sont élaborés de même qu’il suppose l’apprentissage de l’écriture scientifique, et donc la distinction entre opinions et énoncés scientifiques. La préparation aux concours est, en effet, censée faire découvrir aux candidats l’état actuel de la recherche sur un thème donné, ainsi que son histoire. Elle permet ainsi de prendre conscience que toute position énoncée selon des critères scientifiques contient les conditions de sa propre critique. L’enseignement en lien avec la recherche ne peut jamais se réduire à répéter ce que l’on aurait lu : elle exige de le comprendre, de le critiquer éventuellement, de le prolonger parfois. Rien ne ressemble moins à du bachotage.

Les nouveaux « Masters métiers de l’enseignement », en faisant du Master un « tout-en-un » (mémoire de recherche, stages et préparation au concours, cours de langues et d’informatique devant être cumulés), tuent donc la formation par la recherche qui caractérisait une partie de la formation des enseignants. Plus largement, cette évolution de la conception des concours, comme de la place de la recherche à l’Université avant le doctorat, fait courir aux champs disciplinaires un risque d’éclatement Ainsi, faisant d’une pierre deux coups, la réforme de la « mastérisation » aura réussi à détruire la formation des enseignants, tout en détruisant la place de la recherche à l’université, et probablement aussi la conception actuelle des disciplines (sans la remplacer par rien de convaincant).

Dans cette situation n’est-ce pas le moment de poser la question de la responsabilité ? Sacrifiant leurs convictions sur l’autel du réalisme ou de la bonne conscience (ne pas laisser les étudiants sans formation professionnelle, fût-elle minimaliste), arguant parfois des risques de la concurrence (l’université voisine fait bel et bien des maquettes), ou voulant souvent défendre les Masters recherche (de façon assez abstraite), les enseignants-chercheurs qui ont mis en place la réforme sont tombés à pieds joints dans le piège tendu par le gouvernement, lequel a parfois réussi à user habilement des ressorts de la division entre universités et entre secteurs de formation. Les Masters « métiers de l’enseignement » n’en sont pas moins des monstres nés dans l’Université, qu’ils aient été conçus par une poignée d’enseignants-chercheurs des composantes disciplinaires ou des IUFM ou sous la pression de responsables élus ou de conseils trop soucieux de faire remonter des maquettes au ministère, sur fond de désengagement, de lassitude, mais aussi d’impuissance des opposants à la réforme. Comme tels, ce sont les universitaires qui en ont bel et bien désormais la responsabilité. L’enjeu à présent est de se demander si nous sommes d’accord pour nous résigner à faire fonctionner une telle réforme dès lors que, de toutes les façons, il faut affirmer que les universités (dans la diversité de leurs composantes) seront tenues pour responsables de la médiocrité des résultats de ces « formations » qui leur ont été imposées. Il est donc de notre responsabilité de ne pas cautionner un tel système et de continuer au contraire à demander, preuves à l’appui désormais, une tout autre réforme de la formation des enseignants. Certainement plus consciente des conséquences incalculables de ces nouveaux Masters et de l’ensemble du dispositif de formation (ou plutôt de non formation), et désormais bien informée des conditions de travail inadmissibles des néo-recrutés, la communauté universitaire, tout comme au-delà, la communauté nationale, savent que cette réforme doit être d’urgence totalement réformée.

 

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