Archive dans 17 juin 2010

Liberté de la presse en danger : un communiqué du pôle d’indépendance du « Monde »

« Le pôle d’indépendance du groupe Le Monde, constitué par nos sociétés et associations, estime que l’ingérence du président de la République dans le processus de recapitalisation en cours, telle qu’elle a été confirmée par Eric Fottorino, président du directoire du groupe Le Monde, est inacceptable. Il appelle l’ensemble des pouvoirs à s’abstenir de toute nouvelle tentative de pression et souhaite que les fonds d’origine publique ne soient pas utilisés pour tenter d’orienter le choix que fera souverainement le conseil de surveillance du Monde. Il rappelle que seuls les membres du conseil de surveillance sont habilités à décider de l’avenir du groupe Le Monde. »

Société des rédacteurs du « Monde », Société des personnels des Publications de la Vie catholique, Association Hubert Beuve-Méry, Société des lecteurs du « Monde », Société des cadres du « Monde », Sociétés des employés du « Monde », Société des personnels du « Monde », Fédération des sociétés de personnels du groupe Le Monde.

 

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Dessin de Plantu reproduit sans autorisation.

Retraites : faire porter la charge sur tous les revenus générés par le travail

Revenons un peu sur la question des retraites. A cette occasion, osons poser la question de ce que les citoyens attendent d’un état ? En premier lieu, certainement la sécurité. Autrefois, on attendant du roi et du seigneur qu’ils défendent le peuple contre les brigands et les pillards tout en assurant la nourriture au fil des jours et des saisons.

Dans l’état moderne, la différence n’est pas si grande. Il suffit de lire ou d’écouter les revendications des défilés. Le peuple attend du travail pour vivre décemment. Il attend d’être protégé des guerres économiques. Il attend d’être protégé le mieux possible de la maladie et de pouvoir payer les soins. Il attend de pouvoir bénéficier d’une pension raisonnable quand l’âge de la retraite sera venue.

Pour ce qui est du travail, on espère que celui-ci sera « fourni » par les institutions et le monde industriel et commercial ou de disposer des facilités pour créer soi-même son entreprise. Avec l’avènement du libéralisme, on attend aussi que la fonction de protection de l’état s’ étende à la régulation des rapports employeur-employé et à la protection des salariés. Depuis toujours, les rapports entre celui qui pouvait procurer du travail et celui qui pouvait l’effectuer ont toujours pris la forme d’un rapport de forces dans lequel le salarié était en position inférieure. La révolution industrielle et capitaliste n’a rien changé à cela, bien au contraire.

Quand l’entreprise vend un produit, son prix est déterminé par divers composants : le coût des  matériaux et des charges diverses, le coût du travail, les impôts et taxes, le bénéfice qui se répartit entre l’entreprise et les actionnaires. Certains éléments sont peu compressibles comme le coût des matériaux et des charges et les impôts. Et c’est le travail des salariés qui fournit tout le reste : salaires, bénéfices, dividendes. Le travail des salariés est donc rémunéré bien en dessous de sa vraie valeur.

La question de la légitimité de cette différence que le Marxisme nomme « plus-value » mérite d’être posée.

Je voudrais ici proposer un exemple. C’est celui d’une entreprise de services informatiques qui a commencé avec 3 personnes : le patron (celui qui possédait le capital, minuscule en ces débuts-là) et deux salariés qui contribuaient presque jours et nuits à l’essor de cette affaire qui, au fil des années devint florissante. En moins de 20 ans les effectifs furent multipliés par 15 et le chiffre d’affaire progressa dans une plus grande mesure encore. Le patron se rémunérait sur les bénéfices. Les salariés avaient leurs salaires… convenables. Un jour, le patron décida de vendre. Il fit une plus-value extraordinaire, cent fois supérieure à ce qu’aurait donné la seule inflation. En fait, il vendit son propre capital, son travail, mais aussi une large part de celui des salariés pour laquelle ils n’avaient pas reçu salaire.

Quand on s’intéresse au financement des retraites, il faut porter attention sur cette part du produit du travail qui n’est pas retournée aux salariés. On a pris le parti, en France d’asseoir les cotisations sur les salaires et les seuls salaires. La légitimité de cette « cotisation » est complexe puisque les cotisants financent les retraites des retraités présents. Ce n’est donc pas une véritable cotisation qui serait placée et retournée ultérieurement à l’intéressé sous forme de pension.

Or, choisir le système de la répartition entraîne deux conséquences : tout d’abord le système est irréversible, car il ne serait pas imaginable de cotiser pour sa pension future tout en finançant les retraites dans le présent. La deuxième est qu’en dépersonnalisant les cotisations, puisqu’on ne cotise pas pour son futur personnel, on n’a finalement que décidé d’un droit à la retraite, financé par une contribution assise sur les salaires présents. La différence d’avec un impôt n’est pas très grande. On peut même dire qu’elle est quasi nulle.

Si l’on ne veut pas financer les retraites par l’impôt, ce qui ne serait peut-être absolument légitime, on pourrait alors accepter l’idée qu’il doive exister une relation entre le travail et la retraite. Mais on peut aussi, très légitimement affirmer que l’assiette ne soit pas seulement le salaire versé, mais aussi toutes les plus values qui ont été générées par ce travail : bénéfices, dividendes, plus values boursières. Alors, la question du financement des retraites devient triviale si les cotisations sont assises, non seulement sur les salaires, mais aussi tous les profits que le travail du salarié génère.

Dans sa fonction de protection, comme décrite ci-dessus, l’état devrait imposer cette disposition légitime. Et qui a un sens. Pourquoi ne le fait-il pas ?

Notes d’économie politique 49 – 16 juin 2010

Les joyeusetés de la réforme de la formation des enseignants

Il était une fois un pays où l’on trouvait que la formation des enseignants coûtait trop cher. En particulier, il y avait cette satanée habitude de les payer pendant la période où ils effectuaient leur longue préparation dans des établissements spécialisés. On décida alors de leur faire suivre des cours universitaires plus longs, mais gratuitement, comme un vulgaire étudiant, de leur faire passer un concours et hop ! de les balancer dans des classes.

Dans ce pays, il y avait un professeur de langues. Appelons là, Madame Langlaise, ce qui lui évitera de subir des avanies de sa hiérarchie au cas où on la reconnaitrait. Pourtant, toute cette histoire est inventée, je le jure, et toute ressemblance avec une personne ayant existé ne saurait être que le fruit d’un hasard… d’un hasard fortuit. Mais, on ne sait jamais. La fortitude réserve parfois bien des surprises.

Madame Langlaise enseigne depuis 25 ans et se trouve être nommée « à titre définitif » depuis 1988 dans un poste dans un petit collège de Quelque part sur Lignon, un chef-lieu de canton paisible d’une académie dont le nom m’échappe fortuitement. À côté d’elle, un autre professeur d’anglais, Monsieur Ubiquite, partage son service, pour moitié dans cet établissement et moitié dans un autre. Cette situation est peu confortable, car elle ajoute à la complication de l’emploi du temps, des transports un peu longs. Aussi, Monsieur Ubiquite prépara le concours de Vizir des Collèges et fut reçu. Madame Langlaise s’attendait donc à faire connaissance avec un nouveau ou une nouvelle collègue qui remplaceraient Monsieur Ubiquite amené à prendre d’autres responsabilités.

Et pendant ce temps-là, le Directeur des Ressources inhumaines était en train d’établir la répartition des emplois pour l’année à venir. Tout aurait été simple s’il n’y avait le problème du jeune Monsieur Bizuth de Galles, récemment titulaire du Capesse d’Anglais auquel il fallait donner une affectation. Le départ de Monsieur Ubiquite tombait à pic et Madame Langlais ferait, compte tenu de son expérience, un excellent responsable de stage, mais…

Mais il s’avérait qu’il était totalement impossible nommer un jeune professeur d’anglais débutant, frais et rose, sur un poste dichotomique. Car, en plus de son inexpérience insondable, il devrait assurer plusieurs niveaux différents sur les deux sites. Très compliqué.

Sur ce plan, le Directeur raisonnait avec une raisonnable raison. Il décida donc, sans s’embarrasser, de placer Madame Langlais sur le poste de Monsieur Ubiquite, elle-même remplacée par Monsieur Bizuth de Galles dont elle serait naturellement tutrice.
Naturellement, il était capital de n’informer Madame Langlais qu’au dernier moment afin d’empêcher toute mobilisation en sa faveur pour défendre ce cas indéfendable d’une enseignante de 50 ans qui ne voudrait pas être traitée comme de la chair à saucisse. Voilà un Directeur des Ressources inhumaines qui connaît bien son métier.

On raconte que, dans ce pays, les enseignants ont une tendance fâcheuse à cumuler les arrêts pour maladie et autres attitudes vicieuses qui compliquent tout. On raconte même qu’il y en a qui poussent l’audace jusqu’à se suicider. Heureusement que dans cette histoire, toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées ne serait qu’une fortuite coïncidence.

Kerviel contre Société Générale : la vérité

Ou bien Kerviel a fait tout ce qu’il a fait avec la complicité de la banque. Donc la banque est responsable.

Ou bien Kerviel a fait tout ce qu’il a fait sans que la banque ne s’en aperçoive. Donc la banque est nulle, parce que c’était quand même vraiment gros et la banque n’a rien vu. Donc la banque est nulle et responsable de sa nullité.

Fermez le ban

P.S.: Exercice pratique. Emettre un chèque sans provision de 150 euros sur la SOciété Générale pour voir ce qui se passe.

Boutin : le scandale qui en cache d’autres

boutin.1276209453.jpgBoutin aurait dit qu’elle donnait la moitié de ses revenus aux pauvres comme Saint martin fit avec son manteau, on l’aurait peut-être un peu excusée. Mais voilà. Elle se goinfrait seule de ses 18000 euros mensuels. Longtemps qu’elle n’avait pas relu son évangile ! C’est légal, mais c’est vilain. Surtout en ces temps de crise et de rigueur où l’on annonce au peuple qu’il va en chier. Mais même si le Canard Enchaîné débusquait un de ces prévaricateurs, à raison d’un par semaine durant 10 ans, cela n’en ferait que 520. Ils sont bien plus nombreux.
Combien sont-ils à gagner bien plus qu’ils ne méritent ? Il y a tous ces politiques, enfin les gros, qui cumulent indemnités, qui ne sont pas toujours imposables, avec des retraites et encore des indemnités, et puis des avantages en nature et qui voyagent en première classe gratis, etc, etc. Pauvre Boutin ! Elle ne doit pas être la pire. Il y en a beaucoup qui sont trop gras pour être honnêtes. Et puis il y a tous ceux qu’on a découvert ces dernières années. Les bonus, les retraites « chapeau », les jetons de présence. Sans compter tout ce qu’ils cachent à l’ISF et qui se cache dans les banques des îles Caïman, nom prédestiné pour ces pilleurs de monde. Et puis, il y a le fameux « Bouclier Fiscal ». A une certaine époque le Parti Communiste avait lancé l’idée: « au delà d’une certaine somme, on prend tout ». Et maintenant, au delà du seuil du bouclier, on ne prend rien.
Boutin gagne en 10 mois de quoi s’acheter une maison modeste. Comme celle que la majorité des français peuvent tout juste acheter en empruntant sur 25 ans. On croit rêver ! Et les gens qui font des calculs sérieux, genre INSEE, montrent que les inégalités sociales croissent en France. On va bientôt ressembler aux Etats Unis avant qu’Obama ne fasse mettre en place un système de Sécurité Sociale. Quand on prononce ce dernier terme, on oublie ce que veulent dire les mots: « sécurité » et « sociale ». On en a oublié le sens, comme ceux de « Liberté, Egalité et Fraternité » .On découvre souvent qu’à force de subterfuges plus ou moins légaux, certains gros en arrivent à ne pas payer d’impôt ! On ne sait pas où ils ont mis la fraternité. Ou plutôt on ne le sait que trop.
Voilà 65 ans que je regarde la France. Pendant toutes ces années, le niveau de vie a augmenté.  Mais les disparités ont augmenté aussi. Et la mobilisation politique et syndicale, elle, a diminué. L’après guerre a été scandé par de grandes grèves. Maintenant les syndicats peinent à réunir 500000 personnes dans toute la France.
Va-t-on continuer à rester de marbre devant ces scandales nombreux ?

Climat : et si Allègre avait raison…

tornade.1275863205.jpgLa connaissance des phénomènes climatiques n’est pas une science exacte.
Que pouvaient en penser les hommes à l’époque où ils croyaient que la terre était plate ? Puis quand ils découvrirent qu’elle était ronde ? Et qu’elle tournait ? Puis que le plan de l’écliptique était écarté de 23°27’30’’ du plan de l’équateur du soleil.
Ah, cet écliptique. Sans lui point de variations saisonnières d’un hémisphère à l’autre. Sans lui, point de variation de la durée des jours et des nuits, jusqu’au soleil de « minuit » et la nuit continue de l’hiver au dessus des cercles polaires.
Combien d’années fallu-t-il à l’espèce humaine pour découvrir tout ceci ? Au moins deux millénaires. Et combien de temps pour découvrir l’explication d’une partie de ces phénomènes qui nous  « interpellent », comme l’on dit : la glaciation du quaternaire et le contraire à l’ère secondaire. Pourquoi ces variations cycliques et répétées de la température ? D’une ère à l’autre. D’un siècle à l’autre. D’une décennie à l’autre. Optimum médiéval, petit âge glaciaire des années 1600-1700, malgré l’été caniculaire en 1664 cause probable du grand incendie de Londres, hiver 54, canicule européenne de 2003…
La connaissance du climat progresse lentement, sans doute plus rapidement aujourd’hui qu’autrefois. Mais qui peut dire si nos connaissances sont suffisantes ou non pour explique ce phénomène jugé inquiétant : le réchauffement de la planète.

Pour prédire l’avenir, il faut beaucoup de connaissances du passé. C’est ainsi que procède la météorologie qui s’efforce de construire des modèles sur la base des observations rigoureuses menées depuis plus d’ un siècle. Et des ordinateurs très puissants sont chargés de rapprocher les observations du jour d’un modèle existant. Et ce modèle sera appliqué aux prévisions. A très court terme, c’est plutôt bon. Ensuite, c’est plus risqué.

Les prévisions concernant le réchauffement de la Terre sont faites sur la base de modèles qui sont bien moins nombreux qu’en météorologie. On met en cause les variations de l’activité du soleil, l’évolution de la couche d’ozone, la production de gaz à effets de serre, etc. Certains paramètres semblent légitimement  liés à l’activité humaine : émissions de gaz carbonique, déforestation, par exemple. Mais les scientifiques sérieux le savent bien : leurs projections sur l’avenir comprennent une incertitude dont l’étendue ne peut être scientifiquement déterminée. Il est probable qu’une Terre qui se réchauffe continuera à se réchauffer si les causes supposées de ce réchauffement ne sont pas modifiées. Mais… On est toujours à la merci d’un évènement inconnu ou imprévisible, sans compter qu’il est des cas, minoritaires, où le modèle se trouve en défaut.
Que doivent dire les scientifiques ? « Dormez en paix, braves gens » ? Bien sûr que non. Que le pire est certain ? Bien sûr que non.
Certains sont convaincus que leurs modèles sont valides. Tant mieux pour eux. Il faut quand même croire en ce qu’on fait. D’autres moins. D’autres carrément « climato-sceptiques », comme l’on dit.
Dans ce concert, le point de vue de Claude Allègre détonne. Et, quand il veut faire attention, il avance des arguments qu’on peut discuter, mais certes pas rejeter d’un revers de main.
Il se pourrait qu’il ait raison.
Quelle chance a-t-il ?
Si l’on connaissait tous les facteurs, on pourrait le dire.
Mais on ne connaît pas tous ces facteurs…

Retraites : qui doit payer ?

On aurait pu considérer le financement des retraites comme une forme d’assurance, chacun économisant ou plaçant de façon à disposer d’un revenu au moment opportun. Ce que certains font parce qu’ils ont les moyens de le faire. Mais d’autres ne le peuvent pas. Et quand le législateur a voté pour les retraites par répartition en décidant que les actifs financeraient les retraites des plus anciens, il a choisi une toute autre voie, de surcroît non réversible. Passer à la retraite par capitalisation serait obliger une ou deux générations à financer deux fois : la retraite des plus anciens et leur retraite personnelle.

La voie de la répartition n’a pas été choisie par hasard : la retraite par capitalisation excluait ceux qui étaient trop vieux pour y parvenir.

Ce faisant, les cotisations des uns finançant les retraites des autres, il fallait bien un garant de l’avenir. Evidemment, seul l’état pouvait l’être. Et quoique nos gouvernants prétendent, ils ont hérités de ce rôle, sans le vouloir probablement. Mais la réalité de cette garantie est là et il faut l’assumer : c’est l’Etat qui est garant des retraites. En demandant aux uns de financer les retraites des autres, c’était implicitement reconnaître le droit, pour chacun, d’être, à son tour traité de la même façon.

Simplement, le législateur s’est trompé en faisant reposer l’assiette des cotisations sur les salaires et non sur la richesse générée par le travail, comme il aurait dû le faire.

Le P.I.B. est le fruit du travail de chacun, mais ce travail n’est pas toujours autant producteur de richesses, non parce qu’il y a des travailleurs plus paresseux que d’autres, mais simplement parce que le travail n’étant plus strictement manuel, l’appareillage associé à ce dernier peut créer des profits différents. C’est comme si l’on disait que conduire un camion produit le même fruit que conduire une camionnette. La pénibilité peut être comparable, mais le volume transporté n’est pas le même… Ainsi, peut-on, sur de multiples exemples, montrer que le produit du travail n’est pas proportionnel au salaire censé le compenser, même à niveau de qualification égale.

La richesse étant produite par le travail, c’est donc, logiquement, sur cette plus value qu’il faut  faire reposer les cotisations, mais non sur le salaire proprement dit. En d’autres termes, plus le profit retiré de l’activité d’un salarié ou d’un acteur économique est grand, plus la contribution au financement des retraites doit être élevé. Sans épargner l’enrichissement sans cause qui devrait logiquement être infiniment taxé

Notes d’économie politique 48 – 1er Juin 2010