Les politiques et le rapport à l’argent

Les politiques et le rapport à l’argent

J’ai connu un maire d’une ville moyenne qui était pharmacien. On disait qu’il gérait sa ville un peu comme son officine. Les dépenses étaient raisonnées. Comme tout maire de gauche, la priorité était donnée au social. Des moyens pour des crèches, des moyens pour des associations sportives ou culturelles, des moyens pour la construction de logements H.L.M.. Et peu de dépenses somptueuses. La voirie aurait pu être plus lisse, les fêtes de Noël plus brillantes, les impôts locaux plus élevés.
Certes, il lui est arrivé de se laisser prendre (on verra plus loin à quoi). Mais, grosso-modo, c’était une gestion comme une famille ou un commerçant qui sait qu’il ne peut dépenser beaucoup plus qu’il ne gagne, sauf à s’endetter de façon déraisonnable.
Dans la gestion d’un budget public ou d’entreprise, la notion de choix et de priorité prend une dimension particulière : l’argent n’est pas produit par le travail de celui, celles ou ceux qui ont la charge de le dépenser. Pour le coup, la relation entre recettes et dépenses est moins ténue. Il arrive souvent, aussi, que le budget soit très considérable et que l’échelle des valeurs se fausse : dépense cent euros de plus ou de moins, à l’échelon du budget d’une ville, n’a pas le même impact qu’à celui d’un budget familial.
Dans de telles circonstances, même des citoyens très honnêtes peuvent n’avoir plus les mêmes automatismes. Même les présidents d’associations le savent. On se laissera aller à prendre des billets de première classe pour arriver « reposé » à une réunion. On prendra ses repas dans un bon restaurant plutôt qu’un autre, plus modeste. On s’offrira un Blackberry…
Appliquer ce principe à des responsables de budgets importants, de villes, de régions, à des élus, à des députés, à des ministres, voire à des présidents, et les conséquences seront onéreuses.
Ces jours-ci, on dépense des sommes considérables pour assurer la sécurité de la réunion des membres du G20. Était-ce vraiment légitime pour une session qui va prôner l’austérité ?
Les ministres ont-ils toujours besoin d’autant de conseillers bien rémunérés ?
Est-il indispensable de prendre un jet privé pour aller ici ou là ?
Ne peut-on pas organiser des déjeuners de travail au bistrot du coin qui a peut-être une salle disponible ?
On n’en a même pas l’idée…

Un an ou deux après la venue de la gauche au pouvoir en 1981, on me confiait que des conseillers ministériels issus du syndicalisme ne pouvaient plus, de bonne foi, déjeuner à moins de 200 francs (à l’époque, c’était une somme !).
Pourtant, tous ces gens ne sont pas des prévaricateurs. Simplement, la source de l’argent devient « irréelle ».

Le personnel politique français est mal éduqué. Il devrait prendre exemple sur les Scandinaves qui n’oseraient pas acheter un cigare sur les fonds publics.
L’exemple vient d’en haut. Évidemment. Et le cumul des mandats y contribue. Plus on est élu et plus longtemps, plus on est dans les nuages et plus on perd la notion de l’argent

Changer celà ? Vous rêvez.

Notes d’économie politique 50 – 28 juin 2010

Bakounine