Le peuple grec dépossédé de ses droits

Le peuple grec dépossédé de ses droits

grece.1273160922.JPGLa « faillite » grecque est l’exemple absolu d’un désastre provoqué par un système économique non administré.

Le premier acte est l’économie débridée, au sens du libéralisme sauvage et du laisser faire n’importe quoi. Les affaires vont à tout va avec un contrôle politique faible. Une grande partie des profits sont détournés dans une économie parallèle contre laquelle on ne lutte pas et dont le budget national ne profite en aucune façon. L’investissement se dirige vers le profit à court terme. Les politiques ne contrôlent rien, voire profitent de la situation. Le budget de l’état est en perpétuel déficit puisque les rentrées d’argent  sont insuffisantes du fait de la fraude et des échappatoires fiscales. La situation économique est chroniquement mauvaise. Des avantages sociaux exagérés sont maintenus : âge de la retraite précoce, par exemple, d’autant plus intéressant qu’on peut alors cumuler la pension et emploi au noir.  La situation financière ne tient que par une chaîne d’emprunts qui se succèdent pour rembourser les emprunts qui arrivent à échéance. La corruption fait partie du spectacle national et il n’est pas exclu que les politiques en profitent.

Pour tout dire, il n’y a guère d’état. L’économie n’est pas administrée.

L’acte deux est celui de la « crise ». Le pouvoir politique qui est faible ne peut que contempler la situation et son évolution. Le mécontentement populaire croit. L’économie parallèle continue de ronger les ressources de l’état. Pire encore, puisque le nombre de chômeurs augmentant, c’est augmenter en même temps le nombre potentiel de travailleurs « au noir ». Pour sauvegarder les apparences, le pouvoir politique continue d’emprunter. Cela devient une chaîne de Ponzi. Pour trouver des créanciers, les gouvernants en sont réduits à mentir sur la situation financière. Le pouvoir essaie de freiner un peu les rémunérations, surtout celles des fonctionnaires sur lesquelles il peut agir, ce qui lui est le plus facile, ce qui crée des difficultés sociales. Pour perdurer aux affaires, il est contraint de céder sur de nombreuses lignes. En même temps, les institutions et les personnes qui profitent de la situation ne souffrent que peu. Quand il est question de diminuer les rémunérations des fonctionnaires, on n’imagine pas  diminuer celles des députés ou des ministre

L’acte trois est celui de l’inévitable faillite. D’abord en partie dissimulée, puis elle éclate au grand jour avec d’autant plus d’éclat. Pour le coup, les institutions financières qui ont bien profité de la situation  en prêtant à des taux déjà substantiels, prennent peur et augmentent leurs taux dans des proportions énormes. Ce sont les mêmes institutions qui proposaient d’une main des produits toxiques et qui, de l’autre, se montraient très sourcilleuses lorsque ces « produits » devenaient calamités, comme toutes les banques l’ont fait dans le monde entier.

Autrefois, la Grèce aurait dévalué sa monnaie comme on faisait alors : le taux en aurait été mesuré pour ne pas trop pénaliser les organismes prêteurs qui auraient continuer à gagner. A gagner moins, mais à gagner tout de même avec des taux toujours supérieurs à l’inflation. Tout le monde s’en serait tiré, sauf le peuple, évidemment, qui aurait perdu du pouvoir d’achat.

La suite est connue : le FMI et les états européens vont emprunter à 3% pour prêter à la Grèce à 5%. Il n’y a pas de petits bénéfices… Pour « sortir de cette crise », le gouvernement grec n’envisage rien d’autre que d’augmenter la TVA de 4% et de massacrer les rémunérations des fonctionnaires. C’est donc le peuple, qui n’est pour rien dans cette situation, qui va payer.  Evidemment, rien n’est toujours proposé concernant les rémunérations des patrons et des hommes et femmes politiques. Quant au grand capital, il est aussi laissé à l’écart de tout cela. Rien n’est envisagé vers les représentations sur le territoire grec des organismes financiers qui portent une grande part de responsabilité dans la « crise ».

Cette situation relève de la politique du chien crevé au fil de l’eau. L’état grec, dans sa fuite en avant, ne se souciait guère. Les électeurs, laissés à l’écart de tout cela, n’étaient informés de rien. Et par-dessus tout, on croyait qu’il y avait le parapluie de l’euro.

La monnaie unique ne peut que contribuer à la déresponsabilisation des états. La Banque Centrale Européenne est administrée par des technocrates hors de tout contrôle politique et, a fortiori, hors de tout contrôle des électeurs. Depuis toujours, la B.C.E. se préoccupe d’avoir un Euro fort. Les raisons de cette ligne sont obscures, au moment où, tranquillement, le Dollar se dévalue. Peu importe alors si l’Euro fort devant le dollar faible augmente les coûts de production, freine les exportations et favorise les délocalisations. Les responsables se plaignent de cette situation qui pénalise les ventes vers l’étranger et, en même temps, y trouvent bon prétexte pour justifier les délocalisations.

Cette théorie de l’Euro fort est obscur. Peut-être n’y a-t-il pas de sens, mais seulement dogmatisme.

Un pays a le devoir d’assurer le bien être des citoyens et, notamment de favoriser l’emploi. L’euro fort place les coûts de main d’œuvre au dessus de ceux de la zone Dollar et bien au dessus du Yuan. La logique voudrait donc que l’on favorise l’emploi par l’exportation de produits manufacturés, en même temps qu’on défavorise l’importation de biens de consommation produits à moindre coût dans des pays à monnaie faible et coût du travail dérisoire. La stratégie de l’Euro fort fait tout le contraire.En déléguant l’administration économique à une structure qui n’est pas démocratiquement contrôlée, le peuple européen et le peuple grec se voient conduits à devoir travailler plus pour combler les dettes créées par d’autres à leur insu.

A contrario, un véritable contrôle populaire sur la politique et les dirigeants aurait pu produire le contraire. Tant qu’il n’est pas associé aux décisions économiques, le citoyen n’a que peu conscience des inconvénients qu’il y a à acheter des biens de consommation produits à bas prix et qui entretiennent le chômage. L’organisation politique hétéro-gestionnaire de la Grèce, et de toute l’Europe, est déresponsabilisante. Les citoyens ne sont consultés en aucune façon, sauf de loin en loin et sur des thèmes de campagne électorale sans rapport. Le peuple est dépourvu du pouvoir et des choix économiques qui se concentrent entre les mains de ceux qui peuvent s’en emparer, c’est-à-dire à des organisations ou des groupes mercantiles que les gouvernements ne contrôlent même pas. Personne ne me demande si j’accepterais d’acheter un écran de télévision 200 € plus cher, mais made in France !

Cette impéritie du pouvoir politique est encore une fois illustrée par l’accident pétrolier du Golfe du Mexique. Les américains ont beau faire les gros bras, il est évident que les dommages seront considérables notamment parce qu’on ne peut (on ne sait) mobiliser toute une population pour lutter contre l’envahissement du pétrole brut.

La mobilisation populaire est impossible en dehors des cadres implicatifs et, surtout, autogestionnaires. Si le peuple grec avait été consulté, il y a des mois, voire des années, sur les sujets qui le concernent actuellement, il est probable que la situation serait moins hasardeuses. Les parasites politiques et économiques ne seraient plus aux commandes. Les délégués du peuple y seraient pour défendre et favoriser le peuple.

Seule une politique participative autogestionnaire eut été la solution. Il est probable qu’il est trop tard. Les choix grecs sont toujours pris contre le peuple qui n’est pour rien dans ce merdier.

Il ne reste plus aux grecs que la solution révolutionnaire. Ce n’est pas sans danger.

Notes d’économie politique 47 – 6 mai 2010

Bakounine