Mai 1968 : 21 – Mai 2008 : Cessons d’être des veaux

Mai 1968 : 21 – Mai 2008 : Cessons d’être des veaux

[Mai 1968: commencer au début]

Voici terminé le mois de mai. Et avec lui se terminent aussi tous les évènements commémoratifs de mai 68. Curieusement, je n’ai pas souvenance que 1988 ou 1998 furent autant célèbratifs ! J’espère être encore en vie en 2018, pour le cinquantenaire. Alors là, on fera une grande fête, nous les vieux survivants. Et puis en 2048, il y aura peut-être encore un ou deux centenaires qui auront vraiment participé en criant « CRS SS » ou en lançant un pavé, ne serait-ce qu’un petit.

Je voudrais un instant m’attarder sur tout ce que j’ai lu, dans la presse, ou entendu, à la radio. Tous ces témoignages d’hommes (et pas de femmes – bizarre), celèbres ou non, jeunes ou moins jeunes.

Et ce qui reste, ce ne sont pas les cris de « CRS SS », ni les pavés. Ce qui reste, c’est d’abord l’analyse unanime d’une société sclérosée qui ne se sentait pas évoluer, comme, par exemple, aux Pays-Bas. La référence aux autres manifestations est pourtant quasi absente, comme elle le fut pour moi : la force de ce que nous avions vécu a masqué nos souvenirs. Sauf Prague, peut-être, parce que là, c’était vraiment du « dur ».

Et ce qui reste ensuite, et c’est le souvenir dominant, et c’est ce qui est merveilleux, c’est le souvenir d’une société fraternelle. Tout le monde se souvient qu’on parlait avec tout le monde, qu’on échangeait idées et points de vue avec tolérance et créativité. Tous ceux qui habitaient de façon un peu éloignée des centres des villes se souviennent que l’auto-stop marchait très bien. On ne peut donc pas nier que cette apparence libertaire correspondait à un certain besoin chez un grande partie des citoyens, et pas seulement les jeunes.

Je ne peux, alors que m’interroger. Pourquoi cet « esprit de mai » a-t-il été éteint ? Sans vouloir en faire un mode dominant de fonctionnement social, il aurait pu rester quelque chose de cette humanité. Pourquoi cela a-t-il totalement disparu ? Il me revient la constatation que j’avais faite en août-septembre 1970, alors que j’avais été appelé au service militaire. Les deux mois de « classes » ont été deux mois d’une semblable solidarité. Parce que nous avions, car nous étions tous sursitaires et soixante-huitards, à nous adapter à ce que nous avions identifié comme un adversaire commun qui nous faisait faire des choses stupides et vexatoires. Et ceci disparût dès lors que nous nous trouvâmes dispersés dans des « emplois » adaptés à notre niveau de formation. Et, ce relatif confort, nous rendit complices.

Pour grandir socialement, l’homme a besoin d’adversité. Notre société, sécuritaire, d’état providence, ne fait que cultiver la facilité de l’égoïsme. Nous avons besoin de luttes. Pas forcément de guerre, heureusement. De luttes politiques ou de luttes syndicales.

Français, cessez d’être des veaux. Prenez solidairement votre destin en main.

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Bakounine