Voici que, pour la première fois depuis que j’ai le droit de vote, j’ai vraiment envie de voter pour quelqu’un. Il y eut Poher contre Pompidou ! Il y eut plusieurs Mitterand, puis Jospin, l’un et l’autre, à des titres divers, n’attirant pas franchement ma sympathie: le premier parce qu’il était évident qu’il était pétri de rondeurs politiciennes, le second parce qu’il donnait aux idées de gauche l’allure d’un éloge funéraire. Car les idées de gauche doivent être joyeuses et combatives. Et Ségolène fut joyeuse et combative. Voilà quelqu’un qui ne s’approprie pas le pouvoir. Voilà quelqu’un qui n’énonce pas un programme tout tracé qui, de toute façon, ne sera pas exécuté et qui sait que rien, dans le gouvernement d’un pays, ne peut être mise en oeuvre efficacement sans une véritable concertation. Et c’est toute la différence entre le pouvoir absolu et le sens de la démocratie, démocratie « participative », qui veut dire qu’on s’efforcera de prendre en compte l’avis des gens.
Si elle est élue et si elle fait ce qu’elle dit, bien des choses changeront. Le fera-t-elle ? Elle est bien la première à laquelle j’ai vraiment envie de faire confiance tant ses paroles me semblent imprégnées d’accents de sincérité. Car on la croit en voyant bien qu’elle ne cherche pas à embobiner par un un discours chafoin et convenu.
Et quand elle s’indigne parce que son adversaire dit qu’il fera ce qu’il a détruit dans la précédente législature, alors on est aux anges. Car pourquoi une Présidente de la République n’aurait-elle pas droit à la colère et à l’indignation ? La seule différence avec d’autres est qu’elle le fait voir devant tous, pas comme certain candidat, qui attend que micros soient partis pour jurer, tempêter et menacer de faire virer tout le monde. Il n’y a pas deux Ségolène. Combien de Sarkozy ? Cette sincérité est un fait vraiment nouveau dans notre environnement politique.
Et face à elle, son adversaire rapetisse. Il devient étriqué, jaune, confus. A chaque instant, on voit bien qu’il ment, que son discours compassionnel ne résistera pas au premier appel du monde qui est le sien, des alliés qui l’entourent et des forces économiques qui le soutiennent.
Bravo, Madame. Pour la première fois depuis plus de 40 ans, j’ai vraiment envie de voter pour quelqu’un.
Jusqu’à 50 ans, nous dit un sondage publié, je crois par Le Figaro, plus de la moitié des électeurs votent pour Ségolène Royal. Après, cela s’inverse pour atteindre 66% d’électeurs de Sarkozy à partir de 65 ans. Voilà une constatation qui mérite qu’on s’y attarde un moment. Parmi tous ces senescents qui vont mettre un bulletin de droite dans l’urne, certains ne verront même pas la fin de la mandature. Si l’on fait une pondération sommaire, en donnant à chaque vote un poids correspondant à l’espérance de vie, les résultats changent naturellement en faveur de Ségolène.
D’un côté, la campagne s’élève. Ségolène Royal et François Bayrou se livrent à un exercice inédit: comparer publiquement et sereinement leurs projets. D’un autre côté, la campagne s’abaisse. Voilà celui qui prétend n’attaquer personne qui prononce des phrases stéréotypées sur ceux qui ont prôné « l’assistanat, l’égalitarisme, le nivellement, les 35 heures ». Ceux-là sont les héritiers de mai 68, soi-disant tenants du « relativisme intellectuel et moral ». « Il n’y avait plus aucune différence entre bien et le mal, le beau et le laid, le vrai et le faux, l’élève valait le maître », a-t-il ironisé.
Je n’ai pas eu la chance de pouvoir assister à l’intégralité du « débat » d’hier entre François Bayrou et Ségolène Royal, mais ce que j’en ai vu m’a fortement impressionné. Peut-être était-ce l’absence d’enjeu (quoique ce n’est pas certain), peut-être était-ce la qualité des intervenants. En tout cas, rien à voir avec les débats mesquins et stériles auquels les hommes politiques nous ont habitué. Enfin des responsables qui exposaient tranquillement les sujets sur lesquels ils étaient en accord et les sujets sur lesquels ils ne l’étaient pas, sans sous-entendre que l’autre est un vaste crétin. Et même s’il est évident que tout ceci n’est pas sans arrières-pensées, quelle respiration !