Catégorie dans 01-Un monde plein de trous

Le CPE : une offense au droit des gens

Tout à l’heure, je disais à un chef d’entreprise que j’avais essayé de convaincre une étudiante favorable au projet de C.P.E. en lui disant que ceci permettrait à son patron de la licencier au bout de six mois simplement parce qu’elle aurait refusé de coucher avec lui. Et ce chef d’entreprise me répondit que, de toute façon, cela ne changeait pas grand-chose car il était toujours facile de trouver ou d’inventer un motif d’insuffisance professionnelle pour licencier.

Oui. Sauf que…

Sauf qu’aujourd’hui, un salarié licencié après sa période d’essai (un ou trois mois selon la position) peut toujours introduire un recours devant le Conseil des Prud’hommes. Et c’est là qu’est toute la différence.

Ce principe du recours contre des décisions jugées arbitraires ou injustifiées est inscrit dans notre droit. On peut contester une décision administrative devant le Tribunal Administratif. On peut contester une contravention, un jugement. Il y a (normalement) toujours au moins une possibilité d’appel.

Avec le C.P.E., pendant deux ans, point d’appel.

On peut donc en déduire que l’existence même du C.P.E. n’est pas conforme aux usages constitutionnels de notre pays.

Ce droit au recours, à la contestation d’une décision est un fondement majeur de notre société. Et lorsqu’un ministre, lorsqu’un responsable d’université, lorsqu’un professeur, lorsque des étudiants qui croient leur démarche légitime, se livrent à la pression, voire à l’odieux chantage de la proximité des examens, ils s’opposent aux principes même du droit français.

Il faut donc nécessairement soutenir tous ceux qui s’opposent à cette loi. Car, même s’ils n’en n’ont pastrès grande conscience, ils ne se battent pas contre une mesure conjoncturelle. Ils se battent pour le droit républicain. Ici, les étudiants ne se lèvent pas contre une nouvelle réformette de leurs études. Le sujet est bien plus grave, bien plus fondamental dans l’ordre de notre démocratie et de nos institutions. Ilsse lèvent pour un combat qui ne concerne pas qu’eux. Il implique aussi tous les jeunes y compris ceux du monde agricole ou ceux des banlieues.

Aujourd’hui, la police peut entrer dans la Sorbonne, haut lieu historique des franchises universitaires, symbole de la liberté de dire, de la liberté de penser, de la liberté de chercher, sans que le peuple de France s’en émeuve. Voilà comment, après quarante ans d’un battage continu de la société de la compétition et de laconsommation, on a prostitué de telles images.

C’est pourquoi, nous, enseignants, devons tout faire, par tous les moyens, pour que ceux qui ont entrepris de se lever contre cette mesure inique ne soient pas pénalisés pendant que d’autres recueilleraient injustement les fruits d’un combat qu’ils n’auraient pas mené. Apprendre à s’engager, c’est aussi apprendre la vie. C’est là une parfaite formation citoyenne tant réclamée par ceux-là même qui ont voté
la loi.

Voilà une unité d’enseignement ô combien formatrice qui mériterait d’être validée !