Mélenchon, le troisième homme (François Morel)

Mélenchon, le troisième homme (François Morel)

Voici qu’est revenue en campagne de France
Phénomène inouï, le temps de l’éloquence.
On l’avait oubliée la voilà revenue,
La parole exprimée des mineurs, des canuts.
Celle qui chantait fort des petits, des modestes
Les revendications, la rage manifeste.
Voilà qu’en plein meeting, on entendit les mots
D’un poète français nommé Victor Hugo.
Monsieur Victor Hugo, c’est à peine croyable,
Ecrivit un roman nommé Les Misérables.
Si vous ne l’avez lu, lisez le livre en poche.
Pour Jean Valjean, Fantine et Cosette et Gavroche.
C’est un livre d’amour un roman populaire
Qui parle de la vie du monde prolétaire.
C’est aussi voyez-vous un plaidoyer social
Mais qui n’oublie jamais de parler d’idéal.
Comme un diable surgi dans la monotonie,
Comme un soir de printemps, une douce embellie,
Voici revigoré l’antique PCF,
Qui depuis des années ne vivait que sous perf.
Voici des ouvriers qui reparlent d’espoir,
Voici qu’est évoqué, à nouveau, le grand soir.
Voici que l’espérance aujourd’hui a un nom
Un prénom et la voix de Jean Luc Mélenchon.
Ils ne sont pas nombreux aujourd’hui les tribuns
Il sera celui-là s’il n’en peut rester qu’un.
Le dernier Mohican, le dernier utopiste,
Le laïc intégral, l’ultime socialiste.
Il fut, on s’en souvient grand mitterrandolâtre,
Fabiusien, Rocardien, Jospinien acariâtre.
Il fut même, je crois, du genre Emmanuelliste
Mais je ne dis pas tout car très longue est la liste.
Marie Georges Buffet a les yeux de Chimène
Pour cet homme qui vient avec son oxygène
Réanimer la flamme et redonner confiance
A son parti qu’on vit en pleine déchéance.
On peut trouver parfois qu’il en fait un peu trop
Qu’un peu trop volontiers, il fait son numéro.
N’étant pas, je l’avoue, fort en économie,
Je me garderai bien de juger ses avis
Sur l’emprunt, sur la dette ou le pouvoir d’achat.
Faudra-t-il rembourser les banquiers ou bien pas ?
Quand il veut envoyer au gibet, à la corde
Tous ses contradicteurs, c’est un peu monocorde.
Il est assez souvent, dans la caricature,
Dans l’excès, il est vrai, dans la démesure.
Il fut leader trotskyste jadis à Besançon,
Sénateur de l’Essonne, militant pour le non.
Il fut en d’autres temps, vous ne le nierez pas,
Un révolutionnaire en chaussons au Sénat.
Mais aujourd’hui voilà que les sondages donnent
De très bons résultats qui tout le monde étonnent
Pour ce compétiteur qui, au commencement
Pesait peu, crédité d’à peine trois pourcent.
« Les sondages se trompent, les sondages se plantent »,
S’égosille Le Pen qui est très mécontente.
Cet homme qui naquit lors d’un referendum,
Pourrait bien devenir, demain, le troisième homme.
On dit aujourd’hui que cet être loquace
Peut être au premier tour à la troisième place.
Incroyable poussée, devancer le FN
Et son petit commerce de rancœur et de haine.
L’idée, je vous l‘avoue, ne m’attristerait pas,
La nouvelle serait réjouissante pour moi.
Je ne sais qui demain sera le bon pilote.
Je ne vous dirai pas pour qui ira mon vote.
Mais c’est plutôt, je crois, une bonne nouvelle
Que soient mises en valeur les idées fraternelles.
Quand on cite ces vers, on ne peut avoir tort.
Je parle de l’auteur, Hugo, prénom Victor.

François Morel, France-Inter, 6 avril 2012.  << Ecouter la chronique>>

Bakounine