Délinquants et militaires: relire Makarenko

Délinquants et militaires: relire Makarenko

Anton Semionovitch Makarenko fut chargé, en 1920, dans la Russie d’alors, socialement troublée par les suites de la révolution de 1917, de créer un établissement susceptible de recueillir et d’éduquer des jeunes délinquants ou livrés à eux-mêmes.
Il ouvre alors avec peu de personnel, un établissement qu’il nommera Colonie Gorki. Là, tout est à construire et à créer. Et ce sont les colons qui construisent et créent. Ils construisent des bâtiments pour habiter. Ils créent une petite exploitation agricole pour se nourrir. Au début, tout ne tient que par le charisme et la volonté du responsable. Mais peu à peu, s’élabore une collectivité avec ses règles sociales et morales au fonctionnement le-laquelle participent les colons, au fur et à mesure que leur maturité leur ouvre la porte du « Conseil».
Ce qui caractérise l’établissement c’est sa structure. Naturellement, on peut aujourd’hui sourire de cette façon de générer l’homme socialiste nouveau qui salue le drapeau soviétique chaque matin. On peut être réservé devant cette structure forte et passablement militaire (on salue), mais qui offre le cadre dans lequel les jeunes s’insèrent et construisent leur personnalité. Nulle faiblesse, nulle démagogie. Les règles de vie sont puissantes, règles qui, au fil du temps, sont portées aussi bien par les « anciens » que par le fondateur, mais aussi, et c’est particulièrement important, après avoir été approuvées dans des assemblées où tous les colons ont droit à la parole.
Il y a aussi le travail. Le travail agricole ou artisanal est nécessaire, car il fournit les ressources pour s’habiller, se loger, se nourrir. En même temps, le travail scolaire occupe une grande place en vue de l’insertion professionnelle ultérieure.
Lorsqu’on lit le Poème Pédagogique (l’ouvrage où cette expérience est rapportée) on est étonné de la modernité des principes éducatifs.
Le plus fort est probablement la démocratie et le droit à l’expression et à la discussion donnée aux jeunes. Mais cet accès à la parole n’est pas donné d’emblée. Il est indispensable que les nouveaux acquièrent eux-mêmes le respect de ce mode de gouvernement et, par là même se définissent comme membre de la société.
Très important, aussi, est le rôle du travail. Cette société ne peut admettre l’existence de parasites. À chacun est donc dévolu une tâche, en fonction de son âge et de ses capacités. Ne pas l’accomplir, c’et s’exposer à devoir s’expliquer et être éventuellement sanctionné en assemblée générale.
Rien ne va sans le respect des valeurs. On ne triche pas, on ne ment pas, on ne vole pas. On respecte les autres et, a fortiori, les plus anciens.
Et l’on se respecte soi-même par l’hygiène et la tenue vestimentaire.
L’ensemble forme une forte structure sociale dans laquelle les jeunes, même orphelins, même délinquants, vont trouver à la fois une place et des interlocuteurs susceptibles autant de les encourager que de leur dire non. Rares sont les échecs. Pourtant il y en eut. Mais nombreux seront ceux qui, devenus adultes s’enorgueilliront d’avoir été membre de la Colonie Gorki.
Avant de rire ou de critiquer l’idée de confier à des militaires l’éducation de jeunes délinquants, on tirera profit de l’étude des ouvrages de Makarenko. Et si le milieu militaire peut offrir cet assemblage réfléchi entre effort, travail, démocratie, respect d’autrui et des valeurs sociales, on aurait tort de s’en priver.

Articles précédents:
L’encadrement militaire des délinquants comme alternative à la prison
Makarenko, l’éducation, l’intérêt, le devoir, la collectivité

Adolescence et délinquance: parlons un peu d’A.S. Makarenko

Bakounine