Le renversement des finalités

Le renversement des finalités

Alors résumons : le bureau international du travail classe la France au 3ème rang mondial de la productivité du travail horaire. La France bat d’autres records : 10% des hommes sont sous la dépendance de l’alcool pour une cause directement liée au travail, 8% des salariés, surtout des femmes, prennent des psychotropes pour « tenir le coup ». Dans les entreprises et les services publics, on doit fournir toujours plus d’efforts pour compenser un sous-effectif structurel, méthodiquement organisé. Il y a un an à peine, on s’émouvait des suicides chez Orange/France Telecom ; on s’interrogeait sur les méthodes de management qui peuvent conduire à de telles tragédies…

Aujourd’hui, on nous dit que l’espérance de vie a augmenté et qu’il est, par conséquent, normal de travailler plus longtemps. Partout dans les grands médias, commentateurs et experts viennent nous chanter que le travail est une joie. On s’interroge sur cette aversion des Français pour le travail, on nous exhorte de prendre exemple sur les peuples du nord qui sont si durs à la tâche (et non sur les peuples du sud, qui sont dolents et mal organisés, comme chacun sait).

En fait, on nous explique que tout se paye en ce bas monde et que l’on ne peut pas être payé à rien faire. On doit, finalement, travailler pour l’économie. L’économie n’est pas un instrument, l’économie est une fin en soi : elle est la finalité de l’homme. N’est-ce pas la définition de l’aliénation ?

C’est ce renversement des finalités qui structure le discours idéologique justifiant la formidable captation de toutes les richesses à laquelle nous assistons. Sous couvert de la « crise » (mais qui, parmi les moins de 45 ans, se souvient d’une époque où il n’y avait pas « la crise » ?), une offensive tous azimuts est en cours contre les peuples d’Europe. La classe dirigeante a décidé de revenir sur toutes les concessions qu’elle avait été forcée de faire au cours du vingtième siècle : retraites, sécurité sociale, gratuité de l’éducation, services publics.

Sud Education Franche-Comté, décembre 2010

Bakounine