Revenons un peu sur la question des retraites. A cette occasion, osons poser la question de ce que les citoyens attendent d’un état ? En premier lieu, certainement la sécurité. Autrefois, on attendant du roi et du seigneur qu’ils défendent le peuple contre les brigands et les pillards tout en assurant la nourriture au fil des jours et des saisons.
Dans l’état moderne, la différence n’est pas si grande. Il suffit de lire ou d’écouter les revendications des défilés. Le peuple attend du travail pour vivre décemment. Il attend d’être protégé des guerres économiques. Il attend d’être protégé le mieux possible de la maladie et de pouvoir payer les soins. Il attend de pouvoir bénéficier d’une pension raisonnable quand l’âge de la retraite sera venue.
Pour ce qui est du travail, on espère que celui-ci sera « fourni » par les institutions et le monde industriel et commercial ou de disposer des facilités pour créer soi-même son entreprise. Avec l’avènement du libéralisme, on attend aussi que la fonction de protection de l’état s’ étende à la régulation des rapports employeur-employé et à la protection des salariés. Depuis toujours, les rapports entre celui qui pouvait procurer du travail et celui qui pouvait l’effectuer ont toujours pris la forme d’un rapport de forces dans lequel le salarié était en position inférieure. La révolution industrielle et capitaliste n’a rien changé à cela, bien au contraire.
Quand l’entreprise vend un produit, son prix est déterminé par divers composants : le coût des matériaux et des charges diverses, le coût du travail, les impôts et taxes, le bénéfice qui se répartit entre l’entreprise et les actionnaires. Certains éléments sont peu compressibles comme le coût des matériaux et des charges et les impôts. Et c’est le travail des salariés qui fournit tout le reste : salaires, bénéfices, dividendes. Le travail des salariés est donc rémunéré bien en dessous de sa vraie valeur.
La question de la légitimité de cette différence que le Marxisme nomme « plus-value » mérite d’être posée.
Je voudrais ici proposer un exemple. C’est celui d’une entreprise de services informatiques qui a commencé avec 3 personnes : le patron (celui qui possédait le capital, minuscule en ces débuts-là) et deux salariés qui contribuaient presque jours et nuits à l’essor de cette affaire qui, au fil des années devint florissante. En moins de 20 ans les effectifs furent multipliés par 15 et le chiffre d’affaire progressa dans une plus grande mesure encore. Le patron se rémunérait sur les bénéfices. Les salariés avaient leurs salaires… convenables. Un jour, le patron décida de vendre. Il fit une plus-value extraordinaire, cent fois supérieure à ce qu’aurait donné la seule inflation. En fait, il vendit son propre capital, son travail, mais aussi une large part de celui des salariés pour laquelle ils n’avaient pas reçu salaire.
Quand on s’intéresse au financement des retraites, il faut porter attention sur cette part du produit du travail qui n’est pas retournée aux salariés. On a pris le parti, en France d’asseoir les cotisations sur les salaires et les seuls salaires. La légitimité de cette « cotisation » est complexe puisque les cotisants financent les retraites des retraités présents. Ce n’est donc pas une véritable cotisation qui serait placée et retournée ultérieurement à l’intéressé sous forme de pension.
Or, choisir le système de la répartition entraîne deux conséquences : tout d’abord le système est irréversible, car il ne serait pas imaginable de cotiser pour sa pension future tout en finançant les retraites dans le présent. La deuxième est qu’en dépersonnalisant les cotisations, puisqu’on ne cotise pas pour son futur personnel, on n’a finalement que décidé d’un droit à la retraite, financé par une contribution assise sur les salaires présents. La différence d’avec un impôt n’est pas très grande. On peut même dire qu’elle est quasi nulle.
Si l’on ne veut pas financer les retraites par l’impôt, ce qui ne serait peut-être absolument légitime, on pourrait alors accepter l’idée qu’il doive exister une relation entre le travail et la retraite. Mais on peut aussi, très légitimement affirmer que l’assiette ne soit pas seulement le salaire versé, mais aussi toutes les plus values qui ont été générées par ce travail : bénéfices, dividendes, plus values boursières. Alors, la question du financement des retraites devient triviale si les cotisations sont assises, non seulement sur les salaires, mais aussi tous les profits que le travail du salarié génère.
Dans sa fonction de protection, comme décrite ci-dessus, l’état devrait imposer cette disposition légitime. Et qui a un sens. Pourquoi ne le fait-il pas ?
Notes d’économie politique 49 – 16 juin 2010
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