L’évaluation des université françaises ou la grande ânerie : 2- la « bibliométrie »

L’évaluation des université françaises ou la grande ânerie : 2- la « bibliométrie »

ane.1246443533.jpgLa mode est à l’évaluation des universités. Je ne m’étendrai pas sur les raisons, dont certaines sont légitimes, notamment du point de vue des étudiants qui recherchent la meilleure formation (ou du moins ceux qui ne s’inscrivent pas sans trop savoir pourquoi).
Évaluons les universités, donc.
Mais comment ?
La seconde méthode dans laquelle nombreux sont ceux qui s’y vautrent consiste à dire qu’une université de qualité est celle qui a de bons enseignants-chercheurs.
Et qu’est-ce qu’un bon enseignant-chercheur ?
Un bon enseignant-chercheur est un type qui publie de nombreux articles dans des revues scientifiques ayant un comité de lecture (sachant que les revues sont elles-mêmes évaluées et classées), d’une part, et dont le nom est fréquemment cité dans les publications d’autre part.
La bonne méthode consiste donc :
– A publier court car il serait stupide de publier en une fois ce qu’on peut publier en deux ou trois fois.
– A éviter comme la peste, tout ouvrage de synthèse dans lequel on prendra le temps de peser, de façon aussi exhaustive, dialectique et sincère que possible, théories, arguments, complémentaires ou contradictoires, de ces travaux de l’esprit qu’on nommait autrefois thèse de doctorat, de ces « sommes » où l’on passait des années à réunir nombre de travaux pour le plus grand bien des lecteurs futurs.
– A éviter, bien sûr, d’écrire des livres : ceci rapporte de temps à autres quelques maigres droits d’auteur, mais ne compte pas lourd dans le palmarès. Sont à déconseiller notamment tous ces ouvrages introductifs ou tous ces manuels qui apporteraient un peu d’aide aux étudiants. Le rôle des enseignants chercheurs n’est pas d’écrire des livres pour les étudiants ! C’est clair !
– A publier à plusieurs : je te cosigne tu me cosignes par la barbichette.
– Dans la mesure où l’on n’a rien de très original à dire, il est préférable d’écrire des choses atypiques voire fausses (si vous trouvez une revue pour le faire), et vous trouverez beaucoup de gens pour vous citer en disant que vous avez tort.
– Il peut être bon, aussi, de s’entre-citer les uns les autres, bien sûr, voire de ce citer soi-même.
– Les plus chanceux auront un homonyme productif.
– Naturellement, comme tout est suspendu à l’avis d’un comité de lecture, on a tout intérêt à plaire aux membres de ce comité qui se constitue généralement par cooptation. Il peut être bon de pratiquer la bassesse et la servilité. Le nec plus ultra est de faire partie de ce comité !
– On évitera soigneusement toute pensée ou toute conclusion novatrice risquant de heurter le conservatisme de nombre de ces comités.
Toutes ces contraintes posées, la liste des grands chercheurs qui nous ont précédé risque de ne pas être longue.

 

P.S. Que mes collègues m’excusent, j’ai probablement oublié deux ou trois ou quatre grosses ficelles. La perversion des systèmes pervers est sans limite. J’espère que beaucoup me citeront pour dire que je suis un crétin, mais, malheureusement, lemonde.fr n’est pas une revue scientifique de catégorie A.

 

Chroniques des abonnés du Monde – 18/06/2009

Bakounine