
Il est probable que les arguments développés autour de la querelle sur l’organisation de la semaine scolaire ne sont pas tous totalement scientifiques. Ceci étant, il n’est pas certain que le ministre se soit appuyé sur des données scientifiques pour prendre sa décision. Sans doute a-t-il considérablement pris en compte le désir des parents.
Mais peut-on aussi croire que la bonne solution puisse existe sans prendre en compte la position de tous les membres de la famille. J’ai tendance à penser que les parents qui travaillent dur pendant 5 jours par semaine auront tendance à ne pas aimer se lever tôt un sixième jour pour conduire leur enfant à l’école. La question du synchronisme des temps de travail des parents et des enfants ne doit pas être écartée, même si, pour des raisons physiologiques et psychologiques évidentes, on ne peut appliquer aux enfants les rythmes et les contraintes des adultes.
Mais j’ai aussi tendance à penser que les rapports sociaux dans les groupes sont affectés par le fait que les membres se sentent plus ou moins bien. Ce qui n’est certainement pas une grande découverte.
Il est donc capital que l’école ne soit pas ressentie comme une contrainte par les familles. Ce postulat pourrait d’ailleurs être étendu à tous les aspects de la vie scolaire, car, sur ce point, on ne sent pas vraiment un esprit de coopération.
Venons-en à la question des rythmes scolaires. Est-il imaginable qu’on puisse demander à des maîtres et à des élèves de faire en 4 jours ce qu’on faisait autrefois en 4 jours et demi ? Bien sûr que non. Une fois ceci dit, on a terminé. Il n’y a qu’à diminuer l’ampleur de ce qu’on demande aux enfants.
Je vois d’ici se dresser les tenants de l’apprentissage frénétique qui vont se désespérer du fait que les enfants apprendront encore moins de choses et que… et que !
Et que quoi ?
La première affirmation et la plus forte que j’énoncerai, et qui ne sera assurément pas démentie par mes collègues chercheurs en psychologie spécialistes de l’apprentissage est qu’il n’y a pas de relation entre la durée d’un apprentissage et la qualité de celui-ci. Tout le monde sait bien que des facteurs méthodologiques et motivationnels sont en jeu. Un chercheur nommé Claude Dague avait démontré, il y a une quarantaine d’années que l’âge moyen d’apprentissage efficace de la lecture était 6 ans 9 mois. Age moyen qui est loin d’être celui d’entrer au CP où l’on entre en principe à partir de 5 ans 9 mois. De fait, seuls les plus âgés au début du CP ont la maturité psychique suffisante pour être capables d’apprendre à lire. Par contre, si l’on commençait l’apprentissage effectif de la lecture un an plus tard, presque tous les enfants seraient aptes et ceci se passerait en deux coups de cuillers à pot.
Sur cet exemple, on peut reconstruire tous les apprentissages de l’école élémentaire au lycée. On s’y prend bien souvent trop tôt. Et l’on perd du temps.
Et comme on s’y prend souvent mal…
La question n’est plus alors que « doivent apprendre les enfants en telle classe et pendant telle durée ? », mais « que peuvent-ils apprendre ? A quel âge ? Et pendant quelle durée ?». A partir du moment où la question sera posée de cette façon, la solution viendra plus facilement.
Il ne restera plus qu’à déterminer le temps qu’on estime devoir consacrer aux apprentissages scolaires en fonction des critères physiologiques, psychologiques et sociaux. On commencera par s’apercevoir que la semaine des lycéens et de certains collégiens dépassent bien les 35 heures y compris cette énorme connerie qu’est le travail du soir à la maison. Après 6 ou 7 heures de cours. On s’interrogera aussi sur la durée des cours. On sait bien que les adultes décrochent au bout de 45 à 50 minutes. On s’interrogera aussi sur la durée et l’organisation de la journée scolaire en regardant dans les pays autour de nous, ce qu’on fait depuis des décennies, et surtout en s’inspirant de ce qui est utile. On pourrait aussi ne pas oublier ce que certains précurseurs ont fait de bon. Je pense, en particulier, à Celestin Freinet.
Je suis loin de penser que l’école ne sert à rien. Mais tout ne sert pas à quelque chose. L’école français, héritière de l’ennui scholastique est, pour une large partie, un grand bizuthage. Quand on aura compris cela, on pourra alors commencer à préparer une réforme sérieuse.