La loi Olivennes: un combat d’arrière garde

La loi Olivennes: un combat d’arrière garde

Les députés français ont montré, une fois encore, leur totale déconnexion du monde réel. Je suis prêt à parier que la majorité d’entre eux ignore totalement ce qu’est Kazaa ou EMule ou ce que veulent dire peer-to-peer ou BitTorrent. Ils n’ont certainement pas pris conscience de l’immense révolution des rapports sociaux associée au développement d’Internet où des gens échangent des points de vue ou des données avec des tiers qui sont souvent des inconnus. Internet offre un moyen de communication souple, non intrusif : on peut lire ou expédier quand on veut, ce n’est pas comme l »impératif appel d’une sonnerie téléphonique.

Cette ignorance par les politiques des innovations de l’Internet s’est grandement manifestée lors des dernières élections municipales. Tous les candidat qui ont voulu ouvrir un site ou un blog et qui ne se sont pas adressés à des spécialistes n’ont guère fait plus que reproduire tracs et affiches, sans tenir compte notamment du caractère individuel de la communication sur la toile. Même les générateurs de spam le savent qui envoient leurs détritus à des identifiants bien déterminés. Et chaque fois qu’ils le font mal (et heureusement c’est fréquent), le spam se démasque aisément.

Pendant ce temps, les majors du disque, qui se sont construit des trônes dorés courent après l’évolution technologique qu’ils ont eux-mêmes soutenu et dont ils tirent profits sur d’autres segments économiques, se lamentent de la diffusion d’oeuvres sans perte de qualité et sans qu’un centime leur revienne. Nous voici dans la même situation qu’au moment de la généralisation de la photocopie de qualité, pour l’oeuvre écrite. Ce qui conduit d’ailleurs à un premier distingo: il y a les droits du créateur, de l’auteur, d’une part, et de ceux des fabricants du support, d’autre part. Ceux qu’on entend crier le plus fort ne sont d’ailleurs pas les premiers qui, au demeurant, pourraient se sentir le plus en danger.

Dans la situation actuelle, on est conduit à constater que la diffusion de l’oeuvre peut effectivement échapper à la rémunération, alors que le concert, lui, ne peut être vu et entendu que par ceux qui ont payé leur place. Ceci nous ramène un siècle en arrière, avant l’invention des moyens de reproduction sonore et l’on ne peut pas dire que ceci chagrine beaucoup. Car où est la place de l’artiste, sinon sur la scène où il ne peut guère tricher, sinon dans une moindre mesure ? Au fond, on pourrait dire que les artistes doivent gagner leur vie en se produisant en public. Ce qui est sain.

La diffusion sur Internet ouvre, de surcroît, une porte de promotion d’artistes dont les sociétés de disque n’ont jamais voulu. Ce qui est aussi, au demeurant, fort bien. Ainsi peut-on librement se faire connaître sans filtre aucun et, ma foi, peut-on se faire une certaine notoriété et se retrouver sur une scène, si on le mérite. Rien là que de bien moral. Mais si les artistes qui le méritent peuvent trouver une rétribution dans les concerts, les majors du disque eux, peuvent finir par être laminés. C’est alors la preuve qu’ils ne sont pas indispensable, voire que leur action sélective antérieure était nuisible. C’est darwinien : ils vont disparaître.

Nos députés n’ont rien vu de tout cela. Ils se sont jetés, sur la pression des lobbies, dans une voie répressive qui, de plus, semble fort malaisée à mettre en oeuvre. Ils sont comme le député Berson qui fit voter, il y a vingt ans, une taxe sur les magnétoscopes. D’ailleurs les taxes existent déjà, sur les disques durs, les CD et les DVD vierges…, taxes qui plombent le marché français, les internautes ayant toutes les facilités que l’on sait pour s’approvisionner eu Luxembourg ou ailleurs.

Et voici que ces députés demandent aux providers, mais aussi aux responsables informatiques des entreprises, mais aussi aux parents, mais aussi à ceux qui ne savent pas protéger leur routeur Wifi par une clef WEP de surveiller les paquets d’octets qui circulent. Ce qui, au demeurant, ressemble fort à de l’espionnage de correspondance privée. Tout ceci semblerait puéril si ce n’était pas dangereux.

C’est tellement plus simple que de réfléchir pour trouver un autre modèle économique. Et, de toute façon, qu’ils ne s’inquiètent pas. Les internautes trouveront la parade dans les instants qui suivront.

Bakounine