L’Irlande dit « non »

L’Irlande dit « non »

Comme il est certain que les Irlandais n’ont pas voté « non » juste pour enquiquiner Sarkozy, il doit y avoir évidemment d’autres raisons. Des raisons qui semblent échapper à beaucoup de commentateurs de l’évènement qui se désolent qu’un pays qui a tant bénéficié de la Communauté Européenne puissent produire un tel vote. Et pourtant, ce résultat est bien celui-là, malgré toutes les pressions qui ont était faite sur les électeurs au point qu’il a dû falloir une certaine dose de courage pour résister.

Et l’on constate que lorsqu’on donne la parole aux électeurs, ils ne sont pas d’accord avec le traité, quelle qu’en soit la forme.

Pas d’accord avec qui, avec quoi ?

Les électeurs, notamment dans les milieux « populaires » ne sont pas d’accord avec la poussée des hommes politiques qi veulent les emmener vers une Europe dont ils ne veulent pas. Cette Europe s’est déjà montrée technocrate et froide, prenant ses décisions sur de nombreux sujets sans que les habitants aient été consultés. Voyons l’exemple des quotas de pêche qui, même s’ils sont justifiés, ont été décidés la-haut à Bruxelles, sans que les pêcheurs aient le moindre sentiment d’avoir été associés à la décision. De même pour les dérégulations permettant aux travailleurs de voir arriver dans leur pays des concurrents réel ou supposés tels (voir l’exemple des plombiers polonais). C’est devenu criant, avec l’adhésion précipitée de certaines mations de l’ancien bloc de l’Est. Ce n’est pas dire qu’il ne fallait pas s’ouvrir. Bien sûr qu’il le fait, mais à petits pas. Quel intérêt d’intégrer totalement et sans réserves la Roumanie quand la Grande Bretagne ne l’est pas encore complètement et campe sur des positions nationalistes ?

C’est une Europe froide, centrée sur l’économique et le profit, livrée au libéralisme et au capitalisme sauvage et incapable de faire face au n’importe- quoi- pourvu- que- cela- produise- du- fric mondial. Les technocrates ne comprennent pas que les citoyens n’ont que faire de la libre concurrence. Ils attendent des gouvernants qu’ils les protègent ce que seule une économie administrée peut faire. Ils attendent justement des états ou des institutions qu’ils aient un rôle régulateur.

Le Traité Constitutionnel était déjà incompréhensible. J’ai dit, il y a quelques mois, que ce n’était pas une Constitution, mais un concordat de notaires. Et nombre d’électeurs français qui ont voté « oui » ne l’avaient même pas lu et s’en sont remis à ce que les politiques avaient dit. Et dès qu’on commençait à faire l’effort de le lire, on se rendait bien compte de ce qu’il était pour l’essentiel: des règles de partage du butin. On a fait croire que le Traité de Lisbonne était simplifié. En quoi ? Qu’y avait-il de véritablement différent ? Personne n’a pris la peine de l’expliquer, sans doute parce c’était inexplicable.

Les peuples d’Europe ne veulent pas d’un concordat de notaires, pas plus que d’un traité économique. Ils veulent autre chose. Ils veulent une Europe qui ait un projet mondial qui se montre bien au dessus des mesquins intérêts de Washington et de Moscou. Ils ne veulent pas d’une Europe

 

notolisbon.1213385195.jpg

Ils veulent autre chose que le contre-coup de la crise des subprimes et la spéculation sur le pétrole. Ils veulent, conformément à l’histoire, une Europe sociale et humaniste qui ait pour objectif d’assurer une vie convenable à chacun et non point l’enrichissement ostensible et odieux de quelques uns.

Ils veulent tout ce que ces gouvernements valets du grand capital semblent incapables de leur offrir : des conditions de vie acceptable pour eux, leurs enfants, mais aussi pour tous les peuples du monde entier. C’est un chant que les politiques ne veulent pas entendre. C’est la raison de son refus d’organiser un deuxième référendum et d’opter pour la voie parlementaire. Et maintenant, il est comme tous ceux qui ont eu peur de la voix du peuple: il est bien avancé !

 

Bakounine