Les joyeusetés de la réforme de la formation des enseignants

Les joyeusetés de la réforme de la formation des enseignants

Il était une fois un pays où l’on trouvait que la formation des enseignants coûtait trop cher. En particulier, il y avait cette satanée habitude de les payer pendant la période où ils effectuaient leur longue préparation dans des établissements spécialisés. On décida alors de leur faire suivre des cours universitaires plus longs, mais gratuitement, comme un vulgaire étudiant, de leur faire passer un concours et hop ! de les balancer dans des classes.

Dans ce pays, il y avait un professeur de langues. Appelons là, Madame Langlaise, ce qui lui évitera de subir des avanies de sa hiérarchie au cas où on la reconnaitrait. Pourtant, toute cette histoire est inventée, je le jure, et toute ressemblance avec une personne ayant existé ne saurait être que le fruit d’un hasard… d’un hasard fortuit. Mais, on ne sait jamais. La fortitude réserve parfois bien des surprises.

Madame Langlaise enseigne depuis 25 ans et se trouve être nommée « à titre définitif » depuis 1988 dans un poste dans un petit collège de Quelque part sur Lignon, un chef-lieu de canton paisible d’une académie dont le nom m’échappe fortuitement. À côté d’elle, un autre professeur d’anglais, Monsieur Ubiquite, partage son service, pour moitié dans cet établissement et moitié dans un autre. Cette situation est peu confortable, car elle ajoute à la complication de l’emploi du temps, des transports un peu longs. Aussi, Monsieur Ubiquite prépara le concours de Vizir des Collèges et fut reçu. Madame Langlaise s’attendait donc à faire connaissance avec un nouveau ou une nouvelle collègue qui remplaceraient Monsieur Ubiquite amené à prendre d’autres responsabilités.

Et pendant ce temps-là, le Directeur des Ressources inhumaines était en train d’établir la répartition des emplois pour l’année à venir. Tout aurait été simple s’il n’y avait le problème du jeune Monsieur Bizuth de Galles, récemment titulaire du Capesse d’Anglais auquel il fallait donner une affectation. Le départ de Monsieur Ubiquite tombait à pic et Madame Langlais ferait, compte tenu de son expérience, un excellent responsable de stage, mais…

Mais il s’avérait qu’il était totalement impossible nommer un jeune professeur d’anglais débutant, frais et rose, sur un poste dichotomique. Car, en plus de son inexpérience insondable, il devrait assurer plusieurs niveaux différents sur les deux sites. Très compliqué.

Sur ce plan, le Directeur raisonnait avec une raisonnable raison. Il décida donc, sans s’embarrasser, de placer Madame Langlais sur le poste de Monsieur Ubiquite, elle-même remplacée par Monsieur Bizuth de Galles dont elle serait naturellement tutrice.
Naturellement, il était capital de n’informer Madame Langlais qu’au dernier moment afin d’empêcher toute mobilisation en sa faveur pour défendre ce cas indéfendable d’une enseignante de 50 ans qui ne voudrait pas être traitée comme de la chair à saucisse. Voilà un Directeur des Ressources inhumaines qui connaît bien son métier.

On raconte que, dans ce pays, les enseignants ont une tendance fâcheuse à cumuler les arrêts pour maladie et autres attitudes vicieuses qui compliquent tout. On raconte même qu’il y en a qui poussent l’audace jusqu’à se suicider. Heureusement que dans cette histoire, toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées ne serait qu’une fortuite coïncidence.

Bakounine