Musée de la Marine : tristes phares

Musée de la Marine : tristes phares

Pour chacun d’entre nous, le phare a quelque chose de magique. Le phare, c’est ce lieu éloigné de tout, battu et rebattu par les vents, les vagues et les embruns, où une paire d’hommes assure chaque soir l’éclairage qui permettra aux navires de ne pas se briser sur les récifs. Le phare, c’est tout ce qu’on ne sait pas : qu’il bouge sous les coups de boutoir de la mer en furie. Oui, il bouge ! Et d’autant plus, évidemment qu’on se trouve haut dans la tour. Que l’humidité ruisselle de partout et qu’on a du mal à sommeiller dans des draps secs. Qu’il arrive parfois que c’est le pain qui est sec, quand la tempête empêche la relève d’accoster.
Le phare, c’est aussi cette construction prodigieuse qu’il a fallu des années pour ériger. Sur la roche d’Ar Men, ou de La Jument, ou de Kereon qui ne sont visibles que deux fois par an, aux marées d’équinoxe pour autant que la houle ne soit pas trop forte. Alors, combien d’années pour qu’on puisse édifier les premières fondations et le premier mortier assez solide pour qu’il puisse recevoir toute la tour.
Le phare c’est aussi cette lumière, d’huile aux origines, puis de pétrole, puis électrique, qu’il faut allumer avec toutes les précautions pour qu’elle soit belle et ne s’éteigne pas. Car désolante, humiliante même, est la perte de la lumière.
Le phare, c’est le fruit de la décision de la création en 1791 par la Révolution Française, de ce qui deviendra le Service National des Phares et Balises.
Le phare, c’est aussi l’invention d’un ingénieur français, Augustin Fresnel, inventeur de cette fameuse « Lentille de Fresnel » qui équipera peu à peu tous les phares du monde.
Alors, je m’attendais à qu’on m’enthousiasme. Qu’on me rapproche du phare d’Alexandrie. Puis qu’on m’achemine depuis le phare de Cordouan vers les grandes réalisations du XIXème siècle. Et si Cordouan eut droit à une salle entière, pour les autres, ce fut portion congrue. Des grimoires, des maquettes, déposées ici et là dans un ordre inapparent. Et tant qu’à utiliser des moyens contemporains, plutôt que ces rapides bouts de films, pourquoi n’avoir pas construit la réplique de la salle de veille de La Jument ou de Kereon Men Tensel (la pierre hargneuse).
On aurait pu aussi développer les explications scientifiques avec un peu d’optique. On aurait pu expliquer ce qu’est la distance focale, ce qu’on raconte aux élèves de 5ème qui s’en fichent éperdument à ce moment là. On aurait pu détailler un peu les prismes. Enfin tout ce qui faut pour que la lumière qui se barre dans tous les sens se trouve canalisée par la lentille de Fresnel bien plus efficace que l’ancienne parabole.
On aurait pu s’attarder un peu plus qu’avec un petit jeu ridicule et qui fonctionne mal sur le sens de la fréquence des éclats et de leur couleur. Ne serait-ce qu’expliquer pourquoi le Phare de St Mathieu qui produit un éclat toutes les 15 secondes fait un tour en 30 secondes. A cette occasion, au aurait pu s’intéresser, ce qu’on ne voit nulle part dans cette exposition, à la solution technique de la rotation régulière et sans frottement qui fut recherchée pas toutes sortes de moyens pour finir dans le bain de mercure.
Ajoutons à cela cette manie de l’audio-guide ou chacun se ballade sans échanger un mot avec autrui tant son ouïe est compulsivement enchainée à ce petit machin qui lui ôte toute permission de penser par lui-même.
Cette exposition est d’un autre âge, conçue sans doute par des conservateurs érudits et sénescents qui ont imaginé qu’en posant des petits bouts de machin les uns à côté des autres, ils feraient une somme. Ils l’on fait. Mais la somme est mesquine et ratatinée.
Le vent de Sud-Ouest ne souffle pas sur l’océan et la houle ne se gonfle pas et les embruns ne nous fouettent pas le visage.
Bof ! Cette exposition sent le Drummond Castle

Bakounine