Que veulent donc ceux qui nous gouvernent ?
– Évaluer les enseignants-chercheurs. Mais ils le sont déjà chaque fois qu’ils demandent une promotion ou une dotation particulière pour un projet de recherche. Mais les faire évaluer par d’autres qui n’appartiennent pas à leur discipline est une absurdité puisque ces évaluateurs ne sont pas compétents dans la discipline. Comment des historiens pourrait-ils évaluer des physiciens ?
– Encourager à tout va la production d’articles dans les revues scientifiques, comme c’est le cas aux USA, au prix du risque de travaux superficiels, voire frauduleux. Et c’est tuer dans l’œuf tout projet d’ouvrage ou de thèse magistrale, puisqu’il faut publier vite, vite et beaucoup.
– Augmenter le temps d’enseignement des enseignants-chercheurs qui cherchent dit-on, moins ou mal (sur quels critères ?) est stupide : les « mauvais » chercheurs seraient-ils de meilleurs enseignants ? Ou n’est-ce pas plutôt un artifice, au final, pour demander plus d’heures de cours à tout le monde ?
– Donner des pouvoirs très importants aux présidents d’université sur le modèle des chefs d’entreprise des sociétés anonymes, non seulement sur l’administration de l’établissement, mais aussi sur des domaines de recherche et d’enseignement dans lesquels ils ne sont pas nécessairement compétents. D’où le slogan des contestataires de la réforme : « l’université n’est pas une entreprise ».
– Favoriser la recherche dans des secteurs « rentables » producteurs de brevets. Pourquoi pas ? Mais la recherche fondamentale, celle qui permet de trouver des choses dont on ne saura que dans longtemps si elles sont utiles ? Et que deviendra la recherche dans des domaines culturels ou sociaux peu marchands (lettres, histoire, sociologie, etc) ? D’où le slogan des contestataires de la réforme : « le savoir n’est pas une marchandise ».
– Diminuer la préparation des enseignants du premier et du second degré notamment en grignotant sur l’année de stage au risque d’envoyer sur le terrain une majorité d’enseignants mal ou non préparés à rencontrer les populations scolaires de ce temps.
– Utiliser les jeunes chercheurs (doctorants) qui bénéficient actuellement de bourses, comme assistants d’enseignement au détriment du temps disponible pour leurs recherches.
Que des gens d’horizons philosophiques ou politiques si différents se soient levés ensemble contre ces projets, cela doit bien vouloir dire quelque chose. Pourtant la soi-disante réforme est en route.
L’idée d’une loi d’autonomie aurait pu être un formidable levier d’épanouissement de la qualité scientifique française. Mais l’application de ce qui a été voté dans des décrets tous plus mesquins les uns que les autres n’en font qu’un outil à courte vue qui conduira nécessairement l’Université Française à l’appauvrissement budgétaire et à l’asservissement à l’économie de marché. Aujourd’hui, Copernic, Pasteur, les époux Curie n’auraient eu qu’à se taire.
(1) Comme tout résumé, ce document n’entre pas dans les détails des analyses. Mais il peut permettre à tout un chacun de comprendre ce qui agite et agitera longtemps le monde universitaire.
Chronique parue dans les Chroniques des Abonnés du Monde, le 19 mai 2009
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