Présidentielles: le résultat
Dans ce pays, on aime les inégalités.
A cette heure (17 heures), certains connaissent déjà le résultat. Mais n’ont pas droit de le dire. Mon cul !
Et, en plus, on emmerde les sites web des journaux des pays voisins qui sont obligés d’alléger leur site, de le réduire à une page d’accueil, avec quelques lignes et quelques chiffres. Mais pourquoi tout ce bordel ?
La vraie réforme serait d’interdire les sondages à la sortie des urnes. Et d’attendre, comme il se devrait dans une démocratie respectueuse des électeurs, le résultat des dépouillements.
18H25: Tous les blogs donnent les résultats. Pas moi, parce que maintenant il faut craindre pour ses fesses. Tiens, à propos, on dit que Jauni chantera ce soir. Est-ce un signe ?
Sarkozy va gagner – Ceci est mon testament
J’écris cela aujourd’hui. Et pas demain. Comme cela on ne pourra pas dire que la défaite me rend amer, puique cette dernière n’est pas tout à fait certaine.
Dure journée que celle d’hier. Voici que les sondages qui donnent Sarkozy gagnant s’ajoutent les uns aux autres ! D’abord incrédule puis, petit à petit le sentiment qu’un rêve est en train de prendre fin. Voilà 41 ans que j’ai le droit de vote et, dans toute ma vie, si peu de temps pour un vrai régime de gauche. Même sous Mitterrand ! Quoi, les premières années, peut-être. Car Mitterrand n’est pas vraiment un homme de gauche, on le sait bien. Si, peut-être, quelques belles et rares rencontres. Bergovoy, sans aucun dote. Pierre Mauroy probablement. Mais tant d’autres faux et faux culs que je ne nommerai pas et qui se pavanent encore. J’ai peut-être rêvé. Je ne le saurai jamais. Mais Ségolène donnait l’impression d’une ou deux pointures de sincérité en plus. Ce n’était pourtant pas le grand soir !
Et puis aussi le sentiment que de décennie en décennie, ça va de mal en pis. De Gaulle c’était de Gaulle avec toute son histoire et malgré toutes les critiques qu’on peut faire à son monde bourgeois militaire bien-pensant et réac, ce n’était pas le CAC 40. Pompidou était plus près de la banque, mais quel humaniste ! Giscard aussi était humaniste. Social un peu cul-cul, un peu raide de sa particule et de son milieu en contradiction avec les petits-déjeuners qu’il voulait avec le peuple et son goût pour l’accordéon. Même Chirac. Un homme qui a eu pendant quelques mois dans sa jeunesse des penchants communistes ne peut être tout à fait mauvais. Malhonnête sans doute, mais pas vraiment mauvais. C’est comme son côté peuple paté saucisson et tête de veau sauce gribiche. Ce type-là n’enverrait pas l’armée tirer sur une manif ouvrière.
Sarko est capable de le faire. Et il le fera sans doute. Chez lui, rien. Tout est froid, glacé, tendu vers l’objectif. Pas d’anthologie de la poésie française, pas d’accordéon, pas de tête de veau. Un mec qui ne boit même pas un verre de vin. Il ne doit pas jouir d’autre chose que de l’exercice du pouvoir. A 20 ans, disent des témoins, il s’était programmé pour être président et pendant trente ans, il a menti et trahi tout le monde pour le devenir. Et maintenant, parvenu au terme de sa course insensée, entouré de vassaux et sans vrais amis, citant Jaurès sans rien en connaître, ignorant tout de la vie parce qu’il a passé la sienne dans son idée fixe, il ne lui reste plus qu’à disjoncter dans l’exercice de son pouvoir absolu. Un homme qui a tant trahi et tant menti ne peut pas être bon.
Et voici que me vient aussi une pensée terrible pour tous ceux qu’on a convaincus de voter alors qu’ils n’étaient pas prédisposés à le faire et dont on dit qu’ils vont gronder demain soir et peut-être aussi s’émouvoir dans l’affrontement. Quel déception, quel outrage pour ces jeunes marginalisés qu’on tentait de remettre dans le droit chemin de la citoyenneté que de voir insolemment être élu celui qui les a traité de racailles. Et tous ceux qui de toute leurs forces tendaient à rester dans les limites de la république. Comment ne pourront-ils pas vivre cet évènement comme le témoignage effrayant du rejet d’une majorité des français vers lesquels ils pourront cristalliser leur haine. Quel renforcement de la « fracture sociale » ! Sans compter que cet échec électoral n’est jamais que le produit d’un vieillissement d’une population qui se recroqueville de plus en plus dans des peurs stupides et des rejets imbéciles.
Et enfin, pour clore le débat, voici que l’impétrant déclare que c’est la fin de la culture de 1968. Et comme il ne sait pas que l’essentiel de la culture de 1968 était un peu de chaleur et de respects humains, il sonne le glas de ce qui reste, si peu, si peu, de ces évènements déjà si lointains.
Une seule touche positive dans la journée: la prise de connaissance de l’éditorial de Jean Marie Colombani en faveur de Ségolène Royal. Au moment où la cause est entendue, cela a quelque chose de pathétique. Au moment où les français s’apprêtent à rejeter celle qui s’était engagée pour une « France juste », il y a de quoi désespérer de l’homme.
C’est fini. La cause est entendue. Dans cinq ans, nous serons encore plus de vieux à n’être pas morts et Sarkozy sera élu par 60% des Français. A quand Pinochet ?
Voilà 40 ans que je vote… en vain
Le tyran
Les gens regardent passer dans le char bariolé la grandeur du très haut personnage
Lui leur rit au nez
La foule applaudit le grand homme riche qui roule dans le carrosse d’or et se nourrit de viande alors qu’elle, elle bouffe des pommes de terre
Le ciel est au dessus de tout cela et dispense aux hommes sa chaleur qui lui fait oublier son malheur
Et le tyran roule toujours sous les applaudissements des foules
Sauf de ceux qui vomissent par trop d’écoeurement sur le bord du chemin
Ce sont ceux-là qui demain matin iront sur l’échafaud de la démocratie mourir pour la liberté des hommes contraints
Et les hommes siffleront et les montreront du doigt comme des prostituées
Oubliant que ceux qu’ils doigtent que ceux-là même dont ils encouragent le supplice sont leurs frères
Ou leurs petits cousins
1962
Bayrou n’a plus le choix: il doit dire qu’il vote Ségo !
Bonjour, Monsieur Bayrou,
Disons-le tout de suite: je n’ai pas voté pour vous. Certains m’avaient dit que j’aurais peut-être dû le faire, car les sondages annonçaient, que, si vous étiez au deuxième tour, Sarkozy aurait été assurément battu. Mais c’est vrai aussi que, si l’on vote au deuxième tour en fonction du second, c’est qu’on n’est plus vraiment en train de voter. C’est pourquoi, au final, Ségolène affronte Sarkozy.
Entre les deux, il semble que vous tentez de survivre et même de cristalliser un Parti Démocrate. Au centre. Quand on a obtenu 18% des voix, voici qui est assurément légitime. Et pourtant cela ne marche pas: la quasi-totalité des députés UDF qui ne considéraient leur parti que comme une soupière tournent leur veste du côté droit. Au passage, ils crachent au visage de tous ceux qui ont voté pour vous. Ils n’en ont que faire, ils n’en ont cure, tant l’idée de perdre leur siège de député leur est insupportable. Vous avez eu beau organiser un très intéressant débat avec Madame Royal, rien n’y a fait. Remarquez que Jean Lecanuet, qui était pourtant bel homme, ceci dit sans vouloir vous offenser, s’est aussi planté.
D’aucuns disent aussi, qu’en vérité, tout cela est manipulation de votre part pour reconstruire un vrai parti du centre après la défaite de Ségolène. Je pense que c’est une mauvaise hypothèse.Si Ségolène perd, on verra se reconstruire un état RPR, comme nous l’avons connu, et sans doute pire. Et là, si vous ne voulez pas perdre votre siège de député, il vous faudra faire la pute avec Sarkozy. Et le connaissant, je crains que ce client ne soit très exigeant.
Vous avez brûlé vos vaisseaux. C’était courageux, mais, malheureusement, vous voici pris au piège. Il ne vous reste plus qu’une seule issue: Vous rendre à Canossa et déclarer haut et fort qu’avec vos quelques vrais fidèles vous allez voter pour Ségolène. Vite. Il n’est peut être pas trop tard.
J’ignore si Ségolène vous en sera reconnaissante. La vie politique est cruelle. Mais vous n’avez plus le choix.
J’espère que ces couleuvres ne seront pas trop dures à avaler.
Ségolène : Quelle belle soirée !
Voici que, pour la première fois depuis que j’ai le droit de vote, j’ai vraiment envie de voter pour quelqu’un. Il y eut Poher contre Pompidou ! Il y eut plusieurs Mitterand, puis Jospin, l’un et l’autre, à des titres divers, n’attirant pas franchement ma sympathie: le premier parce qu’il était évident qu’il était pétri de rondeurs politiciennes, le second parce qu’il donnait aux idées de gauche l’allure d’un éloge funéraire. Car les idées de gauche doivent être joyeuses et combatives. Et Ségolène fut joyeuse et combative. Voilà quelqu’un qui ne s’approprie pas le pouvoir. Voilà quelqu’un qui n’énonce pas un programme tout tracé qui, de toute façon, ne sera pas exécuté et qui sait que rien, dans le gouvernement d’un pays, ne peut être mise en oeuvre efficacement sans une véritable concertation. Et c’est toute la différence entre le pouvoir absolu et le sens de la démocratie, démocratie « participative », qui veut dire qu’on s’efforcera de prendre en compte l’avis des gens.
Si elle est élue et si elle fait ce qu’elle dit, bien des choses changeront. Le fera-t-elle ? Elle est bien la première à laquelle j’ai vraiment envie de faire confiance tant ses paroles me semblent imprégnées d’accents de sincérité. Car on la croit en voyant bien qu’elle ne cherche pas à embobiner par un un discours chafoin et convenu.
Et quand elle s’indigne parce que son adversaire dit qu’il fera ce qu’il a détruit dans la précédente législature, alors on est aux anges. Car pourquoi une Présidente de la République n’aurait-elle pas droit à la colère et à l’indignation ? La seule différence avec d’autres est qu’elle le fait voir devant tous, pas comme certain candidat, qui attend que micros soient partis pour jurer, tempêter et menacer de faire virer tout le monde. Il n’y a pas deux Ségolène. Combien de Sarkozy ? Cette sincérité est un fait vraiment nouveau dans notre environnement politique.
Et face à elle, son adversaire rapetisse. Il devient étriqué, jaune, confus. A chaque instant, on voit bien qu’il ment, que son discours compassionnel ne résistera pas au premier appel du monde qui est le sien, des alliés qui l’entourent et des forces économiques qui le soutiennent.
Bravo, Madame. Pour la première fois depuis plus de 40 ans, j’ai vraiment envie de voter pour quelqu’un.
Les vieux ne devraient pas voter
Jusqu’à 50 ans, nous dit un sondage publié, je crois par Le Figaro, plus de la moitié des électeurs votent pour Ségolène Royal. Après, cela s’inverse pour atteindre 66% d’électeurs de Sarkozy à partir de 65 ans. Voilà une constatation qui mérite qu’on s’y attarde un moment. Parmi tous ces senescents qui vont mettre un bulletin de droite dans l’urne, certains ne verront même pas la fin de la mandature. Si l’on fait une pondération sommaire, en donnant à chaque vote un poids correspondant à l’espérance de vie, les résultats changent naturellement en faveur de Ségolène.
Sarkozy, le candidat des vieux ! Voilà un slogan réaliste.
Monsieur Sarkozy: C’était cela 1968 !
Monsieur Nicolas Sarkozy,
Dans votre discours du 29 avril, à Bercy, vous avez brutalement mis en cause l’héritage de Mai 1968.
Je voudrais vous parler de mai 1968.
J’y étais.
Voyez-vous, Monsieur Sarkozy, comme la majorité des participants aux manifestations de ce mois-là, je n’ai pas lancé un seul pavé. Pas un seul. Certes, il y avait quelques agités pour le faire. Il y en a toujours. Vous le savez bien.
Alors, ne parlons pas de ceux-la, mais des millions de citoyens, de travailleurs, d’étudiants, d’hommes et de femmes qui ont senti que le monde pouvait tourner un peu moins à l’envers et qu’un peu plus de fraternité ne ferait de mal à personne.
C’est vrai que c’est venu de Nanterre. Parce qu’on a voulu, dans un geste stupidement technocratique transporter la Sorbonne dans le bidonville. Ce n’est pas que nous n’aimions pas le bidonville. Les étudiants allaient volontiers boire un thé à la menthe dans les cafés qui se trouvaient alentour. C’est juste qu’une autorité ignorante avait tranché. On avait construit un campus universitaire froid, isolé du monde de la vie et de la culture. Un campus à l’américaine, croyaient-ils. Ceux qui disaient cela n’avaient rien compris.
Et puis c’est venu à la Sorbonne. Savez-vous pourquoi: parce que nous trouvions que les cours que nous dispensaient certains « mandarins » étaient ennuyeux et ne nous préparaient pas vraiment à la vraie vie. Avions-nous tort de penser cela ?
Et puis, les autorités ont pris plaisir à faire les gros bras: le 3 mai, on a fait évacuer la Sorbonne par la police. Historiquement, la Sorbonne était un lieu d’asile. Depuis l’occupation nazie, aucune force de police n’y était entrée.
Alors c’est parti !
Et nous sommes devenus heureux.
Nous sommes devenus heureux parce qu’on rencontrait des gens dans la rue et qu’on se parlait et qu’on se tutoyait.
Nous sommes devenus heureux parce que nous avons cru qu’on pourrait changer les conditions de vie et de travail. Que les patrons respecteraient leurs ouvriers, que les professeurs respecteraient les étudiants et les élèves. Oh, ne croyez pas qu’on ne respectait pas Jules Ferry ! La république voyons, c’est ce que nous aimions et voulions de tout notre coeur alors que le spectacle des institutions et des gouvernants devenait de moins en moins républicain.
Ce que nous avons voulu dire, c’est que l’autorité, quelle qu’elle soit, ne disposait pas de la connaissance absolue pour décider de la vie des gens. Nous avons voulu exprimer que les élèves avaient une culture, que les paysans avaient une culture, que les ouvriers avaient une culture, que les immigrés avaient une culture, que tous nous avions, à des titres divers, une culture et qu’il fallait l’entendre. Et c’est pourquoi nous avons remis en cause toute autorité qui voulait décider pour et au nom des gens qui avaient leur culture et leur droit à la parole.
Nous avons rejeté l’autorité quand elle n’était pas légitime. Celle-là même que vous contestez dans votre discours, monsieur Sarkozy. Celle qui dit « faites ce que je dis, mais pas ce que je fais ». Voyez-vous, nous avons continué à admirer les brillants professeurs… et à dénigrer les mauvais. Nous avons continué à admirer les grands hommes politiques que vous vous êtes approprié de façon indue. Nous avons continué à débattre de Marx et de Trotski comme de Freud et de Ferenczi, de l’existence de Dieu, de la société de consommation (hé oui, déjà !), et du rôle du pouvoir dans la vie politique et sociale.
Voyez, cela n’a pas beaucoup changé…
Et puis nous avons clamé le droit de chacun à la création, à l’épanouissement, à l’innovation, à l’imagination, au rêve, à l’art. A la vie quoi ! A mieux que métro-boulot-dodo. Et nous avons découvert « sous les pavés, la plage ». C’était comme une vibration de l’été 1936. La plage…
Et puis nous n’avons pas oublié le spectacle du monde: le Viêt-Nam, les pays de l’est…
Alors quelqu’un a crié, et nous avons repris en choeur: « Faites l’amour, pas la guerre ».
Oh, combien c’était beau !
Vous ne vous rendez pas compte. Opposer l’image des caresses et des baisers à celle des hommes, des femmes et des enfants qui sont déchiquetés par un obus ou brûlés par une bombe au napalm.
C’était ça 1968.
C’était la fraternité, un grand respect des uns et des autres.
Je crois que le Christ s’y serait trouvé bien.
Après le débat Bayrou – Royal
Le « débat », le « dialogue » entre François Bayrou et Ségolène Royal mérite davantage qu’une simple écoute ou qu’une rapide analyse comme les media ont fait. Les media vont toujours trop vite. J’ai réécouté l’enregistrement à deux reprises, voire à trois pour certaines parties: les commentaires qu’on peut alors faire vont bien plus loin que l’énoncé d’un simple accord sur le sujet du fonctionnement de l’état et un désaccord sur les questions économiques.
On ne doit naturellement pas mésestimer les arrières pensées des deux orateurs. Ce serait innocent de dire qu’il n’y en a pas. Mais ce serait de toute façon aussi stupide de ne voir dans ce dialogue qu’un simple exercice de séduction du citoyen. Avoir décidé au départ qu’il n’y aurait pas de ralliement y était pour beaucoup. Sans doute Ségolène, au fond d’elle-même, aurait-elle préféré le contraire, mais elle savait que c’était impossible et même que si, par extraordinaire c’était survenu, le ridicule eût été énorme. Et, du coup, voilà que le temps a pris moins d’importance. Et malgré les tentatives répétées d’Olivier Mazerolle pour rattraper le temps perdu, le temps de dire et le temps d’expliquer ont pris le pas sur la contrainte du temps imparti.
L’intérêt de ce débat tenait aussi au rôle auquel les journalistes se sont limités. Ils se sont contentés d’une position à la fois stimulante et réservée. Ici, pas question de petits mots ou de petites phrases, pas question de recherche de scoop. Ils étaient là simplement pour recueillir la parole des candidats. Certains ont peut être ressenti piaffer au fond d’eux-mêmes certaines de leurs habitudes profondément ancrées. Mais pour l’heure c’était tout aussi bien ainsi, surtout dans la mesure ou les intervenants s’expliquaient simplement et ne cherchaient pas, de leur côté, à utiliser les journalistes pour véhiculer leurs idées.
Cette simplicité dans les rôles fut, pour une bonne part, dans les conditions de la réussite.
Sur le fond, on peut affirmer qu’il y a plus d’accord entre les deux participants qu’on a bien voulu le dire.
Naturellement, si l’on s’en tient à la lettre de ce qui a été prononcé, on ne peut pas affirmer que les deux interlocuteurs étaient exactement du même avis. Mais eut-on choisi de faire parler deux membres du Parti Socialiste ou du Parti Démocrate, on n’aurait jamais pu obtenir un accord verbatim. Cela n’existe nulle part. Il y a là des convergences et des divergences de diagnostic, d’analyse et de méthode, mais qui forment un réseau beaucoup plus fin et subtil qu’une simple évaluation manichéenne du type accord sur ceci, désaccord sur cela. Souvent, simplement, les termes employés ne sont pas les mêmes, ou ne sont pas synonymes. Si, par exemple, au lieu de dire « intervention de l’état », Ségolène Royal disait « garantie de l’état », ce qu’elle pense très probablement, les distances d’avec François Bayrou sur les sujets qui fâchent le plus, seraient diminuées. Si François Bayrou voulait bien entendre qu’un « Service Public » n’est pas forcément une administration, car un service public peut être concédé ou géré par des structures publiques ou privées, il se trouverait en quelques ondes de pensée plus proche de Ségolène Royal. Mais il aurait sans doute fallu que le débat dure encore quelques heures supplémentaires pour apurer ces prétendues divergences. D’où l’intérêt souligné de se parler et de se reparler et de se parler encore.
Du coup, le débat était-il encore en retrait par rapport à ce qu’il aurait pu être. Mais, à dire vrai, il n’y a aussi des écarts qui ne se réduisent qu’au prix d’un travail réel et quotidien ou d’une discussion prolongée autour d’un repas ou au coin du feu. L’important n’était donc pas de révéler qu’il y avait accord, mais de faire sentir qu’il pourrait y avoir un en étant pragmatique et non dogmatique.
Ajoutons à cela le côté pervers des habitudes encore exagérées par la situation de campagne qui voudrait faire croire que les élus ont la solution des problèmes qui se posent. Car, naturellement, aucun candidat ne se risquerait à dire « je ne sais pas ». Alors chacun y va de son « je vais réformer ceci », » je vais augmenter cela ». Alors on chiffre tout cela en dépenses supplémentaires et l’on ergote sur le coup (approximatif, oh combien !) des mesures. Alors que, dans beaucoup de circonstances, la seule vérité est l’énoncé de principes de base qui soutiendront l’action. Et là, on ressent vite qu’il y a une manière Sarkozy et une manière Royal de rechercher la solution de certaines questions, qui sont bien nettement différentes car elles reposent sur des postulats différents, voire antagonistes. Et quand s’y ajoute des objectifs différents, on est évidemment en pleine opposition.
Concernant donc les débatteurs de samedi dernier, il est, dans la plupart des cas, extrêmement difficile d’affirmer que la manière Bayrou et la manière Royal pourraient être si différentes que cela. Et quant aux objectifs, on a bien vu qu’ils se ressemblaient souvent, sous-tendus qu’ils étaient constamment par une vision humaniste de la vie sociale. Avec ce point de vue, il sera de toute façon beaucoup plus difficile et plus lent d’améliorer, par exemple, la situation sociale de certaines banlieues que d’afficher une politique dure, voire répressive et, à long terme inopérante.
La ligne de partage passe là. Et alors, on sait bien que Ségolène Royal et François Bayrou sont du même côté. Il faut qu’on le sache, il faut qu’on le dise. Il faut même que, parce qu’il a brûlé ses vaisseaux, François Bayrou accepte de le dire ou, au moins, de le faire comprendre sans ambiguïté.
Sarkozy à Bercy : Maréchal nous voilà !
D’un côté, la campagne s’élève. Ségolène Royal et François Bayrou se livrent à un exercice inédit: comparer publiquement et sereinement leurs projets. D’un autre côté, la campagne s’abaisse. Voilà celui qui prétend n’attaquer personne qui prononce des phrases stéréotypées sur ceux qui ont prôné « l’assistanat, l’égalitarisme, le nivellement, les 35 heures ». Ceux-là sont les héritiers de mai 68, soi-disant tenants du « relativisme intellectuel et moral ». « Il n’y avait plus aucune différence entre bien et le mal, le beau et le laid, le vrai et le faux, l’élève valait le maître », a-t-il ironisé.
Voici le discours suprême. Celui du bien et du mal, des bons et des méchants, des travailleurs et de ceux qui profitent du système, des bons français et des mauvais français, ceux qui ont répandu leurs idées laxistes. C’est vrai qu’en 1968, il n’y avait pas si longtemps qu’on avait fini de crier « Paix en Algérie », et qu’on criait encore « Paix au Vietnam ». On avait inventé ce slogan que Sarkozy ne peut comprendre: « faites l’amour, pas la guerre ».
En 1968, Nicolas Sarkozy avait 13 ans. Il ne fera pas croire qu’il n’a rien compris à ce qui se passait. En créant les conditions qui ont facilité la fin d’un pouvoir froid et réactionnaire, nous avons créé les conditions de grandes réformes généreuses: la libéralisation de la contraception et de l’avortement et la suppression de la peine de mort en fut un point culminant. Simplement, un an plus tard, en 1969, c’est la banque et la finance qui prenait le pouvoir. Et ceci n’a guère cessé depuis. Juste un peu moins criant sous Mitterrand.
Il paraît même que Les héritiers de mai 1968 sont même responsables de la « dérive du capitalisme financier ». « La contestation de tous les repères éthiques a préparé le terrain des parachutes dorés et des patrons-voyous. » Daniel Cohn-Bendit et Noël Forgeard, même combat.
Pendant combien d’années, depuis 1968, la droite a-t-elle été au pouvoir ?
Voici donc venu le vrai Sarkozy et le discours manichéen que Pétain n’aurait pas renié. Dans la bouche d’un homme qui, à plusieurs reprises, a trahi ses amis politiques, quelle fourberie.
Chirac a voté l’abolition de la peine de mort. Sarkozy l’aurait-il voté ?