Alors Gérard, t’as les boules ?

Alors Gérard, t’as les boules ?

« Tu ne veux plus être français…? Tu quittes le navire France en pleine tempête ? Tu vends tes biens et tu pars avec ton magot dans un pays voisin aux cieux plus cléments pour les riches comme toi ? Evidemment, on cogne sur toi plus aisément que sur Bernard Arnault ou les héritiers Peugeot… C’est normal, tu es un comédien, et un comédien même riche comme toi pèse moins lourd ! Avec toi, on peut rattraper le silence gêné dont on a fait preuve pour les autres… C’est la nature de cette gauche un peu emmerdée d’être de gauche.
Mais Gérard, tu pensais qu’on allait approuver ? Tu t’attendais à quoi ? Une médaille ? Un césar d’honneur remis par Bercy ? Tu pensais que des pétitions de soutien de Français au RSA allaient fleurir un peu partout sur la Toile ? Que des associations caritatives allaient décrocher leur abbé Pierre, leur Coluche encadrés pour mettre ta tronche sous le plexi ? Le Premier ministre juge ton comportement minable, mais toi, tu le juges comment ? Héroïque ? Civique ? Citoyen ? Altruiste ? Dis-nous, on aimerait savoir…
Le Gérard «national», le rebelle de Châteauroux, le celui qui, s’il n’avait pas rencontré le cinéma, serait en taule à l’heure qu’il est comme tu le disais, le poète de l’écran la rose à la main quand ça devait faire bien d’en avoir une, qui nous sort un «c’est celui qui le dit qui y est»… Tu prends la mouche pour un petit mot et tu en appelles au respect, comme le fayot dans la cour de récré… Tu en appelles à tes gentils potes de droite pour que le grand méchant de gauche arrête de t’embêter… Tu voudrais avoir l’exil fiscal peinard, qu’on te laisse avoir le beurre et l’argent du beurre et le cul de la crémière qui tient le cinéma français… Tu voudrais qu’on te laisse t’empiffrer tranquille avec ton pinard, tes poulets, tes conserves, tes cars-loges, tes cantines, tes restos, tes bars, etc.
Et nous faire croire en tournant avec Delépine qu’un cœur social vibre encore derrière les excès et les turpitudes de l’homme… Nous faire avaler à coups de «han» de porteur d’eau que tu sèmes dans tes répliques trop longues, que l’homme poète, l’homme blessé, l’artiste est encore là en dépit des apparences… Le problème, Gérard, c’est que tes sorties de route vont toujours dans le même fossé : celui du «je pense qu’à ma gueule», celui du fric, des copains dictateurs, du pet foireux et de la miction aérienne, celui des saillies ultralibérales…
Tout le monde ne peut pas avoir l’auréole d’un Rimbaud qui, malgré ses trafics d’armes, fut et restera un poète… à jamais. Toi, tu resteras comme un type qui a fait une belle opération financière sur le cinéma français, un coup de Bourse, une OPA… Tu as transformé tes interprétations les plus réussies en stratégie de défiscalisation. Il doit y en avoir un florilège de répliques que tu as jouées et qui résonnent bizarrement maintenant !
Des répliques de poète, d’homme au grand cœur, d’yeux grands ouverts sur la misère du monde, orphelines de pensée et violées par leur interprète, parce que l’homme a les rognons couverts, mais l’acteur a fait faillite… L’homme est devenu riche mais sa fortune lui a pété à la gueule. Tu sais, ces gros pets foireux dont tu te vantes et que tu lâches sur les tournages en répondant à tes 12 téléphones au lieu de bosser ?
Tu votes pour qui tu veux, et tu fais ce que tu veux d’ailleurs, mais ferme-la, prends ton oseille et tire-toi, ne demande pas le respect, pas toi ! Sors de scène, Montfleury, «ce silène si ventru que son doigt n’atteint pas son nombril !» Et puisqu’on est dans Cyrano, te rappelles-tu de cette réplique, mon collègue, qu’il adressait à De Guiche sauvant sa peau au combat en s’étant débarrassé de son écharpe blanche ? Il demande à Cyrano ce qu’il pense de sa ruse et ce dernier lui répond… «On n’abdique pas l’honneur d’être une cible.» Tu t’en souviens ? Tu devrais… En ce temps-là, tu apprenais ton texte…
On va se démerder sans toi pour faire de ce pays un territoire où l’on peut encore, malgré la crise, se soigner correctement, où l’on peut accéder à la culture quelle que soit sa fortune, où l’on peut faire des films et monter des spectacles grâce à des subventions obtenues en prélevant l’impôt… Un pays que tu quittes au moment où l’on a besoin de toutes les forces, en plein siège d’Arras, sous les yeux des cadets médusés… Adieu. »
Philippe Torreton – Comédien

Libération, 18 décembre 2012

Bakounine

7 commentaires

stochas Publié le23h53 - 18 décembre 2012

Comme par hasard… au moment où des révélations sont faites sur notre ministre Cahuzac… une opportunité magnifique de contre-feu que le PS s’empresse de saisir ! Haro sur Depardieu, « profondément égoïste », « minable », « abonné aux faits divers », responsable de tous les maux de ce pays ! L’ignominie atteint des sommets quand un député EELV en mal de popularité juge bon de s’attaquer au prétendu état de santé de l’acteur pour faire un « bon mot » : « Gérard Depardieu dit vouloir rendre sa carte Vitale et dit ne s’en être jamais servi. Ah bah oui, on comprend mieux maintenant… », et nous avons droit aujourd’hui à une tribune vulgaire, moralisatrice et démagogique d’un ancien conseiller municipal PS (accessoirement acteur, mais honnêtement qui connaît l’oeuvre de Torreton ?)
Les politiciens au sommet de leur art : afin de dissimuler leur propre incompétence et de nous faire oublier que ce sont eux les véritables parasites financés par nos impôts (Torreton est bien placé pour en parler, brillant par son absentéisme au conseil municipal quand il était élu), au moment où les sondages montrent le mécontentement profond du peuple, voilà le bouc-émissaire tombant à point nommé sur lequel nos « humanistes » peuvent vomir leur haine et leur jalousie, abandonnant la bienveillance qu’ils prônent hypocritement à longueur d’année !
La morale de cette histoire : Depardieu ne fait rien d’illégal ; s’il y a quelque chose à blâmer dans cette affaire, c’est cette union européenne de pacotille où chaque pays s’empresse d’attirer les plus riches avec des règles fiscales attrayantes (Belgique, Luxembourg, Irlande…) — encore un échec de nos politiciens.

Bakounine Publié le2h18 - 19 décembre 2012

Je crains, malheureusement, que nos hommes politiques ne soient pas assez malins…

    stochas Publié le1h41 - 20 décembre 2012

    Certes… mais comme il y a tant de personnalités ayant choisi l’exil fiscal, auxquelles aucun reproche n’est fait, je ne pense pas que s’en prendre à Depardieu (et Johnny auparavant) soit innocent : ces deux ont surtout fait l’erreur de ne pas être du bon camp et on cherche à leur en faire payer le prix ! Et si au passage le gouvernement peut ainsi faire oublier ses manquements, c’est « tout bénéf' » !

Francois Publié le22h23 - 19 décembre 2012

Stochas,
La Belgique n’a pas de règle fiscale attrayante, regardez l’impôt sur le revenu, vous vous trompez de cible.
Revenez plutôt à la base du problème, j’allais dire de l’excès, qui est la sur-fiscalité scandaleuse de la France.
Si l’UE, dans un grand élan de pragmatisme qui ne lui ressemblerait pas, se décidait à harmoniser la politique fiscale européenne, la probabilité que la France serve de référence doit être proche de zéro. Au contraire oserais-je même dire, la France bénéficierait d’un allégement fiscal salvateur et verrait probablement le retour en force d’une large communauté expatriée.

    stochas Publié le1h32 - 20 décembre 2012

    Merci pour la précision, François ; je n’avais pas regardé de plus près le régime fiscal belge, mais effectivement, contrairement à celui d’autres pays, il ne paraît pas spécialement conçu pour attirer les entreprises ou riches étrangers mais ressemble simplement à ce qui pourrait (devrait ?) être fait ici pour éviter leur départ : tranche marginale maximale d’imposition sur le revenu à 50%, absence d’ISF.
    Il est assez dérisoire d’entendre les mêmes politiciens qui ont fait tant preuve de « pédagogie » pour nous vendre l’union européenne pousser aujourd’hui des cris d’orfraie suite au départ de Depardieu (les autres personnalités ayant fait le même choix n’ont d’ailleurs pas eu droit au même traitement, mais il est vrai qu’elles n’ont pas soutenu Sarkozy…) ; à croire qu’ils sont irresponsables au point de ne pas avoir mesuré les conséquences de la libre circulation des personnes qu’ils ont tant promue !

Gavroche Publié le22h31 - 19 décembre 2012

On peut effectivement reprocher bien des choses à Gérard Depardieu, le livrer à la vindicte populaire après tout cela permet d’oublier de débattre sur d’autres sujets qui minent notre économie. Bien sur la cible et facile et naturellement le personnage est acariâtre, irritant et nauséabond. Toutefois, Gégé n’est pas responsable des incompétences des politiques qui se complaisent, avec arrogance, en donnant la leçon aux citoyens.

Ces mêmes élus qui souscrivent des emprunts toxiques, qui s’insurgent sur les engagements hors bilan des entreprises et qui en votent à chaque conseil municipal, qui ne prennent pas en compte les alertes sanitaires pour des raisons obscures, qui sont rémunérés par des indemnités et des jetons de présence dans un mille feuilles décisionnel et rémunérateur. Au final ils sont rarement responsables et jamais coupables.

Franchement cette lâcheté emprunte d’immoralité me trouble bien plus que l’exil de Gérard Depardieu.

Raphaël Zacharie de IZARRA Publié le13h06 - 20 décembre 2012

DEPARDIEU CHEZ LES BELGES

Des citoyens français se sentent offensés par le choix de Depardieu de s’exiler en terre belge sous prétexte que la raison de cette fuite est strictement financière.

L’argent est à ce point sacralisé par notre société et les adeptes de ce culte tellement obsédés par ses éclats que TOUT est jugé à travers son prisme. Aux yeux de ces esprits triviaux et mesquins l’argent est la priorité numéro un conditionnant tous les aspects de leur vie sociale, politique, culturelle…

Depardieu s’est abstrait de l’impôt sur la fortune. Il y a donc baisse de profit pour la France. Moi-même je ne nie pas cette vérité. Il y a effectivement perte fiscale pour le pays.

Oui et alors ?

Comme si c’était là l’argument suprême permettant aux “honnêtes gens” d’injurier le “fautif”. L’argent qu’un citoyen soustrait à son état par exil interposé ne donne pas pour autant de droits supplémentaires aux autres membres de la société se considérant lésés (de manière toute subjective d’ailleurs), et surtout pas celui de l’insulter, de le condamner, de le haïr ! Si Depardieu était parti pour la beauté du paysage belge, personne ne lui aurait fait le moindre reproche. Mais dès qu’il est question d’argent, le peuple voit rouge.

Loin de ces considérations vulgaires au sujet de l’argent, j’aimerais rappeler l’essentiel : ce qui fait la spécificité de notre démocratie, c’est la liberté de s’en extraire volontairement, le choix pour tous de s’exiler afin de trouver mieux ailleurs. Mieux selon des critères personnels, culturels, familiaux, matériels, politiques, idéologiques, etc..

Je ne vois pas en quoi Depardieu serait un mauvais citoyen parce qu’il trouve avantage de vivre en Belgique… Au contraire il donne l’exemple de l’espoir et du courage en exerçant sa souveraine liberté de trouver asile hors de son pays natal. Peu importe sa justification. Cela ne nous regarde même pas. Et même si la cause de son départ est effectivement l’argent, où est le mal ?

Le principal est qu’il ait trouvé l’atmosphère belge plus respirable, qu’il se sente plus heureux, plus libre, plus fortuné, plus sage ou plus fou là bas plutôt que chez nous. Que je sache, la constitution française n’exige pas d’explications de la part de ses citoyens en mal d’horizons nouveaux : elle les laisse franchir ses frontières sans entrave ni jugement. Chaque français est libre de quitter sa patrie, quel qu’en soit le motif. C’est cela la grandeur de la république.

Théoriquement.

Malheureusement c’est sans compter ces justiciers de la petitesse se donnant le droit de juger leurs concitoyens pour de viles histoires d’argent, leur sens de la justice se bornant minablement à cette seule forme de réalité qu’ils semblent connaître dans l’existence, ou plutôt la forme de réalité qui leur est la plus chère : la réalité bassement économique.

Raphaël Zacharie de IZARRA

VOIR LA VIDEO :

http://www.dailymotion.com/video/xw0thr_depardieu-chez-les-belges-raphael-zacharie-de-izarra_news#.UM92wm_Rvns

Raphaël Zacharie de IZARRA