Extraits du discours de François Bayrou au Forum des Démocrates: no comment

Extraits du discours de François Bayrou au Forum des Démocrates: no comment

bayrou-main-levee.1190155912.jpgExtraits du discours de François Bayrou au Forum des Démocrates
16 septembre 2007


Les signes multipliés au monde de l’argent, au CAC 40, aux milliardaires, à l’univers du Fouquet’s, la « pipolisation » de la société, les vedettes éphémères, la vedettarisation de la politique, la jubilation des hot-dogs avec Bush père, Bush mère, Bush couple, – et que j’ai aimé ce jour-là que Cécilia Sarkozy ait une angine blanche !- et qu’aussitôt rentré on se précipite, toutes affaires cessantes, pour envoyer le ministre des Affaires étrangères en Irak, pour y dire tout haut ce que l’administration américaine pense tout bas, et que le ministre de la Défense vienne et explique sans précaution, sans introduction, que, toutes affaires cessantes, il faut cesser de « chipoter » et qu’il faut dare-dare rentrer dans l’OTAN, tout cela – chacun des gestes, pris individuellement, pourrait être maladresse, hâte de novice, geste improvisé – eh bien tout cela fait un système, et ce système, je le crois, ce n’est pas le choix fondamental, historique, des valeurs de la France.

Je m’arrête un instant sur cette déclaration du ministre de la Défense sur l’OTAN. On peut discuter, on peut réfléchir, à un nouvel équilibre du monde qui construirait un pilier européen de la défense, qui se placerait face aux Etats-Unis et avec eux, à égalité de droits et de devoir. Ce n’est pas un médiocre sujet de réflexion, Philippe Morillon sait ce qu’il en est. Mais que le ministre de la Défense, dans l’exercice de ses fonctions, à l’université d’été de la Défense, présente ces quarante années d’indépendance ombrageuse de notre pays, comme du « chipotage », comme du « barguignage », ces mots péjoratifs, ces mots condescendants, ces mots qu’utilisent les machos qui se moquent des vieilles filles, alors il y a là en effet une rupture avec ce qui a été la grandeur, l’horizon, non pas le rêve, mais l’idéal d’indépendance de la France dans le monde.

Et pour la première fois, avec des grands mots, avec de grandes figures, avec des citations à la pelleteuse de Jaurès, de Clémenceau, avec le pauvre Guy Môquet que l’on met désormais à toutes les sauces, et les moins séantes ! et dont au bout du compte, évidemment, je le dis avec tristesse, la mémoire sera la première à souffrir, parce que l’émotion vraie va mal avec l’overdose, avec tous ces grands mots, avec toutes ces grandes déclarations, en réalité, au-dessous, l’œuvre entreprise, c’est l’alignement de la France sur le modèle qui domine le monde et, ça durera quelques mois encore, sur l’administration qui l’incarne le plus ouvertement !

 

Le modèle où l’on vénère l’argent, non pas l’économie, non pas la création, non pas l’entreprise, mais où l’on propose l’argent comme valeur. La ministre de l’économie l’a dit, naïvement peut-être, sans nuances. Elle a dit : le but du gouvernement, c’est de « réhabiliter l’argent, corollaire du succès… ».

Je pensais qu’il y avait bien des choses à réhabiliter en France : l’effort, l’esprit critique, l’idée de justice, l’esprit démocratique, la séparation des pouvoirs, le respect des citoyens, l’amour de la liberté, mais j’avoue qu’il ne m’était pas venu à l’esprit que le but d’un gouvernement de mon pays pût être de réhabiliter l’argent. J’avais même l’impression qu’il se réhabilite bien tout seul, dans la société où nous vivons !

Au lieu d’aller dans le sens de l’effort, les premières décisions du gouvernement, les premiers votes de la majorité ont été, au contraire, pour distribuer 15 milliards d’euros que la France n’avait pas, aux plus aisés de nos compatriotes. On a aggravé le déficit du pays alors qu’il fallait le réduire, on l’a aggravé toutes affaires cessantes, pour faire selon le mot du ministre des Finances allemand, des cadeaux à une clientèle électorale.

Le président de la République décide de tout, tranche sur tous sujets, le gouvernement a disparu, sauf ceux qu’épisodiquement distingue la faveur qui vient d’en haut, le Premier ministre est ravalé publiquement au rang de « collaborateur » (je crois qu’il l’a mal pris, il a bien fait), les ministres – on nous en avait promis quinze, ils sont plusieurs dizaines, chacun avec leur cabinet et tout leur appareil, et leur incognito. Chacun pour être bien vu du pouvoir, du président ou de sa femme qu’on décrit comme toute-puissante dans l’ombre, se précipite dans un concours de lèche permanent, le cirage de pompes est devenu un sport national dans notre pays. Les journaux économiques les plus sérieux vous expliquent que les grandes décisions qui vont concerner l’avenir économique de la nation et l’Europe ne peuvent être prises que par le président lui-même, et que derrière chaque grande décision, vérifiez, vous verrez dans les articles, il y a un tel qui est « proche », je ne sais pas ce que sont les « proches », il y a un « proche » du président de la République. Et l’absolutisme présidentiel est devenu tel que le secrétaire général de l’UMP s’est cru obligé de faire une très sérieuse déclaration publique pour dire qu’il va falloir très vite que l’on règle en France le statut de l’épouse du chef de l’État « il faut le faire, dit-il, nous sommes en retard, les monarchies ont traité cette question depuis longtemps » ! Il faut que notre pays sorte de cet archaïsme … En quel temps vivons-nous qu’il faille rappeler au premier responsable du parti au pouvoir que précisément, s’il le veut bien, s’il l’accepte, il y a une petite différence, une nuance, c’est que nous ne sommes pas une monarchie, nous sommes une République et nous avons bien l’intention de le rester !

Bakounine